Le PS et la gauche ont besoin de penser l’avenir
La participation de Jean-Pierre Chevènement à l’université d’été du PS à La Rochelle a été évoquée sur ce blog (voir Université d'été PS 2009 à La Rochelle : les bases de la refondation - 30 août 2009). Son intervention a été nourrie par le texte présenté sur son blog sous la forme de thèses. Parmi les seize, j’en ai retenu trois, qui éclairent l’ensemble de la réflexion.
Seize thèses pour penser l'avenir
Première thèse : Le cycle néo-libéral se ferme
Le problème de la gauche aujourd’hui est que, confrontée à la grande crise du capitalisme financier, qu’elle a non seulement laissé s’installer mais fortement contribué à mettre ou à maintenir en selle en Europe, en France après 1983, en Grande-Bretagne avec Tony Blair, en Allemagne avec Gerhard Schröder, et en Italie avec Romano Prodi, elle se bat les flancs sans voir quoi d’autre mettre à la place. C’est une crise de l’imagination qui n’est pas sans lien avec une pratique politique opportuniste qui a éloigné de la gauche les couches populaires.
Pour beaucoup de femmes et d’hommes se disant « de gauche », la dictature de l’actionnariat à travers les marchés financiers régentant l’allocation du capital, la production, les échanges et la reproduction sociale paraît être aujourd’hui inévitable et comme procédant de la nature des choses. Sans doute la gauche sociale-libérale peut-elle imaginer quelques correctifs à la marge (RMI, CMU) mais la domination des marchés financiers qui s’est installée depuis trente ans sur les décombres du fordisme, du keynésianisme, de l’Etat-providence et des régulations nationales, semble borner son horizon.
Cette gauche doit donc penser l’impensable : qu’il puisse y avoir un « au-delà » du capitalisme financier, que les marchés financiers ne bornent pas l’horizon de l’Humanité, que ce sont les peuples et les nations qui font l’Histoire et qu’il est temps de remettre celle-ci consciemment en marche.
A une gauche digne de ce nom, il faut donc penser et proposer un dépassement du capitalisme financier à travers des mesures concrètes réalistes et convaincantes. C’est ainsi seulement qu’elle pourra surmonter le discrédit qui est le sien dans les couches populaires, convaincues aujourd’hui que le social-libéralisme n’a été et ne peut être qu’une stratégie d’accompagnement de la mondialisation financière honnie.
Bref, il lui faut être crédible et elle ne peut l’être, comme après Epinay, qu’à partir d’une autocritique, qui vaille rupture aux yeux du plus grand nombre, avec la pratique antérieure.
Neuvième thèse : Une autre logique que celle de l’accumulation financière
Sans prétendre substituer du jour au lendemain un autre système au capitalisme financier actuel, nous pouvons imaginer l’introduction d’une autre logique, politique celle-là, dans le fonctionnement des marchés financiers, en vue de les orienter, de les encadrer voire de les réduire.
Notre première tache sera donc de parvenir à la définition d’un intérêt général mondial et européen dans l’inévitable compétition des monnaies et des économies. La vocation européenne de la France ne se substitue pas en effet à une vocation mondiale plus générale. La France est membre du Conseil de Sécurité des Nations Unies, et figure au nombre des puissances nucléaires reconnues. Elle est la tête de la francophonie, répandue sur cinq continents. Sa diplomatie est une des toutes premières du monde. Son histoire, enfin, la rend comptable de l’avenir des idées républicaines et de l’héritage de la Révolution de 1789, non seulement en Europe mais dans le reste du monde.
Pour ce qui est de l’Europe, la question-clé sera évidemment celle de l’avenir de la zone euro, hétérogène économiquement et sujette à des divergences profondes de politique économique. Cette zone euro n’a pas de pilote. Le traité de Maastricht qui, en matière de change, donne le pouvoir à l’Eurogroupe, n’est pas appliqué. Il faudra amener l’Allemagne à une vision plus coopérative de sa politique économique. La limitation constitutionnelle à 0,35% du PIB du déficit budgétaire, à horizon 2012, ne rendra pas facile cette coopération. Évidemment la question de l’euro est indissociable de celle du dollar.
Le principe de la concurrence ne doit plus s’opposer à celui d’une politique industrielle si possible à l’échelle européenne (par exemple dans le domaine de l’énergie) même si cette politique européenne reste une juxtaposition coordonnée de politiques nationales. Pas davantage le principe de la concurrence ne doit faire obstacle à la réaffirmation du rôle des services publics.
La tâche des Européens, dans l’ordre international, est de ne pas se laisser entraîner dans une quelconque croisade, soit contre l’Islam (mais tel ne paraît pas être l’orientation du Président Obama), soit contre la Russie ou encore contre la Chine, ou plus généralement contre les pays émergents. Les crises favorisent toujours les guerres. À cet égard, la question du « modèle de développement » est centrale pour « penser l’avenir ».
Douzième thèse : La question du modèle de développement est indissociable du dépassement du capitalisme financier
A) La tâche la plus urgente est de remédier aux déséquilibres économiques fondamentaux qui ont engendré la crise.
Déficits abyssaux aux Etats-Unis. Excédents commerciaux et excès d’épargne chez les autres. On n’en a pas pris le chemin. Une relance équilibrée et réellement concertée n’a pas été possible jusqu’ici. C’est un échec du G20. La réforme du système monétaire international a été différée, mais chacun pressent qu’elle ne pourra plus l’être indéfiniment. L’assainissement financier du système bancaire est sans doute loin d’être terminé. L’ubris des financiers guette plus que jamais.
B) Les propositions que j’avance sont des pistes à explorer pragmatiquement en fonction des alliances internationales qui pourront être nouées :
1. Relance concertée des économies dans le cadre d’un New Deal mondial. Un effort supplémentaire sera demandé à chacun (davantage d’épargne aux Etats-Unis, relance du marché intérieur en Chine, sécurité sociale, relance allemande et japonaise, financement du développement de l’Afrique et des PMA).
2. Création d’une nouvelle monnaie internationale de réserve reflétant la place des différents pays dans l’économie mondiale et ayant vocation à se substituer au dollar. L’émission de 250 Milliards de DTS par le FMI est un premier pas. Il faut aller beaucoup plus loin pour aider au développement des pays pauvres.
3. Nouveaux « accords du Louvre », fixant des fourchettes aux parités monétaires (dollar, euro, yen, yuan) afin de parvenir à une concurrence équitable.
4. Redéfinition du mandat de l’OMC (en fonction des principes comme la « concurrence équitable » et la « souveraineté alimentaire »).
5. Plan mondial d’aide à l’Afrique et aux PMA.
6. Contrôle du crédit par la voie de nationalisations bancaires.
7. Réglementation des marchés financiers visant à éliminer les fonds purement spéculatifs.
8. Chasse aux paradis fiscaux et traçabilité obligatoire des mouvements de capitaux, les banques devant être tenues de communiquer à la police et à la justice leurs archives informatiques.
9. Réintroduction d’éléments de planification au niveau régional et mondial par exemple en matière de politique énergétique, d’autosuffisance alimentaire (suspension des négociations agricoles de l’OMC et redéfinition du mandat de l’OMC sur cette base), de planification industrielle, d’eau potable et de grandes infrastructure (assainissement, routes, chemins de fer, hôpitaux, écoles).
Ces propositions seront à l’ordre du jour de notre université d’été à Toulouse les 5 et 6 septembre (voir Le programme final de l'université d'été du Mouvement Républicain et Citoyen et, sur ce blog, le Rappel du programme de l'université d'été du MRC à Toulouse - 29 août 2009).
Cet article est le 115ème paru sur ce blog dans la catégorie Gauche refondation