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  • : Michel Sorin
  • : Le MRC 53 est la structure mayennaise du Mouvement Républicain et Citoyen, qui a pour but de rassembler la gauche républicaine à partir, notamment, des idées de Jean-Pierre Chevènement, l'un de ses fondateurs, qui n'est plus membre du MRC depuis 2015. Le MRC a pris le relais du Mouvement des Citoyens (MDC) après les élections de 2002. En 2022, le MRC est devenu membre de la Fédération de la Gauche Républicaine avec quatre autres organisations politiques.
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12 mars 2024 2 12 /03 /mars /2024 17:00

Le paysan breton demande à la société de choisir entre agir et subir

 

Depuis longtemps, Pierrick Berthou tire la sonnette d'alarme. Voir (CiViQ, 19 septembre 2016) : Pierrick Berthou, éleveur laitier (29) : il faut sauver les paysans.

 

Récemment, il rappelait l'importance de l'élevage. Voir (MRC 53, 27 novembre 2023) : Pierrick Berthou (site de Marianne) argumente en faveur de l'élevage.

 

Le 1er mars 2024, Le Figaro publiait, en tribune libre, son texte. Voir le cri d'alerte d'un agriculteur breton.

 

C'est ce texte qu'il a publié sur le blog qu'il vient de lancer sous le titre "Pierrick s'exprime". Le voici.

 

Agir ou subir, choisissons !

 

1,6 million de paysans en France en 1970, en 2024 nous passerons «allègrement» sous la barre des 350 000 paysans, dans l’indifférence générale… Florian, un voisin a «jeté l’éponge» en 2022. Nico, un autre voisin, lui, a décidé de mettre sa ferme en vente. Ces deux jeunes voisins, autour de 40 ans, tous deux issus d’une longue lignée de paysans, quittent leurs fermes, quittent la terre. Ils prennent cette décision car ils n’en peuvent plus, ils n’ont plus de perspectives. Ce que nous, la société, perdons, ce n’est pas seulement deux paysans qui trimaient, c’est aussi du savoir faire, transmis de génération en génération, qui s’arrête brutalement !
 

N’en doutez pas, l’Agriculture, en dépit des effets de manches de ses décideurs, va mal, très mal. A ce rythme, nous allons dépeupler nos campagnes à grande vitesse. Car, il faut bien le comprendre, nos décideurs ont choisi depuis fort longtemps, d’industrialiser l’agriculture et même de la financiariser. Tout cela avec la même logique comptable, impitoyable, qui oppresse, qui désorganise, qui déstructure l’ensemble de notre société…

 

Nos fermes s’agrandissent à marches forcées, implacablement, sans respect, sans conscience ! Tout cela se fait sans mesurer les conséquences, car les répercussions sont bien présentes. Déclin de la biodiversité, visible et moins visible, sur la terre, sous la terre, dans les mers, dans les airs. Perturbation du cycle des pluies, des vents, nos animaux maltraités et nous les paysans qui subissons et disparaissons comme des taiseux que nous sommes…

 

Notre société ne vit que grâce à ces quelques centimètres de terre qui recouvrent la planète. Ces quelques centimètres, qui font le lien entre le ciel et le sous-sol, sont riches d’humus, d’argiles, de limons, des mycorhizes, d’une vie animale, végétale etc. Ces sols qui permettent toutes nos activités Humaines sont aujourd’hui en danger, car malmenés et menacés par l’industrialisation de l’Agriculture.

 

Cette industrialisation de l’Agriculture s’appuiera, inexorablement, sur les monocultures, les N.G.T (O.G.M), les nouvelles technologies et la spécialisation. En un mot, c’est la monotonie qui s’installera dans nos campagnes… tout le contraire de ce qu’est la nature par essence qui, justement, est un feu d’artifice de diversité de bruits, diversité de couleurs, diversité de d’odeurs qui mettent tous nos sens en émois !

 

J’ai connu l’époque où les gamins du quartier se retrouvaient joyeusement pour jouer, pour grimper aux arbres, fabriquer des arcs, des flèches et des cabanes, imaginer un monde, refaire le monde en ingurgitant des quantités mémorables de cerises, de poires, de pommes, de prunes cueillies à même les arbres qui habillaient les talus de nos campagnes tellement fleuries. Des fruits en grandes quantités, totalement gratuits, tantôt trop mûrs, tantôt pas assez mûrs, ce qui, parfois, venait déranger un tube digestif «susceptible» qui obligeait à trouver rapidement un buisson afin de se soulager, sous le regard hilare des copains. Aurons-nous encore des gamins courant la campagne aux beaux jours afin d’attraper des grillons en leur tapant le «cul» à l’aide d’une brindille sèche, et de les ramener dans une boîte d’allumettes? Et, quel bonheur que d’entendre, soudainement, lors d’une dictée silencieuse, le chant du grillon, déclenchant un rire collectif, même de l’instituteur. Osons croire que cela perdurera, car il ne faudrait pas grand chose pour faire revivre nos campagnes et nos villages. Oui, c’est possible…

 

Il fut un temps où la couronne parisienne fournissait l’ensemble des légumes pour la population de la capitale. Ils avaient, disait-on, les meilleurs maraîchers du monde, parce qu’ils avaient les meilleurs sols. C’était l’époque où les rues de Paris étaient tapissées de pailles, de feuilles et autres matières absorbantes. Absolument tout était valorisé, on ne gaspillait pas! C’est ainsi que les contenus des pots de chambres, jetés par les fenêtres, étaient récupérés par les paysans afin de les épandre sur leurs terres pour y cultiver les légumes. C’était avant l’arrivée des égouts. A cette époque le fumier était considéré, à juste titre, comme la nourriture du sol, «l’or du paysan». Aujourd’hui le fumier est pour beaucoup un déchet. Un déchet qui alimente les méthaniseurs. La méthanisation, qui nous est présentée comme productrice d’ Energie verte n’est pas vertueuse, loin s’en faut. La méthanisation est un artifice créé d’une part pour ne pas payer à un prix rémunérateur les denrées agricoles aux paysans et d’autre part va précipiter l’industrialisation de l’Agriculture. Seuls ceux qui auront accès aux capitaux auront le droit de continuer. En définitive, cette opération certes produit du gaz, mais appauvrit les sols par soustraction de carbone dont le sol est particulièrement gourmand, car indispensable. Entre nourrir le sol pour nourrir les Hommes et nourrir la finance il faut choisir… Le choix est fait !

 

L’adage dit « nous sommes ce que nous mangeons», il y a encore peu de temps nos campagnes et nos potagers urbains fournissaient notre nourriture. Chacun savait d’où venaient les aliments et qui avait savamment préparé cette nourriture. Aujourd’hui, la restauration hors foyer, comme disent mécaniquement et froidement, les économistes, prend de l’ampleur. A tel point que nous remplissons nos assiettes, quand il y en a, d’aliments sans saveurs et sans origines. Et, c’est ce que nous mangeons de plus en plus.

 

Pourtant, nos élus nationaux qui insistent constamment sur la nécessaire souveraineté et sécurité alimentaire, sont capables de signer des traités de libre-échange. Du fait de ces traités de libre-échange, nous importons de plus en plus notre alimentation ( d’où une perte de souveraineté et de sécurité alimentaire) et nous poignardons dans le dos nos paysans. C’est une trahison, c’est de la folie ! En fin 2023, nos députés européens, ont voté massivement en faveur du traité de libre-échange avec la Nouvelle-Zélande. Dans ce traité, il est strictement stipulé que les produits Néo-Zélandais ne pourront être identifiables. Le consommateur ne pourra plus choisir une origine ou favoriser une manière de produire son alimentation. Nos représentants qui ont voté ce texte ne considéreraient-ils leurs électeurs que comme des « estomacs montés sur pattes», qu’ils faut remplir n’importe comment ? Quelle indécence, quelle infamie !

 

En fait, en signant ces traités de libre-échange, nos élus Européens organisent la perte de lien entre le consommateur, son alimentation et sa terre. Ils nous coupent de nos racines, de nos origines, de notre culture, de notre histoire, de notre façon de vivre. Ils banalisent la vie en tuant la différence, en uniformisant la nourriture, en uniformisant les Humains. Sommes-nous condamnés à consommer du poulet Ukrainien, du bœuf Argentin hormoné, du mouton et du lait Néo-Zélandais, du porc javellisé Américain ? Alors que la France et l’Europe peuvent très largement s’autosuffire et même exporter !

 

Il est évident que nous devrions refuser ces traités de libre-échange et pas seulement pour des raisons agricoles et alimentaires, mais aussi pour des raisons économiques et humaines. Nous pouvons encore agir en choisissant, lors de nos achats une alimentation véritablement locale et saine (sans O.G.M par exemple) et collectivement intervenir énergiquement auprès de nos représentants politiques pour que cesse le libre-échange, au profit d’une coopération entre nations comme codifiée par la charte de la Havane.

 

Il est loin le temps où Maximilien de Béthune, duc de Sully, s’exclamait en disant «labourage et pâturage sont les deux mamelles de la France». Ce bon Sully, aujourd’hui, doit se retourner dans sa tombe !

 

Nous devons réaliser que nous vivons sur l’héritage de centaines de générations de paysans qui nous ont précédés. Ce sont ces paysans qui ont façonné, enrichi, amélioré, entretenu nos sols, tout cela avec acharnement. Ce sont ces paysans qui font que nous pouvons vivre aujourd’hui sur cette terre. Et, nous, nous dilapidons, nous renions, nous méprisons cet héritage. Notre attitude est suffisante, dédaigneuse, irresponsable.

 

Nous devons absolument sauver nos sols, mais pour cela nous devons avant tout sauver les paysans qui sauront restaurer et respecter nos sols. Tous ensemble, car cela nous concerne TOUS, agissons et cessons de subir, car tout est possible.
 

Cet article est le 3331 ème sur le blog MRC 53 - le 482ème, catégorie AGRICULTURE et PAC

Pierrick Berthou, chez lui à Quimperlé dans le Finistère (article de Ouest-France, 12 mai 2023)

Pierrick Berthou, chez lui à Quimperlé dans le Finistère (article de Ouest-France, 12 mai 2023)

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15 février 2024 4 15 /02 /février /2024 15:33

Aller chercher les causes profondes et opérer les changements de fond


 

André PFLIMLIN est membre de l'Académie d'Agriculture de France après une carrière professionnelle à l'Institut de l'élevage. Il est l'auteur du livre « Europe Laitière. Valoriser tous les territoires pour construire l’Europe » (2010, Edition France Agricole). Voir aussi (blog CiViQ, 7 août 2015) : André Pflimlin et la guerre laitière.

Le 11 février, il a apporté sa contribution au débat proposé sur le site de MARS (Mouvement Agricole Rural et Solidaire) concernant les colères agricoles. Voir Lectures, rencontres, visites…. Voici une partie de son texte en trois points (le point 2 manquant à voir sur le site).

A des colères paysannes justifiées, le gouvernement réagit par des mesures dangereuses

 On peut comprendre les colères paysannes, sans partager pour autant toutes les causes avancées, et par conséquent contester les fausses solutions retenues par les ténors syndicaux (FNSEA-JA et Coordination Rurale) et par les responsables politiques.

Maintenant que les gros tracteurs sont rentrés dans les fermes et que les médias prennent un peu plus de recul, après avoir relayé les surenchères faciles, on peut espérer un peu plus d’écoute pour l’analyse des causes profondes du malaise, aboutissant à la nécessité des changements de fond à mettre en œuvre au plus vite. La presse écrite et les médias en général commencent en effet à être plus critiques, plus lucides, sur la portée des mesures annoncées.

 

1. Le problème de fond : l’ouverture croissante aux marchés mondiaux, malgré un Pacte Vert européen très ambitieux mais sans moyens, pour la transition agricole

 

La libéralisation des marchés agricoles avec la multiplication des accords de libre-échange et la suppression des anciennes protections de la PAC, internes et externes, remplacées par les aides directes à l’hectare favorisant la course à l’agrandissement, se sont accentuées ces dernières années. Le Pacte vert annoncé fin 2019 par la Commission et son volet agricole « de la ferme à la table » avec un objectif chiffré de réduction des pesticides et des engrais azotés ont été mal acceptés par la plupart des organisations agricoles dont la FNSEA et le COPA, au nom de la souveraineté alimentaire. L’ouverture aux produits agricoles de l’Ukraine, sans droits de douane, ni quotas, suite à l’invasion russe en 2022, a renforcé les crispations du monde agricole.

 

Enfin, la répartition des aides PAC, en réduction pour la PAC 2023-27 et transférée au niveau des pays via les Plans stratégiques, s’est traduite par un transfert de responsabilité sans débat sur la redéfinition des objectifs et sans moyens supplémentaires.

 

Depuis 2020, la pandémie de Covid et la guerre en Ukraine puis à Gaza, ont créé un contexte de plus en plus anxiogène, renforcé par le retour de l’inflation. Les hausses de coûts de production (énergie, engrais, aliments, etc.) ont généré beaucoup d’incertitudes. Mais elles ont été bien compensées globalement par la hausse des prix de vente des produits agricoles, avec de bons revenus moyens, surtout en en 2021 et 2022, mais aussi des inégalités croissantes avec davantage de revenus nuls ou négatifs. Et depuis deux ans, ce sont les produits Bio, les plus vertueux pour l’environnement, qui ont été les plus pénalisés.

 

La crise climatique, avec les sécheresses de 2020 et 202 et les inondations de 2023 et début 2024, est désormais admise et ressentie plus concrètement par toute la société, surtout par les agriculteurs. Cependant la réduction du cheptel pour abaisser les émissions de GES, notamment le méthane des herbivores, comme principale solution suggérée par la Cour des Comptes, a été très mal vécue par les éleveurs. À cela, se sont rajoutées des causes plus régionales notamment dans le Sud-Ouest : la maladie hémorragique des bovins, les difficultés de la viticulture, une nouvelle sécheresse et des litiges sur le stockage de l’eau, etc. Il n’est pas étonnant que le feu ait pris dans cette région, avant de se propager bien au-delà.

 

Ainsi, ces incohérences flagrantes entre les politiques commerciales et environnementales, sans visibilité sur les prix et les coûts dans un contexte international de plus en plus anxiogène pour les agriculteurs, ont constitué le terreau de toutes les révoltes paysannes.

 

2. Les revendications portées par la FNSEA-JA et les réponses apportées par le gouvernement français sont-elles les bonnes pour les agriculteurs et pour le pays ?
a. Un recul sur les pesticides et la biodiversité associé à une mise sous tutelle des agences
b. L’abandon de la taxe GNR est un très mauvais signal pour la transition énergétique
c. Simplifications des normes et du droit
d. Des engagements de protection contre la concurrence déloyale

 

3. Que conclure de cette première analyse ?

Pour juger de la pertinence de ces mesures, il est nécessaire de les resituer par rapport aux causes profondes de cette crise agricole et aux enjeux plus globaux. Pour garder une planète vivable pour nos enfants, pour faire face aux urgences climatiques, à la perte de biodiversité, à la pollution de l’air et de l’eau, face à la raréfaction des ressources naturelles et fossiles et au pillage des pays du Sud entrainant des flux croissants de migrants, la sobriété est devenue une nécessité qui s’impose à tous et dans tous les secteurs, y compris l’agriculture. Le volet agricole du Pacte vert « de la ferme à la table » visait à apporter une réponse européenne plus cohérente à ces enjeux en associant les changements des pratiques et des systèmes agricoles avec ceux de l’alimentation, moins de viande rééquilibrée par des protéines végétales via les légumineuses à graines, moins de produits transformés et plus de fruits et légumes… Ce nouveau système alimentaire peut préserver notre souveraineté alimentaire malgré une baisse probable des rendements de l’ordre de 10 % mais avec une baisse des engrais azotés de 20 % et des pesticides de 50% au bénéfice de la santé des hommes et de la nature. En suspendant le plan Ecophyto français, le gouvernement Attal a-t-il cédé pour éteindre le feu ou a-t-il changé de cap ?

 

Les mesures annoncées sont une réelle régression en regard du droit de l’environnement et des objectifs affichés par la France. C’est un très mauvais signal pour la transition agroécologique qui était déjà à la peine faute de moyens adéquats. Et cette fois, c‘est le gouvernement français qui fait marche arrière, à la demande de la FNSEA et de la Coordination Rurale. La grande majorité des Français qui avait été plutôt bienveillante face à cette révolte des tracteurs malgré le blocage des autoroutes, devrait réaliser assez rapidement que l’addition est bien lourde pour eux et pour leurs enfants car se faisant aux dépens de la qualité de leur alimentation et de leur santé, de l’environnement et de la lutte contre le changement climatique.

 

C’est un changement de cap du gouvernement avec retour au productivisme du siècle dernier, avec autant voire plus de chimie et un brin de modernité grâce à la génomique, au numérique et à la robotique, une trilogie chère au président Macron. Cela va accélérer la course aux volumes et aux hectares pour produire plus de « minerai » à bas prix pour l’agroalimentaire et pour l’export.

 

Cela ne manquera pas d’engendrer de nouvelles crises agricoles, par la disparition des petites fermes, mais aussi par le surendettement des plus grosses, et de freiner davantage la reprise et l’installation des jeunes. Dans ce contexte de relance de la course aux volumes aux dépens de la qualité, donc de prix bas, ce n’est pas la meilleure application de la loi Egalim 2 par des contrôles renforcés qui permettra de garantir de meilleurs prix et un revenu décent pour un métier de plus en plus exigeant.

 

De nombreux points restent à préciser dans les prochains mois pour finaliser le projet de loi agricole mais, sauf à reprendre complètement la copie pour rendre plus cohérentes les politiques agricoles, commerciales et environnementales, au niveau français et européen, cette nouvelle loi agricole ne peut être qu’une série de rustines sur un système productiviste, ne répondant pas aux grands enjeux sociaux et environnementaux et donc incapable d’éviter de nouvelles révoltes.

 

 

Rappel (blog MRC 53, 31 janvier 2024) : Colères agricoles : le MRC soutient les mouvements de protestation


 

Cet article est le 3329 ème sur le blog MRC 53 - le 481ème, catégorie AGRICULTURE et PAC

André Pflimlin, le 7 septembre 2015, lors de la grande manifestation des éleveurs laitiers à Bruxelles, devant les bureaux de la Commission européenne

André Pflimlin, le 7 septembre 2015, lors de la grande manifestation des éleveurs laitiers à Bruxelles, devant les bureaux de la Commission européenne

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31 janvier 2024 3 31 /01 /janvier /2024 18:01

La responsabilité historique des gouvernants français est majeure

 

Le Mouvement Républicain et Citoyen a accompagné Jean-Luc Laurent dans sa dernière demeure le 19 janvier. Personnalité très appréciée, comme les nombreux témoignages l'ont montré, Jean-Luc a été remplacé à la mairie du Kremlin-Bicêtre par son premier adjoint, Jean-François Delage, et, au MRC, par ses trois vice-présidents. Voir Décès de J-Luc Laurent, maire du Kremlin-Bicêtre et président du MRC.

 

La vie continue. Les agriculteurs sont confrontés à une logique infernale qui tient sa source dans la décision prise il y a trente ans par les gouvernants des pays européens d'en finir avec les principes de la Politique Agricole Commune (PAC) et de mettre les produits agricoles dans le grand bain de la concurrence des prix au niveau mondial, comme si la production alimentaire n'était pas une affaire de souveraineté politique.

 

En tant que responsable agriculture-alimentation au secrétariat national du MRC, Michel Sorin a rédigé un texte - qui a bénéficié des apports de Catherine Coutard et de Serge Maupouet - mis sur le site du MRC le 30 janvier, ici.

 

Les colères agricoles sont justifiées, la souveraineté alimentaire de la France est menacée

 

Le mouvement de protestation agricole en cours est sans nul autre pareil. La détermination des agriculteurs est à la hauteur de la crise de l'agriculture, en France et dans l'Union européenne.

 

Le mouvement est parti des Pays-Bas en 2022, suite à la décision du gouvernement de réduire de 30 % le cheptel bovin. Il a fortement marqué les esprits par son caractère violent et ses effets sur les résultats des élections provinciales dans ce pays.

 

Des manifestations d'agriculteurs ont suivi en Belgique et en Espagne contre la hausse des coûts et les normes environnementales. En Roumanie, les mesures de soutien à l'agriculture ukrainienne ont fait converger les tracteurs vers Bucarest. En Allemagne, la décision du gouvernement de supprimer les subventions au diesel agricole a provoqué la plus importante fronde des agriculteurs depuis 1945.

 

En France, la fronde a été lancée dans le Tarn par la "rébellion des panneaux". En réinstallant à l'envers les panneaux d'entrée de communes, les agriculteurs FNSEA locaux ont fait passer l'idée d'une France qui marche sur la tête en matière de politique agricole (excès de normes, prix trop bas et erratiques).

 

Le succès de ces initiatives dans de nombreux départements a débouché sur une contestation plus radicale, les raisons de la colère ne manquant pas, avec une grande diversité selon les départements et les spécialités des exploitations. Le gouvernement a été saisi de multiples revendications, notamment l'inflation, les normes environnementales, les prix de vente en baisse, les taxes sur le gazole.

 

Longtemps, les représentants majoritaires de la profession agricole - regroupés autour de la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles et privilégiant la co-gestion de la politique agricole aux niveaux national et européen - ont retenu les revendications des agriculteurs. Ne pouvant plus les empêcher, ils ont décidé de canaliser l'énorme mécontentement qui monte de la base militante, sous des formes diverses.

 

La colère est d'autant plus forte qu'est ressentie la contradiction entre la réalité des revenus agricoles devenus très aléatoires, et le rôle de l'agriculture qui est de nourrir la population.

 

Les agriculteurs sont coincés entre des injonctions à produire sain et propre, selon des normes écologiques d'une part, et les pressions des acteurs des filières de l'industrie agro-alimentaire et de la grande distribution, qui imposent leurs conditions de prix, sans appliquer les lois, d'autre part.

 

Au-delà de leurs opinions politiques, les agricultrices et les agriculteurs ont l'impression de voir leur avenir professionnel s'effondrer en raison du double langage de leurs représentants au gouvernement, qui ne s'opposent pas à la vision libérale qui a gagné les institutions de l'Union européenne depuis plus de trente ans et continue de promouvoir des traités de libre-échange (Nouvelle-Zélande, Amérique du sud, notamment), reconnus pour leur nocivité à l'égard de l'agriculture française et européenne.

 

A cela, est venue s'ajouter l'invasion russe en Ukraine et la levée des barrières douanières sur les poulets en provenance de ce grand pays agricole, désormais candidat à l'Union européenne. Il est clair que cette perspective d'adhésion n'est pas acceptable dans l'Europe actuelle, dominée par le libéralisme économique.

 

La responsabilité historique des gouvernants français est majeure dans l'adoption des principes néolibéraux (marché unique, circulation des capitaux, libéralisation des marchés) par les institutions européennes et, donc par les Etats, dans les années 1990.

 

La conséquence fut l'abandon du principe de garantie des prix agricoles au niveau de la Politique Agricole Commune européenne (PAC) et l'adoption des règles de la concurrence et du libre-échange pour les produits agricoles au niveau mondial, comme si la production alimentaire n'était pas une affaire de souveraineté.

 

Cette purge libérale a été suivie de la disparition d'une centaine de milliers d'exploitations agricoles dans les dix dernières années, mettant en péril la souveraineté alimentaire de la France.

Le déficit de la balance commerciale est tel que notre pays, pourtant très bien doté en richesses agricoles, ne peut plus nourrir sa population sans importer.

 

Lors des élections européennes du 9 juin 2024, les électrices et les électeurs auront à distinguer, parmi les listes de candidats, celles qui prônent la sortie de la Politique Agricole Commune européenne des mailles du filet libéral, l'arrêt des élargissements de l'Europe à l'est et le refus de signer des traités de libre-échange voulus par la Commission européenne.

 

L'avenir de l'agriculture française est lié à l'avenir des rapports de force démocratiques au sein de l'Union européenne. 
 

Cet article est le 3328 ème sur le blog MRC 53 - le 480ème, catégorie AGRICULTURE et PAC

Blocage d'autoroute par les agriculteurs - janvier 2024 (capture d'image sur Internet)

Blocage d'autoroute par les agriculteurs - janvier 2024 (capture d'image sur Internet)

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27 novembre 2023 1 27 /11 /novembre /2023 16:27

Il réfute les contre-vérités et montre tout l'intérêt de l'élevage herbager

 

Pierrick Berthou est un éleveur laitier breton qui veut revenir aux fondamentaux de l'agriculture. Il intègre dans son raisonnement les erreurs du productivisme et pense que l'agriculture ne peut se passer de l'élevage lié au sol.

Voici le texte qu'il a proposé à la rédaction de Marianne, qui l'a publié sur son site le 17 novembre 2023, en supprimant une parenthèse (charte de La Havane) dans cette phrase :

Notre agriculture doit s'appuyer sur deux piliers: l'autonomie alimentaire, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui, et la coopération entre États (charte de la Havane), plutôt que de vouloir exporter à n'importe quel prix, souvent, à l'aide de subventions, et de mettre le monde en compétition.


 

Le professeur Allan Savory se définit comme un écologue. Il est l'un des pères de la gestion moderne du pâturage. Allan Savory nous rappelle que la survie de centaines de millions d'Humains dépend uniquement des animaux, pour leur alimentation, la production d'énergie, le travail du sol, le transport et...la fertilisation de leurs terres. La bonne gestion du pâturage se fait, nous enseigne t-il, par, d'un coté, le prélèvement d'herbage et, d'un autre coté, par la restitution aux sols des résidus de feuilles, de tiges, de racines des végétaux et…des excréments de ces mêmes animaux. Sans cela point de cultures pour les Humains. Depuis la nuit des temps, c'est exactement ce qu'ont fait les paysans pour l'entretien et l'amélioration de leurs terres et cela à peu près partout sur le globe.

 

L'élevage est étroitement lié à la bonne fertilité d'un sol, en faire l'impasse serait une grave erreur. Aujourd'hui, lors de nos débats, nous sommes dans une opposition, pour ne pas dire une radicalité d'opinions. D'un coté, les adeptes d'une écologie «puriste» qui prônent un modèle agricole sans élevage, et de l'autre, les partisans de la poursuite du modèle agro-industriel avec des animaux qui ne sortent presque plus. Ces deux visions ont d'énormes inconvénients (pollutions et/ou carences des sols) dus à la même cause: la spécialisation de l'Agriculture.

 

En un mot, dans un sens comme dans l'autre, nous séparons le sol de l'animal, nos problèmes viennent de là, de cette séparation. Il nous faut sortir de cette dualité, ne nous laissons pas leurrer par cette présentation artificieuse qui nous est faite. Il faut retrouver une autre voie d'avenir, d'autant que la solution existe: la polyculture-élevage. Allan Savory nous explique que notre devenir en dépend, et que cette bonne gestion de nos sols, donc de nos animaux, influencera le climat futur...

 

Depuis plusieurs années maintenant, dès qu'un agriculteur épand des déjections animales sur ses terres, il est accusé de polluer la nature, les sols et les cours d'eau. Nous sommes arrivés à cette situation car depuis la fin des années 60, l’État, les économistes, les industriels et les dirigeants agricoles ont mis en place un modèle agricole intensif. Cela voulait dire une spécialisation des élevages et une concentration d'un plus grand nombre d'animaux sous bâtiments. Cette orientation de l'agriculture à entraîné un sur-développement du maïs, des céréales et de l'épandage des déjections animales le tout accompagné d'une diminution vertigineuse des prairies et d'une importation massive de soja brésilien et américain.! Donc, il n'est pas surprenant qu'il y ait trop de nitrates dans nos cours d'eau. Cette forme d'élevage n'est pas une solution. Même si des ajustements ont été réalisés par les agriculteurs pour améliorer la situation, cela reste très insuffisant.

 

Insuffisant! Alors, de nombreux militants écologistes disent sans sourciller que pour régler le problème des nitrates dans l'eau, il suffirait de baisser drastiquement le nombre d'animaux, voire même de supprimer l'élevage. Pour conforter leur verdict ils n'hésitent pas à affirmer « plutôt que de donner des céréales à nos animaux, pourquoi ne mangerions-nous pas directement ces céréales?».

 

En effet, et cela paraît empreint du sceau du bon sens, ces militants partent du principe que moins nous aurons d'animaux, moins nous aurons de déjections animales, donc moins de nitrates dans l'eau. Voilà bien une solution simpliste qui découle d'une réflexion simpliste, pour le moins! Et, ce genre de diatribes contre l'élevage est répandu par certaines associations environnementales, au demeurant très influentes, et très largement véhiculées dans les médias à fortes audiences et/ou diffusions. Néanmoins, l'efficacité de ce genre de déclinaisons n'est pas aussi flagrante qu'elles prétendent, bien au contraire.

 

Prenons un instant de réflexion à ce concept: moins d'animaux, donc moins de déjections animales et donc par effet, moins de nitrates. Par conséquence cela induira moins de prairies pour nourrir les animaux; ces prairies étant, ainsi, destinées à l'emblavement. Immédiatement une question se pose « comment allons-nous fertiliser toutes ces surfaces de céréales?» La réponse tombe comme une évidence: avec des engrais azotés chimiques! Eux aussi, grand pourvoyeurs de nitrates. Par ailleurs, la quantité de pesticides chimiques, pour le désherbage, explosera! Et, le travail du sol, pour les semis des céréales, provoquera un besoin en énergies fossiles qui s'accroîtra prodigieusement! Nous voyons bien que le résultat serait catastrophique, sans pour autant régler le problème des nitrates. En prolongeant la prospective, nous pouvons aisément affirmer que ce concept de plus de céréales pour nourrir les Humains entraînerait une baisse de fertilité de nos sols par manque d'humus et par manque de fertilisants organiques indispensables au bon fonctionnement d'un sol. La solution n'est sûrement pas là non plus.

 

« Inventons une société paysanne végane », des propos inconséquents tenus par des enfants gâtés aux ventres pleins, (ref: Reporterre 13/09/2023), ou autres «cessons de manger de la viande pour sauver la planète», voilà le genre de boniments qui n'ont pas de sens, à part faire le bonheur des industriels grands promoteurs de viandes cellulaires et du lait synthétique. La fin de l'élevage voulue par bon nombre d'activistes écologiques et autres anti-spécistes nous conduirait inévitablement vers un cataclysme environnemental. Ce que traduit Dominique Bourg par «penser que manger un animal est immoral est totalement faux, c'est même anti-écolo»,( ref: Sans transition n°38, 04- 05/2023). Le remède serait bien pire que le mal.

 

Il n'y a pas si longtemps, quelques décennies, le Marais Poitevin était un territoire d'élevage, parsemé de prairies et lézardé de haies: une immense zone humide. Tout cela fut balayé à coups de bulldozers, afin d'y semer des céréales; exit l'élevage. Le bilan de cette stratégie est sans contestation: depuis 20 ans des sécheresses à répétition, une baisse de la fertilité des sols par manque d'humus, partiellement compensée par la fertilisation chimique, une baisse dramatique des nappes phréatiques et autres réserves d'eau, d'où un besoin des méga-bassines. Par ailleurs,le sud de la Loire est beaucoup plus sujet aux sécheresses que le reste de la France et ce phénomène commence à s'étendre aux zones où l'élevage est soit abandonné soit progressivement en régression. Tout cela n'est pas le fruit du hasard...

 

Il faut bien comprendre que s'engager en faveur de la polyculture-élevage demandera de nourrir nos animaux uniquement avec notre sol sans faire appel aux artifices de l'autre bout du monde. Un élevage herbager pour nos ruminants, quant aux mono-gastriques, ils devront être nourris par nos céréales, nos légumineuses et les portes de nos bâtiments devront s'ouvrir vers un élevage plein air ou semi plein air. Il faut stopper la folie des fermes usines qui sont une aberration écologique, économique, animale et ...humaine. Finissons-en avec cette agriculture faite d’artefacts.

 

Notre agriculture doit s'appuyer sur deux piliers: l'autonomie alimentaire, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui, et la coopération entre États (charte de la Havane), plutôt que de vouloir exporter à n'importe quel prix, souvent, à l'aide de subventions, et de mettre le monde en compétition. Il s'agit, avant tout, de définir nos besoins en viande afin de nous nourrir, TOUS, convenablement. Ensuite, notre élevage doit être réparti sur l'ensemble du territoire. Ce faisant, nos sols et nos cours d'eau retrouveraient un état sanitaire qu'ils n'auraient jamais dû perdre...

 

En conclusion, nous devons faire attention aux analyses simplistes qui amènent des solutions simplistes. L’ Histoire nous apprend que toutes les civilisations qui nous ont précédés et qui ont disparu pour des raisons belliqueuses, économiques, religieuses, sanitaires ou autres avaient toutes adopté un régime alimentaire à base de plantes annuelles (céréales) et c'est exactement ce que vers quoi nous allons...

 

Vouloir faire de la terre de France et d'ailleurs un immense champ de céréales, serait une bien piètre réponse à un vrai problème. N'en doutons pas, c'est l'élevage qui sauvera la planète. Mais un élevage lié à notre sol et c'est cela que nous devons préparer et accompagner, dès maintenant. Cessons de faire la guerre à l'élevage !

 

Cet article est le 3320 ème sur le blog MRC 53 - le 479ème, catégorie AGRICULTURE et PAC

Le 10 février 2017, Pierrick et sa compagne Aurélie, à Saint-Berthevin (Mayenne)

Le 10 février 2017, Pierrick et sa compagne Aurélie, à Saint-Berthevin (Mayenne)

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9 septembre 2023 6 09 /09 /septembre /2023 17:46

 

Le métier d'agriculteur-paysan indépendant est en voie de disparition

 

Dans une Tribune publiée le 4 septembre 2023 sur le site de Marianne, Pierrick Berthou exprime son pessimisme devant l'évolution du monde agricole, de plus en plus dépendant de la sphère agro-industrielle, et menacé tout simplement d'extinction.

Le nombre d'agriculteurs se réduit comme peau de chagrin. Pierrick Berthou, paysan à la ferme de Poulfang, à Quimperlé, dans le Finistère, analyse les raisons de cette catastrophe.

M. Arnaud Rousseau, alors fraîchement élu président de la FNSEA, déclarait en avril dernier sur BFM TV, que « dans 10 ans, les trois quarts des agriculteurs seront non issus du monde agricole ». Aucune réaction des journalistes présents ! Nonobstant, derrière cette affirmation certes bucolique d'un retour à la terre – sympathique ouverture du monde agricole – et le grand sourire de M. Rousseau, on devrait se poser des questions. Pourquoi les paysans ne veulent-ils pas que leurs enfants reprennent la ferme ? Pourquoi les enfants de paysans ne veulent pas et ou ne peuvent pas reprendre la ferme familiale ? Et, pourquoi, là où les paysans et leurs enfants échouent, oui, pourquoi les néoruraux, eux, réussiraient-ils ? Quelle agriculture voulons-nous ? Et par déclinaison, quelle alimentation M. Rousseau nous prépare-t-il ? C'est, en quelque sorte, cette question qui est la plus importante car elle déterminera tout ! Au-delà de ces questions, et de la démographie agricole, un constat s'impose : il n'y aura pas de transmission.

Pas de transmission du savoir (il faut du temps pour former un paysan), et pas de transmission des fermes… La mise en place de l'industrialisation de l'Agriculture – au sortir de la guerre – s'est faite sur un axiome faux : le pays a faim. Dans son excellent livre Silence dans les champs, Nicolas Legendre nous rappelle que le dernier ticket de rationnement en France date de 1949. C'est dire à quel point les paysans ont relevé le défi dès leur retour des champs de bataille. Il faut quand même noter, et c'est essentiel, que si les paysans ont pu réaliser cet « exploit » en moins de quatre ans, c'est grâce aux femmes, donc aux paysannes, et aussi aux vieux paysans qui ont porté à bout de bras la nation pendant toute la durée de la guerre et au-delà. Car, sans elles, rien n'eût été possible…

LE TOURNANT DES ANNÉES 1970

Et comment ces paysannes et paysans ont-ils été remerciés ? Au cours des années 70, Alexis Gourvennec, qui encensait l'industrialisation de l'agriculture, n'hésitait pas à dire publiquement qu'il fallait dégager d'un revers de main tous ces minables, tous ces boulets, tous ces canards boiteux, le tout en accompagnant le geste à la parole ! Quel mépris ! Il fallait oser !... Il a osé ! Dès lors, une véritable guerre contre les paysans fut menée, une guerre sans pitié, sans relâche ! 31 000 fermes laitières dans le Finistère en 1970, nous approchons de 1 500 aujourd'hui, et elles sont encore trop nombreuses nous dit-on. Tout a été fait pour éradiquer les paysans : faibles prix, IVD (indemnités viagères de départ), contraintes environnementales et administratives, l'orientation de la PAC (Politique Agricole Commune). Même les retraites agricoles sont un levier important du découragement ; en effet, il faut bien admettre que lorsque vous avez trimé très dur toute une vie durant pour un revenu plus que modeste et que l'on vous met en perspective une retraite minable, indécente, proche du minimum vital, on n’encourage pas la reprise de la ferme familiale par les enfants. Donc, vous vendez au plus offrant, afin d'améliorer votre retraite et c'est ainsi que même les retraites agricoles participent à l'agrandissement des fermes, de fait à l'industrialisation de l'Agriculture.

En 1972, les paysans du Finistère et du Morbihan se mirent en « grève » pour un problème de prix payé aux producteurs par les industriels. Déjà ! Au bout d'un long conflit de plusieurs semaines, les industriels « lâchèrent » un peu sur les prix, les paysans rentrèrent sur leurs fermes et se remirent au travail sagement… Personne, absolument personne, ni les politiques, ni les syndicalistes, ni les économistes, ni les journalistes, ni les intellectuels, PERSONNE, n'intervint pour aider les paysans à réfléchir. Car ce n'est pas une toute petite hausse des prix qu'il fallait négocier, c'était la relation entre les paysans et les industriels qu'il fallait mettre sur la table. Rien ne fut fait, le démembrement de la paysannerie pouvait reprendre son cours.

Nous ne jetterons pas la pierre aux paysans de l'époque car en 2009, lors de la « grève du lait », nous n'avons pas fait autre chose qu'accepter, au final, une petite hausse du prix du lait et nous sommes rentrés dans nos fermes bien sagement, reprenant le travail. Cependant, les industriels, en 2009, eux, ont réfléchi à leurs relations avec les agriculteurs. De là est née la LMA 2010 (loi de modernisation agricole), qui enchaîna définitivement les paysans aux industriels. Feu Alexis Gourvennec ne pourrait rêver mieux, lui qui disait (dans les années 70) que l'Agriculture était l'alliée née des industriels. Il fallait comprendre que l'Agriculture sera aliénée à l'industrie, dont acte !

LA FIN DE L'AGRICULTURE ?

Au tout début des années 90, Michel Blanc, membre éminent de la FNSEA déclarait à Quimper, à la chambre d'Agriculture, que demain celle-ci ne serait plus nourricière mais productrice de molécules. En fait, il nous parlait, sans le nommer, du cracking alimentaire qui consiste à extraire des molécules des céréales, du lait etc. afin d’approvisionner les industries dans le but de créer de nouveaux produits (colles, médicaments et différents adjuvants qui font notre quotidien). Il est tellement plus rentable de vendre de l'amidon extrait des céréales pour en faire des balles de ping-pong, que de vendre de la farine pour en faire du pain. Le but des industriels, qui ont pour actionnaires des financiers voraces, n'est pas de nous nourrir, mais d'émarger le plus possible. Demain, l'agriculture deviendra d'abord productrice de minerai, de matière première, et d'énergie, pas forcément de nourriture. Mais l'autonomie alimentaire me direz-vous ? Ce n'est qu'une chimère que l'on nous serine inlassablement, c'est de la communication positive et rassurante, mais, surtout, c'est une belle hypocrisie. Déjà aujourd'hui, 50 % de notre alimentation provient de l'importation. Finalement, notre nourriture sera le sous-produit de l'industrie agroalimentaire. Pour le reste, le libre-échange compensera, il a été inventé pour cela…

Les nouvelles technologies prennent de plus en plus de place dans les fermes. Algorithmes, ordinateurs, capteurs, smartphones, logiciels, applications, robotiques, intelligences artificielles, drones, sont et seront omniprésents. Vous savez ces outils d’aide à la prise de décisions qui rapidement deviendront des outils preneurs de décisions. Or, ces technologies ont un coût exorbitant, les agriculteurs ne pourront pas financer ces outils par le fruit de leurs productions. Alors, M. Olivier Chaillou, président de la coopérative TERRENA, a proposé un plan d'accompagnement. Ce plan propose une prise de participation dans le capital des fermes par la coopérative. Il n'échappera à personne que les dirigeants de la coopérative préfèrent entrer au capital des exploitations, car les moyens financiers sont réels, plutôt que de mieux rémunérer ses propres adhérents.

Il faut être bien conscient que l'exploitation appartiendra, au moins pour une partie, à la coopérative. C'est le monde à l'envers !!! Accepter ce genre de plan, et M. Chaillou n'est pas le seul à promouvoir cette stratégie, c'est faire un grand pas vers l'absorption des fermes par les agro-industriels (de fait par la finance). Ajoutez à cela l'utilisation des OGM et le brevetage du vivant, et là, vous n'aurez plus de paysans, ni même d'agriculteurs, vous aurez des exécutants agricoles au service des agro-industriels.


 

Voir cette documentation concernant Pierrick Berthou :

- Ouest-France, 2 mars 2021 : Les véritables vaches à lait, ce sont les producteurs

- Basta Media, 29 mars 2022 : "Le modèle imposé aux paysans est de s'agrandir ou de dégager !"

- Pierrick Berthou - WikiAgri - Actualité agricole


 

Cet article est le 3311 ème sur le blog MRC 53 - le 478ème, catégorie AGRICULTURE et PAC

Pierrick Berthou (photo Ouest-France, 12 mai 2023)

Pierrick Berthou (photo Ouest-France, 12 mai 2023)

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2 juin 2023 5 02 /06 /juin /2023 17:22

Mécanismes de régulation, préférence communautaire, aide alimentaire

 

Le 2 mai 2023, il y avait 45 participants (à distance) à la réunion mensuelle du Mouvement Agricole Rural et Solidaire (MARS, association créée dans les années 1980 - voir Qui sommes-nous).

Le sujet traité était de grande importance pour l'avenir de l'agriculture française et européenne.

Alessandra Kirsch et Jacques Carles, directrice des études et président de Agriculture Stratégies (voir Qui sommes-nous ?) présentaient leur proposition, publiée en février 2023, de réforme de la politique agricole et alimentaire européenne - voir L‘impératif de mettre en œuvre une Politique Agricole et Alimentaire Commune (PAAC).

Cliquer pour télécharger la présentation

Gérard Choplin est l'auteur du compte rendu synthétique, à lire ici (reprise de la conclusion) :

Cette PAAC comporterait :

    • Pilier 1 : gestion de l’offre et interventions

    • Pilier 2 : transition environnementale et énergétique, dont l’aide qualité

    • Pilier 3 : investir dans le futur (2e pilier actuel, mais avec des investissements aussi accordés aux filières)

    • Aide alimentaire

Les aides contracycliques seront appliquées sur un volume de production correspondant à la consommation dans l’UE, avec une répartition par bassins de production sur une base historique. Elles passeront par les organismes collecteurs (PAAC de filières).

 

En période de prix haut, ceux-ci pourront racheter des stocks publics afin de diminuer leur prix d’approvisionnement et de fournir l’aval à un prix inférieur au marché mondial et exporter.

En période de prix bas, la collecte achètera aux producteurs aux prix de marché et reversera l’aide contracyclique en complément de prix. Une partie de la production lui sera achetée au prix d’équilibre (supérieur au prix de marché pour alimenter le stockage stratégique).

 

Par la contractualisation, les achats de l’aval à destination du marché interne seront réalisés à un prix supérieur aux prix de marchés (en contrepartie d’un prix plus faible lors des hausses). Les entreprises de l’aval devront mettre en place cette contractualisation pour bénéficier d’aides à l’investissement issues du 3ème pilier.

 

Une simulation pour le maïs dans les 10 dernières années : les aides contracycliques auraient été déclenchées de 2014 à 2020 à hauteur de 40€/t + aide qualité de 75€/ha (comparé au DPU actuel autour de 30€/t). Dans le cas du lait lors du très bas prix de 2016, l’aide contracyclique serait montée à 67€/tonne.

 

Il serait plus facile d’expliquer à l’opinion publique que l’UE verse des aides contracycliques seulement quand les prix sont bas que d’expliquer qu’on verse aujourd’hui des aides découplées du prix (acceptabilité financière et acceptabilité sociale). Le lissage des prix agricoles obtenus grâce à cette PAAC bénéficierait également à l’ensemble des filières, jusqu’au consommateur.

 

En conclusion, la PAAC proposée :

- limite la variabilité des prix agricoles pour le revenu des agriculteurs et pour l’approvisionnement de l’aval,

- maintient la compétitivité de l’offre UE grâce au ciblage de l’aide alimentaire,

- contribue à la régulation des prix mondiaux,

- lisse l’offre par rapport aux besoins UE,

- offre une alimentation de qualité aux consommateurs de l’UE à des prix maîtrisés,

- réhabilite la préférence UE en ciblant l’aide alimentaire,

- soutient le développement industriel des filières.


 

Agriculture-Stratégies conclut sa présentation ainsi :

- L’alimentation est une arme géopolitique. L’UE doit s’adapter au contexte mondial et assurer l’avenir de son alimentation.

- Ces mécanismes de régulation limitent :

1) La variabilité des prix de vente des agriculteurs

2) Les effets de la volatilité des prix pour l’ensemble de la filière

- Ces mécanismes de régulation permettent de :

1) Lisser dans la durée les revenus des agriculteurs ›

2) Maintenir l’offre européenne compétitive face aux importations en période de prix bas grâce au ciblage de l’aide alimentaire

3) Contribuer à la régulation des prix mondiaux en proposant des alternatives aux collecteurs (stockage stratégique, biocarburants) aux seuls débouchés du marché extérieur

4) Lisser l’offre par rapport aux besoins européens grâce au stockage, à la planification et à la contractualisation

5) Pouvoir offrir une alimentation de qualité aux consommateurs européens à prix maîtrisés lors des crises.

- Réhabiliter la préférence communautaire en développant notamment l’aide alimentaire en l’absence de droits de douane ou de clauses miroirs efficaces

Cibler une aide alimentaire européenne vers des produits dont l’origine des ingrédients et les étapes de transformation ont été réalisés en UE permettra de rendre plus compétitifs nos produits sans risque de revers économique

- La renationalisation n’est pas inéluctable

Nécessité de redéfinir la subsidiarité et un cahier des charges européen

- Intégrer le besoin d’aide au développement industriel

Nos propositions incluent un besoin de développement et d’investissement de l’ensemble de la filière


 

Cet article est le 3299 ème sur le blog MRC 53 - le 477ème, catégorie AGRICULTURE et PAC

Vue d'un sentier de promenade à Saint-Berthevin (Mayenne) le 1er juin 2023

Vue d'un sentier de promenade à Saint-Berthevin (Mayenne) le 1er juin 2023

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1 juin 2023 4 01 /06 /juin /2023 20:48

Ces propositions d'une réforme profonde de la PAC ont de quoi séduire

 

Le 2 mai 2023, il y avait 45 participants (à distance) à la réunion mensuelle du Mouvement Agricole Rural et Solidaire (MARS, association créée dans les années 1980 - voir Qui sommes-nous).

Le sujet traité était de grande importance pour l'avenir de l'agriculture française et européenne (on ne peut plus dissocier les deux, les décisions pour l'agriculture étant prises au sein de l'Union européenne).

 

Alessandra Kirsch et Jacques Carles, directrice des études et président de Agriculture Stratégies (voir Qui sommes-nous ?) présentaient leur proposition, publiée en février 2023, de réforme de la politique agricole et alimentaire européenne - voir L‘impératif de mettre en œuvre une Politique Agricole et Alimentaire Commune (PAAC).

 

Gérard Choplin est l'auteur du compte rendu synthétique, à lire ici :

Introduction

Analyse de la situation

Comparés aux objectifs de la PAC du Traité de Rome de 1957, les 9 objectifs de la PAC actuelle (qui font la part belle au climat, biodiversité, environnement, renouvellement) ont un peu perdu de vue les objectifs intrinsèques aux politiques agricoles. Il s’agit aujourd’hui de marier le souci d’une agriculture suffisamment forte pour répondre aux enjeux de souveraineté et sécurité alimentaire et pour pouvoir financer, par le revenu des agriculteurs, les objectifs environnementaux.

Avec une agriculture plus vertueuse, et l’inflation actuelle, les consommateurs n’ont plus la capacité de payer le prix de l’alimentation réclamée par le citoyen.

 

D’après les indicateurs utilisés par Bruxelles, le revenu agricole est globalement en augmentation dans l’UE depuis 2010, mais pour la France, on observe une volatilité marquée de cet indicateur du revenu de la branche. Et lorsqu’on considère la moyenne des revenus par exploitation (RCAI/UTANS) 2010-2020, celle-ci est largement inférieure à l’année de 2010 prise en référence (bien que la situation soit en forte amélioration pour 2021 et 2022).

 

La PAC est passée de 66% du budget UE en 1980 à 31% en 2021-2027, et celui-ci a été rogné de près de 90 milliards en 20 ans, soit une perte moyenne de 12,5 milliards d’€ par ans (2007-2027, en euros constants). Pour faire de la place à d’autres politiques européennes, le budget de la PAC a été réduit et il est fixe, contrainte que ne connaissent pas les USA, où les dépenses ont été multipliées par 2 par rapport au budget prévu par le Farm Bill 2019-2023.

Pour le blé, le prix minimum garanti va de 114 $/tonne dans l’UE à 202 $ aux USA, 272 $ en inde et 353 $ en Chine.

L’insuffisance du budget PAC est devenue un sujet, alors que la réserve de crise a été mobilisée pour la 1ère fois en 2022 pour 0,5 milliard €, avec des aides nationales de 4,6 milliards, inégales suivant les Etats membres, ce qui accroît les distorsions, que vont encore amplifier les PSN*.

 

Pour assurer la souveraineté alimentaire et donc maintenir l’agriculture sur les territoires, il faut garantir un revenu stable aux agriculteurs pour attirer de nouvelles générations, ce que ne peuvent faire la PAC actuelle et le PSN français.

L’UE est de plus en plus exigeante (environnement, bien-être animal) mais signe des accords de libre-échange. Ainsi on exporte nos produits de qualité et on importe des produits aux normes moindres.


 

La vision et les propositions d’Agriculture-stratégies

Il s’agit d’offrir un cadre de prix stable aux agriculteurs et ainsi de leur permettre de prendre le risque du changement de pratiques.

Notre vision de la souveraineté alimentaire est proche de celle du Traité de Rome, notamment celle d’assurer des prix raisonnables aux consommateurs tout en assurant un revenu équitable aux agriculteurs. Il faut ouvrir le champ de l’aide alimentaire et la flécher uniquement sur les produits UE, afin de stimuler la demande sur ces produits vertueux et de les rendre artificiellement compétitifs face aux produits importés.

Aux USA, l’aide alimentaire représente entre 100 et 140 milliards de dollars, dont 35 vont directement aux agriculteurs. 95% des produits de l’aide alimentaire (qui touche 15% de la population US) proviennent des USA (lien entre une politique de revenu agricole et une politique sociale).

 

* Plan stratégique National (au sein de la Politique Agricole Commune PAC)


 

Cet article est le 3298 ème sur le blog MRC 53 - le 476ème, catégorie AGRICULTURE et PAC

Photo prise ce 1er juin 2023 lors de ma marche quotidienne - je recommande cet élevage ovin des Naudières à Saint-Berthevin (Mayenne)

Photo prise ce 1er juin 2023 lors de ma marche quotidienne - je recommande cet élevage ovin des Naudières à Saint-Berthevin (Mayenne)

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27 avril 2023 4 27 /04 /avril /2023 19:49

Une nouvelle vision de la ruralité, fondée sur le dialogue ville-campagne

 

Nous avions regretté la Disparition de l'hebdomadaire L'Avenir agricole à Laval, il avait 76 ans (article daté du 30 novembre 2020).

Nous saluons la naissance d'un média numérique d'un type nouveau, qui ne remplacera pas L'Avenir agricole mais apportera son grain de sel dans le secteur agricole en Mayenne.

 

C'est le journal numérique leglob-journal.fr d'investigations, analyses, opinions, podcasts en Mayenne - dans un article daté du 22 avril 2023 et signé Thomas H. - qui en fait l'annonce le premier.

 

Leglob-journal.fr salue le lancement à venir de « Les Champs d’ici », un nouveau média numérique adossé à l’association Graines d’Avenir qui avait dû mettre la clé sous la porte et arrêter la parution de l’hebdomadaire L’Avenir Agricole. Les initiateurs de ce média agricole nouveau expliquent vouloir se lancer dans le secteur de la presse agricole en Mayenne dominée jusque-là par la FDSEA, le syndicat agricole majoritaire.

 

Il avait été question d’une renaissance… L’association Graines d’Avenir, héritière en 1997 du syndicat des agriculteurs de la Mayenne créé en 1884 qui avait propulsé L’avenir Agricole créée en décembre 1944, puis avait lâché la main fin 2020 en licenciant la dizaine de salariés dont quatre journalistes de l’hebdomadaire L’Avenir Agricole, a finalement généré une filiale intitulée GA presse

 

Il s’agit d’une société d’édition qui devrait lancer le 31 mai 2023 un « média numérique », Les Champs d’ici. Gilles Motteau, un journaliste – « il a fait presque toute sa carrière à l’Equipe » – a été recruté par GA presse qui « lancera une formule éditoriale digitale consacrée à une nouvelle vision de la ruralité dans un esprit de dialogue entre villes et campagnes » .

 

Un positionnement « villes et campagnes » que n’avait pas générer l’hebdomadaire L’Avenir Agricole qui, « après ses heures de gloire dans les années 1990-2000 a vu son lectorat, essentiellement agricole et local, se restreindre » . Malgré des efforts de redressement et le recrutement d’une nouvelle direction que l’association Graines d’Avenir de l’époque croyait performative, ses dirigeants avaient dû se résigner à la « cessation d’activité avant que les pertes accumulées n’épuisent les réserves constituées par l’association » écrit GA presse.

 

Le bureau « entièrement renouvelé » s’est mis au travail dès septembre 2021, et le voilà opérationnel avec une association Graines d’Avenir. Dans le renouveau, les agriculteurs ne sont plus majoritaires nous confie le président Nicolas Chomel, un contributeur de leglob-journal.fr qui se présente sur le réseau LinkedIn comme « chef de projet et animateur de filières Agri et Agro chez Laval Mayenne Technopole » . Il est entouré d’une secrétaire, Odile Billy et d’un trésorier que leglob-journal.fr connaît bien puisque Jean-Marc Lalloz écrit aussi dans les colonnes de leglob-journal.fr.

 

« Un large public »

Les Champs d’ici pourraient déboucher vers un media moins ancré sur l’agriculture et ses techniques proprement dite comme l’était devenu L’Avenir Agricole, même s’il avait cherché à se moderniser. « Liberté d’expression et de ton, – vis à vis des groupes de pression économiques, politiques et syndicaux » – seront selon les initiateurs des Champs d’ici comme par le passé « un gage d’indépendance » . « Nous avons une ligne et nous sommes différents, c’est ce qui fait notre spécificité » , avance Nicolas Chomel.

 

Si l’on en croit celles et ceux qui ont réfléchi à la question, les thèmes abordés seront aussi divers que nombreux. « Agriculture paysanne, alimentation, souveraineté et sécurité alimentaire, biodiversité et milieux naturels, aménagement des territoires, questions climatiques et environnementales, eau et sols, entre autres thématiques« , devraient être développés. Pour flirter sur l’air du temps « la préservation des écosystèmes naturels » , on devrait notamment beaucoup parler du bocage mayennais

 

Correspondant à un besoin d’informations sur le monde agricole en Mayenne, comme l’avait développé Pierre Messager sur leglob-journal.fr « Le nouveau média [qui devrait] s’adresser à un large public intéressé par ces thématiques, devrait contribuer à renforcer la prise de conscience, vitale dans l’intérêt commun, que tous, ruraux comme urbains, sont solidaires et doivent avoir accès à une agriculture paysanne, écologique et respectueuse des hommes comme de la nature. »

 

En toute « indépendance », nous l’avons dit, allusion à Agri 53 soutenu par la FDSEA qui « conditionne déjà l’essentiel de la presse du secteur » et tenant d’ « un modèle (…) qui s’avère mortifère » . Les Champs d’ici souhaite réconcilier « le monde où on vit avec le monde dont on vit », citant Bruno Latour.

 

Les facettes du « monde agricole »

 

A qui devrait s’adresser finalement Les Champs d’ici qui revivent sur les bases de L’Avenir Agricole tout en s’en éloignant ? Aux agriculteurs essentiellement, avec toutes sortes de pratiques agricoles, et pas seulement à celles et ceux qui produisent une agriculture intensive, productiviste et industrialisée… Mais aussi aux étudiants et aux « citoyens non paysans, ruraux ou urbains qui s’intéressent à l’agriculture, au jardinage, à l’alimentation, aux espaces naturels, à la biodiversité, qui aspirent à une nouvelle ruralité, motivés par la politique agricole et le devenir des territoires… » .

 

Le champ d’action de Les Champs d’ici semble donc être suffisamment vaste pour explorer toutes les facettes de ce secteur d’activité, regroupé sous le vocable de « monde agricole » dont on a coutume de dire qu’il est prépondérant en Mayenne… « On va pouvoir parler notamment des méga-bassines et des retenues d’eau qui apparaissent comme des aberrations » évoque Nicolas Chomel.

Appelé à fonctionner par abonnements pour le numérique, avec la diffusion d’une « newsletter », Les champs d’ici se donnent aussi du temps pour s’installer et « acquérir une notoriété suffisante » afin de faire évoluer le support numérique vers d’autres moyens de diffusion…

 

 

Cet article est le 3281 ème sur le blog MRC 53 - le 475ème, catégorie AGRICULTURE et PAC

Le 5 mars 2015, à Laval (Mayenne), Aurélie Trouvé était l'intervenante nationale lors de l'Assemblée générale de la Confédération Paysanne 53

Le 5 mars 2015, à Laval (Mayenne), Aurélie Trouvé était l'intervenante nationale lors de l'Assemblée générale de la Confédération Paysanne 53

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25 avril 2023 2 25 /04 /avril /2023 21:31

Pour des solutions de régulation permettant des prix du lait rémunérateurs

 

Deux organisations françaises sont membres de la structure laitière EMB European Milk Board : l'Apli et la Coordination Rurale. Voir (1er mars 2023, Salon de l'agriculture) : Les propositions de l'EMB, l'Apli et la CR pour éviter de retomber dans la crise.


 

EMB a été créé au niveau européen parce que c'est là que se prennent les décisions d'orientation de l'agriculture. 

Boris Gondouin a été président de l'Association des producteurs de lait indépendants (Apli) avant de devenir membre du Comité directeur et responsable Laits équitables à EMB. En avril 2023, il a écrit l'édito European Milk Board.

Newsletter Fair Milk édition en ligne !

Chers amis producteurs et productrices de lait, chers sympathisants,

Comme beaucoup le savent, l’European Milk Board (EMB) a été créé il y a plus que quinze années pour dénoncer la fin des quotas laitiers en Europe. En parallèle, l’EMB se devait de proposer d’autres solutions pour garder une forme ou un système de régulation nécessaire afin d’éviter la surproduction et de garder des prix rémunérateurs (propositions du Programme de Responsabilisation face au Marché).

 

Selon nous, ces quotas laitiers devaient subir un simple rafraîchissement afin d’améliorer leur efficacité ainsi que l’équité entre les producteurs et productrices de chaque pays européen. L’EMB – nous – a donc réalisé un lobbying sans ménager nos efforts sur les politiques européennes, mais aussi sur nos coopératives, sur les industriels et les syndicats (surtout majoritaires) qui assument, bien sûr, une lourde responsabilité sur ce sujet. Au départ, notre objectif était de travailler sur et avec nos politiques, et c’est ce que nous faisons encore aujourd’hui.

 

Seulement, le libéralisme qui règne depuis des décennies chez beaucoup de nos bien penseurs ne fait guère évoluer nos idées qui, pour nous, sont essentielles afin qu’à l’avenir un maximum de producteurs et productrices puissent vivre décemment de leur métier et être présents sur tous les territoires européens en vue de fournir des laits de qualités aux consommateurs et de préserver honorablement l’environnement.

 

Très rapidement à l’EMB, et dès le début des mouvements, nous avons amorcé des discussions et combats avec beaucoup de nos détracteurs et avons développé dans divers pays le concept du Lait équitable. Pour faire simple, notre but était de lier un maximum d’éleveurs au concept équitable nord-nord afin d’avoir un maximum de produits laitiers qui se vendent à un prix rémunérateur pour le producteur dans chaque magasin, pays par pays.

 

Nous sommes producteurs depuis des décennies et nous pouvons faire le constat négatif qu’en termes de rémunération, les choses se sont sérieusement dégradées. Je parle bien de rémunération et non pas de chiffre d’affaire. Il serait bon que beaucoup de mes collègues éleveurs en prennent note ! J’insiste, car c’est absolument vital et c’est même la base de tout !

 

Le but, donc, du concept du Lait équitable est de reprendre la main sur la plus-value que l’on nous perçoit ou que l’on nous vole depuis bien trop longtemps. En bref, nous devons redevenir des paysans. Celui qui produit et qui vend. De cette façon, notre pouvoir et notre force se multiplieront à l’infini, surtout lorsque nous adhérons au même concept, aux mêmes prix, à la même marque, et cela au niveau national. Bref, du circuit court à l’échelle nationale !

 

Mais attention, car pour garantir une pérennité, de la durabilité et surtout de l’équité, cette marque doit appartenir à ce même paysan. Sinon, nous reviendrons à ce que nous avons connu avec nos gros groupes coopératifs et leurs maudites filières privées, ou pire encore, comme nous le connaissons en France, un petit malin « businessman » qui s’est approprié notre concept en signant quelques contrats avec des agriculteurs qui, comme beaucoup, sont en demande de plus-value mais pour lesquels au fil du temps, nous voyons bien que ce sont des intermédiaires supplémentaires qui ne cherchent qu’à faire fructifier leurs filières et leurs business. Mais ça, nous savons bien que ça ne fonctionne pas, et encore moins pour le paysan !

 

La marque doit appartenir au paysan pour qu’il se responsabilise, qu’il la sente, qu’il la vive et qu’il la sente vibrer, qu’il en fasse la promotion où qu’il soit, sans qu’il s’en aperçoive. C’est ce que vivent déjà les centaines d’éleveurs qui ont créé leur Lait équitable, mais nous aimerions dès à présent passer aux crans supérieurs en multipliant le nombre d’adhérents par cent, par mille, ou même par le nombre d’agriculteurs, et plus encore !

 

Lorsque l’agriculteur adhère au concept du Lait équitable, c’est comme s’il devenait autonome sur son exploitation. Ainsi, il ne devient plus la cinquième roue du carrosse quand il s’agit d’essayer de valoriser son propre produit.

 

La régulation de la production dans toute l’Europe avec une bonne répartition des litrages produits par pays et par paysan, et adhésion massive aux Laits équitables de son pays : voilà deux clefs importantes pour que demain, nous puissions voir des jeunes s’installer en masse et enfin voir des producteurs de laits heureux de l’être.

 

Sur le plan du renforcement du pouvoir de l’agriculteur – et ce n’est pas peu dire qu’hélas aujourd’hui, il est quasiment nul – être un adhérent actif aux Laits équitables permet à celui-ci non seulement de récupérer de la plus-value sur son lait et donc de l’autonomie financière, mais également de pouvoir rencontrer un grand nombre de consommateurs lors d’animations dans les magasins ou lors des foires. Ces rencontres lui permettent de pouvoir expliquer les problèmes auxquels les producteurs laitiers sont confrontés, mais aussi de présenter les solutions avec tous les enjeux (économiques, environnementaux, de santé publique, etc….) que son métier d’agriculteur peut rencontrer. Cela permet de faire comprendre à l’opinion publique et aux politiques l’importance de bien traiter les agriculteurs et agricultrices.

 

Il est certain que pour une organisation comme l’EMB, avoir un grand nombre d’agriculteurs qui adhèrent à nos Laits équitables redonne une vivacité morale, économique, une certaine notoriété, et ouvre des portes que nous n’estimions même pas franchissables, comme le fait d’entrer en discussion avec ceux qui nous gouvernent, ceux qui transforment et ceux qui vendent nos produits. Œuvrer et avancer avec le Lait équitable, c’est pouvoir bousculer la politique, réinventer un modèle plus juste de commercialisation gagnant-gagnant entre producteurs, transformateurs, vendeurs et consommateurs.

 

Nous ne sommes pas inconscients, nous savons juste que cela fonctionne aujourd’hui dans certains pays où des agriculteurs motivés se sont repris en main. Je n’ai qu’une chose à dire et à redire : il faut créer le concept du Lait équitable dans tous les pays afin que nous puissions être plus forts tous ensemble pour que demain le monde du commerce soit plus juste. À l’EMB, nous représentons le lait, mais d’autres organisations peuvent nous emboîter le pas et reprendre ce concept dans d’autres domaines.

 

Allez, on en parle aux voisins, on y réfléchit, et on se lance ! Les premiers agriculteurs qui se sont lancés dans cette magnifique aventure vous attendent et peuvent vous aider.


 

Cet article est le 3280 ème sur le blog MRC 53 - le 474ème, catégorie AGRICULTURE et PAC

Boris Gondouin à Paris, lors d'une conférence de presse, le 12 novembre 2015

Boris Gondouin à Paris, lors d'une conférence de presse, le 12 novembre 2015

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23 avril 2023 7 23 /04 /avril /2023 16:45

Incidence notable de la hausse des prix agricoles sur les revenus


 

La séance du 21 mars 2023 du Mouvement Agricole Rural et Solidaire visait à répondre à cette question :

La forte augmentation du revenu agricole est-elle durable ?

 

Voir l'INSEE concernant Le compte prévisionnel de l'agriculture pour 2022.

 

Lucien Bourgeois, ancien responsable des études économiques pour les Chambres d'agriculture (APCA), et Maurice Desriers, ancien responsable du RICA (statistiques d'informations comptables) au ministère de l'agriculture, présentaient les documents.

Télécharger la présentation en cliquant ici

 

La synthèse (compte rendu) était effectuée par Jeau-Claude Guesdon qui, comme Lucien et Maurice, est membre du collectif d'animation de MARS.

Revenu agricole en hausse
 

La forte augmentation du revenu agricole est-elle durable ?

Le débat sur le revenu agricole en 2021 et 2022 a été introduit par Lucien Bourgeois et Maurice Desriers, deux membres du collectif de MARS au long passé professionnel dans le suivi de cette question des revenus agricoles, au titre de leur activité aux Chambres d’Agriculture pour l’un, au Ministère de l’Agriculture pour l’autre.

La présentation des intervenants

 

Il faut distinguer le revenu agricole (de l’activité de production) du revenu des agriculteurs (qui peut comprendre d’autres revenus comme des fermages versés par une société d’exploitation dont il est membre à l’agriculteur propriétaire des terres) et du revenu du ménage (les salaires d’un membre, des loyers de biens familiaux…).

Deux grandes méthodes sont mises en œuvre pour approcher le revenu agricole :

  • Des sources macro-économiques tirés de la comptabilité nationale

  • Des sources micro-économiques : RICA en particulier

Nos intervenants se sont appuyés sur des approches combinées pour établir les constats qu’ils nous livrent.

Alors que les prix agricoles ont très fortement augmenté ces années 2021 et 2022, la tendance pour le revenu était déjà à la hausse depuis les années 2010. En dépit de ces tendances, entre 2017 et 2021, les concours publics à l’agriculture ont augmenté de 2,2 milliards. Les aides calamités et allégement des charges ont augmenté de 1,6 milliard d’euros en 4 ans pour atteindre 5,3 milliards d’€ en 2021. Parmi elles les aides au gazole se chiffrent à 1,2 milliard d’euros en 2021.

 

En 2022, tous les produits agricoles ont connu de fortes hausses, dont les céréales 42%, les viandes bovines 30%, le lait 36%, le porc 37%, la volaille 44% ; les œufs 88%. En parallèle, on a pu constater une hausse de 14% des prix des produits alimentaires.

La valeur ajoutée brute de la ferme France est ainsi passée de 32 à 43 milliards d’€ et le résultat net par actif agricole non salarié a augmenté de 36 % en valeur réelle en 2022, après la hausse de 28 % en 2021.

La diminution du nombre d’exploitations et d’actifs agricoles continuant, la hausse du revenu moyen en germe depuis 2010, a ainsi doublé en 10 ans en monnaie constante, c’est-à-dire corrigé de l’inflation. Ce n’est plus du rattrapage ou c’est plus que du rattrapage !

 

Alors que, par le passé la hausse du revenu agricole moyen s’expliquait souvent par la baisse du nombre d’exploitations ou d’actifs (traduisant en fait l’agrandissement des fermes), depuis une dizaine d’années, la masse globale du revenu dégagé par l’activité de production agricole augmente en termes réels et le revenu moyen augmenterait aussi sans diminution du nombre d’actifs.

 

Cette forte augmentation du revenu agricole des 2 dernières années (2021 et 2022) est imputable aux prix et à la restructuration. Elle est bien évidemment très inégalement répartie et cette forte revalorisation n’annonce évidemment en rien une tendance durable. En revanche, les signes avant-coureurs étaient déjà là les années précédentes. Le contexte exceptionnel de forte revalorisation des prix agricoles en 2021 et surtout en 2022 avec la guerre en Ukraine, en est le facteur explicatif majeur.

 

Bien entendu, ont développé les intervenants, la forte hausse des charges en limite les répercussions sur le revenu, notamment pour le secteur des productions animales pour qui les hausses des céréales engagées des 2021 et renforcées en 2022, se sont traduites immédiatement par une forte hausse des aliments du bétail et donc des coûts de production. Pour les productions végétales, les hausses du coût de l’énergie et des engrais sont pour l’essentiel des surcoûts à venir. Et ils interviennent sur une part du coût de production beaucoup plus faible qu’en production animale où le surcoût a été immédiat de surcroît.

 

L’impact de telles hausses de prix des produits sur la valeur ajoutée du secteur et sur le revenu agricole a été brutal et rarement enregistré à ce niveau. Démonstration est faite de l’efficacité des niveaux de prix sur le niveau des revenus moyens ! Cela démontre encore une fois l’inutilité et même l’aspect nuisible du maintien des soutiens publics découplés de la réalité du marché. Reste, évidemment, l’inégalité du partage entre les agriculteurs et les agricultures de ce formidable revenu agricole moyen des deux dernières années.

 

L’importance du capital investi reste une autre spécificité et une difficulté propre au secteur. Elle rend difficile l’arrivée de nouveaux entrants : 500 000 euros de capital permanent dont 330 000 euros en fonds propre sont en moyenne mis en œuvre pour 277 000 euros de production (équivalent au chiffre d’affaires).

 

La volatilité des prix et la sensibilité des revenus à ces derniers, tout comme leur grande disparité en fonction des OTEX, mais aussi et surtout en fonction de la taille des exploitations, doit conduire à nuancer ce tableau de la hausse du revenu agricole.

 

Sans préjuger de la pérennité de ces tendances et sans oublier les fortes disparités de situations entre les productions, ou les difficultés individuelles, les intervenants s’interrogent sur l’absence de communication sur les bons résultats récents de l’agriculture. Les données les plus récentes de comparaison des revenu des agriculteurs avec les autres catégories sociales font état d’une certaine parité. L’examen des principaux indicateurs de pauvreté par catégories professionnelles corrobore ces résultats en montrant que la situation des agriculteurs exploitants est plutôt meilleure que la moyenne des autres catégories socioprofessionnelles. De même que le niveau du patrimoine personnel est particulièrement élevé, y compris par rapport aux artisans.

 

Cet article est le 3278 ème sur le blog MRC 53 - le 473ème, catégorie AGRICULTURE et PAC

Lucien Bourgeois, le 7 novembre 2011, lors du colloque de la Fondation Res Publica sur l'agriculture

Lucien Bourgeois, le 7 novembre 2011, lors du colloque de la Fondation Res Publica sur l'agriculture

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