Le MRC 53 est la structure mayennaise du Mouvement Républicain et Citoyen, qui a pour but de rassembler la gauche républicaine à partir, notamment, des idées de Jean-Pierre Chevènement, l'un de ses fondateurs, qui n'est plus membre du MRC depuis 2015. Le MRC a pris le relais du Mouvement des Citoyens (MDC) après les élections de 2002. En 2022, le MRC est devenu membre de la Fédération de la Gauche Républicaine avec quatre autres organisations politiques.
Inventer de nouvelles réponses économiques
Les contradictions dans lesquelles se débat le ministre de l’agriculture reflètent celles d’un système à bout de souffle, qui peine à relever les défis de l’alimentation du monde au 21ème siècle.
Dans mon précédent article sur la crise laitière (voir Michel Sorin (MRC) : la baisse brutale du prix du lait, inadmissible - 19 mai 2009), j’appelais le gouvernement à revoir sa gestion du lait.
J’ai reçu l’approbation de lecteurs engagés dans la campagne des élections européennes. Ainsi, Jacques Généreux, tête de liste du Front de gauche dans l’Ouest, m’a remercié pour mes « précieuses analyses » et Christine Tasin, n°2 de la liste Debout La République dans l’Ouest (le n°1, Christian Le Chevalier, est abonné à ce blog depuis le début) a invité les lecteurs de son blog à « lire l’excellent dossier » que j’ai réalisé sur le sujet.
Ces appréciations apportent de l’eau à mon moulin : nous devons reconstruire la politique de la France et de l’Europe, en prenant appui sur le refus des politiques néolibérales créatrices d’inégalités et d’injustices partout où elles sont mises en œuvre, c’est-à-dire presque partout dans le monde.
Cela suppose d’inventer des réponses économiques aux attentes sociales, en pensant mondial. La Politique Agricole Commune avait été initiée par Edgard Pisani, avec l’assentiment du président de Gaulle, dans le cadre restreint de six nations, dont la France et l’Allemagne, qui avaient des vues divergentes sur le sujet.
La situation a bien changé en 50 ans. Ce n’est plus la même Europe et la France s’est éloignée de ses principes gaullistes et républicains. Il faut partir des réalités et innover. Cela concerne toutes les forces politiques. La crise laitière est un excellent test de la capacité du gouvernement à s’engager dans la voie de la vraie réforme, celle qui rompt avec le néolibéralisme.
Ambiguïté de Michel Barnier
Le ministre de l’agriculture et de la pêche, Michel Barnier, est l’homme du système, qu’il connaît bien de l’intérieur. Il a été commissaire européen et aspire à le redevenir, tout en dirigeant les listes de l’UMP aux élections au Parlement européen. En tant que ministre, il a conduit la négociation entre les 27 ministres de l’agriculture de l’Union européenne, qui a abouti à la suppression des quotas et des mesures de régulation de la production laitière.
Mais, le 25 mai, à Bruxelles, il dénonçait la réforme de la PAC et la suppression des quotas « Je n’accepterai pas, en ce qui me concerne, la suppression des quotas laitiers, a-t-il dit, demandant de revenir sur cette réforme qu’il avait pourtant qualifiée à l’époque de compromis dynamique, au nom de la présidence française de l’UE » (site du quotidien Le Monde, 27 mai).
Dans un « point de vue » paru le 26 mai dans le quotidien Ouest-France, Paul Burel décrit le passage d’une économie laitière encadrée par des réglementations de la PAC à un système libéralisé mettant nos produits en concurrence directe avec ceux de pays, comme la Nouvelle-Zélande ou l’Australie, dont les conditions de production n’ont rien à voir avec les nôtres. Il reproche au pouvoir politique d’avoir mal préparé la filière à cette évolution.
L'industrie laitière face à la concurrence
Trop de lait au robinet de la production, pas assez à celui de la consommation. Quand l'acheteur russe ou saoudien se dérobe, c'est le producteur de l'Ouest qui trinque. Le manque d'appétit d'un consommateur mondial désarçonné par la crise généralisée explique évidemment, en partie, la colère actuelle dans les campagnes. Mais il est davantage le déclencheur occasionnel que le moteur profond d'une éruption qui s'inscrit dans la continuité de secousses trop répétitives pour être imputées à la seule conjoncture.
En fait, l'industrie laitière française - et plus largement européenne - est en train de vivre en accéléré, et douloureusement, le passage d'une économie hyperrégulée et sécurisée, pour ne pas dire administrée, à une économie de marché soumise aux aléas de l'offre et de la demande. Soumise aussi parfois, pour certains de ses acteurs, à la tentation de croire au miracle de la hausse permanente, comme certains l'ont peut-être fait en 2007 quand le prix du lait s'est mis à flamber.
Faut-il le rappeler, le secteur laitier a vécu longtemps à l'abri d'une politique agricole commune très protectrice avec ses quotas, ses prix garantis, ses aides à l'export. Le grand mouvement de libéralisation de l'économie mondiale mené sous l'égide de l'Organisation mondiale du commerce et profitable, dans l'ensemble, à l'entreprise France, fait tomber un à un les pans de cette protection.
Ainsi, l'industrie laitière, comme les autres, doit apprendre à nager, sans les brassières de la Politique agricole commune, dans les eaux d'une adversité mondiale accrue. Sur un marché global qui perd progressivement ses règles, elle prend de plein fouet la concurrence des gros producteurs néo-zélandais, australiens et autres, qui peuvent élever leur cheptel dans des conditions de prix incomparables, en tirant les cours mondiaux du lait et du beurre durablement vers le bas.
Le hic, c'est que les acteurs de la filière ne se sont pas toujours bien préparés à cette profonde mutation. Le pouvoir politique moins que quiconque, Michel Barnier en tête. Le ministre de l'Agriculture a quelque difficulté à articuler sa nouvelle préoccupation de défense des intérêts français avec ses indéniables convictions européennes, à faire rimer son libéralisme assumé et son interventionnisme naissant. Il tonne aujourd'hui contre « le prix insupportable » du lait, mais il avalisait, il y a un an, la fin du système de régulation minimale des prix qui garantissait, vaille que vaille, les revenus et la paix dans les campagnes.
Il peste à juste titre contre « la seule loi du marché », qui est « toujours la loi du plus fort et du moins disant » mais, depuis la disparition du mécanisme d'entente sur les prix, il a laissé le trio producteur-industriel-distributeur se débrouiller quasiment seul et renouer avec ses vieilles querelles frontales, au risque de voir les plus grands tordre le bras des plus petits et de tarir dangereusement les vocations dans un secteur crucial pour des régions comme l'Ouest.
Du trop de régulation, on est sans doute passé au pas assez de régulation. On en paye aujourd'hui le prix. Au pire moment, dans l'urgence, y compris électorale, qui n'est pas forcément bonne conseillère.
Le marché des produits laitiers est de deux sortes : les produits de grande consommation (yaourts, fromages) bien valorisés et les produits industriels (beurre, poudre de lait) moins bien valorisés. A noter que la chute actuelle des prix est liée aux problèmes de débouchés, notamment de la seconde catégorie. Les coopératives laitières proposent d’en tenir compte dans le prix payé aux producteurs (Ouest-France, Jean-Paul Louédoc, 21 mai).
Prix du lait : les propositions de Coop de France
« Prix différenciés pour des volumes différenciés ». Pour Gilbert Keromnès, président de la section laitière de Coop de France Ouest, ce système à deux vitesses directement lié aux débouchés « est une voie à explorer pour sortir de la crise ». La fédération des coopératives travaille depuis longtemps sur ce dossier. Des contrats prototypes existent, mais il faudra passer par une phase expérimentale avant une application à grande échelle.
Gilbert Keromnès donne un exemple : « Le producteur s'engagera individuellement et contractuellement auprès de sa coop à fournir 90 % de son volume de lait à un prix A pour le marché des produits de grande consommation (yaourts, fromages...) valorisés en France et 10 % à un prix B, inférieur, pour des produits industriels (beurre, poudre de lait). » Le chantier de la contractualisation n'aboutira pas au mieux avant 2010. Il faudra en effet veiller « à la transparence du système » et éviter que le lait B ne vienne « polluer » le lait A à cause de cloisons pas assez étanches.
Cet article est le 127ème paru sur ce blog dans la catégorie AGRICULTURE et PAC.