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  • : Michel Sorin
  • : Le MRC 53 est la structure mayennaise du Mouvement Républicain et Citoyen, qui a pour but de rassembler la gauche républicaine à partir, notamment, des idées de Jean-Pierre Chevènement, l'un de ses fondateurs, qui n'est plus membre du MRC depuis 2015. Le MRC a pris le relais du Mouvement des Citoyens (MDC) après les élections de 2002. En 2022, le MRC est devenu membre de la Fédération de la Gauche Républicaine avec quatre autres organisations politiques.
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Articles RÉCents

6 janvier 2023 5 06 /01 /janvier /2023 18:33

 

Les juges reconnaissent le scandale de la pollution mais prononcent un non-lieu

 

Le tribunal judiciaire de Paris a rendu, le 5 janvier, un « non-lieu définitif » sur la pollution massive de la Martinique et de la Guadeloupe par le chlordécone. Une décision qui scandalise associations et élus locaux. 

 

Voir l'excellent article de Franck Lemarc, MAIRE info, le quotidien des élus locaux (AMF), le 6 janvier :

 

Chlordécone : pour la justice, un « scandale sanitaire »... mais pas de coupable

Extrait.

« Non-lieu définitif ». Le mot sonne comme un clap de fin. Un mois et demi après les réquisitions du parquet, qui avait demandé ce non-lieu, les juges ont mis fin à 17 années de procédure et douché les espoirs de toute une population de voir condamner des coupables d’une pollution qui a contaminé la quasi-totalité des habitants des deux îles. 

Risques connus

Le chlordécone est un pesticide qui a été massivement utilisé dans les plantations de bananes entre les années 1970 et 1993, en particulier pour lutter – très efficacement – contre le charançon du bananier. Il s’agit d’une substance très peu dégradable, dont la durée de vie dans le sol pourrait atteindre, selon les études les plus pessimistes, 650 ans. 

Breveté dans les années 1950, le chlordécone a été commercialisé dès les années 1960, d’abord aux États-Unis. Les premiers scandales sanitaires sont apparus presque immédiatement, puisque dès les années 1960, une centaine d’ouvriers de la société productrice de ce pesticide, LSPC, ont été gravement intoxiqués, tandis que le fleuve dans lequel l’usine déversait ses effluents, la James River, en Virginie, était très fortement pollué. Au point que pendant 15 ans, toute pêche a été interdite dans la James River dans un périmètre de 160 km en aval de l’usine !

Les États-Unis ont interdit le chlordécone et détruit les stocks en 1975. Autant dire que la toxicité de ce produit, à la fois pour l’humain et pour la faune et la flore, ne faisait pas vraiment mystère. 

Dérogations

Pourtant, au début des années 1980, le gouvernement français délivre une nouvelle autorisation de mise sur le marché (AMM) pour le chlordécone (sous la maque Curlone). Cette AMM sera finalement retirée en 1990. Mais le gouvernement explique alors qu’il reste possible d’utiliser le produit, pour écouler les stocks, jusqu’à deux ans après le retrait de l’autorisation. Et, sous la pression des producteurs de bananes, une année supplémentaire d’utilisation sera accordée en 1992. Ce n’est donc qu’en 1993 que le chlordécone a été officiellement interdit aux Antilles. Il l’a été, par la suite, à l’échelle mondiale, en 2009.

« Sur-incidence »  du cancer

C’est lors des décennies suivantes que sont apparus les dégâts majeurs causés par ce pesticide. Dès les années 2010, il est apparu que les sols des deux îles sont massivement contaminés au chlordécone, sur 50 à 60 % de leur surface, non seulement autour des plantations mais bien au-delà, le produit s’étant disséminé, d’une part, par les eaux et, d’autre part, par le déplacement de terres pour les chantiers de travaux publics. 

Selon les études les plus récentes, 92 % des Martiniquais et 97 % des Guadeloupéens présentent des traces de chlordécone dans l’organisme. Avec des conséquences multiples, qui ne font hélas que commencer : risques d’atteintes neurologiques, incidence sur la fertilité, risque « fortement accru », selon une étude de l’Inserm, de cancer de la prostate chez les hommes. L’Institut national de veille sanitaire a également pointé, en 2009, « une sur-incidence statistiquement significative »  des cancers du sang dans les deux îles. 

 

Voir aussi (franceinfo, 6 janvier) les précisions du ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires :

Non-lieu dans l’affaire du chlordécone : "Ce n'est pas une remise en cause du préjudice subi", assure le ministre

 

Extrait. "Ce n'est pas une manière d'aller nier la réalité du scandale, c'est une décision sur une question pénale précise, ce n'est pas une remise en cause de la peine de ces populations et du préjudice qu'elles ont subi", réagit Christophe Béchu, ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, sur franceinfo ce vendredi. Les juges d’instruction ont prononcé un non-lieu, les faits étant prescrits, mais évoquent tout de même un "scandale sanitaire"

"Est-ce qu'il y a un scandale chlordécone ? Est-ce qu'il y a des conséquences sanitaires avec des empoisonnements de population qui sont documentés ? Personne ne le conteste", a ajouté le ministre. "La réponse des juges n'est pas de nier les faits du chlordécone", assure-t-il néanmoins, évoquant des "difficultés de prescription pénale" et "d'identification des responsabilités", pour des faits qui se sont "déroulé[s] au début des années 90"

 

Cet article est le 3192 ème sur le blog MRC 53 - le 27ème, dans la catégorie Justice Police Défense.

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3 avril 2013 3 03 /04 /avril /2013 22:49
 

L’évasion fiscale a du plomb dans l’aile en France

 

Jérôme Cahuzac pourrait bien être le vecteur de divers changements, à commencer par celui qui concerne la lutte contre l’évasion fiscale. Voir les déclarations de Antoine Peillon, journaliste français, grand reporter au journal La Croix et auteur d'une investigation sur l'évasion fiscale en France : Affaire Cahuzac : "D'autres surprises à attendre" (Antoine Peillon) - France Info, 3 avril 2013.

 

C’est un succès pour le journal en ligne payant Mediapart et sa conception du journalisme d’investigation. Voir Affaire Cahuzac : Mediapart se pose une nouvelle fois en quatrième pouvoir(La Tribune, Adeline Raynal, 2 avril 2013).

C’est un énorme souci pour le président de la République, qui n’a pas été bien regardant en nommant ministre délégué au budget cet homme qui avait bénéficié des largesses des laboratoires pharmaceutiques. Voir Affaire Cahuzac : la journée noire pour l'exécutif (Le Monde, 3 avril 2013).

 

C’est un évènement à fortes répercussions. Voir Cahuzac, la triple déflagration (Marianne, Joseph Macé-Scaron, 2 avril 2013).

Pour les militants du Parti socialiste, c’est un cauchemar. Voir Affaire Cahuzac : Gérard Filoche, un socialiste au bord de la crise de nerfs (Le Point, 2 avril 2013). En fait, le PS récolte ce qu’il a semé, en accompagnant le néolibéralisme et le capitalisme financier. Ce ne peut être un hasard si de fortes personnalités (Dominique Strauss-Kahn et Jérôme Cahuzac, notamment) ont été bloquées dans leur élan politique par la Justice. Et il y en aura d’autres. C’est le produit d’un abandon de la morale en politique.

Le président du Mouvement républicain et citoyen, député du Val-de-Marne, a commenté ainsi l’évènement :

Aveu de Jérôme Cahuzac: dont acte en bloc et en détails (Jean-Luc Laurent, 2 avril 2013)

 

L’ancien ministre du budget a été mis en examen cet après-midi. Je prends acte en bloc et en détails des déclarations de l’intéressé devant le juge : elles constituent un aveu.
La justice fait son travail dans la sérénité, c’est la marque du changement.

La déception est immense car, après sa déclaration solennelle devant l'Assemblée nationale le 5 décembre, je lui ai accordé et témoigné ma confiance comme beaucoup de responsables politiques.

Par son comportement, Jérôme Cahuzac porte un immense coup à la République.
Je laisse la morale aux professeurs de morale, c’est la faute politique que je juge impardonnable.

La République, c'est d'abord la rectitude. Au comportement délictueux sur lequel la justice fera toute la lumière, Jérôme Cahuzac a ajouté le mensonge et la duplicité devant les citoyens et leurs représentants.

 

 

Cet article est le 26ème paru sur ce blog dans la catégorie Justice Police Défense.

 

 

 

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30 mars 2013 6 30 /03 /mars /2013 23:51

Plus à perdre qu’à gagner en restant dans l’OTAN

 

Chargé par le président François Hollande de tirer le bilan du retour de la France dans le commandement intégré de l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (OTAN), Hubert Védrine a conclu que revenir sur la décision prise par Nicolas Sarkozy en 2009 « ne donnerait à la France aucun nouveau levier d’influence ». Régis Debray conteste cette analyse dans cette lettre à Hubert Védrine (article publié par Le Monde diplomatique, mars 2013). Extraits.

 

Voir aussi La France doit quitter l'OTAN, par Régis Debray (Cercle des Volontaires, 27 mars 2013).

 

La France doit quitter l’OTAN

 

(…) Ce rapport m’a beaucoup appris, tout en me laissant perplexe. Tu donnes indirectement quitus à M. Nicolas Sarkozy, avec une sorte de oui mais, d’avoir fait retour au bercail atlantique. Réintégration que tu n’aurais pas approuvée en son temps, mais qu’il y aurait plus d’inconvénient à remettre en cause qu’à entériner. Dans l’Union européenne, personne ne nous suivrait. Resterait pour la France à y reprendre fermement l’initiative, sans quoi il y aurait « normalisation et banalisation » du pays. Voilà qui me donne l’envie de poursuivre avec toi un dialogue ininterrompu depuis mai 1981, quand nous nous sommes retrouvés à l’Elysée dans deux bureaux voisins et heureusement communicants.

 

Le système pyramidal serait devenu un forum qui n’engage plus à grand-chose, un champ de manoeuvre où chaque membre a ses chances, pourvu qu’il sache parler fort. Bref, cette OTAN affaiblie ne mériterait plus l’opprobre d’antan. Je la jugeais, de loin, plus florissante que cela. Considérablement étendue. Douze pays en 1949, vingt-huit en 2013 (avec neuf cent dix millions d’habitants). Le pasteur a doublé son troupeau. L’Alliance était atlantique, on la retrouve en Irak, dans le Golfe, au large de la Somalie, en Asie centrale, en Libye (où elle a pris en charge les frappes aériennes). Militaire au départ, elle est devenue politico-militaire. Elle était défensive, la voilà privée d’ennemi mais à l’offensive. C’est le nouveau benign neglect des Etats-Unis qui aurait à tes yeux changé la donne. Washington a viré de bord, vers le Pacifique, avec Pékin et non Moscou pour adversaire-partenaire. Changement de portage général. D’où des jeux de scène à la Marivaux : X aime Y, qui aime Z. L’Europe énamourée fixe ses regards vers l’Américain, qui, fasciné, tourne les siens vers l’Asie.

 

Le Vieux Continent a l’air fin, mais le cocu ne s’en fait pas trop. Il demande seulement quelques égards. Nous, Français, devrions nous satisfaire de quelques postes honorifiques ou techniques dans les états-majors, à Norfolk (Etats-Unis), à Mons (Belgique), de vagues espoirs de contrats pour notre industrie, et de quelques centaines d’officiers dans les bureaux, réunions et raouts à foison.

La relation transatlantique a sa dynamique. Evident est le déclin relatif de la puissance américaine dans le système international, mais le nôtre semble être allé encore plus vite. L’OTAN n’est plus ce qu’elle était en 1966 ? Peut-être, mais la France non plus.

Nos compatriotes broient déjà assez du noir pour leur éviter la cruauté d’un avant/après en termes de puissance, de rayonnement international et d’indépendance d’allure (« indépendance », le leitmotiv d’hier, étant désormais gommé par « démocratie »). Emploi, services publics, armée, industrie, francophonie, indice des traductions, grands projets : les chiffres sont connus, mais passons. En taille et en volume, le rapport reste ce qu’il était : de un à cinq. En termes de tonus et de vitalité, il est devenu de un à dix.

 

Une nation normalisée et renfrognée

 

Etats-Unis : une nation convaincue de son exceptionnalité où la bannière étoilée est hissée chaque matin dans les écoles et se promène en pin’s au revers des vestons, et dont le président proclame haut et fort que son seul but est de rétablir le leadership mondial de son pays. « Boosté » par la révolution informatique qui porte ses couleurs et parle sa langue, au coeur, grâce à ses entreprises, du nouvel écosystème numérique, il n’est pas près d’en rabattre. Sans doute, avec ses Latinos et ses Asiatiques, peut-on parler d’un pays posteuropéen dans un monde postoccidental, mais s’il n’est plus seul en piste, avec la moitié des dépenses militaires du monde, il peut garder la tête haute. Et mettre en oeuvre sa nouvelle doctrine : leading from behind (« diriger sans se montrer »).

 

France : une nation normalisée et renfrognée, dont les beaux frontons - Etat, République, justice, armée, université, école - se sont évidés de l’intérieur comme ces nobles édifices délabrés dont on ne garde que la façade. Où la dérégulation libérale a rongé les bases de la puissance publique qui faisait notre force. Où le président doit dérouler le tapis rouge devant le président-directeur général de Google, acteur privé qui jadis eût été reçu par un secrétaire d’Etat. Sidérante diminutio capitis. Nous avons sauvé notre cinéma, par bonheur, mais le reste, le régalien…

Le Français de 1963, s’il était de gauche, espérait en des lendemains chanteurs ; et s’il était de droite, il avait quelque raison de se croire le pivot de la construction européenne, avec les maisons de la culture et la bombe thermonucléaire en plus. Celui de 2013 ne croit en rien ni en personne, bat sa coulpe et a peur autant de son voisin que de lui-même. Son avenir l’angoisse, son passé lui fait honte. Morose, le Français moyen ? C’est sa résilience qui devrait étonner. Pas de suicide collectif : un miracle.  Garder une capacité propre de réflexion et de prévision ? Indispensable, en effet. Quand notre ministre de la défense vient invoquer, pour expliquer l’intervention au Mali, la « lutte contre le terrorisme international », absurdité qui n’a même plus cours outre-Atlantique, force est de constater un état de phagocytose avancée, quoique retardataire. Loger dans le fourre-tout « terrorisme » (un mode d’action universel) les salafistes wahhabites que nous pourchassons au Mali, courtisons en Arabie saoudite et secourons en Syrie conduit à se demander si, à force d’être interopérable, on ne va pas devenir interimbécile.

 

Le défi que tu lances - agir de l’intérieur - exige et des capacités et une volonté.

 

1. Pour montrer « exigence, vigilance et influence », il faut des moyens financiers et des think tanks compétitifs. Il faut surtout des esprits originaux, avec d’autres sources d’inspiration et lieux de rencontre que le Center for Strategic and International Studies (CSIS) de Washington ou l’International Institute for Strategic Studies (IISS) de Londres. Où sont passés les équivalents des maîtres d’oeuvre de la stratégie nucléaire française, les généraux Charles Ailleret, André Beaufre, Pierre Marie Gallois ou Lucien Poirier ? Ces stratèges indépendants, s’ils existent, ont apparemment du mal à se faire connaître.

 

2. Il faut une volonté. Elle peut parfois tirer parti de l’insouciance générale, qui n’a pas que des mauvais côtés. Elle a permis à Pierre Mendès France, dès 1954, et à ses successeurs de lancer et de poursuivre en sous-main la fabrication d’une force de frappe nucléaire. Or l’actuelle démocratie d’opinion porte en première ligne, gauche ou droite, des hommes-baromètres plus sensibles que la moyenne aux pressions atmosphériques. On gouverne à la godille, le dernier sondage en boussole et cap sur les cantonales. En découdre dans les sables avec des gueux isolés et dépourvus d’Etat-sanctuaire, avec un bain de foule à la clé, tous nos présidents, après Georges Pompidou, se sont offert une chevauchée fantastique de ce genre (hausse de la cote garantie). Heurter en revanche la première puissance économique, financière, militaire et médiatique du monde reviendrait à prendre le taureau par les cornes, ce n’est pas dans les habitudes de la maison. La croyance dans le droit et dans la bonté des hommes n’entraîne pas à la virtu, mais débouche régulièrement sur l’obéissance à la loi du plus fort. Le socialiste de 2013 prend l’attache du département d’Etat aussi spontanément qu’en 1936 celui du Foreign Office. Le pli a la vie dure. WikiLeaks nous a appris que, peu après la seconde guerre d’Irak, l’actuel ministre de l’économie et des finances M. Pierre Moscovici, alors chargé des relations internationales au Parti socialiste, s’en est allé rassurer les représentants de l’OTAN sur les bons sentiments de son parti envers les Etats-Unis, jurant que s’il remportait les élections, il ne se conduirait pas comme un Jacques Chirac. M. Michel Rocard avait déjà manifesté auprès de l’ambassadeur américain à Paris, le 24 octobre 2005, sa colère contre le discours de M. Dominique de Villepin à l’Organisation des Nations unies (ONU) en 2003, en précisant que, lui président, il serait resté silencieux. Demander à l’ex-« gauche américaine » de ruer dans les brancards est un pari hasardeux. Napoléon en 1813 n’a pas demandé à ses Saxons de reprendre leur poste sous la mitraille (…).

 

La « famille occidentale », une mystification

 

Rentrer dans le rang pour viabiliser une défense européenne, la grande pensée du règne précédent, témoigne d’un curieux penchant pour les cercles carrés. Neuf Européens sur dix ont pour stratégie l’absence de stratégie. Il n’y a plus d’argent et on ne veut plus risquer sa peau (on a déjà donné). D’où la fumisterie d’un « pilier européen » ou d’un « état-major européen au sein de l’OTAN ». Le seul Etat apte à des accords de défense conséquents avec la France, le Royaume-Uni, conditionne ceux-ci à leur approbation par Washington. Il vient d’ailleurs d’abandonner le porte-avions commun. L’Alliance atlantique ne supplée pas à la faiblesse de l’Union européenne (sa « politique de sécurité et de défense commune »), elle l’entretient et l’accentue. En attendant Godot, nos jeunes et brillants diplomates filent vers un « service diplomatique européen » richement doté, mais chargé d’une tâche surhumaine : assumer l’action extérieure d’une Union sans positions communes, sans armée, sans ambition et sans idéal. Sous l’égide d’une non-personnalité.

 

Quant au langage de l’« influence », il fleure bon la IVe République. « Ceux qui acceptent de devenir piétaille détestent dire qu’ils sont piétaille » (de Gaulle encore, à l’époque). Ils assurent qu’ils ont de l’influence, ou qu’ils en auront demain. Produire des effets sans disposer des causes relève de la pensée magique. Influer veut dire peser sur une décision. Quand avons-nous pesé sur une décision américaine ? Je ne sache pas que M. Barack Obama ait jamais consulté nos influentes autorités nationales avant de décider d’un changement de stratégie ou de tactique en Afghanistan, où nous n’avions rien à faire. Il décide, on aménage.

 

La place du brillant second étant très logiquement occupée par le Royaume-Uni, et l’Allemagne, malgré l’absence d’un siège permanent au Conseil de sécurité, faisant désormais le troisième, nous serons donc le souffleur n° 4 de notre allié n° 1 (et en Afghanistan, nous fûmes bien, avec notre contingent, le quatrième pays contributeur). Evoquer, dans ces conditions,« une influence de premier plan au sein de l’Alliance » revient à faire cocorico sous la table.

 

Nous glissions depuis longtemps le long du toit, me diras-tu, et M. Sarkozy n’a fait que parachever un abandon commencé sous ses prédécesseurs. Certes, mais il lui a donné son point d’orgue symbolique avec cette phrase : « Nous rejoignons notre famille occidentale. » Ce n’est pas d’aujourd’hui qu’un champ clos de rivalités ou un système de domination se déguise en famille. Vieille mystification qu’on croyait réservée à la « grande famille des Etats socialistes ». D’où l’intérêt d’en avoir plusieurs, des familles naturelles et des électives, pour compenser l’une par l’autre.

 

Sentimentalement, j’appartiens à la famille francophone, et me sens autant et plus d’affinités avec un Algérien, un Marocain, un Vietnamien ou un Malgache qu’avec un Albanais, un Danois ou un Turc (tous trois membres de l’OTAN). Culturellement, j’appartiens à la famille latine (Méditerranée et Amérique du Sud). Philosophiquement, à la famille humaine. Pourquoi devrais-je m’enfermer dans une seule ? Pourquoi sortir de la naphtaline la notion chérie de la culture ultraconservatrice (Oswald Spengler, Henri Massis, Maurice Bardèche, les nervis d’Occident, qui ne figure pas, d’ailleurs, dans le traité de l’Atlantique nord de 1949, qui n’apparaît presque jamais sous la plume de de Gaulle et que je ne me souviens pas avoir entendue dans la bouche de Mitterrand ?

 

En réalité, si l’Occident doit aux yeux du monde s’identifier à l’Empire américain, il récoltera plus de haines que d’amour, et suscitera plus de rejet que de respect. Il revenait à la France d’animer un autre Occident, de lui donner un autre visage que Guantánamo, le drone sur les villages, la peine de mort et l’arrogance. Y renoncer, c’est à fois compromettre l’avenir de ce que l’Occident a de meilleur, et déjuger son propre passé. Bref, nous avons raté la marche (…).

 

Et si on prend un peu plus de hauteur, toujours derrière Hegel, il se pourrait bien que l’américanisation des modes de vie et de penser (rouleau compresseur qui n’a pas besoin de l’OTAN pour poursuivre sa course) ne soit que l’autre nom d’une marche en avant de l’individu commencée avec l’avènement du christianisme. Et donc une extension du domaine de la douceur, une bonne nouvelle pour les minorités et dissidences de toutes espèces, sexuelles, religieuses, ethniques et culturelles. Une étape de plus dans le processus de civilisation, comme passage du brut au raffiné, de la rareté à l’abondance, du groupe à la personne, qui vaut bien qu’on en rabatte localement sur la gloriole. Ce qui peut nous rester d’une vision épique de l’histoire, ne devrions-nous pas l’enterrer au plus vite si l’on veut vivre heureux au XXIe siècle de notre ère, et non au XIXe ?

Verdun, Stalingrad, Hiroshima… Alger, Hanoï, Caracas… Des millions de morts, des déluges de souffrances indicibles, dans quel but, finalement ? Il m’arrive de penser que notre indifférence au destin collectif, le repli sur la sphère privée, notre lente sortie de scène ne sont pas qu’un lâche soulagement mais l’épanouissement de la prophétie de Saint-Just, « le bonheur est une idée neuve en Europe ». En conséquence de quoi il y a plus de sens et de dignité dans des luttes pour la qualité de l’air, l’égalité des droits entre homos et hétéros, la sauvegarde des espaces verts et les recherches sur le cancer que dans de sottes et vaines querelles de tabouret sur un théâtre d’ombres (…).

 

La réponse de Hubert Védrine sera publiée dans le Monde Diplomatique d’avril 2013.

 

Cet article est le 25ème paru sur ce blog dans la catégorie Justice Police Défense.

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14 mars 2013 4 14 /03 /mars /2013 23:46

Le délit d’offense au chef d’Etat est mis en question

La Cour européenne des droits de l’homme a jugé disproportionnée la sanction pénale à l’encontre du militant de gauche Hervé Eon qui avait brandi une affichette au passage de la voiture du président de la République en visite officielle à Laval le 28 août 2008.
Condamné pour délit d’offense au chef de l’Etat (Voir Offense au chef de l'État)

Président d'association politique traduit devant le tribunal de Laval - 29 sept. 2008

Jean-Luc Mélenchon à Laval pour soutenir Hervé Eon au tribunal - 23 octobre 2008

 

Toutefois… Les délits d'outrage sous Sarkozy ont été moins nombreux que prévu - 13 avril 2012 

 

La Cour européenne contredit la justice française. Sans se prononcer sur le délit d’offense.  

Pancarte «Casse-toi pov'con» : la France condamnée (Le Figaro, 14 mars 2013).

 

Quel avenir pour le délit d’offense au chef de l’Etat ?

Le délit d'offense au chef de l'État doit-il disparaître ? (France Info, 14 mars 2013)

Mélenchon demande l'abrogation du délit d'offense au chef de l'Etat (Nouvel Observateur, 14 mars 2013)

 

La vie continue… A Dijon, un militant interpellant le président de la République se fait expulser.

 

 

Voir Vidéo : un manifestant se fait expulser manu militari au passage de François Hollande (Rue89, Mathieu Deslandes, 11 mars 2013). 

 

Cet article est le 24ème paru sur ce blog dans la catégorie Justice Police Défense

 

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15 juillet 2012 7 15 /07 /juillet /2012 22:36

Indispensable à notre indépendance et à notre industrie

 

Le candidat François Hollande avait été clair (60ème engagement) : « Je maintiendrai une ambition nationale élevée pour notre outil de défense, et je serai très vigilant dans l’action contre le terrorisme. Je fixerai un cap à nos forces armées, en conservant les deux composantes de notre dissuasion nucléaire, et en resserrant les liens entre l’armée et la nation. Je veillerai à ce que les armées disposent des moyens de leur mission et d’une organisation performante. Je relancerai une politique industrielle de défense ambitieuse. Je m’attacherai à ce que l’Otan retrouve sa vocation initiale : la préparation de la sécurité collective ». Voir Les 60 engagements pour la France, le projet de François Hollande

 

Cela n’a pas empêché Michel Rocard de remettre en question la Force de dissuasion nucléaire française et, après lui, l’ancien ministre de la Défense, Paul Quilès. Voir l’article de Libération, 13 juillet 2012 : «La bombe nucléaire s'apparente à une assurance-mort». Ils préfèrent s’en remettre aux USA pour assurer la défense de la France.

 

Chevènement Le Mans 280111 002 TJean-Pierre Chevènement, dans un texte paru dans la Revue Défense Nationale de mars 2012, avait présenté son point de vue. Voir Défendre le continent européen, avec qui, contre qui?

Dans un entretien publié le 14 juillet sur le site de Libération, l’ancien ministre de la Défense répond aux questions de Laure Noualhat et Alexandra Schwartzbrod :

"Une nouvelle grande guerre n’est jamais à exclure"

Libération: Les menaces ont changé de nature, la guerre froide est finie. L’arme nucléaire n’est-elle pas dépassée?

Jean-Pierre Chevènement: La guerre froide est derrière nous mais la Russie et les Etats-Unis gardent des milliers de têtes. Les armes nucléaires vont rester durablement à horizon de l’Histoire. Les Américains, par exemple, consacrent 5 milliards de dollars à la modernisation de leur arsenal. Ils disposent encore de 9 000 têtes nucléaires, les Russes de plus de 10 000! C’est évidemment idiot! La sagesse voudrait qu’ils tendent vers une stratégie de stricte suffisance. Mais l’évolution la plus importante, c’est le développement des arsenaux nucléaires en Asie du Sud et de l’Est. Les Chinois possèdent 300 à 400 têtes et développent une troisième composante (sous-marine), l’Inde et le Pakistan une bonne centaine de têtes chacun. On va vers un nouvel équilibre du monde: une bi-polarité entre les Etats-Unis et la Chine.


Comment se situe la France?

Elle a réduit ses têtes de 600 à moins de 300 (200 pour la Grande-Bretagne). Elle dépense environ 3 milliards d’euros par an pour son outil de dissuasion nucléaire, soit 10% du budget de défense. Cet outil étant développé, les décisions concernent son renouvellement à long terme. Le plus lourd dans le budget, c’est la simulation et la nouvelle version du M-51. C’est la première fois que des têtes auront été développées à partir de tests en labo.

 

Cet arsenal a-t-il un sens stratégique?

La dissuasion est le seul moyen d’empêcher qu’une guerre régionale ne devienne mondiale. Elle nous permet surtout, comme l’avait vu le Général de Gaulle, de nous tenir en-dehors d’une guerre où nos intérêts vitaux ne seraient pas engagés. Un homme d’Etat se doit de penser constamment à la surprise stratégique. D’abord, une nouvelle guerre entre grandes puissances n’est jamais à exclure. Ensuite, le Moyen-Orient, zone instable s’il en est, est nucléarisé. Enfin, on ne connait pas le terme ultime des révolutions arabes. Par ailleurs, il existe d’autres armes de destruction massive: les armes biologiques et chimiques. On ne peut pas faire comme si elles n’existaient pas! Si une puissance moyen-orientale voulait un jour nous balancer des missiles chimiques, la disposition d’une dissuasion nucléaire suffirait à nous en prémunir. Un pays qui assure sa propre défense est en bien meilleur état moral et politique qu’un pays qui s’en remet à d’autres pour cela.

Et si toutes les puissances nucléaires décidaient de désarmer ?

La seule démarche pratique que je connaisse en matière de désarmement, est celle de la commission Evans – Kawaguchi qui vise un plafonnement à 2000 têtes nucléaires à l’horizon 2025: 1000 pour les Etats-Unis et la Russie, et 1000 pour tous les autres. Quant aux initiateurs de l’appel Golbal Zero, ils ne se cachent pas, tel Henry Kissinger, de ne pas y croire.
La seule stratégie intelligente au plan international, à mon sens, est, comme l’a décidé la conférence d’examen du TNP (1) en 2010, de promouvoir deux traités permettant de plafonner le développement des arsenaux nucléaires: le traité «cut-off», qui vise à interdire la production de matières fissiles à usage militaire (la France n’en produit plus, elle vit sur son stock) ; et le traité d’interdiction des essais nucléaires (Tice ) qui doit être ratifié pour empêcher la mise au point d'armes plus sophistiquées. Cette « prise en tenailles » permettrait de réduire les arsenaux à un niveau de stricte suffisance.

 

Rocard croit au désarmement. Et Quilès cite Allemagne dénucléarisée et forte...

Michel Rocard est un animal de communication. Il utilise délibérément la provocation pour attirer l’attention des journalistes. Quant à Paul Quilès, son argument est cohérent avec le choix fait par l’Allemagne de se placer en dernier ressort sous la protection des armes nucléaires américaines. Ce n’est pas le choix de la France.

Réduire l’outil nucléaire n’aurait pas de sens en temps de restrictions budgétaires?

On y a investi près de 200 milliards en cinquante ans. Le coût est marginal pour un gain politique considérable. Le Président Hollande l’a rappelé à juste titre. Notre arsenal est calibré à un niveau de stricte suffisance. Et, sans notre force de dissuasion, on n’aurait pas Ariane ni Airbus. Toute l’industrie aéronautique, la plupart de nos pôles d’excellence en dépendent. L’arsenal français, quand on le connait bien, est impressionnant par la qualité et la sûreté de ses armes, réduites en nombre. Et je peux vous affirmer qu’on fera encore des progrès impressionnants en précision et en indétectabilité!

(1)     Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires

Rappel : Sénat : rapport Chevènement sur le traité de non prolifération nucléaire - 24 mars 2010 

 

Cet article est le 23ème paru sur ce blog dans la catégorie Justice Police Défense.

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17 juin 2012 7 17 /06 /juin /2012 15:41

La motion des parlementaires, prise en compte par la ministre

 

Claude Nicolet, attaché parlementaire de Christian Hutin, député du Nord (il sera réélu ce soir), a fait part sur son blog d’une décision importante pour les victimes de l’amiante qui avaient été condamnées par la Cour d’Appel de Douai à rembourser une partie des indemnités qu’elles avaient reçues. Voir Actualités - Claude Nicolet : Amiante: deux folles journées et une belle victoire 

 

Université d'été MRC 2011 029 TChristian Hutin est le président du groupe d'étude sur l'amiante à l'Assemblée nationale. Il avait mobilisé députés et sénateurs pour soutenir les 350 victimes de l’amiante condamnées par la Cour d’Appel de Douai à  rembourser au Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante (FIVA) des sommes importantes que cet organisme leur avait versées trois ans plus tôt.
 

« Une pénible affaire »

Dans la motion*, Christian Hutin dénonce « l'inhumanité des poursuites engagées » et les « méthodes indignes de la République. » Il demande à ce que les victimes puissent « bénéficier d'une remise gracieuse afin de mettre un terme à cette pénible affaire. » Tous les parlementaires, députés et sénateurs, ont reçu la motion rédigée par le groupe d'études sur l'amiante. « Au scandale sanitaire s'ajoute l'injustice. Ce texte a vocation à être signé par l'ensemble des parlementaires de notre pays », a indiqué le député dans la lettre qui accompagnait la motion. Voir Christian Hutin collecte des soutiens auprès des parlementaires (Le Phare Dunkerquois, Suzanne Urgacz, 8 février 2012).


* Extraits de la motion

Par une décision du jeudi 27 octobre dernier, la cour d’appel de Douai rendait un arrêt soulevant une émotion considérable dans le pays et en particulier parmi les victimes de l’amiante. A la suite d’un imbroglio juridique, 17 victimes de l’amiante étaient condamnées à rembourser au Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante (Fiva) une partie importante de leur indemnisation. Ces 17 victimes condamnées venaient s'ajouter à celles qui l'avaient été précédemment. Des sommes pouvant aller jusqu’à 28.000 euros leur sont ainsi réclamées à chacun, ce qui les plonge bien évidemment dans la détresse à la fois financière et psychologique. Le choc est terrible et les associations crient au scandale et à l’injustice. A cela s’ajoute la violence symbolique des lettres de mise en demeure reçues par les victimes et leurs familles, et des visites d’huissiers qui y ont succédé. A la stupeur de la décision de la cour d’appel de Douai s’ajoute l’incompréhension de la démarche du Fiva que toutes les associations de défense des victimes considèrent unanimement comme l’outil pertinent pour l’indemnisation et une réparation du préjudice la plus juste possible.

Nous, parlementaires, de toutes tendances confondues, demandons solennellement au gouvernement que tout soit mis en œuvre pour que le Fiva renonce à la stratégie judiciaire qu'il a récemment adoptée. L'inhumanité des poursuites actuellement engagées à l'encontre de certaines victimes est indigne de la République. Nous demandons également que toutes les victimes d'ores et déjà condamnées à rembourser une partie de leurs indemnités, ainsi que celles qui le seraient dans l’avenir, puissent bénéficier d’une remise gracieuse afin de mettre un terme à cette très pénible affaire. 

  

Voir aussi le blog de la sénatrice PS de Loire-Atlantique Michelle Meunier : Amiante : au scandale sanitaire s'ajoute l'injustice ! 

Cet article est le 22ème paru sur ce blog dans la catégorie Justice Police Défense.

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13 avril 2012 5 13 /04 /avril /2012 21:53

« Casse-toi pov’con », l’écriteau qui mène aux tribunaux

 

En allant à vélo à la manifestation de protestation contre la politique de Sarkozy, le 28 août 2008, à Laval (Mayenne), Hervé Eon ne pouvait imaginer le scénario de sa mise en accusation pour un délit d’offense (ou d’outrage) au chef de l’Etat (Rue89, 4 septembre 2008).

 

Rappel : Wikipédia Casse-toi, pauv' con !

"Casse toi pov'con" : amende avec sursis confirmée (Nouvel Observateur, 24 mars 2009)

Président d'association politique traduit devant le tribunal de Laval - 29 septembre 2008 

 Jean-Luc Mélenchon à Laval pour soutenir Hervé Eon au tribunal - 23 octobre 2008 

 Procès en appel d'Hervé Eon, à Angers, pour offense au chef de l'Etat - 7 février 2009 

 

Hervé Eon a été débouté par la cour de cassation, ce qui rendait définitive sa condamnation à 30 euros d’amende avec sursis pour « offense au chef de l’Etat ». La phrase "casse-toi pov' con" avait été popularisée par une vidéo diffusée en 2008 sur Internet. Le président de la République, lors de sa première visite au Salon de l’agriculture à Paris en 2007, répliquait en lançant cette phrase à un homme* qui avait refusé de lui serrer la main et lui avait dit "ah non, touche-moi pas, tu me salis".

* Cet homme ne s'est pas fait connaître depuis (Rue89 en a fait son poisson d'avril, le 1er avril 2012).  

 

Faisant le Bilan des années Sarkozy, Rue89 a mené une enquête sur ce délit d’outrage, devenu le symbole des années Sarkozy. Contrairement à ce qu’il attendait, Non, le délit d'outrage n'a pas explosé sous la présidence Sarkozy (voir cet article paru sur le site Rue89, 13 avril). 

 

Cet article est le 21ème paru sur ce blog dans la catégorie Justice Police Défense.

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26 mars 2012 1 26 /03 /mars /2012 18:34

La loi républicaine doit s’appliquer partout sur le territoire

 

Qui était Mohamed Merah ? Quelles étaient ses relations avec la police (certaines sources indiquent qu’il aurait été un informateur de la Direction centrale du Renseignement intérieur) ? Qu’en est-il réellement de ses énigmatiques voyages à l’étranger, effectués avec quel financement, dans quels pays, pour quoi faire ? Entre le fait divers provoqué par un individu perturbé mentalement et le fait terroriste, il y a de l’espace. Se garder de tirer des conclusions hâtives tant que les réponses à ces questions, et à d’autres, ne sont pas connues mais impérieuse nécessité de tirer au clair les circonstances et les causes  de ce drame.

Chevènement Commer 301111 003 TOn comprend la prudence de Jean-Pierre Chevènement dans ses réponses au Parisien (Éric Hacquemand, 25 mars) : "Seul le message de la République permettra de remonter le courant"

Les tueries de Toulouse et de Montauban auraient-elles pu être évitées ?

Jean-Pierre Chevènement. Il y a toujours, comme l’a dit M. Juppé, l’hypothèse d’une faille. Mais en même temps, il est très difficile de prévenir les crimes d’un forcené. On peut seulement observer que celui-ci, ayant fait deux voyages au Pakistan et en Afghanistan, était fiché par la DCRI. Il est certain que l’alibi touristique fourni par Merah aux policiers de la DCRI ne tenait guère la route. Contrairement à ce que dit Bernard Squarcini, on aurait pu mieux situer Merah dans son environnement familial et social. Cela exigera à l’avenir que l’on donne à la DCRI plus de moyens humains et que son action soit mieux orientée vers les filières jihadistes, comme je l’avais demandé il y a plus de dix ans. On peut s’interroger aussi sur le délai qui sépare l’apparition des premiers indices et le moment où la police est intervenue.

 

Croyez-vous à une dérive individuelle de ce jeune ?

Pas vraiment. Ces voyages au Pakistan et en Afghanistan ne s’organisent pas facilement. Ces armes, il fallait bien les acheter. La thèse du jeune loup solitaire me laisse dubitatif. Elle est même dangereuse car elle ne correspond vraisemblablement pas à la réalité. La DCRI devrait changer ses « radars ».

 

Pensez-vous qu’une organisation terroriste puisse être derrière ces tueries ?

C’est une hypothèse assez probable. Il y a certainement sur le territoire national des cellules dormantes. Elles sont franchisées, elles se créent d’elles-mêmes. Pour les démasquer, encore faut-il avoir des moyens d’investigation et de suivi.

 

Pour François Fillon, il n’y avait « aucun élément permettant d’appréhender Mohamed Merah ». Etes-vous d’accord ?

Ce n’est pas ce qui correspond aux déclarations du procureur de la République qui donne des dates précises sur le parcours de Merah. Il semble bien qu’il était possible d’agir plus vite contre lui. Autant il y a des zones d’ombre sur le travail de la DCRI, autant je n’incrimine absolument pas le Raid qui a été placé devant une situation extrêmement difficile. Il faut rendre hommage à ces policiers. Evidemment, il eût été préférable que le tueur soit attrapé vivant, comme Nicolas Sarkozy en avait donné la consigne. Nous en saurions plus sur le risque d’attentats analogues.


Certaines voix à gauche, comme celle de Julien Dray, ont parlé de « show hollywoodien »…

Je ne suis pas d’accord. Dans son appartement, Merah ne donnait plus signe de vie. Il était donc légitime que les policiers aient voulu en savoir plus. Merah a fait irruption en tenant deux armes à la main. La police s’est trouvée dans une situation qui était clairement celle de la légitime défense. Je ne joins pas ma voix à ceux qui critiquent l’exécution. L’exécution est toujours difficile. S’il y a une faille, elle est dans la conception.

 

Y a-t-il un risque que cette exécution retransmise en direct ait des conséquences, notamment en banlieue ?

Non. L’immense majorité des jeunes qui aspirent à réussir leur vie ne peut pas trouver un exemple dans ce tueur sanguinaire qui filmait l’horreur. C’est un personnage qui représente une forme de dérive désespérée qui fait mal au cœur. Je ne dis pas qu’il n’y ait pas dans certains quartiers un endoctrinement jihadiste ou la tentative de constituer des filières. Il y a longtemps que j’ai pointé ce risque, qui était d’origine GIA, il y a une quinzaine d’années, et qui a glissé vers le jihadisme en connexion avec des camps d’entraînement des talibans dans les zones tribales du Pakistan, là où Merah a reçu son entraînement. Mais cela ne concerne qu’une infime minorité de personnes. C’est justement le travail de la DCRI de les repérer.

Que faut-il faire pour éviter toute propagation ?

La seule manière d’agir, c’est de reconquérir ces territoires difficiles. Tous les moyens d’ordre public sont nécessaires mais ne sont pas suffisants : on ne peut pas mettre un policier derrière chaque personne. Donc chaque citoyen doit respecter et faire respecter la loi républicaine. Evidemment, pour organiser cette reconquête, il faut remédier à la crise de la démocratie en faisant reculer les inégalités, le chômage de masse, etc. Seuls le message et l’action de la République permettront de remonter le courant. François Hollande l’a très bien dit : c’est le patriotisme qui en faisant aimer la France la fera reconnaître par tous ses enfants.

 

Les mesures annoncées par Nicolas Sarkozy vont-elles dans le bon sens ?

Une seule me paraît digne d’être retenue : celle d’une réflexion approfondie sur la propagation des dérives jihadistes en milieu carcéral. Il y a très longtemps que Nicolas Sarkozy aurait dû la mettre en pratique. Mais pour le reste, ses propositions sont vagues, floues et potentiellement dangereuses. Des délits pénaux pour réprimer l’apologie d’idéologies extrémistes ? Mais le Code pénal contient déjà tout ce qu’il faut pour réprimer cela. Punir pénalement les personnes qui consultent des sites Internet d’extrémistes ? Cela exigerait des moyens hors de portée si on ne veut pas porter atteinte à des libertés fondamentales. Ces mesures sont inappropriées et inefficaces. Nicolas Sarkozy croit toujours régler les problèmes en renforçant l’arsenal législatif. Sa politique sécuritaire est un cimetière de textes, qui, les statistiques le montrent, n’ont pas fait reculer les violences contre les personnes, bien au contraire!

 

Ces derniers jours, François Hollande s’est-il comporté en chef d’Etat ?

Oui, il a manifesté beaucoup de sang-froid, de maîtrise. Il a parlé avec la hauteur de vue, la retenue qui convenait à un chef d’Etat. Il a montré les qualités d’intelligence et de retenue dans l’expression qui doivent caractériser un président de la République.

Ses adversaires parlent de mollesse face à l’insécurité…

François Hollande est un humaniste mais ne peut pas être rangé dans le camp des laxistes. Face à la délinquance, il est partisan de la fermeté. C’est un républicain d’ordre. Il est convaincu que la République est un régime de droit mais pas de faiblesse. C’est exactement ce que je pense depuis toujours. Le procès que ses adversaires lui font pour des raisons électoralistes est injuste. Sur ces questions, depuis des années, il ne tient pas un discours de mollesse. J’en ai été le témoin. Il était premier secrétaire du Parti socialiste quand j’étais ministre de l’Intérieur : François Hollande n’était pas parmi ceux qui me critiquaient sans mesure. Il n’a jamais été parmi ceux qui, voulant faire l’ange, font plus souvent la bête.

Voir aussi "Les Français retiendront que François Hollande est un homme de sang froid"

JP Chevènement était l'invité du Talk Orange-Le Figaro, le 22 mars 2012. Il répondait aux questions de Carl Meeus

 

Face à l’extrémisme religieux et politique, la République doit être intraitable

Communiqué de presse de Jean-Luc Laurent, président du Mouvement Républicain et Citoyen,  22 mars 2012.

 

Une mère en colère témoigne (Le Télégramme, 21 mars)

 

Cet article est le 20ème paru sur ce blog dans la catégorie Justice Police Défense.

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8 octobre 2011 6 08 /10 /octobre /2011 18:09

Une femme flic époustouflante aux talents divers

 

C’est en sa qualité d’auteur que Danielle Thiéry était invitée mardi soir 4 octobre* par la mairie de Saint-Berthevin, à l’initiative de Béatrice Réauté, responsable de la bibliothèque, et de Loïc Lucas, adjoint au maire. Excellente initiative, car cette femme à la carrière professionnelle exceptionnelle dans la police, puis auteur de romans policiers à succès, est tout aussi douée pour parler en public - en toute simplicité et avec beaucoup d’humour - de sa carrière et de ses livres.

Ce que j’ai retenu de l’intervention de Danielle Thiéry (1ère partie, sa vie dans la police)

Elle est née à la campagne « d’une mère poule et d’un père poulet » (famille paysanne pauvre et résistante pendant la guerre). La vertu familiale, c’est le travail manuel. Elle ressent une chape de plomb sur les livres à la maison. Elle lit des romans policiers avec une lampe, à l’insu de ses parents. Elle passe un baccalauréat philo, puis choisit des études supérieures de droit et de psychologie. Parallèlement, elle est éducatrice spécialisée pour gagner de l’argent. Les évènements de mai 1968 sont une ouverture sur le monde. C’est ce qui va permettre le recrutement de femmes, pour la première fois, dans la police.

Danielle Thiéry passe le concours d’officier de police adjoint et devient fonctionnaire de police à Lyon à la brigade de mineurs, à 22 ans, avec un enfant de moins de un an. Sa spécialité, c’est le rapport de synthèse, rédigé d’une façon telle qu’il intéresse le magistrat qui traite l’affaire. Les femmes ont fait leur entrée dans la police mais elles ne portent pas d’armes. Peu à peu, elles exigeront et obtiendront l’égalité de traitement avec les hommes. La possibilité existe pour les femmes d’être mutées à la brigade mondaine. Danielle se porte volontaire et fait de « l’infiltration » en mini jupe dans des hôtels.

En 1970, à Lyon, des gradés de la police seront inculpés, même emprisonnés, dans un contexte sulfureux de collusion avec des hommes politiques. Le commissaire principal Tonnot, terreur du milieu lyonnais, est accusé d’assistance à proxénétisme. Il vit en ménage avec Madame André, « mère maquerelle ». Il fera 5 ans de prison, ce qui sera vécu comme un cataclysme à Lyon dans la police. Il ne faut pas rester trop longtemps au même endroit à un poste de responsabilité. Il y a des risques de banalisation des relations avec les voyous et c’est usant. Il est tentant de faire le lien avec les évènements actuels, à Lyon, le n°2 de la direction interrégionale de la police judiciaire étant actuellement mis en accusation…

Danielle était la seule femme dans la brigade mondaine et n’avait pas froid aux yeux. Elle raconte une anecdote savoureuse concernant le célèbre commissaire Tonnot. Avant son arrestation, elle avait été invitée à se mettre à côté de lui lors d’un repas. Elle l’avait trouvé « pas net ». Il était très superstitieux. Danielle lui avait fait croire qu’elle lisait les lignes de la main et lui avait annoncé, très sérieusement, qu’il avait une double vie et que cela se terminerait très mal… Plus tard, elle l’avait rencontré en prison, puis après sa sortie de prison (il avait été viré de la police et se préparait à créer une agence matrimoniale). Lors d’une rencontre fortuite dans le hall de l’aérogare, il avait demandé à lui parler. C’était à propos des lignes de la main. Danielle avait oublié l’histoire du repas au côté de Tonnot. En fait, celui-ci avait cru qu’elle avait voulu lui faire passer un message pour qu’il arrête sa « double vie ».

Retour à la carrière de Danielle Thiéry. Elle avait été nommée chef de la brigade des stupéfiants à Lyon à 25 ans. Ensuite, le concours de commissaire de police judiciaire ayant été ouvert aux femmes, elle l’a passé (elle était alors affectée aux Minguettes, à Vénissieux, dans un quartier de Lyon) ; c’était pendant sa formation qu’elle était enceinte de son second enfant. Admise en septembre 1976 au concours de la PJ, elle a été affectée à l’aéroport de Lyon.

Après avoir évoqué les motivations des voyous pour le fric (qu’ils veulent ramasser sans trop se fatiguer) et les affaires qui ont secoué Marseille, elle répond à une question concernant sa sécurité, pour elle, son mari et ses enfants. Il fallait faire preuve de prudence, sans avoir la peur au ventre. Un article du Progrès de Lyon avait eu pour effet d’inquiéter son mari, qui travaillait à la FNAC de Lyon (cette info était dans l’article, ainsi que son surnom dans le milieu lyonnais « la peste blonde »). Le journal avait eu tort de publier ces informations à caractère privé.

Elle raconte, ensuite, dans quelles circonstances la sécurité de sa famille a été menacée en raison de son activité professionnelle. Pendant son congé maternité (2ème enfant), elle a recherché une maison près de l’aéroport (où elle travaillait). Lors de la visite d’une maison, elle avait constaté que le couple qui la faisait visiter avait une « drôle de touche ». Revenant avec son mari, ils croisent sur le chemin une BMW. Elle relève la plaque minéralogique, par réflexe professionnel et, en visitant la maison, elle découvre une autre BMW ayant la même plaque minéralogique et toutes les raisons de penser que la femme qui les reçoit est une prostituée. La gendarmerie procède, quelques jours plus tard, à des arrestations. Les voyous n’ont pas manqué de faire le lien avec l’identité de la personne qui s’installait dans la maison avec son mari et ses deux enfants. C’était prendre un risque que d’habiter là. Elle en était consciente. Un peu plus tard, un couple en cavale (un certain James) avait tué deux gendarmes et pris des voitures en otage, se rapprochant de l’aéroport et de la maison, dont il connaissait tout, ainsi que des habitudes de la famille qui l’habitait. Pendant plusieurs jours, il a fallu protéger la maison, de jour et de nuit, avec du personnel de service, faire accompagner les enfants à l’école. Quelques semaines plus tard, voulant fuir en Espagne, le dénommé James avait été tué.

La petite fille de Marie Gare, Danielle Thiéry (FNAC, autobiographie, éditions R Laffont).

Selon l’auteur, Danielle Thiéry a une arrière grand-mère, Marie-Joséphine Gare, qui a reçu ce nom parce qu’elle a été abandonnée par sa mère à l’âge de deux mois dans une gare. A l’époque, abandonner un enfant n’était pas un acte criminel (ce qui l’était, c’était le fait de tuer un enfant). L’enfant était laissé dans un endroit discret où il allait être très vite recueilli dans un hospice, des femmes s’occupant de lui.

 

J'irai cracher dans vos soupes. En savoir plus

 

Danielle THIERY : Biographie : Danielle THIERY est née en Cote d’Or en 1947. L’ une des premières femmes de la police française à avoir accédé au grade de commissaire divisionnaire, elle a suivi une carrière multiforme, s’intéressant aux mineurs en danger, aux stupéfiants, au proxénétisme, en passant par la police criminelle et la lutte antiterroriste ciblée sur le transport aérien et ferroviaire. Elle a écrit pour la série télévisée Quai n° 1 (France 2), et d’une dizaine de polars, dont certains ont été récompensés (prix polar à Cognac, prix Exbrayat…).

 

Interview de Danielle Thiéry (28 juin 2011), suite à la publication de Crimes de Seine

 

*Voir L'auteur Danielle Thiéry sera à la bibliothèque, mardi (Article paru dans l’édition du 3 octobre du quotidien Ouest-France, rubrique Saint-Berthevin)

En mai 2010, Danielle Thiéry, commissaire de police à la retraite depuis 2008, et écrivain depuis 1990, était invitée à la bibliothèque pour le prix Roman jeune primaire. Elle revient mardi, pour une nouvelle rencontre avec le public adulte.

Danielle Thiéry a écrit de nombreux romans cette année : J'irai cracher dans vos soupes (polar sorti en janvier), Histoire de l'Évêché, en collaboration avec Alain Tourré, sorti en avril, BRI, qui est l'histoire d'une unité d'élite, sorti en mai, ou encore Crimes de Seine, sorti en juin.

Les coups de coeur de l'équipe de la bibliothèque vont à :

Les enquêtes du commissaire Edwige Marion : Affaire classée, Le festin des anges, Le sang du bourreau. Et son histoire, La petite fille de Marie Gare.

 

Cet article est le 19ème paru sur ce blog dans la catégorie Justice Police Défense.

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7 octobre 2011 5 07 /10 /octobre /2011 14:42

Les familles des victimes veulent découvrir la vérité

 

C’est une très grave affaire qui est en cours d’exploration par la justice et devrait faire beaucoup de dégâts dans un cercle restreint de dirigeants politiques qui ont, ou ont eu, des fonctions importantes dans la hiérarchie de l’Etat.

Les premiers éléments sont apparus dans la presse en 2009, à la suite des déclarations des avocats des familles de victimes de l’attentat de Karachi (Pakistan).

Attentat de Karachi en 2002 : les familles de victimes en quête de vérité - 19 novembre 2010

Affaire Karachi : liens entre un suspect et des personnalités de l'UMP - 30 juillet 2011

 

Le 10 novembre 2010, a été créé un collectif de familles de victimes décédées dans l’attentat du 8 Mai 2002 à Karachi - On les appelle « Les Karachi ». Voir ATTENTAT KARACHI : Connaître la vérité

Voir aussi L Affaire Karachi (Le Parisien, 22 septembre 2011). Thierry Gaubert et Nicolas Bazire, deux proches de Nicolas Sarkozy, ont été mis en examen les 21 et 22 septembre par le juge Renaud Van Ruymbeke, dans le volet financier du dossier Karachi.

8 mai 2002
Une bombe explose à Karachi (Pakistan), tuant quatorze personnes dont onze employés français de la Direction des constructions navales (DCN), alors en mission pour assembler des sous-marins nucléaires. Ces submersibles avaient été vendus par la France au Pakistan dans le cadre du contrat Agosta signé en 1994 pour un montant de 825 M€. D’emblée, les autorités pakistanaises privilégient la piste islamiste et accusent la nébuleuse Al-Qaïda. Une hypothèse reprise à son compte par le juge antiterroriste Jean-Louis Bruguière, en charge de l’enquête.

 

18 juin 2009
Lors d’une rencontre avec les familles des victimes, le nouveau magistrat en charge du dossier, Marc Trévidic, évoque cette fois une piste financière qui lui semble « cruellement logique ». L’affaire Karachi est lancée. Le juge Trévidic, qui a pris la suite de Jean-Louis Bruguière en 2007, s’appuie notamment sur un rapport interne de la DCN, baptisé Nautilus, réalisé en 2002 et dissimulé par la DCN jusqu’à sa découverte en 2008. Selon ce document, l’attentat serait une mesure de rétorsion des Pakistanais, liée à l’arrêt du versement des commissions promises par la France dans le cadre du contrat.

 

Octobre 2010
A la suite d’une nouvelle plainte des familles de victimes, le juge Renaud Van Ruymbeke se saisit du volet financier de l’affaire et ouvre une enquête sur des faits de « corruption » et « abus de bien sociaux », à laquelle tente de s’opposer le parquet de Paris. Le juge pense qu’une partie des 85 M€ de commissions générés par le contrat est revenue en France sous forme de rétrocommissions, alors utilisées pour financer la campagne d’Edouard Balladur à la présidentielle de 1995. Après son élection, Jacques Chirac aurait stoppé les versements de commissions pour « assécher » les financements de son ennemi.

 

10 novembre 2010
Le juge Van Ruymbeke ne tarde pas à s’intéresser aux hommes politiques. Renaud Donnedieu de Vabres, collaborateur du ministre de la Défense François Léotard au moment de la signature du contrat, est le premier à être auditionné. Suivent Charles Millon, lui aussi ex-ministre, puis Dominique de Villepin. L’avocat des familles de victimes, Me Olivier Morice, demande sans succès que soient entendus Nicolas Sarkozy ou encore Alain Juppé. A plusieurs reprises, les investigations du juge se heurtent au secret-défense. D’autres dirigeants politiques avaient déjà été entendus par une mission d’information parlementaire, début 2010.

Et Karachi : avec Bazire et Gaubert, la justice touche au "premier cercle" sarkozyste (Le Monde, 21 septembre 2011).  L'affaire des attentats de Karachi connaît une accélération avec l'audition par la justice de deux proches de Nicolas Sarkozy, Nicolas Bazire et Thierry Gaubert.

 Le point de vue du directeur de Mediapart (Propos recueillis par Jean-Marie Durand, Les Inrocks, 1er octobre) : Edwy Plenel: "L'affaire Karachi dévoile la réalité du système de pouvoir de Sarkozy - Pour Edwy Plenel, fondateur du site Mediapart à l’origine des révélations sur l’affaire Karachi, notre démocratie est moribonde.

L'affaire Karachi, devenue après trois ans d'enquête l'affaire Takieddine, dévoile la réalité du système de pouvoir de Nicolas Sarkozy. Nos premières révélations, dès septembre 2008, ont relancé l'enquête sur les à-côtés de l'attentat de Karachi en mettant en évidence les conditions douteuses du financement de la campagne d'Edouard Balladur et soulignant les imprudences commises par l'entourage proche, Nicolas Bazire et Nicolas Sarkozy, pour financer cette campagne : ils imposent un intermédiaire, un inconnu qui s'occupait d'une station de ski. Cet intermédiaire va prendre le gros des commissions et commettre l'imprudence de bricoler une société au Luxembourg, Heine, pour que les rétrocommissions reviennent. Nous tirons ce fil et mettons en évidence qu'il y a eu des dépôts suspects en liquide dans la campagne de Balladur, et pire, qu'il y a eu couverture de cela par le Conseil constitutionnel présidé par Roland Dumas.

 Cette première étape sur le financement d'une campagne ancienne et l'imprudence d'un homme au coeur de cette campagne, devenu président de la République, a pris une tout autre dimension cet été quand Mediapart s'est trouvé en possession des documents Takieddine, qui sont comme la boîte noire de la part d'ombre d'une présidence. Ils montrent la réalité d'un clan. Pas d'une famille politique mais d'un clan, d'un petit groupe d'hommes autour du boss Sarkozy (…).

Comme dans un roman de John Le Carré, cette affaire révèle l'envers d'un monde. J'ose espérer que ce monde n'est pas la droite, mais l'envers d'un clan qui a pris le pouvoir sur cette famille politique. Il est temps que les républicains mettent ce clan hors jeu (…).

Les gauches doivent, selon moi, être dans une radicalité démocratique et sociale. La crise que nous traversons, économique, financière, sociale, démocratique, impose d'être radical. Au sens étymologique du terme : prendre les problèmes à la racine. Etre radical aujourd'hui, c'est être réaliste. Je pense que la question clé de toutes les autres, c'est la question démocratique. Nous vivons une situation oligarchique : un milieu social qui se fréquente, qui a des intérêts communs, et qui croit qu'il sait mieux que nous ce qui est bon pour nous. Il nous faut nous réapproprier ce bien commun, et cela passe par une exigence démocratique.

Le poisson pourrit par la tête, cette culture de l'irresponsabilité qui règne au sommet, avec un Président intouchable, qui ne peut être mis en cause, diffuse de l'irresponsabilité à tous les niveaux : cela se retrouve dans le cumul des mandats, dans les carrières politiques interminables, dans l'absence de contrôle... Tout cela illustre une vraie dégradation démocratique. Sarkozy n'est pas venu de nulle part, il ne suffira pas de le remplacer, il nous faut une nouvelle dynamique qui refonde notre démocratie, qui redonne force aux contre-pouvoirs. Croire qu'il suffira de remplacer le Président, c'est retomber dans l'illusion.

  

Cet article est le 18ème paru sur ce blog dans la catégorie Justice Police Défense

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