Gagner de l’argent sur l’achat et la vente des capitaux Dans le monde financier, il existe des esprits critiques, non conformistes et indépendants. C’est ainsi que se présentent les rédacteurs de La Chronique Agora. Voici l’article de fond (avec et sans s) publié ce jour avec la griffe de Bill Bonner (http://www.la-chronique-agora.com) sans langue de bois. « LE NOUVEAU CAPITALISME » "Nous assistons à la transformation du capitalisme managérial du milieu du 20ème siècle en capitalisme financier global", écrivait Martin Wolf dans le Financial Times mardi dernier. Oh non ! Pas une "Nouvelle Ere" de plus... on en a déjà vu tant. A peine avons-nous eu le temps de nous habituer à l'une qu'une autre arrive, et nous devons tout recommencer. Le capitalisme est sujet aux Nouvelles Eres, comme le note Wolf. Laissé à lui-même, il fait aux institutions établies à peu près ce que le général Sherman a fait à Atlanta. Ce Nouveau Capitalisme, cependant, est différent. Il ne ressemble à aucun capitalisme -- sinon dans sa caractéristique essentielle. Comme un bateau ivre, il roule et tangue sur les grandes vagues de l'argent et de la politique... dérive au gré des courants du marché... se fait mener ici et là par les bourrasques des foules, des folies, des démences monétaires... puis... il coule. M. Wolf affirme que ce Nouveau Capitalisme est bien plus financier et bien plus matérialiste que le précédent. L'ancien modèle de capitalisme se concentrait sur la production économique. Ce nouveau modèle se concentre sur l'achat et la vente des actifs eux-mêmes. McKinsey Global Institute rapporte que le ratio entre l'un et l'autre -- c'est-à-dire la valeur des capitaux immobilisés par rapport au PIB mondial -- a plus que triplé au cours du quart de siècle se terminant en 2005. L'Europe, qui a été un peu lente à la détente, possède désormais des capitaux valant 303% de son PIB. Pour le Royaume-Uni, ce chiffre est de 359%... tandis qu'aux Etats-Unis, il dépasse les 400%. Les capitalistes les plus prospères du moment tendent à gagner de l'argent non pas en produisant des choses, mais en finançant des transactions de capitaux. Ou, comme le dit Wolf, "la finance est bien plus orientée vers les transactions". Des accords, des accords et encore des accords ! On trouve plus d'intervenants dans le monde de la finance ; les enjeux sont plus élevés -- et ils ont plus de jouets -- à commencer par les hedge funds et les fonds de private equity. En 1990, on trouvait moins de 1 000 hedge funds ; aujourd'hui, on pense qu'il y en a plus de 9 000. Et c'est à peine si les produits dérivés existaient il y a 20 ans. Aujourd'hui, si l'on inclut les produits dérivés sur l'immobilier, leur valeur totale aux Etats-Unis dépasse les 500 000 milliards de dollars, selon l'International Swaps & Derivatives Association. Cela représente à peu près dix fois le PIB mondial. Autre différence, avec ce nouveau capitalisme : il est plus cosmopolite que ses prédécesseurs. Les entreprises sont souvent multinationales. De nombreux hedge funds et fonds de private equity sont prêts à prendre l'argent de n'importe qui, quel que soit le pays inscrit sur leur passeport. Les accords traversent les frontières plus rapidement qu'un « sans-papiers ». Et les grands investisseurs agitent rarement des drapeaux ; ils vont là où l'argent est facile. Le monde entier peut donc désormais participer au jeu. Le vendeur de won-ton chinois... le marchand de saris indien... le dealer colombien -- tout le monde peut entrer dans le grand casino. Mais qu'est-ce qui rend ce Nouveau Capitalisme si nouveau ? M. Wolf n'en parle pas, mais l'ingrédient principal, c'est le nouvel argent en lui-même. Le 15 août 1971, Richard Nixon "ferma la fenêtre de l'or" du Trésor US. Avant cela, le système monétaire mondial reposait sur une base d'or. Aucune devise ne pouvait flotter trop haut, parce que la gravité de l'or stocké dans la cave la ramenait sur terre. Mais après 1971, les capitalistes avaient un nouveau système monétaire avec lequel travailler. A partir de ce moment-là, les pays du monde prirent le dollar comme référence. Et le dollar, que prendrait-il comme référence ? Le billet vert regarda à droite... puis à gauche. Ne voyant rien à quoi se raccrocher, il s'envola lentement ! Sans or pour les retenir, les Etats-Unis émettent, dans les faits, autant de monnaie papier qu'ils le peuvent. Et ils peuvent beaucoup, parce que la dernière chose que veulent les autres pays, c'est de voir leur propre devise grimper par rapport au dollar. Les Américains, après tout, sont les plus gros dépensiers de la planète. Si la devise d'un pays grimpe par rapport au dollar, le prix de ses biens et services grimpera aussi. Suite à ça, les Américains iront acheter ailleurs. Toutes les banques centrales étrangères travaillent à éviter la chute du dollar de la pire des manières possibles -- en augmentant la quantité de leur propre monnaie ! En moins de temps qu'il n'en faut pour le dire, le monde entier est inondé de plus de cash et de liquidités qu'il ne peut utiliser. Plus de dollars, plus de yuans, plus de yens, plus de francs suisses, plus d'euros, plus de livres ! Plus de crédit. Plus d'obligations. Plus de produits dérivés. Plus de dette. Plus de spéculation. Tant que les étrangers continueront à accueillir chaque nouveau dollar aussi chaleureusement que les précédents, les billets verts continueront d'affluer. Il suffit de regarder n'importe quelle Bourse ou presque de la planète. On y verra une tendance haussière très nette. L'immobilier -- en particulier dans les grands centres boursiers, comme New York, Hong Kong et Londres -- a grimpé également. Des choses comme l'art, les montres, les yachts et les jets privés montrent des hausses encore plus radicales. Rien que cette semaine, un tableau de Claude Monet représentant le Washington Bridge s'est vendu deux fois plus que ce qu'en attendaient les experts -- 17,9 millions de livres sterling. La semaine dernière aura certainement été la plus prospère de toute l'histoire de l'art -- avec la plus grande quantité d'argent de tous les temps changeant de mains. Et bon nombre d'acheteurs sont, tout naturellement, des gestionnaires de fonds de couverture. Mais alors que quelques riches acheteurs admirent leurs Monet, le reste d'entre nous doit se contenter de reproductions sur papier glacé, offertes gratuitement mercredi dernier par le Daily Telegraph. La plupart des gens n'ont pas d'autre choix que d'accepter la générosité du journal. Le Nouveau Capitalisme les a endettés si profondément qu'ils n'ont pas d'argent disponible pour acheter quoi que ce soit. Au cours des dix années ayant précédé 2005, les ménages britanniques ont vu leurs dettes grimper, passant de 108% à 159% du PIB. Les dettes des Américains ont fait de même -- de 92% à 135% du PIB. C'est le côté obscur du monde financiarisé. Mais pas d'inquiétude. Il y a une chose importante, avec le Nouveau Capitalisme : c'est qu'il n'est pas plus permanent que le capitalisme qu'il a remplacé. (*) Bill Bonner est le fondateur et président d'Agora Publishing, maison-mère des Publications Agora aux Etats-Unis. Auteur de la lettre e-mail quotidienne The Daily Reckoning (450 000 lecteurs), il intervient dans La Chronique Agora, directement inspirée du Daily Reckoning. Il est également l'auteur des livres "L'Inéluctable faillite de l'économie américaine" et "L'Empire des Dettes". Pour plus d'informations : http://www.publications-agora.fr