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  • : Michel Sorin
  • : Le MRC 53 est la structure mayennaise du Mouvement Républicain et Citoyen, qui a pour but de rassembler la gauche républicaine à partir, notamment, des idées de Jean-Pierre Chevènement, l'un de ses fondateurs, qui n'est plus membre du MRC depuis 2015. Le MRC a pris le relais du Mouvement des Citoyens (MDC) après les élections de 2002. En 2022, le MRC est devenu membre de la Fédération de la Gauche Républicaine avec quatre autres organisations politiques.
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17 mars 2023 5 17 /03 /mars /2023 18:07

L'avenir du peuple français dans les rues et au Parlement ce printemps

 

Le journal numérique d'investigations, analyses, opinions, podcasts, en Mayenne - Leglob-journal - a publié le 14 mars 2023 cet article qui est une introduction à mes 50 ans d'engagement politique (j'aurai l'occasion de compléter ces prochains mois).

 

Michel Sorin, ingénieur agronome à la retraite, devrait connaître cette année un demi-siècle d’engagement politique. De la gestion de la Cité, comme maire de Saint-Berthevin de 1990 à 2001 à la candidature aux législatives en 1993 où il échouera face à François d’Aubert, en passant par le conseil régional des Pays de la Loire où il siégera et la fonction de secrétaire départemental du Parti socialiste en Mayenne qu’il quittera en 2001, Michel Sorin a toujours souhaité faire avancer les idées de gauche. Infatigable, à la retraite, il milite toujours et encore pour sa « refondation »…

Par MIchel Sorin*


 

En mai 2023, cela fera 50 ans qu’a commencé mon engagement politique. Mon éveil à la politique s’était produit pendant le mouvement social et populaire de mai-juin 1968 – j’étais étudiant en agronomie et avais participé au mouvement au sein de l’école d’agronomie ENSAR , aujourd’hui Agro Campus Rennes

 

Mes lectures m’ont conduit ensuite à m’intéresser au CERES (Centre d’études, de recherches et d’éducation socialistes), courant de pensée au sein du PS, animé notamment par Jean-Pierre Chevènement.

 

Le PS avait fait sa mue en 1971 lors du congrès d’Epinay-sur-Seine, avec la participation des amis de Robert Buron, membres du courant CERES.

Robert Buron – ancien ministre sous la IVème République, puis sous la Vème avec le général de Gaulle – avait été député de la Mayenne sous la IVème République, puis s’était éloigné du gaullisme. Il avait créé le mouvement Objectif 72, puis Objectif socialiste. Il fit son retour en Mayenne en étant élu maire de Laval en 1971 et premier secrétaire 53 du nouveau PS.

Ce sont les amis de Robert Buron qui m’avaient contacté début 1973 pour me proposer d’adhérer au PS. Des amis de Saint-Berthevin m’ont alors sollicité pour prendre la responsabilité de la section locale du PS et résider dans cette commune.

Mon engagement militant au CERES et au PS correspondait à la volonté de m’inscrire dans une démarche politique progressiste afin de parvenir au pouvoir et mettre en oeuvre des réformes visant à encadrer l’économie capitaliste par la démocratie.

 

En décembre 2001, j’ai quitté le PS – alors que j’en étais le premier secrétaire départemental – par désaccord avec la politique d’accompagnement du néolibéralisme menée par Lionel Jospin.

Aujourd’hui, je continue de me rattacher aux idées que j’avais il y a 50 ans. Je milite dans les partis (MRC, GRS) de la Fédération de la Gauche Républicaine afin de peser le moment venu sur la refondation de la gauche, un peu comme cela s’est produit en 1971 lors de la refondation socialiste.


« Menace de rupture démocratique »

A Saint-Berthevin, je constate et déplore la disparition de la gauche et, même, la fin de la démocratie municipale, aucune liste n’ayant été présente en 2020 aux élections municipales face à la liste du maire, centre droit.

 

J’ai alerté sur la menace de rupture démocratique par disparition de démocrates agissant en tant que citoyens, du niveau local aux niveaux national, européen et mondial.

 

J’ai décidé de faire part de mon désarroi devant l’indolence démocratique de mes concitoyennes et concitoyens alors qu’il y a tant à faire pour reprendre la maîtrise de notre destin collectif après plusieurs décennies (une période glaciaire) d’abandon de la responsabilité politique par nos dirigeants au bénéfice d’une caste de privilégiés qui se dissimulent derrière l’idéologie néolibérale et profitent de la suprématie de la finance dans l’économie capitaliste.

 

Cette semaine et celles qui suivront, dans les rues et au parlement, seront déterminantes pour l’avenir du peuple français.

Il faut montrer le chemin de la République et de la démocratie à celui qui nous représente au sommet de l’Etat et que nous avons réélu en avril 2022 dans des conditions particulières. Ce président ne comprend que le rapport de forces. Alors, nous devons lui rappeler qu’il est au palais de l’Elysée par le vote du peuple et qu’il doit tenir compte de la volonté du peuple qui s’exprime clairement dans les rues et dans les enquêtes d’opinion.

Ce rappel vaut aussi pour les parlementaires, dont le devoir est de représenter les Français, qui les ont placés là où ils sont… 


 

Michel Sorin fut maire de Saint-Berthevin de 1990 à 2001 et premier secrétaire départemental du PS en Mayenne


 

* Précisions complémentaires : Michel Sorin, né en 1946 à Craon, ingénieur agronome, conseiller municipal de Saint-Berthevin (1983-2003, dont maire 1990-2001), conseiller régional des Pays de la Loire (1998-2004), responsable PS en Mayenne (1979-1983, 1997-2001), actuel responsable MRC 53, président de Réseau CiViQ (Citoyenneté et Vie Quotidienne).

 

Cet article est le 3251 ème sur le blog MRC 53 - le 45ème catégorie Personnalités et célébrations

Michel Sorin (Photo Ouest-France par correspondant Saint-Berthevin, 29 avril 2019, pour Réseau CiViQ)

Michel Sorin (Photo Ouest-France par correspondant Saint-Berthevin, 29 avril 2019, pour Réseau CiViQ)

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13 novembre 2022 7 13 /11 /novembre /2022 23:25

 

En 2022, la guerre est de retour en Europe


 

Ce dimanche matin, avait lieu à Saint-Berthevin la cérémonie de "commémoration de la victoire et de la paix, l'hommage à tous les morts pour la France".

 

Le maire, Yannick Borde, a lu le Discours du ministère des Armées pour la cérémonie de commémoration. Voir Message SL PM - 11 novembre.

 

La présence des autorités militaires départementales, et aussi du sénateur de la Mayenne Guillaume Chevrollier, la participation d'une délégation d'enfants et de l'Orchestre d'Harmonie de Saint-Berthevin (jouant à merveille la Marseillaise), ont fortement contribué à la beauté de cette cérémonie devant le monument aux morts. Le président, Serge Endouard, de l'Association locale des anciens combattants pouvait être satisfait.

 

A noter, l'inscription sur le monument du nom d'un soldat originaire de Saint-Berthevin, Emmanuel Lécuyer, mort en août 1914. Des membres de sa famille, présents à la cérémonie, ont souhaité cette inscription sur la commune d'origine, l'acte de son décès ayant été transmis à la mairie du Mans, là où il était domicilié au moment de sa mobilisation, mais, comme partout dans les grandes villes, les noms des soldats morts pour la France ne sont pas inscrits sur le monument.

Ce nom s'ajoute aux cinq noms ajoutés en 2019 sur le monument aux morts pour la France de la commune de Saint-Berthevin. Saluons, au passage, l'important travail - en tant qu'historien - réalisé bénévolement par Alain Viot auprès des familles concernées.

 

L'évocation de la Première guerre mondiale se fait, cette année, dans le contexte nouveau du retour à la guerre en Europe. Il est donc utile de connaître les causes. Voir, à ce sujet, l'article publié sur ce blog le 10 novembre 2013, sous le titre Armistice du 11 novembre 1918 : la guerre ne s'est terminée qu'en 1945.

 

Cet article est le 3189 ème sur le blog MRC 53 - le 44ème catégorie Personnalités et célébrations

Le maire de Saint-Berthevin (Mayenne), le 13 novembre 2022 devant le monument aux morts pour la France.

Le maire de Saint-Berthevin (Mayenne), le 13 novembre 2022 devant le monument aux morts pour la France.

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28 mars 2021 7 28 /03 /mars /2021 13:39

 

Un homme passionné de musique, une carrière dans l'administration

 

Jean-Luc Pirovano est décédé le 24 mars 2021, après avoir résisté à une terrible maladie. Le Mouvement Républicain et Citoyen adresse à son épouse, Marie-Claire, et à ses enfants, ses sincères condoléances. Jean-Luc était adhérent du MRC en Loire-Atlantique et, pendant quelques années, trésorier de l'Union régionale des Pays de la Loire.

 

Une cérémonie aura lieu en l'église Sainte-Thérèse, 57 rue Chanoine Larose, 44100 Nantes, lundi 29 mars à 14h30.

 

Le mot de Bruno Chevalier, secrétaire de l'Union inter-départementale Pays de la Loire du MRC :

 

Jean Luc Pirovano a passé une partie de sa carrière professionnelle dans l'audiovisuel.

Entré à l'ORTF en 1972, il a ensuite poursuivi sa carrière à Télédiffusion de France (TDF). Élève-administrateur de TDF à l'École nationale d'administration de 1978 à 1980, il a successivement occupé de 1980 à 1990 à TDF les fonctions d'administrateur régional à Lyon, de sous-directeur de la gestion, et de directeur délégué des Finances et de l'Informatique.


Il était entré en mai 1990 au cabinet de Madame Catherine Tasca, ministre délégué à la Communication, où il était conseiller technique pour les affaires industrielles et technologiques ainsi que les questions audiovisuelles de l'outre-mer.
 

Le 1er juillet 1991, il prenait ses fonctions de chef du service des radios du Conseil supérieur de l'audiovisuel.

 

Il passait sa retraite depuis quelques années à Nantes et en Savoie. Il nous rejoignait donc au MRC44 après avoir été de longues années proche du MRC à Paris.

 

Mélomane, il aimait parlé de longues heures de sa passion pour la musique. Ta voix de stentor nous manque déjà. Adieu Jean-Luc !

 

 

Cet article est le 3170 ème sur le blog MRC 53 - le 43ème catégorie Personnalités et célébrations

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16 décembre 2020 3 16 /12 /décembre /2020 23:55

 

Intellectuelle et combattante, courageuse et libre, une référence en politique

 

La maladie l'a emporté, plus forte que la résistante Coralie. Elle avait 44 ans. "Pareille à ces héros de film qui ne craignent pas la mort et chargent l’arme au poing, elle attendait fièrement son heure. Dans un texte bouleversant, admirable de courage face à l'adversité de la mort, en juin, Coralie s'était comparée à la chèvre de Monsieur Seguin. Preuve ultime de son époustouflant courage : "De toute façon, je suis bagarreuse. Je vais faire comme la petite chèvre de monsieur Seguin. Je vais me bagarrer toute la nuit et à l'aurore, le loup me mangera. De toute façon, tôt ou tard, le loup nous mange tous." (Marianne, 16 décembre 2020, Critique de la raison européenne : Coralie est morte, et notre boussole est partie).

Après des études de sciences politiques à Grenoble, Laura Blanc a choisi de s'engager dans l'armée. Voir Wikipédia : Coralie Delaume.
Proche de Jean-Pierre Chevènement au moment de ses études (son père, Jean-Claude Blanc, était un ami de l'ancien ministre), elle l'est restée par la suite. Voir Marianne ("Coralie Delaume : son œuvre, une source d'intelligence") et Le Figaro («Toute la jeune génération souverainiste se reconnaissait en Coralie Delaume ").

 

C'est en tant que blogueuse que j'ai connu Coralie. Voir L'arène nue. Elle détectait des talents qu'elle interrogeait, ce qui donnait des articles fort intéressants. Son humour et son souci de la vérité plaisaient beaucoup.

 

Voici des témoignages par ceux qui en étaient très proches, notamment à Marianne. David Cayla (Coralie Delaume, de la combattante à l'intellectuelle engagée), Gérald Andrieu (Coralie Delaume, l'innocence guerrière), Alexandre Devecchio (Hommage à Coralie Delaume: la plume, le sourire et le courage), parmi les plus pertinents.

 

Voir aussi cet article publié par Les-crises.fr : Décès de Coralie Delaume, essayiste et bloggeuse

Et l'éditeur de ses livres, Michalon : voir Coralie Delaume - Biographie, publications

 

J'ajoute des souvenirs personnels, l'ayant rencontrée à plusieurs reprises avec grand plaisir.

- J'avais rapporté son intervention, le 16 décembre 2015. Voir Rencontre de République Moderne : Coralie Delaume analyse l'Europe.

- Lors de l'université de rentrée du Mouvement Républicain et Citoyen, le 20 septembre 2014, à Caen, Coralie avait fait une intervention très appréciée. Voir Table ronde MRC le 20 sept. 2014 à Caen : Europe, lever les tabous.

- En remontant le temps, voir cet article du 6 octobre 2011 Le livre de JM Quatrepoint, Mourir pour le yuan, lu par Coralie Delaume:

 

Cet article est le 3169 ème sur le blog MRC 53 - le 42ème catégorie Personnalités et célébrations

Coralie Delaume intervenait le 20 septembre 2014 lors de l'université de rentrée du MRC à Caen (au côté de Patrick Quinqueton)

Coralie Delaume intervenait le 20 septembre 2014 lors de l'université de rentrée du MRC à Caen (au côté de Patrick Quinqueton)

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3 décembre 2020 4 03 /12 /décembre /2020 15:06

 

C'était un homme attachant, plutôt théoricien et intellectuel, proche de Chevènement

 

Le 2 décembre, j'ai reçu ce message d'un ami me sollicitant ainsi par courriel.

"Michel, j'ai un jeune camarade qui voudrait avoir des informations plus précises sur les travaux de Didier Motchane, qu'il vient de découvrir dans ses recherches. Il est libre penseur, ouvrier et intellectuel. J'ai pensé que tu pourrais le renseigner, bien mieux que moi qui n'ai pas partagé le travail du CERES et me suis rapproché bien plus tard de ce qui allait devenir ensuite le chevènementisme. Je prendrai avec plaisir les informations que tu voudras bien lui transmettre".

Pour ma part, je n'ai jamais eu de rapports personnels avec Didier Motchane. Je l'ai vu dès 1973 lors des réunions nationales CERES et PS. Il était l'intellectuel stratège parmi les dirigeants. Georges Sarre était l'opérationnel et Jean-Pierre Chevènement le responsable global, plutôt homme d'Etat qu'animateur de parti. Motchane et Chevènement étaient très différents et complémentaires. Finalement, en 2017, lors du premier tour de l'élection présidentielle, ils se sont rejoints en votant Mélenchon, le premier avec conviction et vision d'avenir, le second par défaut.

Voir Didier Motchane, grand militant du lien entre socialisme et République

Ma recherche concernant Didier Motchane :

- L'un de ceux qui connaît le mieux la vie de Didier Motchane est Gaël Brustier, politologue, qui a effectué des recherches sur l'histoire du CERES et fréquenté Didier à la fin de sa vie.

- Jean-Luc Laurent, président du MRC, a très bien connu Didier Motchane, notamment pendant la période où le CERES puis Socialisme et République étaient des courants de pensée au sein du PS. Voir MRC - Mouvement Républicain et Citoyen. Déclaration, 29 octobre 2017 :

"La mort de Didier Motchane est une perte immense. Didier était un intellectuel qui incarnait une pensée puissante et exigeante, et une grande figure de la gauche qui a formé tant d’entre nous du CERES au MDC puis au MRC. Je garde le souvenir de ces années jusqu’à sa dernière intervention lors de l’université de rentrée* du MRC à Caen en 2014 où il nous encourageait à continuer à militer. Aujourd’hui, je ressens une immense tristesse et je m’incline devant sa mémoire. J’adresse mes pensées peinées et amicales à ses proches".

* Voir Dîner-débat avec D Motchane et JY Autexier à Caen le 19 sept. 2014 - Michel Sorin.

-

Le Monde  16 mars 1983. C'est en mars 1983 que François Mitterrand, président de la République, décida de substituer à la logique du programme socialiste des élections de 1981 la logique européenne, néolibérale, optant pour Delors et Mauroy contre Bérégovoy et Chevènement, notamment. Cet extrait d'un article du quotidien Le Monde montre la position du CERES à ce moment charnière pour la gauche.

"Le CERES veut centrer le débat sur la politique économique. MM. Didier Motchane, membre du secrétariat national du P.S., Pierre Guidoni, ambassadeur à Madrid, et Georges Sarre, député de Paris, tous trois membres du CERES, publieront la semaine prochaine, sous le pseudonyme de Jacques Mandrin, un ouvrage intitulé le Socialisme et la France. Nous en publions ci-dessous de brefs extraits qui, placés dans la perspective de la préparation du congrès du P.S., (Le Monde du 15 mars 1983) manifestent que ce livre prend la forme d'une contribution importante aux débats engagés à cette occasion au sein du parti socialiste.

Dans cet ouvrage écrit d'une plume alerte, souvent polémique et drôle, à la limite du pamphlet parfois, les auteurs marquent bien que le débat idéologique entre la gauche qu'ils représentent et celle qu'ils ont qualifiée en son temps de " gauche américaine " - incarnée par M. Michel Rocard - n'est pas près d'être clos. Il est doublé d'un débat économique sur la rigueur et l'austérité, les limites de la contrainte extérieure que subit un pouvoir de gauche, le " fétichisme de la monnaie ".

Dans ce débat, les dirigeants du CERES se situent nettement en porte à faux par rapport à la pratique de M. Jacques Delors, ministre de l'économie et des finances, dont ils estiment que la politique économique de la France porte la marque.Au passage, MM. Motchane, Guidoni et Sarre égratignent également, sans les nommer, M. Pierre Joxe, président du groupe socialiste de l'Assemblée nationale, quelques-uns de ses amis ainsi que M. Jean Poperen, numéro deux du P.S. Ils se prononcent enfin pour une expression plus libre du parti socialiste vis-à-vis du gouvernement et manifestent, par leur démarche elle-même, qu'ils sont partisans d'une certaine autonomie d'analyse".

- Voir aussi (16 novembre 2018) : Un avant-propos à une histoire du CERES - par Didier Motchane - LVSL

 

Cet article est le 3168 ème sur le blog MRC 53 - le 41ème catégorie Personnalités et célébrations

 

Didier Motchane, au côté de Jean-Yves Autexier, le 19 septembre 2014, à Caen, en préambule à l'université de rentrée du MRC

Didier Motchane, au côté de Jean-Yves Autexier, le 19 septembre 2014, à Caen, en préambule à l'université de rentrée du MRC

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29 avril 2016 5 29 /04 /avril /2016 17:27

 

Reprendre le fil d'un engagement politique initié il y a près de 50 ans

 

Pour Michel Sorin, avec le printemps, est venu le temps du réengagement politique en Mayenne. A un an de l'élection présidentielle, il reprend le fil d'un cheminement commencé début mai 1973 - au lendemain de la sépulture de Robert Buron - et mis en pointillé depuis sa démission du PS en décembre 2001.

- Le 11 avril, il a été L'invité de la rédaction, du journaliste Jean-Yves Delort, ancien rédacteur en chef du Courrier de la Mayenne, qui invite des Mayennais à s'exprimer pendant une dizaine de minutes sur la radio associative mayennaise RFM (Radio Fidélité Mayenne).

- Le 21 avril, après avoir rencontré des jeunes engagés dans le mouvement Nuit Debout, il a publié sa lettre ouverte aux jeunes mayennais engagés dans Nuit Debout.

- Le 28 avril, le site mayennais leglob-journal a publié, à son initiative et sous sa responsabilité, des extraits de ce texte dans sa rubrique Politique sous le titre :

 

Cette Tribune Libre a été écrite par Michel Sorin un certain 21 avril, et elle est publiée aujourd’hui 28 avril, jour de manifestation nationale en France. Ce n’est certainement pas un hasard. Le 16 avril 2016 Michel Sorin rencontrait, à Laval en Mayenne, des jeunes qui participaient à une « Nuit Debout, 24h de l’éducation populaire contre la loi travail et son monde. » Michel Sorin explique avoir échangé avec eux : « Ils m’ont dit le sens de leur mouvement qui n’est pas seulement contre la loi travail mais aussi une envie de se réapproprier la parole et l’espace politique afin de construire un autre monde. Dans l’immédiat, poursuit l’ancien Maire de Saint-Berthevin et ancien responsable du Parti Socialiste en Mayenne, il s’agit de contrer la politique du pouvoir, ensuite, il faudra décider des orientations du mouvement après un débat général. » Lettre ouverte aux jeunes, et aux autres.

 

Tribune Libre Par Michel Sorin* - 21 avril 2016

 

Avec cette Lettre aux jeunes, j’ai voulu faire le lien entre deux engagements, celui des jeunes actuellement dans « Nuit Debout », [mais aussi dans les manifestations, qui me fait penser à ce que j’ai connu en mai 1968, dans des conditions très différentes, et qui a été à l’origine de mon propre engagement politique.

Leur démarche me fait penser à ce que j’ai vécu quand j’étais étudiant et que commençait le mouvement de mai 1968. Les jeunes avaient envie de liberté individuelle dans leur vie sociale, et de pédagogie plus participative dans l’enseignement. Et puis, la contestation est devenue plus économique et sociale, avec des grèves dans les entreprises pour augmenter les salaires et accorder plus de place aux syndicats.

Le pouvoir autour du président de Gaulle a fini par chanceler avant de réagir par la dissolution de l’Assemblée Nationale, accompagnée d’une énorme manifestation, ce qui mit fin au mouvement social. Il y eut des conséquences politiques, mais pas immédiates.

La gauche a mis du temps avant de se réformer. Il a fallu le congrès du PS rénové, en 1971, et l’arrivée de François Mitterrand aux commandes avec une stratégie de rassemblement de la gauche qui lui a permis d’accéder au pouvoir dix ans plus tard. Comme pour beaucoup de jeunes de cette époque, c’est le mouvement social de mai-juin 1968 qui a favorisé ma prise de conscience politique.

Après mon service national, sous la forme d’une coopération enseignante en Algérie, j’ai été repéré par les amis de Robert Buron à Laval [qui animait] Objectif socialiste, en tant que lecteur assidu de la revue du CERES (Centre d’étude, de recherche et d’éducation socialiste). Ils m’ont proposé d’adhérer au PS.

Pour Robert Buron (1910-1973), « Être socialiste, c’est admettre d’abord que l’économique doit être soumis à la règle de l’intérêt général, entendu comme celui des plus grands nombres, y compris les générations futures. (…) La classe dirigeante ne se laissera jamais déposséder de ses responsabilités au nom de l’intérêt général. Il est donc nécessaire de transformer profondément les structures sociales. Il faut passer au socialisme ».

Dans un livre publié en janvier 1973, sous le titre Par goût de la vie qui résume la vie de Robert Buron, le chapitre de conclusion rédigé par Robert Buron est justement intitulé Lettre ouverte aux jeunes qui veulent changer le monde. Ce n’est pas par hasard. L’économiste de formation recommande aux jeunes en écrivant ceci : «  Investissez votre vie dans une entreprise qui en vaille la peine : le changement du monde et de vous-même ».

43 ans plus tard, c’est ce qui m’a donné l’idée de cette Lettre ouverte aux jeunes, de la même façon que j’avais proposé au Conseil municipal de Saint-Berthevin - ma ville, où j’ai été maire de 1990 à 2001 - de s’inspirer du titre de son livre Par goût de la vie pour le slogan de la ville, ce qu’il avait fait en optant pour « Saint-Berthevin, le goût de la vie » (le site actuel de Saint-Berthevin ne le mentionne plus).

Robert Buron était un homme gai, non conformiste, qui avait vraiment le goût de la vie et, aussi, de la politique. Il en avait fait un métier, de 1945 (son premier combat aux élections à l’Assemblée constituante, en Mayenne, sur le conseil de l’oncle de sa femme, qui était mayennais) à 1973 (son dernier combat, malade, alité, aux élections législatives en Mayenne, alors qu’il était maire de Laval ; la campagne est alors menée par son suppléant). Son parcours, exceptionnel, est inimitable : des "Camelots du Roy", de sa jeunesse - mais déjà anticapitaliste - à l’engagement socialiste et au discours de clôture du congrès PS historique à Épinay-sur-Seine, en 1971.

Pour vous, les jeunes, le plus important est de savoir ce qu’est le néolibéralisme, comment il a diffusé dans les corps sociaux soumis aux régimes capitalistes. D’abord, c’est une idéologie qui fait prévaloir la dimension économique sur la dimension politique. Elle veut imposer la loi marchande dans toutes les activités humaines. Et elle cherche à convertir les dirigeants politiques par tous les moyens, qui vont de la persuasion à la corruption, le but étant d’affaiblir la résistance des États aux lois du marché mondialisé et au libre-échange intégral.

Ce qui a fait le « malheur français », selon Marcel Gauchet ( Comprendre le malheur français, Stock, 2016), rédacteur-en-chef de la revue Le Débat « c’est que la France entre dans la mondialisation sous le signe du néolibéralisme, compte tenu de son histoire nationale.(...) La seule réforme qui peut traiter le mal français, c’est une réorientation politique de grande ampleur, remettant en cause les choix européens d’ouverture à la mondialisation néolibérale. »

En bref, fermer la « parenthèse libérale », ouverte par François Mitterrand en 1983. Comment ? En réajustant notre rapport à l’Europe. Il faut le repenser de fond en comble, en faisant le bilan de ses acquis et de ses impasses. C’est la France qui fut à la base du projet européen. C’est elle qui a la responsabilité de corriger son erreur !

Le département de la Mayenne a été marqué par l’expérience politique de Robert Buron mais, depuis longtemps, il est sous l’emprise d’un parti centriste conservateur, l’UDI, très éloigné des idées progressistes de Robert Buron. Le parti de Jean Arthuis, qui a fait clairement allégeance à la droite, milite pour une Europe fédérale mettant en œuvre des politiques néolibérales. C’est ce parti qui a supplanté l’ex-UMP en Mayenne et conquis les principaux centres de pouvoir, bénéficiant de l’affaiblissement des autres partis, en dehors du FN.

(...) Le combat politique doit être mené par les partis qui veulent reconstruire la gauche sur des fondements républicains, en visant à reconquérir la souveraineté nationale afin de retrouver la possibilité de conduire des politiques sociales. Tout n’est pas à condamner dans ce qui est fait par la majorité au pouvoir depuis 2012. C’est la finalité politique qu’il faut repenser, le rapport à la citoyenneté. Et toute la stratégie. Le Parti socialiste est sorti de la route depuis longtemps, la route du socialisme, j’entends.

J’ai adhéré, en 1973, (…) le mot socialiste avait alors une signification. (…) Maintenant, tout est à repenser puisque c’est l’économie, par sa composante financière, qui a pris le contrôle de la politique, scellant ainsi le triomphe du néolibéralisme. La sortie de route du PS a, de fait, semé le trouble sur ce qu’est la gauche au 21e siècle. (…)

A un an de l’élection présidentielle, le divorce entre les citoyens et les dirigeants politiques du pays ne fait plus aucun doute. Il faut donc investir dans du neuf. Faisons-le ensemble. En commençant à l’échelle du département qui avait accueilli Robert Buron, le parisien jeune et dynamique, même si ce fut difficile.

Cet extrait de son livre Par goût de la vie nous décrit, nous les mayennais, de manière très réaliste. « Il faut dire de la Mayenne que les gens y ont un tempérament dur et attachant. Il n’y a pas l’ombre d’une sentimentalité apparente dans leurs manifestations. Ce sont des gens tenaces, travailleurs, laborieux, et qui ont un goût de réel et du concret et, par conséquent, il n’y a pas d’échange affectif très poussé avec eux, sauf exception. Il faut savoir les gagner (...). Pour y réussir, il faut le mériter ».

 

* Michel Sorin, 70 ans, ingénieur agronome, maire de Saint-Berthevin (1990-2001), conseiller régional (1998-2004) des Pays de la Loire, responsable PS en Mayenne (1979-1985, 1997-2001), actuel responsable MRC Mayenne et Pays de la Loire, président de Réseau CiViQ (Citoyenneté et Vie Quotidienne).

Rappel (31 oct. 2014) : Michel Sorin a répondu aux questions du site mayennais leglob-journal

 

Cet article est le 40ème paru sur ce blog dans la catégorie Personnalités et célébrations

Michel Sorin, le 23 avril 2016, mairie de Caslino d'Erba (Italie) devant le marbre rose de Saint-Berthevin, cadeau offert par la mairie de Saint-Berthevin, lors du jumelage entre les deux communes en 1996

Michel Sorin, le 23 avril 2016, mairie de Caslino d'Erba (Italie) devant le marbre rose de Saint-Berthevin, cadeau offert par la mairie de Saint-Berthevin, lors du jumelage entre les deux communes en 1996

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21 avril 2016 4 21 /04 /avril /2016 22:23

 

Ce mouvement, comme les débuts de mai 1968, incite à la réflexion politique

 

Le 16 avril 2016, à Laval, j'ai rencontré des jeunes qui participaient à Laval - Nuit Debout, les 24h de l'éducation populaire contre la loi travail et son monde. Nous avons échangé, ils m'ont dit le sens de leur mouvement, qui n'est pas seulement contre la loi travail mais aussi une envie de se réapproprier la parole et l'espace politique afin de construire un autre monde, en finir avec cette société de marché, qui laisse de côté le social et l'humain. Dans l'immédiat, il s'agit de contrer la politique du pouvoir, ensuite il faudra décider des orientations du mouvement après un débat général.

 

Leur démarche me fait penser à ce que j'ai vécu quand j'étais étudiant et que commençait le mouvement de mai 1968. Les jeunes avaient envie de liberté individuelle dans leur vie sociale, et de pédagogie plus participative dans l'enseignement. Et puis, la contestation est devenue plus économique et sociale, avec des grèves dans les entreprises pour augmenter les salaires et accorder plus de place aux syndicats.

Le pouvoir autour du président de Gaulle a fini par chanceler avant de réagir par la dissolution de l'Assemblée nationale, accompagnée d'une énorme manifestation, ce qui mit fin au mouvement social. Il y eut des conséquences politiques, mais pas immédiates. La gauche a mis du temps avant de se réformer. Il a fallu le congrès du PS rénové, en 1971, et l'arrivée de Mitterrand aux commandes avec une stratégie de rassemblement de la gauche, qui lui a permis d'accéder au pouvoir dix ans plus tard.

 

Comme pour beaucoup de jeunes de cette époque, c'est le mouvement social de mai-juin 1968 qui a favorisé ma prise de conscience politique. Après mon service national, sous la forme d'une coopération enseignante en Algérie, j'ai été repéré par les amis de Robert Buron (Objectif socialiste) à Laval en tant que lecteur assidu de la revue du CERES (Centre d'étude, de recherche et d'éducation socialiste). Ils m'ont proposé d'adhérer au PS.

Mon engagement socialiste date du début mai 1973, au lendemain de la sépulture de Robert Buron à Villaines-la-Juhel, en présence de François Mitterrand. Le centriste, républicain populaire (MRP), avait rallié le PS au congrès refondateur de 1971, après avoir été ministre sous la IVème et la Vème République. Il s'était éloigné du centre droit après avoir été l'un des négociateurs de la fin de la guerre d'Algérie, en 1962 (accords d'Evian) à la demande du général de Gaulle, et après avoir été président du Centre de développement de l'OCDE (Organisation pour la coopération et le développement économique), ce qui l'avait beaucoup marqué car son action était tournée résolument vers le tiers-monde.

 

Dans un livre publié en janvier 1973, sous le titre « Par goût de la vie », Robert Buron (1910-1973) répondait à la question « Etre socialiste, en 1973, cela signifie quoi ? ». « Etre socialiste, c'est admettre d'abord que l'économique doit être soumis à la règle de l'intérêt général, entendu comme celui des plus grands nombres, y compris les générations futures. C'est lutter, non pas pour qu'une partie de la société – fût-elle importante – bénéficie du progrès, mais pour que le progrès permette une « avancée humaine » à laquelle tout le monde participe, même les plus défavorisés » (…).

« On ne peut pas vouloir à la fois que le progrès de la société entraîne tout le monde, les plus défavorisés y compris, et faire confiance à la recherche du profit, même contrôlée, pour obtenir ce résultat » (…).

« La classe dirigeante ne se laissera jamais déposséder de ses responsabilités au nom de l'intérêt général. Il est donc nécessaire de transformer profondément les structures sociales. Il faut passer au socialisme ».

Dans ce livre, qui résume sa vie, le chapitre de conclusion est intitulé « Lettre ouverte aux jeunes qui veulent changer le monde ». Ce n'est pas par hasard. L'économiste de formation recommande aux jeunes « Investissez votre vie dans une entreprise qui en vaille la peine : le changement du monde et de vous-même ».

Robert Buron était un homme gai, non conformiste, qui avait vraiment le goût de la vie et, aussi, de la politique. Il en avait fait un métier, de 1945 (son premier combat aux élections à l'Assemblée constituante, en Mayenne, sur le conseil de l'oncle de sa femme, qui était mayennais) à 1973 (son dernier combat, malade alité, aux élections législatives en Mayenne, alors qu'il était maire de Laval; la campagne est alors menée par son suppléant).

Son parcours, exceptionnel, est inimitable : des "Camelots du Roy", de sa jeunesse - mais déjà anticapitaliste - à l'engagement socialiste et au discours de clôture du congrès PS historique à Epinay-sur-Seine, en 1971.

 

La vie politique de l'économiste Robert Buron renvoie à la période des "trente glorieuses". Elle s'arrête au moment où commence à souffler le vent néolibéral sur le monde capitaliste.

Pour vous, les jeunes, le plus important est de savoir ce qu'est le néolibéralisme, comment il a diffusé dans les corps sociaux soumis aux régimes capitalistes. D'abord, c'est une idéologie qui fait prévaloir la dimension économique sur la dimension politique. Elle veut imposer la loi marchande dans toutes les activités humaines. Et elle cherche à convertir les dirigeants politiques par tous les moyens, qui vont de la persuasion à la corruption, le but étant d'affaiblir la résistance des Etats aux lois du marché mondialisé et au libre-échange intégral.

Ce qui a fait le "malheur français", selon Marcel Gauchet (lire son livre très instructif, "Comprendre le malheur français", Stock, 2016), c'est que la France entre dans la mondialisation sous le signe du néolibéralisme, compte tenu de son histoire nationale.

C'est ce qui a causé la coupure entre les élites - individualistes, adeptes de la mondialisation - et le peuple, ancré dans la citoyenneté républicaine.

Vouloir imposer la loi du marché dérégulé dans ce pays attaché à la suprématie du politique, c'est la grave erreur européenne, qui était déjà présente dans la méthode Monnet, et qui a pris son envol avec le néolibéralisme des années 1980. Les réformes pour adapter le pays à l'Europe et à l'économie mondialisée, sans tenir compte de son histoire, sont rejetées par le peuple.

La seule réforme qui peut traiter le mal français, c'est une réorientation politique de grande ampleur, remettant en cause les choix européens d'ouverture à la mondialisation néolibérale.

En bref, c'est fermer la « parenthèse libérale », ouverte par François Mitterrand en 1983.

Comment ?

- Rien ne sera possible sans réajuster notre rapport à l'Europe. Il faut le repenser de fond en comble, en faisant le bilan de ses acquis et de ses impasses. C'est la France qui fut à la base du projet européen. C'est elle qui a la responsabilité de corriger son erreur.

- Notre pays acceptera les réformes à partir du moment où ses dirigeants diront la vérité et s'attaqueront à la fracture morale qui sépare le peuple des élites.

- Et on ne réforme pas un pays contre son histoire. Il y a des méthodes pour mettre en valeur les projets collectifs. C'est vrai aussi pour le gouvernement de la France.

La fâcheuse expérience néolibérale a montré ses limites et ses défauts. L'idée de la société qui marche toute seule, grâce aux marchés, n'est rien d'autre qu'une chimère autodestructrice.

Il va falloir refaire de la politique, c'est-à-dire, décider collectivement de notre sort. Nous devons retrouver le fil de notre histoire qui s'inscrit dans le cadre de l'histoire européenne.

 

Marcel Gauchet a raison. En France, les citoyens vivent plus mal qu'ailleurs la crise de la démocratie. Parce que la France est une nation fondée sur la citoyenneté. Beaucoup font la grève des votes. C'est le signe d'une maladie de notre système politique, d'une gravité sans précédent.

Les citoyens ont perdu confiance dans les dirigeants parce que ceux-ci, depuis les années 1980, ne disent pas la vérité sur la nouvelle donne générale qui influe sur la politique :

- l'individualisme ravageur, qui fait prévaloir l'intérêt personnel sur l'intérêt général,

- la puissance économique et financière des groupes capitalistes qui exercent une énorme pression afin de satisfaire les intérêts des actionnaires, ce qui pénalise l'entreprise,

- la mondialisation néolibérale, qui s'est imposée dans le monde capitaliste par ses relais politiques au sein des institutions supranationales, à l'abri de la souveraineté populaire.

Un bon exemple est fourni par les institutions européennes non élues (Banque centrale, Commission, Cour de justice) qui ont obtenu l'essentiel du pouvoir économique et financier, avec l'assentiment des Etats membres de l'UE, les peuples étant ainsi marginalisés.

 

Les principaux partis politiques français - qui ont accepté la domination du capitalisme financier et la primauté des institutions européennes sur l'organisation politique nationale - n'ont pas dit la vérité à leurs concitoyens concernant la nature de l'Europe, devenue néolibérale.

Leurs dirigeants ont fait semblant de gouverner comme s'ils avaient le pouvoir réel, ce qui n'est plus le cas. Les traités européens s'appliquent. La monnaie est unique. La discipline budgétaire est sous le contrôle de la Commission européenne.

Les Etats sont pris au piège de l'Europe. Les disparités entre les nations du nord et du sud européen s'accentuent. La concurrence régit le droit, évacuant la notion de service public. La coopération est un leurre car tous les systèmes sociaux et organismes publics sont contraints à « l'austérité » néolibérale.

En acceptant l'idée européenne, les citoyens espéraient que la France politique, avec son système social républicain issu de son histoire, allait s'affirmer dans l'espace européen. C'est le contraire qui s'est produit. La France est en cours de disparition par évaporation politique.

L'économisme a triomphé. L'Allemagne aussi - grâce à son économie qui a gagné en puissance depuis la chute du mur de Berlin, ses entreprises délocalisant certaines parties de leur production dans les pays du centre et de l'est de l'Europe - bien aidée par ses réseaux d'influence historique.

L'élargissement européen a déplacé le centre de gravité politique de l'Europe vers les pays anglo-saxons, l'éloignant de l'idéal gaullien d'Europe indépendante, de l'Atlantique à l'Oural.

La France est prise en tenaille par l'Allemagne et la Grande-Bretagne, qui privilégient l'alliance atlantique en économie autant qu'en défense. Au niveau international, dans tous les domaines, les dirigeants français et européens se calent sur la politique des USA, leur alignement ayant été particulièrement net dans la crise ukrainienne. La France a perdu son rayonnement attractif.

 

Quand on a constaté la spoliation de l'intérêt général par les intérêts capitalistes et la perte de souveraineté de notre pays, que fait-on ? C'est la question que j'ai envie de poser aux jeunes mayennais, et pas seulement à eux. Cette question nous concerne tous en tant que citoyens.

Si nous sommes d'accord sur le constat, encore faut-il décider d'agir pour que la France soit encore le creuset de la démocratie, ce qu'elle a cessé d'être depuis qu'elle s'est soumise au néolibéralisme.

Il nous faut reconstituer des repères qui ont disparu avec le déploiement du néolibéralisme car celui-ci n'accepte que les individus, définis par leurs droits et leurs intérêts. C'est à la base qu'il faut s'impliquer dans la vie collective, ne pas en rester à la critique permanente et attendre que d'autres mènent le combat à notre place. Il faut sortir de l'assistanat, ne pas laisser faire le néolibéralisme, qui avance sans faire de bruit.

Il existe un réseau créé en 2002 qui peut accueillir les citoyens qui s'engagent en ce sens.

Voir Réseau CiViQ (Citoyenneté et Vie Quotidienne).

 

Le département de la Mayenne a été marqué par l'expérience politique de Robert Buron mais, depuis longtemps, il est sous l'emprise d'un parti centriste conservateur, l'UDI, très éloigné des idées progressistes de Robert Buron.

Le parti de Jean Arthuis, qui a fait clairement allégeance à la droite, milite pour une Europe fédérale mettant en œuvre des politiques néolibérales. C'est ce parti qui a supplanté l'ex UMP en Mayenne et conquis les principaux centres de pouvoir, bénéficiant de l'affaiblissement des autres partis, en dehors du FN.

Le combat politique doit être mené par les partis qui veulent reconstruire la gauche sur des fondements républicains, en visant à reconquérir la souveraineté nationale afin de retrouver la possibilité de conduire des politiques sociales.

Voir les sites : Mouvement Républicain et Citoyen: MRC et MRC 53

 

Tout n'est pas à condamner dans ce qui est fait par la majorité au pouvoir depuis 2012. C'est la finalité politique qu'il faut repenser, le rapport à la citoyenneté. Et toute la stratégie.

Le Parti socialiste est sorti de la route depuis longtemps, la route du socialisme, j'entends.

J'ai adhéré, en 1973, à un parti politique refondé lors de son congrès à Epinay-sur-Seine en 1971. Le mot socialiste avait alors une signification, comme l'a montré Robert Buron, qui avait nommé son mouvement "Objectif socialiste". Cela signifiait une orientation politique visant à maîtriser l'économie capitaliste. Tout est à repenser maintenant puisque c'est l'économie, par sa composante financière, qui a pris le contrôle de la politique, scellant ainsi le triomphe du néolibéralisme.

La sortie de route du PS a, de fait, semé le trouble sur ce qu'est la gauche au XXIème siècle. Ce trouble est lié à la construction européenne, au point qu'il y a un doute sur la réalité de la démocratie et de la citoyenneté républicaine dans notre pays.

Le référendum du 29 mai 2005 de ratification du traité constitutionnel européen n'a pas été suivi d'effet et, plus grave, a été contredit par le vote d'un nouveau texte - conforme au premier pour l'essentiel - par les parlementaires en 2008, les représentants du peuple s'étant arrogés le pouvoir de contredire frontalement le vote direct du peuple.

Avec cette Lettre aux jeunes, j'ai voulu faire le lien entre deux engagements, celui des jeunes actuellement dans Nuit Debout, qui me fait penser à ce que j'ai connu en mai 1968, dans des conditions très différentes, qui a été à l'origine de mon propre engagement politique.

Ma réflexion m'amène à proposer à tous les citoyens en Mayenne de réfléchir à deux points :

- La France, la nation française, creuset de la démocratie et de la citoyenneté.

Le Réseau citoyen CiViQ pourrait accueillir cette réflexion, ouverte à tous, qui devrait intégrer la question du rapport à l'Europe.

- La gauche, républicaine, patriote et sociale, moyen de locomotion pour revenir sur la route du socialisme.

Le Mouvement républicain et citoyen pourrait animer cette réflexion ouverte à tous ceux qui veulent oeuvrer à la construction d'une gauche de gouvernement, réaliste et progressiste.

A un an de l'élection présidentielle, le divorce entre les citoyens et les dirigeants politiques du pays ne fait plus aucun doute. Il faut investir dans du neuf. Faisons-le ensemble.

En commençant à l'échelle du département qui avait accueilli Robert Buron, le parisien jeune et dynamique, même si ce fut difficile. Cet extrait du livre "Par goût de la vie" nous décrit, nous les mayennais, de manière très réaliste.

"Il faut dire de la Mayenne que les gens y ont un tempérament dur et attachant. Il n'y a pas l'ombre d'une sentimentalité apparente dans leurs manifestations. Ce sont des gens tenaces, travailleurs, laborieux, et qui ont un goût de réel et du concret et, par conséquent, il n'y a pas d'échange affectif très poussé avec eux, sauf exception. Il faut savoir les gagner (...). Pour y réussir, il faut le mériter".

 

Cet article est le 39ème paru sur ce blog dans la catégorie Personnalités et célébrations

Le 15 octobre 2010, les lycéens manifestaient à Laval (Mayenne) à propos des retraites

Le 15 octobre 2010, les lycéens manifestaient à Laval (Mayenne) à propos des retraites

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1 août 2015 6 01 /08 /août /2015 22:56

 

Jaurès, l'inspirateur de la République sociale et laïque, nous enseigne l'audace

 

Le successeur de Jean Jaurès à la direction de l'Humanité, Patrick Le Hyaric, a prononcé un discours le 31 juillet 2015 devant la plaque commémorant l'assassinat de Jean Jaurès au Café du croissant, à Paris, le 31 juillet 1914.

Lire ce discours sur le site de Patrick Le Hyaric, député au Parlement européen, directeur de l'Humanité : Hommage à Jean Jaurès

Extrait.

Jaurès, l’inspirateur de la république sociale et laïque, se lit. Jaurès se médite. Jaurès s’enseigne.

La statue ne demande qu’à être dépoussiérée pour que sa pensée soit commentée et discutée, pour que son œuvre, passée au tamis de l’histoire, puisse continuer à inspirer notre avenir commun.

Jaurès nous enseigne l’audace quand il épouse la cause socialiste après avoir découvert le sort réservé aux mineurs de Carmaux par l’aristocratie locale qui leur déniait tout droit politique, ou quand il se détache de sa condition de naissance pour porter la revendication de droits universels pour tous les travailleurs, quels qu’ils soient, où qu’ils vivent et quoi qu’ils croient.

C’est d’un geste intellectuel unique qu’il s’engage dans la lutte sociale, auprès des travailleurs, des ouvriers, des mineurs, dans sa circonscription, n’hésitant pas à gravir l’estrade sur les lieux de travail comme à l’Assemblée nationale où ses prises de parole et ses joutes oratoires contre ses nombreux et résolus adversaires, résonnent encore.

Il nous enseigne la grandeur du combat politique quand il décide de s’engager, en 1902, dans la création du Parti Socialiste Français qui deviendra, trois ans plus tard, la Section Française de l’Internationale Socialiste grâce aux efforts considérables qu’il déploie pour fédérer et unir les différentes chapelles du mouvement ouvrier.

Il nous enseigne le courage quand il prend fait et cause pour le capitaine Dreyfus victime d’une cabale fomentée par l’aristocratie d’Etat et militaire, parce que juif.

« Quelque soit l’être de chair et de sang qui vient à la vie, s’il a figure d’homme, il porte en lui le droit humain» lance-t-il à ceux qui pensent pouvoir trier les hommes et les femmes selon leurs origines, leurs croyances ou leur couleur de peau et qui pensent pouvoir s’exonérer du combat contre le racisme, où qu’il s’exprime.

Il nous enseigne la sagesse quand il fut l’un des plus ardents promoteurs du concept de laïcité, prenant garde, à rebours d’une abjecte mode contemporaine, de n’en jamais faire l’arme contre une religion, mais bien ce puissant principe qui garantit la neutralité de l’Etat vis à vis des cultes, quels qu’ils soient, laissant par la même occasion la liberté la plus totale à chacun de pratiquer sa religion tant que celle-ci ne s’impose pas à la société. « Nous voudrions, écrit-il en 1904, que la séparation des Eglises et de l’Etat n’apparaisse pas comme la victoire d’un groupe sur d’autres groupes mais comme l’œuvre commune de tous les républicains.»

Il nous enseigne la fraternité quand il appelle, depuis l’Amérique latine, terre d’immigration, à une sécurité professionnelle des travailleurs du monde entier, afin d’éviter les divisions et les rancœurs entre ceux qui n’ont que leur travail ou leur retraite pour vivre et afin que « chaque peuple [apprenne] à voir dans l’étranger un travailleur, un frère ».

Intellectuel hors norme, agrégé de philosophie, historien décisif de la Révolution française, journaliste de combat, Jaurès mêle en sa personne les qualités du cœur et celles de l’esprit.

Sa pensée reste un fil conducteur, alimentée par un siècle d’essor des idées progressistes, pour comprendre le monde. Elle est une pensée en mouvement continu qui nous interpelle aujourd’hui encore.

N’est-ce pas le cas, quand la folle mécanique de guerre que certains cherchent à imposer à la porte du vieux continent, en Ukraine, pour mieux asseoir une domination totale et des visées impérialistes, s’enlise en rouvrant les plaies du siècle passé et en ravivant les démons nationalistes.

La pensée de Jaurès nous interpelle quand d’obscurs intérêts géopolitiques et économiques laissent croître la bête immonde du fanatisme religieux dans un Moyen-Orient dépecé et déstabilisé, vidé de ses forces vives progressistes par trente années d’ingérence nord-américaine et de dictatures choyées.

La pensée de Jaurès nous interpelle encore quand la guerre économique, qu’il considérait comme le présage de la guerre militaire, redouble d’intensité à l’échelle de la planète ; quand se multiplient ces traités de libres échanges transatlantique, transpacifique, ou celui qui se négocie dans le plus grand secret contre les services publics, et qui n’ont pour objectif que d’accroître l’emprise du profit sur les activités humaines, sur la production et le travail  et, comble du cynisme, vise a mettre en place un droit des affaires au détriment des droits humains et environnementaux.

Jaurès, c’est la clairvoyance pour que la politique, la coopération et la diplomatie prennent en permanence le pas sur la guerre économique et militaire. Il conservait sans cesse à l’esprit l’objectif de résoudre les conflits par le dialogue et par l’unité populaire, pour dégager les principes d’un intérêt général.

 

Rappel (blog du MRC 53, 11 novembre 2013) : Jean Jaurès, dernier discours avant le désastre de la guerre de 1914

 

Cet article est le 38ème paru sur ce blog dans la catégorie Personnalités et célébrations

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11 novembre 2013 1 11 /11 /novembre /2013 22:02

"Jamais la situation de l’Europe n’a été aussi menaçante"

 

Le 11 novembre en France est le jour où les citoyens se rassemblent autour des monuments aux morts. Dans ma ville, c’était hier parce que, le dimanche, il y a plus de présents, et aussi parce que les anciens combattants veulent aller à Laval participer à la cérémonie le jour du 11 novembre.

A Paris, la commémoration a été entachée par des manifestations d’hostilité à la personne du président de la République. Voir Hollande hué: l'homme du sursaut citoyen face aux fachos (l’Humanité, 11 novembre 2013). Voir, à ce sujet, les réflexions de Claude Nicolet sur son blog et de Jean-Pierre Chevènement :  "Il faut condamner ces manifestations totalement inadmissibles un 11 novembre" (11 novembre 2013).

 

Ces commémorations sont l’occasion de chercher à comprendre ce qui a conduit à cette guerre en 1914. Voir Armistice du 11 novembre 1918 : la guerre ne s'est terminée qu'en 1945 - 10 novembre 2013 (entretien du JDD avec Jean-Pierre Chevènement).

 

Le Dernier discours de Jean Jaurès contre la guerre et l'appel à un sursaut

 

La veille du déclenchement de la Première Guerre mondiale, le 31 juillet 1914, Jean Jaurès était assassiné à Paris. Pratiquement une semaine avant, il avait prononcé le 25 juillet, à Lyon-Vaise, ce qui devait être son dernier discours. Le député du Tarn dressait alors un tableau aussi réaliste qu'alarmiste de la situation en Europe (merci à Hervé Crouzet) :

 

Citoyens,

 

Je veux vous dire ce soir que jamais nous n’avons été, que jamais depuis quarante ans l’Europe n’a été dans une situation plus menaçante et plus tragique que celle où nous sommes à l’heure où j’ai la responsabilité de vous adresser la parole  (...)

Citoyens, la note que l’Autriche a adressée à la Serbie est pleine de menaces et si l’Autriche envahit le territoire slave, si les Germains, si la race germanique d’Autriche fait violence à ces Serbes qui sont une partie du monde slave et pour lesquels les slaves de Russie éprouvent une sympathie profonde, il y a à craindre et à prévoir que la Russie entrera dans le conflit, et si la Russie intervient pour défendre la Serbie, l’Autriche ayant devant elle deux adversaires, la Serbie et la Russie, invoquera le traité d’alliance qui l’unit à l’Allemagne et l’Allemagne fait savoir qu’elle se solidarisera avec l’Autriche.

Et si le conflit ne restait pas entre l’Autriche et la Serbie, si la Russie s’en mêlait, l’Autriche verrait l’Allemagne prendre place sur les champs de bataille à ses côtés. Mais alors, ce n’est plus seulement le traité d’alliance entre l’Autriche et l’Allemagne qui entre en jeu, c’est le traité secret mais dont on connaît les clauses essentielles, qui lie la Russie et la France et la Russie dira à la France :

"J’ai contre moi deux adversaires, l’Allemagne et l’Autriche, j’ai le droit d’invoquer le traité qui nous lie, il faut que la France vienne prendre place à mes côtés." A l’heure actuelle, nous sommes peut-être à la veille du jour où l’Autriche va se jeter sur les Serbes et alors l’Autriche et l’Allemagne se jetant sur les Serbes et les Russes, c’est l’Europe en feu, c’est le monde en feu.

Dans une heure aussi grave, aussi pleine de périls pour nous tous, pour toutes les patries, je ne veux pas m’attarder à chercher longuement les responsabilités. Nous avons les nôtres, Moutet l’a dit et j’atteste devant l’Histoire que nous les avions prévues, que nous les avions annoncées; lorsque nous avons dit que pénétrer par la force, par les armes au Maroc, c’était ouvrir l’ère des ambitions, des convoitises et des conflits, on nous a dénoncés comme de mauvais Français et c’est nous qui avions le souci de la France.

Voilà, hélas! notre part de responsabilités, et elle se précise, si vous voulez bien songer que c’est la question de la Bosnie-Herzégovine qui est l’occasion de la lutte entre l’Autriche et la Serbie et que nous, Français, quand l’Autriche annexait la Bosnie-Herzégovine, nous n’avions pas le droit ni le moyen de lui opposer la moindre remontrance, parce que nous étions engagés au Maroc et que nous avions besoin de nous faire pardonner notre propre péché en pardonnant les péchés des autres.

Et alors notre ministre des Affaires étrangères disait à l’Autriche: "Nous vous passons la Bosnie-Herzégovine, à condition que vous nous passiez le Maroc" et nous promenions nos offres de pénitence de puissance en puissance, de nation en nation, et nous disions à l’Italie. "Tu peux aller en Tripolitaine, puisque je suis au Maroc, tu peux voler à l’autre bout de la rue, puisque moi j’ai volé à l’extrémité."

Chaque peuple paraît à travers les rues de l’Europe avec sa petite torche à la main et maintenant voilà l’incendie.

Eh bien! citoyens, nous avons notre part de responsabilité, mais elle ne cache pas la responsabilité des autres et nous avons le droit et le devoir de dénoncer, d’une part, la sournoiserie et la brutalité de la diplomatie allemande, et, d’autre part, la duplicité de la diplomatie russe. Les Russes qui vont peut-être prendre parti pour les Serbes contre l’Autriche et qui vont dire "Mon cœur de grand peuple slave ne supporte pas qu’on fasse violence au petit peuple slave de Serbie. "Oui, mais qui est-ce qui a frappé la Serbie au cœur? Quand la Russie est intervenue dans les Balkans, en 1877, et quand elle a créé une Bulgarie, soi-disant indépendante, avec la pensée de mettre la main sur elle, elle a dit à l’Autriche "Laisse-moi faire et je te confierai l’administration de la Bosnie-Herzégovine. "L’administration, vous comprenez ce que cela veut dire, entre diplomates, et du jour où l’Autriche-Hongrie a reçu l’ordre d’administrer la Bosnie-Herzégovine, elle n’a eu qu’une pensée, c’est de l’administrer au mieux de ses intérêts."

Dans l’entrevue que le ministre des Affaires étrangères russe a eu avec le ministre des Affaires étrangères de l’Autriche, la Russie a dit à l’Autriche: "Je t’autoriserai à annexer la Bosnie-Herzégovine à condition que tu me permettes d’établir un débouché sur la mer Noire, à proximité de Constantinople." M. d’Ærenthal a fait un signe que la Russie a interprété comme un oui, et elle a autorisé l’Autriche à prendre la Bosnie-Herzégovine, puis quand la Bosnie-Herzégovine est entrée dans les poches de l’Autriche, elle a dit à l’Autriche : "C’est mon tour pour la mer Noire." – "Quoi? Qu’est-ce que je vous ai dit? Rien du tout !", et depuis c’est la brouille avec la Russie et l’Autriche, entre M. Iswolsky, ministre des Affaires étrangères de la Russie, et M. d’Ærenthal, ministre des Affaires étrangères de l’Autriche ; mais la Russie avait été la complice de l’Autriche pour livrer les Slaves de Bosnie-Herzégovine à l’Autriche-Hongrie et pour blesser au cœur les Slaves de Serbie.

 

C’est ce qui l’engage dans les voies où elle est maintenant. Si depuis trente ans, si depuis que l’Autriche a l’administration de la Bosnie-Herzégovine, elle avait fait du bien à ces peuples, il n’y aurait pas aujourd’hui de difficultés en Europe; mais la cléricale Autriche tyrannisait la Bosnie-Herzégovine; elle a voulu la convertir par force au catholicisme; en la persécutant dans ses croyances, elle a soulevé le mécontentement de ces peuples. La politique coloniale de la France, la politique sournoise de la Russie et la volonté brutale de l’Autriche ont contribué à créer l’état de choses horrible où nous sommes. L’Europe se débat comme dans un cauchemar.

 

Eh bien! citoyens, dans l’obscurité qui nous environne, dans l’incertitude profonde où nous sommes de ce que sera demain, je ne veux prononcer aucune parole téméraire, j’espère encore malgré tout qu’en raison même de l’énormité du désastre dont nous sommes menacés, à la dernière minute, les gouvernements se ressaisiront et que nous n’aurons pas à frémir d’horreur à la pensée du cataclysme qu’entraînerait aujourd’hui pour les hommes une guerre européenne.

Vous avez vu la guerre des Balkans; une armée presque entière a succombé soit sur le champ de bataille, soit dans les lits d’hôpitaux, une armée est partie à un chiffre de trois cent mille hommes, elle laisse dans la terre des champs de bataille, dans les fossés des chemins ou dans les lits d’hôpitaux infectés par le typhus cent mille hommes sur trois cent mille.

 

Songez à ce que serait le désastre pour l’Europe: ce ne serait plus, comme dans les Balkans, une armée de trois cent mille hommes, mais quatre, cinq et six armées de deux millions d’hommes. Quel massacre, quelles ruines, quelle barbarie! Et voilà pourquoi, quand la nuée de l’orage est déjà sur nous, voilà pourquoi je veux espérer encore que le crime ne sera pas consommé. Citoyens, si la tempête éclatait, tous, nous socialistes, nous aurons le souci de nous sauver le plus tôt possible du crime que les dirigeants auront commis et en attendant, s’il nous reste quelque chose, s’il nous reste quelques heures, nous redoublerons d’efforts pour prévenir la catastrophe. Déjà, dans le Vorwaerts, nos camarades socialistes d’Allemagne s’élèvent avec indignation contre la note de l’Autriche et je crois que notre bureau socialiste international est convoqué.

 

Quoi qu’il en soit, citoyens, et je dis ces choses avec une sorte de désespoir, il n’y a plus, au moment où nous sommes menacés de meurtre et, de sauvagerie, qu’une chance pour le maintien de la paix et le salut de la civilisation, c’est que le prolétariat rassemble toutes ses forces qui comptent un grand nombre de frères, Français, Anglais, Allemands, Italiens, Russes et que nous demandions à ces milliers d’hommes de s’unir pour que le battement unanime de leurs cœurs écarte l’horrible cauchemar.

J’aurais honte de moi-même, citoyens, s’il y avait parmi vous un seul qui puisse croire que je cherche à tourner au profit d’une victoire électorale, si précieuse qu’elle puisse être, le drame des événements. Mais j’ai le droit de vous dire que c’est notre devoir à nous, à vous tous, de ne pas négliger une seule occasion de montrer que vous êtes avec ce parti socialiste international qui représente à cette heure, sous l’orage, la seule promesse d’une possibilité de paix ou d’un rétablissement de la paix.

 

Voir, par ailleurs, sur Jaurès : Assemblée nationale - Jean Jaurès - Discours parlementaires et Jaures, discours à la jeunesse, Albi, 1903

 

De son côté, Henry Moreigne a publié sur son site (31 juillet 2013 AGORA VOX) cet article relatant le Dernier discours et dernière mise en garde de Jean Jaurès. Après avoir détaillé les rouages infernaux, le fondateur et directeur du journal l'Humanité appelait à la veille de la guerre les peuples au sursaut.

 

Voici les réflexions de Henry Moreigne concernant la situation actuelle.

(…) Que reste-t-il un quasi siècle plus tard de ces propos prophétiques ? Pas grand-chose. La réponse internationale aux égoïsmes nationaux n'a non seulement pas vu le jour mais elle a surtout été captée, récupérée par les puissances financières qui ont construit une mondialisation à leur main, basée sur la mise en concurrence des peuples entre eux et l'affranchissement de tout contrôle par les Etats.

Les barils de poudre aujourd'hui n'ont pas pour nom ceux de quelques territoires des Balkans mais chômage, déficits et austérité. Loin d'être le bouclier attendu et espéré, l'Europe de 2013 se limite à une union de républiques marchandes sans plus d'objectifs politique que de reconstituer une sorte de nouvelle ligue hanséatique élargie. Pourtant le grand Jaurès dans son dernier discours nous rappelle que la clé du progrès passe par la capacité à créer des passerelles au dessus des frontières. Un beau défi pour ceux qui dans ce XXIème siècle cherchent à leur vie un sens autre que mercantilisme, consumérisme et cupidité.



Cet article est le 37ème paru sur ce blog dans la catégorie Personnalités et célébrations

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10 novembre 2013 7 10 /11 /novembre /2013 22:40

Les commémorations ne doivent pas occulter l’essentiel

 

Les cérémonies patriotiques, à Saint-Berthevin, ont lieu le dimanche le plus près de la date du 11 novembre (ou du 8 mai). C’est, donc, ce 10 novembre qu’a eu lieu la cérémonie rassemblant de nombreux berthevinois, avec la participation des enfants qui ont déposé des gerbes au monument aux morts.

Ceremonie-du-11-novembre-StB-101113-001-T.jpgLe maire, Yannick Borde, a lu le Message du 11 novembre de Kader ARIF, Ministre délégué chargé des Anciens Combattants, à l’occasion de la commémoration de la Victoire et de la paix du 11 novembre, jour de l'anniversaire de l'Armistice de 1918 et hommage à tous les morts pour la France.

 

Le 7 novembre, le président de la République, François Hollande, avait indiqué Comment la France va commémorer les 100 ans de la guerre de 14-18 (site de France tv info).

 

Jean-Pierre Chevènement, ancien ministre de la défense, a publié en octobre un livre 1914-2014 : l'Europe sortie de l'histoire? (Editions Fayard), qui met à jour des éléments historiques qui sont habituellement occultés au moment des commémorations. Ce 10 novembre, dans Le JDD (Journal du Dimanche), les propos de l’auteur de ce livre sont recueillis par Laurent Valdiguié

"La guerre de 14 s'est terminée en 1945"

 

Le JDD : Vous étiez à l'Élysée jeudi, comment avez-vous trouvé le discours de François Hollande lançant les commémorations de la guerre de 14-18 ?

Jean-Pierre Chevènement : C'était un discours rassembleur qui se voulait "au-dessus de la mêlée". Le Président a évité les aspérités, en renvoyant aux historiens et aux chercheurs le soin d'interpréter les origines, le déroulement et la portée de la guerre. Cette liberté laissée à la recherche me convient tout à fait.

Certains historiens sont choqués du mélange entre le poilu et le résistant, autrement dit du mélange des commémorations du centenaire de la Grande Guerre avec celles du 70e anniversaire du débarquement de 1944…

Moi non. On doit lier 1914 à 1945. J'estime même qu'on ne peut ni comprendre ni commémorer 1914 si on n'en fait pas le début d'une guerre de trente ans. L'armistice de 1918 n'a été qu'une trêve aux yeux de l'état-major allemand qu'inspirait l'idéologie du pangermanisme. La guerre s'est terminée en 1945 avec la capitulation sans condition de l'Allemagne.

Pourquoi tout commence en 1914 ?

Il y a une explication fondamentale, celle de la première mondialisation sous hégémonie britannique. Cette mondialisation d'avant 1914 s'est traduite par le remarquable essor de l'économie allemande qui a multiplié sa production par trois tandis que la Grande-Bretagne doublait à peine la sienne. Cette montée de l'Allemagne impériale, dans le domaine des armements navals notamment, a fortement inquiété les élites britanniques. L'erreur des dirigeants du IIe Reich est d'avoir voulu mener une guerre préventive contre la Russie et la France, en envahissant la Belgique dont l'Angleterre garantissait la neutralité. Ma thèse est donc que la Première Guerre mondiale n'est pas d'abord une guerre franco-allemande, mais un conflit d'hégémonie entre la Grande-Bretagne et l'Allemagne impériale. Chaque fois que je rencontre un dirigeant chinois aujourd'hui, je lui dis : "Vous qui allez dépasser les États-Unis, ne commettez jamais l'erreur des dirigeants du IIe Reich. Rappelez-vous le conseil de Deng Xiaoping : 'Soyez prudents, avant de traverser le fleuve, tâtez les pierres…'"

«Les origines de la guerre de 14 risquent d'être occultées dans les commémorations. Or, les mêmes risques existent aujourd'hui dans la seconde mondialisation

 

Vous rendez les Allemands totalement responsables de l'entrée en guerre, mais sur une série d'erreurs d'appréciation. Vous parlez même dans votre livre * de "bêtise allemande"…

La France n'était nullement une puissance agressive en 1914. Ses dirigeants n'envisageaient plus de faire la guerre pour reconquérir l'Alsace-Lorraine. Le peuple allemand non plus ne voulait pas la guerre, mais ses dirigeants ont donné carte blanche en juillet à l'Autriche-Hongrie pour attaquer la Serbie. Tout est décidé par l'état-major allemand. Il a pris le risque d'un conflit européen parce qu'il croyait en une guerre limitée et courte : les Français devaient être battus en six semaines grâce au plan Schlieffen d'invasion de la Belgique, qui dormait dans ses cartons depuis 1905. Mais la guerre est une boîte de Pandore : quand on l'ouvre, on libère des monstres qu'on ne peut plus rattraper. La bêtise des dirigeants allemands s'est répétée en 1917 avec la guerre sous-marine à outrance, qui a conduit les États-Unis, dont l'opinion était alors isolationniste, à intervenir… Les origines de la guerre de 14 risquent d'être occultées dans les commémorations. Ce serait dommage, car les mêmes risques existent aujourd'hui dans la seconde mondialisation.

Que faut-il commémorer aujourd'hui ?

Je crains que ces commémorations ne soient utilisées pour discréditer encore plus les nations européennes qui se seraient prétendument lancées d'elles-mêmes dans cette gigantesque boucherie. Or ce ne sont pas les nations européennes qui ont voulu la guerre, elles étaient toutes pacifiques. Ce sont des dirigeants aveugles qui ont précipité cette catastrophe. J'ai peur qu'on dévalorise encore les nations européennes pour mieux justifier une conception de ­l'Europe qui aujourd'hui prend l'eau parce que justement elle fait litière des nations qui sont le ressort de la démocratie et par conséquent de la volonté politique. Je suis pour l'Europe, mais dans le prolongement des nations ! ­L'Europe "post-nationale" actuelle, où l'on a donné à une Commission européenne composée d'inconnus d'immenses pouvoirs et le monopole de la proposition législative et réglementaire, est à bout de souffle. On n'a plus de politique industrielle, plus de politique monétaire… Nous crevons d'une monnaie surévaluée. C'est cette démission du politique que je n'aimerais pas voir consacrée par les commémorations.

Vous décrivez l'Europe actuelle comme si l'Allemagne avait gagné la guerre de 14 en six semaines …

Non, l'Allemagne a beaucoup souffert des deux guerres mondiales, matériellement et moralement. Mais c'est aujourd'hui une démocratie. Économiquement, elle est aujourd'hui très puissante, mais politiquement elle n'a plus de projet de domination politique. Militairement, elle compte très peu et elle n'a pas de politique extérieure autre qu'économique. L'Allemagne est aujourd'hui prise dans une contradiction : le traité budgétaire européen enferme les pays ­d'Europe du Sud dans une stagnation de longue durée et l'euro devient pour elle un fardeau qui menace sa compétitivité. Or les trois quarts des excédents de l'Allemagne sont réalisés aujourd'hui hors d'Europe. Il serait temps de comprendre que l'euro, surévalué de 20 %, asphyxie notre économie et que l'Europe a besoin d'une autre organisation monétaire pour retrouver la croissance et l'emploi.

 

Comment Mitterrand aurait-il commémoré 1914 ?

Il aurait réfléchi aux conséquences de la monnaie unique. Il était européen, mais parce qu'il était un patriote français. Il était né en 1916. Il a vécu l'effondrement de la France en 1940, il a été blessé à Verdun et fait prisonnier. L'Europe était pour lui le moyen d'exorciser la guerre. Mais la monnaie unique était une fausse bonne idée. Elle juxtapose des nations économiquement trop hétérogènes. ­François Mitterrand était un réaliste. Il aurait corrigé l'erreur initiale qu'a été le choix de la monnaie unique. Il serait revenu à l'idée d'une monnaie commune réservée aux transactions internationales.

 

Vous étiez ministre au moment des commémorations du bicentenaire de la Révolution en 1989, vous aviez mis sur pied le comité des historiens. Quel bilan en tirez-vous ?

Un bilan mitigé. Le bicentenaire en 1989 n'est pas allé plus loin que le centenaire en 1889, on a fait du surplace. On en est resté à Danton alors qu'on aurait dû réhabiliter Robespierre dans le contexte d'une révolution qui substituait au droit divin les droits de l'homme et du citoyen. Robespierre a sauvé la république qu'il a fondée face à l'invasion étrangère et à la sédition des contre-révolutionnaires. Relisez Jaurès dans l'Histoire socialiste de la Révolution française. Il lui a rendu justice. Une commémoration, c'est l'occasion de porter un regard plus juste, plus équilibré. Le grand homme de la guerre de trente ans, 1914-1945, c'est de Gaulle autant que Clemenceau. Et peut-être même davantage. Il n'a pas désespéré de la patrie et il a sauvé la république. Il faudra, à lui aussi, rendre justice.

Cet article est le 36ème paru sur ce blog dans la catégorie Personnalités et célébrations

 

 

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