« Le nouveau découpage des ministères laisse prévoir des ajustements et des tensions »
« Le redécoupage des compétences entre les différents ministères devrait entraîner des ajustements, voire des frictions, en particulier sur trois dossiers. Energie. Alain Juppé n'a guère laissé planer le doute, vendredi 18 mai, en prenant ses fonctions au ministère de l'écologie et du développement durable : les "politiques énergétiques", c'est lui. L'ancien premier ministre a ajouté trois autres "pôles opérationnels" (transports, habitat-aménagement urbain-aménagement du territoire, ressources-équilibres naturels). Outre Dominique Bussereau déjà nommé aux transports, il a confirmé que d'autres secrétaires d'Etat viendraient renforcer son équipe après les élections législatives. En attendant, il participera dès lundi, au côté du chef de l'Etat, à une première réunion d'experts, d'associations et d'industriels pour préparer le "Grenelle de l'environnement" prévu à l'automne. Son ministère aura, selon M. Juppé, "une mission d'évaluation transversale des politiques publiques au regard des critères de développement durable". La direction générale de l'énergie et des matières premières (DGEMP) du ministère de l'économie, détentrice de l'expertise en ce domaine, devrait logiquement lui être rattachée. M. Juppé aura-t-il aussi la haute main sur la politique industrielle dans le secteur de l'énergie, ou reviendra-t-elle au ministère de l'économie de Jean-Louis Borloo, dont c'est l'une des attributions traditionnelles ? Et qui gérera l'Agence des participations de l'Etat (APE), qui assure la tutelle des entreprises publiques, notamment celles du secteur énergétique ? Les groupes d'énergie sont dans l'expectative au moment où plusieurs dossiers lourds les concernant sont en attente : la fusion Suez-GDF, la recomposition de la filière du nucléaire civil autour d'un trio Areva-Alstom-Bouygues, l'avenir du réacteur de troisième génération EPR, la poursuite de l'ouverture du capital d'EDF, la création d'un pôle français de l'éolien avec le rachat de l'allemand REpower par Areva... M. Juppé, qui dit prendre ses nouvelles fonctions avec "enthousiasme, curiosité et détermination", ne sera pas seul. Depuis son second passage à Bercy, en 2004, Nicolas Sarkozy est familier de ces dossiers, malgré des imprécisions sur le nucléaire lors du débat télévisé avec Ségolène Royal. Il continuera de les suivre à l'Elysée. Le candidat avait indiqué, durant sa campagne, que l'énergie est un secteur de première importance pour des raisons à la fois stratégiques (la sécurité des approvisionnements) et industrielles (la nécessité de favoriser le développement des groupes publics et privés comme EDF, GDF, Areva, Total, Suez ou Alstom à l'étranger). Coopération au développement. L'enjeu des attributions est d'autant plus fort pour le nouveau ministère de "l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du codéveloppement" qu'il s'agit d'une création. Dans l'entourage de Brice Hortefeux, on ne cache pas que "les discussions vont être assez serrées avec les affaires étrangères". Le nouveau ministère pourrait absorber du Quai d'Orsay, non seulement les compétences des services responsables de la délivrance des visas, mais aussi tout ou partie de celles de la coopération au développement, selon la conception plus ou moins extensive que l'on donnera à son action. "Il y aura aussi nécessairement un lien avec la francophonie, le président accordant une importance à la langue française", ajoute-t-on dans l'entourage du nouveau ministre de l'immigration. Aux affaires étrangères, on se dit prêt à envisager un détachement auprès du ministère de l'immigration de l'unité de la direction générale de la coopération et du développement, qui s'occupe spécifiquement de codéveloppement. Il n'est pas question, en revanche, de céder toute l'action de développement. Lors de la passation de pouvoirs, Bernard Kouchner a annoncé que serait créé un secrétariat d'Etat au développement... qui resterait au Quai d'Orsay. Aménagement du territoire. Vendredi midi, Michèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, croyait encore que l'aménagement du territoire lui revenait "naturellement". Il n'en est rien. La délégation interministérielle à l'aménagement et à la compétitivité des territoires (DIACT, ex-Datar), qui était rattachée à l'intérieur, dépendra d'Alain Juppé. Celui-ci sera donc l'interlocuteur des collectivités locales pour des dossiers comme les contrats de projets Etat-régions, les fonds structurels européens, les pôles de compétitivité et les pôles d'excellence rurale ».