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  • : Michel Sorin
  • : Le MRC 53 est la structure mayennaise du Mouvement Républicain et Citoyen, qui a pour but de rassembler la gauche républicaine à partir, notamment, des idées de Jean-Pierre Chevènement, l'un de ses fondateurs, qui n'est plus membre du MRC depuis 2015. Le MRC a pris le relais du Mouvement des Citoyens (MDC) après les élections de 2002. En 2022, le MRC est devenu membre de la Fédération de la Gauche Républicaine avec quatre autres organisations politiques.
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21 janvier 2007 7 21 /01 /janvier /2007 22:49

 

Une énergie nouvelle issue de la fusion nucléaire

 Dans un article mis en ligne sur ce blog le 31 juillet 2006 (j’en recommande la lecture), Gérard Pierre posait la question « Quelle sera la place de l’énergie nucléaire en France ? ».

 Il évoquait une nouvelle filière actuellement à l’étude « c'est la fusion du deutérium et du tritium qui cherche à reproduire les réactions qui ont lieu dans le soleil et dans les autres étoiles. C’est cette perspective qui est à l’origine du grand projet mondial de recherche nucléaire sur la fusion contrôlée, qui se réalise en France sur le site de Cadarache, en coopération avec l’ensemble des pays concernés. Ces recherches seront longues et onéreuses, mais sans comparaison avec les sommes investies actuellement dans les énergies fossiles. Le développement de cette filière permet d’envisager la suppression des déchets directs et une pérennité liée à des réserves quasi sans limites ».

Gérard Pierre, professeur émérite de physique à l’université de Bourgogne, a publié un livre intitulé « La physique : du laboratoire au quotidien » (Editions universitaires de Dijon, 4 bd Gabriel 21000 Dijon). Il était intervenu lors de la rencontre CIVIQ du 26 octobre 2006 à St-Berthevin et avait abordé brièvement cette nouvelle filière.

 L’un des participants à cette réunion vient de me transmettre un document inédit et exceptionnel : la traduction, qu’il a effectuée lui-même, d'un article de Kanamé Ikéda, directeur général d'ITER, paru sous la forme d'un point de vue dans une rubrique relative aux questions d'environnement du site web de la BBC.

 L’exercice de traduction est remarquable car il met à notre portée une information synthétique sur un projet très important, présentée par l’un des acteurs majeurs de ce projet. Toutefois, même si l’auteur aborde certaines objections, il faut prendre ce texte, ci-après, pour ce qu’il est : un plaidoyer en faveur du projet. N’oublions pas que les chercheurs eux-mêmes sont divisés sur sa justification (voir, par exemple, les articles du Monde du 3 septembre 2005 en faveur d’ITER et du 28 septembre 2005 contre ITER, « un projet pharaonique »).

 N’oublions pas, non plus, que François d’Aubert, maire de Laval et ancien ministre de la Recherche dans le gouvernement Raffarin, a été nommé en novembre 2005 « ambassadeur » de ce projet par le gouvernement français, c’est-à-dire « chargé de défendre les intérêts de la France dans les instances européennes et mondiales où est suivi le dossier. Le réacteur international ITER sera construit grâce à une collaboration entre l’Union européenne, les USA, la Russie, le Japon, la Corée du sud ». Il sera localisé à Cadarache (Bouches-du-Rhône).

 Voici le texte tel qu’il m’a été transmis par son traducteur. 

 

  LA FUSION NUCLÉAIRE : UN INVESTISSEMENT NÉCESSAIRE

 Le point de vue de Kanamé Ikéda*

 *publié sur le site de la chaîne britannique BBC http://news.bbc.co.uk/2/hi/science/nature/6158040.stm le 17 novembre 2006 (note du traducteur).

 Certains gouvernements vont engager l’expérience scientifique la plus grande et la plus chère depuis la station spatiale : un projet visant à construire un réacteur expérimental à fusion nucléaire. Pour la Green Room[1] (nom d’une rubrique hebdomadaire d’opinion sur des sujets environnementaux) de cette semaine, le Directeur général désigné du programme Iter, Kanamé Ikéda, soutient que les énormes moyens financiers en jeu sont, pour le monde, un investissement très valable.

 Le monde va affronter un énorme défi énergétique dans les années à venir.

Peu de gens seront en désaccord avec une telle affirmation, mais comment affronter ce défi est matière à un intense débat.

 Cependant une chose est certaine : nous avons besoin de développer rapidement nos meilleures options pour résoudre ce problème avec des estimations de besoins énergétiques qui accuseront une croissance de 60 % au cours des deux prochaines décennies, du fait des projections de la croissance démographique et de l’industrialisation des pays développés.

 Ajoutez à cela le fait qu’actuellement plus des trois quarts de l’énergie mondiale est produite en brûlant des combustibles fossiles qui produisent du CO2  et en utilisant des ressources naturelles, alors la nécessité de développer de nouvelles sources d’énergie qui ne produisent pas de gaz à effet de serre devient encore plus évidente.

L’efficience énergétique et les énergies renouvelables ont toutes deux un rôle à jouer pour résoudre le problème, mais elles sont incapables à elles seules de couvrir la demande.

 La fission nucléaire peut aider à surmonter la difficulté, mais son déploiement suscite des craintes d’ordre politique, technique et environnemental.

 Nous avons besoin, si possible, de développer d’autres alternatives. C’est la raison de la recherche entreprise pour développer l’énergie issue de la fusion nucléaire.

 Un rendement considérable

 Après des décennies de recherche dans des laboratoires du monde entier, un consortium de pays représentant plus de la moitié de la population de la planète est prêt à franchir une étape majeure en démontrant que l’énergie issue de la fusion nucléaire peut devenir réalité. Le 21 novembre des ministres de l’Europe, du Japon, de la République populaire de Chine, de l’Inde, de la République de Corée, de la Fédération de Russie et des Etats-Unis d’Amérique se réuniront à Paris pour signer un accord en vue de la réalisation d’une expérience internationale ramenée à l’échelle d’une centrale à fusion nucléaire dénommée Iter (International Thermonuclear Experimental Reactor[2] - Réacteur Expérimental Thermonucléaire International -  "la voie" en latin) dans le sud de la France.

 Cet effort réellement mondial est un indice du sérieux avec lequel cette recherche sera prise à cœur par les gouvernements au long des différentes étapes de son développement.

 C’est la fusion nucléaire qui fait fonctionner le soleil et les étoiles. Notre soleil est un très grand réacteur à fusion nucléaire, mais reprendre le même processus sur terre est loin d’être facile.

 Pour lancer la réaction de fusion, l’hydrogène gazeux doit être porté à plus de 100 millions de degrés Celsius (c'est-à-dire 10 fois la température du cœur du soleil) pour que les particules de combustible entrent en fusion, au lieu de simplement se repousser du fait de leurs charges électriques respectives, dans le plasma qui en résulte.

 La réaction utilise deux isotopes d’hydrogène, le deutérium et le tritium, qui produisent de l’hélium, un neutron et une très grande quantité d’énergie.

 Un des attraits de la fusion nucléaire est l’infime quantité de combustible requise. La libération d’énergie d’un réacteur à fusion nucléaire est 10 millions de fois plus grande que celle d’une réaction chimique classique, telle que la combustion d’un combustible fossile.

 Une centrale à fusion d’1 GW brûle environ 1 kg de deutérium et de tritium par jour, à comparer à une centrale thermique qui brûle 10 000 tonnes de charbon quotidiennement.

 Un système efficient

 Les matières premières qui produisent cette réaction sont l’eau et le lithium. Le lithium est un métal commun, utilisé quotidiennement dans les batteries des téléphones mobiles et des ordinateurs portables.

 Utilisé pour alimenter une centrale à fusion nucléaire, le lithium d’une batterie d’ordinateur portable, complété par du deutérium extrait de 45 litres d’eau, produirait quelque 200 000 kWh d’électricité, c'est-à-dire autant que 40 000 tonnes de charbon et l’équivalent la production actuelle d’électricité par habitant du Royaume Uni pendant 30 ans.

 Il y a assez de deutérium pour fournir de l’énergie pendant des millions d’années et du lithium facilement accessible pour plusieurs milliers d’années.

 Quoiqu’elle occupe un volume important, environ 1 000 m3, la quantité de tritium et de deutérium dans un  réacteur à fusion nucléaire sera infime : le poids du combustible chaud dans le cœur du réacteur sera à peu près le même que celui de dix timbres-poste.

 Il n’y a aucun risque d’emballement du réacteur et, parce que le gaz sera très peu dense, il n’y aurait pas assez d’énergie à l’intérieur de l’installation pour provoquer un accident majeur et peu de combustible serait libéré dans l’environnement si un accident se produisait.

 Le but d’Iter est pour la première fois de réunir physique et technologie à l’échelle d’un réacteur dans une expérience simple ayant pour but de démontrer la faisabilité d’une centrale à fusion nucléaire.

 L’expérience européenne Jet, hébergée au Royaume Uni, a déjà produit 16 MW d’énergie de fusion, mais en consommant 25 MW pour chauffer le plasma.

 Les dimensions d’Iter seront le double de celles de Jet et Iter a pour objectif de produire 500 MW d’énergie de fusion, c'est-à-dire 10 fois l’énergie consommée.

 Des prototypes de tous les composants d’Iter ont déjà été fabriqués et testés par l’industrie et les travaux de construction du projet d’un montant de 5 milliards d’euros sont programmés pour démarrer dans le courant de l’année prochaine.

 Des matériaux résistants

 Un autre défi majeur est de choisir et de tester des matériaux capables de résister au plasma d’une centrale à fusion nucléaire et de résister au bombardement continu des neutrons et, en même temps, susceptibles d’être recyclés après une période raisonnable de décroissance radioactive.

 Iter ne peut pas être utilisé pour cela car il aurait besoin d’être fait lui-même de tels matériaux. Aussi la seule façon de tester les matériaux convenables et de reproduire l’environnement réel d’une centrale consiste-t-elle à construire une installation fondée essentiellement sur un accélérateur afin de procéder aux tests requis dans laquelle des échantillons de matériaux pourraient être exposés à un flux de neutrons pendant plusieurs mois pour vérifier leur résistance.

 L’accord en vue de réaliser une telle installation – International Fusion Materials Irridiation Facility[3] (IFMIF) – sera conclu le lendemain de la signature de l’accord relatif à Iter.

 Ce sera une initiative conjointe Europe/Japon, résultant d’une stratégie d’approche la plus large en vue du développement de la fusion nucléaire telle qu’elle a été acceptée au moment du choix du site entre l’Europe et le Japon.

 Si le projet Iter et l’installation destinée à tester les matériaux aboutissent, un prototype de centrale à fusion nucléaire pourrait fournir de l’électricité au réseau d’ici 30 ans et l’exploitation commerciale de l’énergie issue de la fusion nucléaire suivrait 10 ans plus tard.

 Le long terme

 Des esprits sceptiques disent que l’énergie issue de la fusion nucléaire ne pourra être obtenue qu’à l’horizon de 50 ans, mais cette échéance semble actuellement en train de se raccourcir légèrement.

 Une des critiques émises sur la recherche relative à la fusion nucléaire consiste à dire qu’elle ne fournira pas de source d’énergie suffisamment tôt et que beaucoup trop d’argent est investi dans une entreprise risquée de longue durée.

 Pour situer le coût dans son contexte, disons que le marché actuel de l’énergie mondiale est d’environ 3 millions de millions de dollars, soit plusieurs fois le coût de l’expérience Iter pendant sa durée de vie.

 Quant à l’échelle de temps, la fusion nucléaire ne sera certainement pas disponible dans le court terme, mais la question de la production de sources d’énergie viables ne va pas devenir plus aisée même si  la protection de l’environnement, le piégeage du CO2, la fission et les sources d’énergie renouvelables sont plus largement utilisés, et il n’y a actuellement aucune autre option à grande échelle au-delà des 20 à 50 années à venir.

 Nous avons donc besoin de poursuivre la recherche sur la fusion nucléaire réduite à la dimension d’un réacteur expérimental par le moyen de la réalisation d’Iter pour voir si et dans quelle mesure** il peut apporter sa contribution. »

 *Kanamé Ikéda est ingénieur nucléaire de formation. Il a fait  aussi une brillante carrière dans les administrations publiques compétentes en matière  de science et de technologie et dans la diplomatie.

 **Souligné par le traducteur. Le texte anglais original est : « …to see whether and to what extent it can contribute » (NDT).  

[1] Green Room est le nom d’une rubrique hebdomadaire d’opinion sur des sujets environnementaux (id.).  

[2] Réacteur Expérimental Thermonucléaire International (id.).  

[3] Équipement pour l’irradiation des matériaux de fusion (id.). 

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