Le bilan des réformes de 1993 et 2003 est désastreux
Le dossier des retraites est suivi de près par Gérard Beillard, domicilié à Saint-Berthevin, ouvrier dans une entreprise de textile à Laval. Il était intervenu sur cette question lors du congrès MRC (voir Gérard Beillard, délégué de la Mayenne, est intervenu au congrès MRC - 23 juin 2008).
Hier, sur ce blog, il avait traité le problème des retraites complémentaires (voir Les pensions de retraite sont garanties jusqu'à la fin 2010, pas après - 27 avril 2009).
Ayant recherché les positions des centrales syndicales sur la question des retraites, il a retenu celles de La cgt, publiées le 27 mars 2008 sur le site de ce syndicat • La CGT fait 7 propositions.
La CGT : un bilan des réformes, des propositions
Quatre mesures sont pénalisantes :
- Près de 42 ans de cotisations seront exigés pour toucher une retraite à taux plein en 2020. Si plusieurs pays d’Europe affichent des objectifs similaires ou supérieurs, c’est en maintenant des mécanismes favorables de départ anticipé.
- Le taux de remplacement (montant de la pension, comparé au salaire avant retraite) est passé de 50% à 43% en 2008, conséquence de la désindexation des salaires qui servent à calculer le montant de la retraite pour les salariés du privé.
- Une baisse sensible de la valeur des pensions servies par les régimes de retraite complémentaire Agirc et Arrco (20 à 25%, pour une même somme affectée à l’achat de points de retraite).
- Une indexation des pensions servies sur les seuls prix, et non sur l’évolution du salaire moyen. Au bout de 15 ans de retraite, le pensionné aura perdu au moins 20% de pouvoir d’achat par rapport aux actifs.
Le monde du travail est attaché au droit à la retraite à 60 ans.
La présidente du Medef, Madame Parisot, veut reculer cet âge à 62 ou même 63 ans. Le gouvernement fait semblant de ne pas toucher à l’âge de 60 ans, mais allonge sans cesse la durée de cotisation exigée pour toucher une retraite à taux plein correcte :
- En 1993, il a pris la décision de passer à 160 trimestres (40 ans) pour les salariés du privé.
- En 2003, même décision pour les fonctionnaires. Et 164 trimestres pour tous en 2012, puis progressivement 167 trimestres en 2020.
- En 2007, alignement des régimes spéciaux sur la durée de cotisation générale.
Dans les faits, cette exigence sans cesse accrue ne permettra plus aux salariés d’exercer leur droit au départ à 60 ans. La CGT réclame, et elle n’a pas tort, la reconnaissance de carrière complète à 60 ans, en intégrant toutes les périodes d’études, de formation, d’apprentissage, d’activité professionnelle ou d’inactivité forcé (chômage, recherche d’un premier emploi). Bien entendu, le choix de partir ou non à la retraite dès l’âge de 60 ans doit appartenir au salarié, et à lui seul, sans pression de l’employeur.
Il faut assurer l’égalité en matière de retraite.
Les gouvernements successifs ont mis en avant le principe d’égalité pour justifier leurs réformes régressives. Mais, en réalité, ils ont laissé de côté les inégalités les plus criantes.
La reconnaissance des travaux pénibles, dangereux et astreignants, par un départ anticipé à la retraite était réclamée par la CGT et d’autres syndicats, depuis longtemps. Elle était prévue dans l’article 12 de la loi 2003 sous forme d’une négociation interprofessionnelle devant établir la reconnaissance de la pénibilité en matière de retraite. Elle n’est toujours pas effective.
Chaque année, des salariés meurent prématurément en raison de leurs conditions de travail. L’espérance de vie d’un ouvrier est de 7 ans inférieure à celle d’un cadre. La mise en place d’un dispositif immédiat permettant de mettre fin à cette inégalité insupportable, et de réduire ensuite la pénibilité pour les salariés les plus jeunes par un effort sans précédent de prévention, reste à faire.
Le financement du dispositif pérenne de prévention et de reconnaissance de la pénibilité doit être assuré par les entreprises, les branches et un complément interprofessionnel.
Le rééquilibrage de la compensation entre les régimes de retraite.
Les gouvernements, au fil des réformes, ont organisé des transferts financiers entre les régimes. Chaque salarié du régime général paie en moyenne 300 à 400 euros par an à ce titre, les agents publics : 700 à 800 €. 2/3 de ces sommes vont aux régimes de retraite des non salariés (exploitants agricoles, commerçants, artisans).
La CGT n’est pas contre le principe d’une compensation démographique au profit des régimes en situation défavorable, salariés ou non salariés, car cela permet, par la solidarité, de sécuriser la retraite par répartition. Mais elle pose une condition : que les plus favorisés dans les professions bénéficiaires fassent des efforts proportionnels à leurs ressources.
Un récent rapport de la Cour des Comptes a mis en évidence le fait que, par divers mécanismes de forfaitisation et de niches fiscales et sociales, les professions indépendantes, agricoles et libérales, parviennent à réduire leurs contributions. Le taux de prélèvements sociaux, corrigé des effets d’assiette, est de 10 points plus bas pour ces professions jusqu’au plafond de la sécurité sociale. Il est de 30 points plus bas entre 1 et 4 plafonds !
L’épargne retraite
La CGT refuse d’entretenir des illusions à propos de l’épargne retraite et, aussi, des primes sur salaires qui, au moment de la retraite, ne sont pas comptabilisées.
Gouvernement et patronat incitent les salariés à recourir à l’épargne individuelle pour compenser les baisses prévues des retraites. Avantages fiscaux, abondements des entreprises, tout est bon pour favoriser le recours à ces produits d’épargne.
Banques et compagnies d’assurances cherchent à tout prix à placer ces produits, semant de graves illusions sur ce qui reviendra aux salariés le jour de leur retraite.
Ces produits d’épargne sont très coûteux, pour un rendement aléatoire. Les entreprises, qui refusent d’augmenter les cotisations sur les retraites, placent des millions d’euros dans les retraites d’entreprise en capitalisation !
Les failles de ces produits d’épargne collective sont des coûts de gestion trop élevés, par rapport à ceux du système par répartition. Ils viennent s’imputer sur le montant de la rente future. La seule chose que connaît l’épargnant, c’est le montant de sa cotisation. Le niveau de la rente, lui, dépend des fluctuations des marchés financiers et de l’habilité du gestionnaire. Le niveau attendu de la future rente est souvent surestimé.
Pourtant, d’après un calcul de la Fédération des Sociétés d’Assurances, un salarié devrait placer depuis l’âge de 30 ans l’équivalent d’un mois de salaire tous les ans pour espérer au mieux une augmentation de 15% du niveau de ses revenus à la retraite. Quel salarié pourrait placer une somme pareille ?
Alors qu’ils sont mis en place depuis quelques années, il faut demander que soit assurée la plus grande transparence sur ces produits d’épargne collective, notamment sur les coûts de gestion et les niveaux de rente escomptés.
Quant au système d’épargne retraite individuelle, il faut mettre en garde les éventuels souscripteurs. Le choix d’épargner relève de la décision individuelle, mais il ne faut pas confondre produits d’épargne et système de retraite. La CGT a fait remarquer que ce système d’épargne retraite mis en place en Grande-Bretagne a fait faillite.
Le problème financier
La question décisive est celle de l’équilibre financier des régimes de retraite à moyen et long terme. Le trou de la Sécurité sociale n’est pas une fatalité. Depuis 20 ans, gouvernements et patronat ont refusé de donner des moyens complémentaires à la protection sociale et bien sûr aux systèmes de retraite.
Chacun sait bien que la clé principale du financement est dans le développement de l’emploi. Quatre millions d’emplois supplémentaires apporteraient la moitié des besoins de financement nécessaires pour la retraite, via les cotisations. C’est à peu près le nombre de salariés disponibles aujourd’hui pour un vrai emploi.
Le compromis de 2003, passé par le patronat sur le recyclage en faveur de la retraite des cotisations UNEDIC, ne tient pas debout.
- D’une part, que veut dire un excédent UNEDIC quand plus d’un chômeur sur deux n’est pas indemnisé ?
- D’autre part, la priorité dans l’affectation des moyens est dans le retour à l’emploi. Augmenter le nombre de salariés en emploi est la meilleure garantie pour l’équilibre financier de notre système de retraite.
Siphonner les ressources de l’UNEDIC est donc quelque chose d’aberrant. Toutes les organisations syndicales s’étaient opposées à cette mesure lors du rapport Charpin sur les retraites en 1999.
Une priorité doit être accordée à l’emploi des jeunes et des seniors. Six salariés, environ, sur dix ne sont plus en activité lorsqu’ils liquident leurs droits à la retraite. La priorité n’est pas le cumul emploi-retraite, mais le maintien dans l’emploi jusqu’à 60 ans.
Le second problème est celui du déséquilibre dans le partage de la valeur ajoutée, au détriment du salarié socialisé. L’entreprise a réduit sa contribution au financement de la protection sociale.
En 15 ans, la part des cotisations sociales dans le PIB a reculé de 2,5 points, ce qui représente un gain considérable pour les entreprises et un manque à gagner correspondant pour la Sécurité sociale.
La CGT fait cinq propositions pour apporter les ressources complémentaires. Elles sont discutables, mais elles ont le mérite d’exister.
1 – Tous les éléments de rémunérations complémentaires sont à soumettre à la cotisation pour la retraite.
2 – Une contribution sur les revenus financiers des entreprises doit être instaurée, à une juste valeur.
3 – La contribution des entreprises doit être modulée afin de pénaliser celles qui licencient et recourent à une main-d’œuvre précaire.
4 – Le fonds de réserve pour les retraites, dont la fonction de « lissage » des besoins serait confirmée, doit être doté d’une ressource pérenne, à hauteur des besoins, prélevée sur les dividendes versés par les entreprises.
5 – Au bout du compte, les salariés pourraient consentir une hausse de leurs cotisations, afin de permettre l’équilibre des régimes et sécuriser le droit à la retraite pour tous et par répartition, qui est le modèle le plus sûr pour accéder à une retraite convenable et juste, socialement.
Cet article est le 12ème sur ce blog dans la catégorie Les retraites.