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  • : Michel Sorin
  • : Le MRC 53 est la structure mayennaise du Mouvement Républicain et Citoyen, qui a pour but de rassembler la gauche républicaine à partir, notamment, des idées de Jean-Pierre Chevènement, l'un de ses fondateurs, qui n'est plus membre du MRC depuis 2015. Le MRC a pris le relais du Mouvement des Citoyens (MDC) après les élections de 2002. En 2022, le MRC est devenu membre de la Fédération de la Gauche Républicaine avec quatre autres organisations politiques.
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7 octobre 2013 1 07 /10 /octobre /2013 21:56

La nouvelle droite est en marche, le PS en déni de réalité

 

Les résultats du premier tour de l’élection cantonale partielle de Brignoles (Var) attestent du retrait d’une partie de l’électorat de gauche, affecté par les effets dans la vie quotidienne des politiques néolibérales qui se poursuivent sous le gouvernement de gauche. Voir Cantonale à Brignoles : le FN en tête, premiers appels au "barrage" (Le Monde, 7 octobre 2013).

Le PS ne voit pas ce qui se prépare : l’hégémonie culturelle de la nouvelle droite, qui est le produit de la crise multiple (voir Gaël Brustier : poussée des droites en Europe, peur du déclassement - 18 avril 2011) et du rejet de la gauche par les classes populaires et moyennes.

La campagne PS contre l’extrême droite, la veille de l’élection de Brignoles, est l’objet de raillerie de la part de Laurent Bouvet, notamment. Voir Le FN est un parti d'extrême droite... qui élimine la gauche au premier tour des élections (Slate, Laurent Bouvet, 7 octobre 2013).

 

Bernard Tepper, éditorialiste sous le nom d’Évariste du journal en ligne ReSPUBLICA (n° 730, 7 octobre 2013) - voir Présidentielle 2002-Brignoles 2013 : la méthode Coué mène à l'horreur ! - est, à la fois, critique du PS et du Front de Gauche (il souligne les manques de celui-ci).

(…) Reprenons l’analyse d’Antonio Gramsci, car la nouvelle droite est en marche comme dans les années 30. Les manifestations contre le mariage pour tous ont montré son nouveau resourcement. C’est la droite qui est en avance dans la bataille pour l’hégémonie culturelle. Une large majorité des électeurs de l’UMP sont pour une alliance UMP-FN. Le cache-sexe du « Front républicain » ne fonctionne plus. Il n’est plus là que pour justifier le maintien de la politique d’austérité anti-sociale du gouvernement solférinien.

Si les électeurs comprennent bien que dans une élection à deux tours, on puisse voter au deuxième tour pour le meilleur candidat ou le moins pire, ils ne peuvent comprendre toute alliance au premier tour entre des candidats néo-libéraux solfériniens et des candidats qui par ailleurs sont au Front de gauche. L’élection du 6 octobre à Brignoles préfigure donc le désastre qui pourrait avoir lieu dans les couches populaires ouvriers et employés (53 % des électeurs) en cas d’alliance au premier tour entre des candidats du Front de gauche et des candidats solfériniens aux municipales.
Mais de plus en plus d’électeurs se rendent aussi compte que le « mal » ne provient pas seulement des néolibéraux de droite et de gauche. Il provient aussi de « manques » dans le développement du Front de gauche
.

  • Réticence à mettre au poste de commande de l’action politique locale ce qui touche prioritairement les couches populaires ouvriers et employés (53 % des électeurs) mais aussi les couches moyennes intermédiaires (24 %) : l’emploi, la précarité, la santé, les retraites, la perte d’autonomie, la politique familiale, le logement, les services publics, la laïcité, la construction européenne, le débat sur la crise économique, la démocratie dans la conduite des luttes, etc.
  • Incapacité du Front de gauche à tirer les conséquences du phénomène de gentrification (baisse rapide des couches populaires dans les villes centres, baisse lente mais significative des couches populaires des banlieues populaires, accroissement fort des couches populaires en zone périurbaine et rurale) et donc de produire la stratégie adéquate. Rappelons la campagne du FN dans les « villages » depuis la campagne présidentielle !
  • Réticence à lier les actions de résistance où le Front de gauche est présent à de grandes campagnes massives d’éducation populaire de rupture, au plus près des couches populaires et des couches moyennes intermédiaires. Les meetings et les réunions « entre nous » ne remplaceront jamais l’éducation populaire. La bataille pour l’hégémonie culturelle autour de la globalisation des combats et d’un nouveau modèle politique alternatif (la République sociale) est nécessaire. La présentation concomitante des politiques de temps court et de temps long est aussi indispensable.
  • Incapacité du Front de gauche de se présenter partout uni au premier tour des élections sans les solfériniens.
  • Incapacité, la plus dommageable sans doute, car à la racine de toutes les autres, à mettre radicalement en cause la construction européenne. Prétendre pouvoir construire une autre Europe, sociale, une Europe des peuples souverains, par la renégociation du Pacte budgétaire, le changement de statut de la BCE, la réorientation de l’euro, etc., est une illusion totale. Craindre les coûts sociaux d’une implosion de l’euro pour justifier cette attitude, c’est croire qu’il suffit de changer les hommes politiques aux manettes pour sortir de la grande crise du capitalisme que nous vivons.

Nous appelons donc à refuser la politique de l’autruche et à promouvoir l’intensification des débats politiques ouverts (…).

 

Bernard Tepper fait référence aux années 1930 et rappelle que « si l’histoire ne se répète pas à l’identique, les mêmes causes produisent les mêmes effets, certes sous des formes différentes ». Car les causes de ce désastre, ce sont les politiques néolibérales suivies par l’UMP, le pseudo centre, le PS et EELV. Donc faire élire un candidat du parti qui est la cause du désastre ne résout rien. Au mieux, ce serait « moins pire ». Mais comme dans les années 30, le cancer continuerait à progresser jusqu’à l’ultime scène.

 

Un  examen lucide de la réalité est nécessaire pour ne pas s'enfermer dans la pédagogie du "chaos"... Il nous faut unir et non spéculer sur des ruptures sectaires et sur l'échec. En France, en 1936, en 1944, les partisans de l'union ont su gagner face aux tenants du "Classe contre classe"...

 

Cet article est le 45ème paru sur ce blog dans la catégorie La droite en France.

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28 octobre 2011 5 28 /10 /octobre /2011 17:21

Contraint d’être candidat, il ne pourra éviter la défaite

 

Comment croire que cet homme - que 12 millions de téléspectateurs ont vu hier soir - n’a pas pris sa décision d’être candidat dans six mois à l’élection présidentielle ? Impossible. Peut-on imaginer que les conditions seront favorables à sa réélection ? Difficile.

 

Revue de presse

Quand Sarkozy joue la crise pour 2012 (Nouvel Observateur, Jean-Gabriel Fredet, 28 octobre)

Le triple A, cauchemar de l'Élysée (Le Point, Romain Gubert, 28 octobre)

Présidentielle : pourquoi le cas Sarkozy est désespéré (Rue89, Eric Dupin, 22 octobre)

 

Rappel : Giscard et Sarkozy : la même pente libérale proaméricaine – 28 septembre 2006

Eric Zemmour compare les parcours de Giscard et de Sarkozy – 26 septembre 2007

 

Pour info (Le Point, 28 octobre)

L'Italie prise pour cible

A Bruxelles, Angela Merkel et Nicolas Sarkozy ont tapé sur les doigts de Silvio Berlusconi comme on le fait pour un mauvais élève. A y regarder de près, pourtant, sa situation, si elle n'est pas bonne, n'est pas (encore) catastrophique. L'Italie souffre de deux maux : une dette publique (120 % du PIB, contre 86 % en France) trop lourde et, surtout, une croissance anémiée. Mais, une fois payé le service de sa dette, elle est en excédent budgétaire (1,9 % en 2012), contrairement à la France (- 2,5 %), qui, elle, continue de payer ses fonctionnaires en s'endettant. Le déficit commercial et le chômage sont moindres en Italie qu'en France. Mieux encore, la part de la dette publique détenue par des étrangers est bien moins importante en Italie (45 %) qu'en France (65 %). Alors, pourquoi l'Italie fait-elle si peur ? Sans doute parce que Berlusconi a perdu tout crédit et, pis encore, parce que aucun leader à gauche ne se lève. Mais aussi (surtout ?) parce que, si la mèche grecque se consume et serpente jusqu'à l'Italie, la France, où une banque (Dexia) vient d'exploser, sera le pays le plus menacé de la zone euro (390 milliards de dollars d'engagements en Italie, contre 162 milliards pour l'Allemagne). Pas très agréable.

Chiffre : 1 692,7 milliards d'euros

C'est le montant de la dette publique française. Elle représente 86,2 % de la richesse produite par la France en un an. Entre avril et juin, elle a augmenté de 46,4 milliards d'euros.

CDS, les milliards de l'absurde

Plus connus sous leur abréviation que sous leur nom (credit default swap), ces instruments hautement spéculatifs sont des " assurances " contre ceux qui achètent des dettes souveraines. En cas de non-remboursement des dettes par le débiteur, les émetteurs des CDS prennent le relais. Plus le pays est mal noté, plus le CDS est élevé. Problème : en cas de la faillite d'un Etat, tout le monde sait que les banques et les assurances qui émettent ces produits seraient incapables de prendre le relais. Le 19 octobre, le CDS à cinq ans sur la France s'établissait à 194 points de base. Traduction : il en coûte 194 000 euros pour s'assurer contre une exposition à 10 millions d'euros d'obligations souveraines

Cet article est le 44ème paru sur ce blog dans la catégorie La droite en France.

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18 avril 2011 1 18 /04 /avril /2011 19:43

Les gauches ont-elles les bonnes réponses à proposer ?

 

Je connais Gaël Brustier depuis les années 2004-2006, quand il était secrétaire national du Mouvement Républicain et Citoyen, alors présidé par Georges Sarre. Récemment, il a réalisé la PRESENTATION DE LA COLLECTION "ARCHIVES DU CERES". Il est maintenant membre du PS, proche collaborateur d’Arnaud Montebourg.

Il en est à son troisième livre « Voyage au bout de la droite » (voir Livres "Gaël Brustier").

Voir aussi le commentaire du Monde : "Voyage au bout de la droite", de Gaël Brustier et Jean-Philippe Huelin. A noter que JEAN-PIERRE CHEVENEMENT CONSEILLE "VOYAGE AU BOUT DE LA DROITE".

 

Ce livre a ouvert beaucoup de portes de journalistes. Voir Brustier au Soir 3 (16 avril). Les Inrocks, le 16 avril, en ont fait une présentation : Les Inrocks : La droite décomplexée domine l'Europe

La droite décomplexée imprime sa marque au coeur de l’espace politique européen. Son cocktail théorique explosif, mêlant néolibéralisme, néoconservatisme et identitarisme, fait de l’ombre à une gauche sans voix.

Politiquement, la droite domine en Europe : outre qu'elle occupe le pouvoir un peu partout au sein de l'Union, elle a imposé dans l'imaginaire collectif son hégémonie intellectuelle depuis une vingtaine d'années. Ce constat, déjà étayé dans de nombreux essais récents (Raffaele Simone, Daniel Lindenberg...), a poussé deux chercheurs, Gaël Brustier et Jean-Philippe Huelin, à mener un Voyage au bout de la droite pour analyser les ressorts, historiques, idéologiques et sociologiques, de cette domination (…).

La nation autrichienne et le défi des droites extrêmes (Gaël Brustier, Fondation Res Publica, 18 avril). La percée des droites extrêmes en Autriche révèle le malaise de la nation autrichienne, nation politique, dans la construction européenne et la mondialisation. Les grands partis, SPÖ et ÖVP, sont mis au défi (…).

 

Jean-Sébastien Ferjou, dans Atlantico (6 mars 2011), a réalisé un entretien avec Gaël Brustier (extraits) :  

 

Gaël Brustier : Marine le Pen surfe sur la peur du déclassement

Docteur en politique, auteur de "Voyage au bout de la droite" et engagé au PS, Gaël Brustier décrypte le sondage choc donnant Marine Le Pen en tête devant Nicolas Sarkozy et Martine Aubry pour le premier tour 2012. Selon lui, faire de Nicolas Sarkozy le responsable de l'atmosphère politique actuelle, c'est passer à côté d'un phénomène de droitisation qui gagne l'Europe entière (…).

Est-ce à dire que les politiques comprennent finalement très mal les Français ?

Il y a un vrai problème de lien avec les classes populaires. Une partie de notre élite politique et médiatique ne connaît pas le pays. 1% seulement des ouvriers ont voté pour le candidat communiste en 2007, c’est un chiffre qui laisse rêveur… On nous a expliqué pendant des années que la classe ouvrière avait disparu en France mais il y a encore 60% d’ouvriers et d’employés dans ce pays.
Et leurs attentes ou leurs angoisses ne sont pas entendues. Les débats dans le champ public sont très souvent coupés des réalités populaires. Il faut leur parler d’industrie, de protection sociale, d’école, de tout ce qui fait la dignité économique des travailleurs et la dignité des citoyens.
Les gens n’attendent pas forcément qu’on leur parle de l’Europe chrétienne mais il y a une vraie demande d’identité, un besoin d’unité du peuple français dans un contexte mondial vécu comme un danger. Il y a une terrible souffrance sociale en France qui rompt la confiance entre  les Français et la politique.

 

Cet article est le 43ème paru sur ce blog dans la catégorie La droite France et Europe.

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8 avril 2011 5 08 /04 /avril /2011 20:44

Les couches populaires, enjeu de l’élection présidentielle

 

Les élections cantonales se sont soldées par un taux d’abstention énorme (plus de 60% si l’on inclut les votes blancs ou nuls). La majorité de ces électeurs sont des employés et des ouvriers (les couches populaires), qui font plus de la moitié de la population française.

Dans l’éditorial de la revue en ligne ReSPUBLICA Le journal de gauche, républicain, laïque et social (n°653, 6 avril), Evariste (pseudo derrière lequel on devine Bernard Teper) pose la question de ce que fera l’électorat populaire en 2012.
Il est clair que Marine Le Pen a su conquérir une partie, non négligeable, de cet électorat (35 à 40% de ceux qui ont voté aux cantonales, selon Gaël Brustier voir Pour Demorand, la démondialisation relève du crypto-lepénisme!, Marianne, 7 avril).
Voici ce texte de ReSPUBLICA, signé Evariste. Il invite à la réflexion. C’est une position qui rejoint celle du MRC (Bernard Teper est un ancien du CERES dans les années 1970) mais qui n’est pas suffisamment partagée par les partis de gauche. Et, pourtant, les élections 2012 se joueront sur le vote de l’électorat populaire. Il reste une année pour regagner ces voix égarées …

Jean Jaurès nous a enseigné que « Le courage c’est de rechercher la vérité et de la dire, c’est de ne pas subir la loi du mensonge triomphant qui passe et de ne pas faire écho, de notre âme, de notre bouche et de nos mains aux applaudissements imbéciles et aux huées fanatiques… ». Dans notre dernier édito, nous avions conclu sur la « Suite au prochain numéro ». Et bien, nous n’avons pas été déçus, les analyses du clergé médiatique et des publications des partis de gauche (y compris la gauche radicale) ont de notre point de vue un métro de retard sur l’analyse. Presque partout, on minimise que la majorité des 62,3 % (soit près des deux tiers !) qui s’est abstenue ou mis un bulletin nul ou blanc dans l’urne est parmi les couches populaires (ouvriers et employés qui représentent la majorité du peuple soit 53 %).
Presque partout, on met l’accent sur le fait que dans le second tour, « c’est essentiellement un électorat de droite qui glisse vers le FN » sans faire une analyse de classe de cet électorat. Comme si la gauche (y compris la gauche radicale) pouvait espérer aller vers une transformation sociale et politique sans un soutien massif des couches populaires !
Presque partout, on fait mine de croire que sans poser la question du libre-échange, de l’euro, de la rupture avec le turbocapitalisme et du modèle politique, on peut continuer à être crédible vis-à-vis du peuple. La gauche radicale a mené en 2004-2005 la campagne exemplaire du non de gauche au Traité constitutionnel européen (TCE). Les couches populaires et une portion significative des couches moyennes ont compris le message de cette campagne. Elles savent que le libre-échange est une des causes de la montée des inégalités sociales, de la misère et de la nouvelle pauvreté. Elles savent que l’euro réalisé entre des pays très divergents en termes de système de protection sociale et écologique est une impasse. Ils savent qu’il n’y a plus de sortie de crise dans le cadre du turbocapitalisme. Ils ont compris que la démocratie anglo-saxonne communautariste n’est pas le nirvana espéré. Une écoute et une lecture des propos du clergé médiatique et de la majorité des responsables des partis montrent bien que ces analyses font comme si le peuple n’avait pas compris cela. Le problème est qu’il l’a compris. Et des formules du type « Non à l’Europe actuelle et vive l’Europe sociale » est un voeu pieu tant que l’on ne précise pas le chemin à prendre pour arriver à cette Europe sociale.
Laisser au FN le monopole de l’utilisation des mots et locutions « protectionnisme », « non à l’euro », « laïcité », et bien d’autres est criminel. D’autant plus que la grande majorité des couches populaires et une partie significative des couches moyennes ont bien compris que le repli nationaliste prôné par le FN et par la droite souverainiste n’est pas la solution. Alors, pourquoi ne pas mener une gigantesque campagne d’éducation populaire tournée vers l’action contre la droite et le FN tout en développant une ligne économique et politique crédible ?
Oui, nous devons appeler à combattre le libre-échange et le protectionnisme de droite et d’extrême droite et promouvoir le néo-protectionnisme écologique et social ! Oui, nous sommes d’accord pour une monnaie unique entre des pays à systèmes de protection sociale et écologique équivalents, mais pas entre des pays à système de protection sociale et écologique divergents. Dans ce dernier cas, on ne peut que parler de monnaie commune et de solidarité internationaliste.
Oui, nous pensons que la phase actuelle du capitalisme que nous appelons turbocapitalisme ne permet plus la sortie de crise et qu’il faut donc dépasser ce stade économique et politique. Oui, nous pensons qu’il faut promouvoir un autre modèle politique et nous mettons en débat l’actualisation du modèle de la république sociale qui a porté les grandes heures de notre histoire ( Révolution française et naissance de la 1ére république le 22 septembre 1792, Révolution de 1848 qui a vu germé le concept de république sociale, les grande avancées de la 3e république avec le soutien massif de Jean Jaurès et de ses amis, le mouvement de 1936, le Conseil national de la résistance et son programme révolutionnaire).
Oui, nous pensons que le FN est raciste et xénophobe, mais pour le combattre, la diabolisation est d’un autre âge et qu’il faut le combattre sur les causes de sa poussée et comprendre qu’il change de ligne politique.

C’est pourquoi nous vous proposons la lecture dans ce numéro de deux textes qui vont dans le sens de la clarification. L’un de l’économiste Jacques Sapir, posant une fois de plus le problème de l’euro et que nous empruntons à nos amis de Mémoire des luttes. L’autre de l’économiste Isaac Joshua, qui après l’avoir présenté sur la liste du Conseil scientifique d’ATTAC, nous a autorisé à le publier. Dans ce dernier article, Isaac analyse le changement de ligne du Front national qui est sous-estimé par les « belles âmes » ici et là. En lisant cet article, vous comprendrez pourquoi nous avons mis en chapô de cette chronique la célèbre phrase de Jean Jaurès. Que vous ne soyez pas d’accord avec toutes les propositions de ces deux économistes n’est pas le plus important. Le plus important est qu’ils posent chacun à leur manière, comment appliquer la célèbre phrase de Jean Jaurès (…).

Cet article est le 42ème paru sur ce blog dans la catégorie La droite en France.

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30 mars 2011 3 30 /03 /mars /2011 15:58

Comment répondre aux défis de la mondialisation ?

Les élections cantonales ont-elles marqué la fin de l’outil politique forgé par Sarkozy, cette UMP entièrement à son service, laminée par la montée électorale (et dans les sondages) de l’extrême droite ? C’est bien possible. Nouvelle droite ou extrême droite new look, dans toute l’Europe, les contours bougent, comme l’indique Coralie Delaume dans sa Tribune* publiée sur le site de Marianne le 27 mars : « L'extrême droite émerge dans toute l'Europe et, pour Coralie Delaume, si les partis ont des programmes très différents, ils utilisent les mêmes ficelles : identité, victimisation, conservatisme et contestation. Une analyse en profondeur d'un courant qui surfe sur des lignes de fractures mouvantes ».

Le peuple français veut être protégé des effets de la mondialisation financière. Et, pour gagner, les candidats à l’élection présidentielle 2012 devront prouver qu’ils veulent relever les défis économiques et sociaux lancés à la France et à l’Europe par cette mondialisation capitaliste.

Ce matin, sur France Inter, Emmanuel Todd* a fait entendre sa différence (voir Emmanuel Todd - on Dailymotion et le commentaire de Bruno Roger-Petit Emmanuel Todd : "Sarkozy et son entourage ont suicidé l'UMP".

* Voir Emmanuel Todd appelle les élites à gérer un protectionnisme européen - 26 mars 2011

La remontée du Front national n'est pas le résultat d'une manipulation sarkozyste, mais celui de l'absence de protections face aux effets économiques, sociaux et culturels de la mondialisation financière, pourtant promises pendant la campagne de 2007.

Universitéd'étéMRC2009 024 TA voir dans la tribune de Julien Landfried, membre du Conseil scientifique de la Fondation Res Publica, parue sur LeMonde.fr, 30 mars 2011.

La remontée du FN n'est pas le résultat d'une manipulation sarkozyste

L'amnésie, ainsi que l'avait parfaitement suggéré Georges Orwell dans 1984, est un puissant poison dans les régimes politiques. Le débat public français est à ce titre exemplaire. Le Front national n'est bien évidemment pas né d'une quelconque manipulation de l'actuel président de la République, Nicolas Sarkozy. Il faut remonter en 1983, soit précisément à l'acte d'abandon par la gauche gouvernementale de toute velléité sérieuse de contrôler le destin économique de la France, et, partant, les conditions de vie des classes populaires, pour comprendre le développement et l'enracinement du Front national dans la société française.

Depuis le tournant de la rigueur, pudiquement baptisé "parenthèse" par le premier secrétaire socialiste de l'époque, la gauche a en effet peu à peu perdu structurellement tout lien électoral de longue durée avec les ouvriers et les employés (60 % des actifs), ceux-ci oscillant entre abstention, renvoi des gouvernements sortants et vote Front national.

Pour correctement analyser l'actuelle séquence politique, il faut d'abord accepter que la remontée du Front national a quelque chose à voir avec le réel, et pas seulement avec des "sentiments" ou des "peurs". Les classes populaires se considèrent depuis le début des années 1990 (et électoralement depuis le referendum sur le traité de Maastricht en 1992) comme les grandes perdantes de la "construction européenne" et de la mondialisation.

Depuis le début des années 2000 (et électoralement depuis le referendum de 2005 sur le Traité constitutionnel européen), elles ont été rejointes par les classes moyennes qui s'estiment dans une proportion grandissante également perdantes, subissant les effets inflationnistes de l'euro sur leur pouvoir d'achat et le déclassement de leurs enfants. En d'autres termes, le monde du travail est désormais très majoritairement opposé à la politique économique et sociale que les élites politiques défendent avec un "acharnement thérapeutique" (selon l'expression d'Emmanuel Todd
sur Marianne2.fr ) : euro fort, libre-échange dérégulé, acquiescement à l'accroissement vertigineux des inégalités de revenu et de patrimoine.

Ensuite, si la responsabilité de Nicolas Sarkozy dans la remontée du Front national peut être engagée, c'est en raison du non respect de ses engagements de campagne. Le candidat Nicolas Sarkozy avait promis en 2007 de combattre les délocalisations industrielles et de recourir, le cas échéant, à des politiques protectionnistes. Il avait fustigé l'euro fort et le pouvoir de la finance. Il avait promis de contrôler fermement l'immigration. Enfin, il tenait un discours très dur sur la délinquance.

L'ÉLECTORAT POPULAIRE
Le président élu Nicolas Sarkozy a, lui, audacieusement affirmé que le premier facteur des délocalisations était la taxe professionnelle (sic). Il n'a pas réussi à peser sur l'Allemagne pour réorienter la gestion de l'euro dans un sens plus favorable aux fondamentaux de l'économie française (et en particulier à ses facteurs de spécialisation industrielle). Il a renfloué le système bancaire et financier avec une remarquable réactivité, sans s'aviser qu'il creusait ainsi la dette publique, dont les créanciers étaient les banques remises à flots par le contribuable et refinancées par la Banque centrale européenne (BCE). Les flux migratoires n'ont pas été mieux régulés et l'immigration illégale n'a pas reculé. Enfin, il n'a pas réduit les violences aux personnes, qui ont encore augmenté. Bref, si l'on ajoute le bouclier fiscal, on conçoit aisément que l'électorat populaire ne s'y retrouve pas et se réfugie dans l'abstention ou le vote Front national, d'autant que l'opposition socialiste n'apporte pas de réponses à des questions qu'elle considère au fond comme "hors sujet".

Il faut par ailleurs souligner, pour être tout à fait complet, que Marine Le Pen réoriente significativement son offre politique pour répondre aux attentes de publics largement ignorés ou méprisés jusque-là par l'idéologie frontiste : femmes, fonctionnaires et enseignants, en particulier. Tout se passe comme si elle tentait de reprendre le "récit national" (
selon l'expression du politologue Stéphane Rozès ) là où Nicolas Sarkozy l'avait abandonné en 2007. D'où la reprise opportuniste de références honnies auparavant par Jean-Marie Le Pen : l'Etat et la République. Cette réorientation explique la poussée du vote Front national chez les actifs, en particulier les jeunes actifs et les femmes employées.

Pour Nicolas Sarkozy comme pour l'opposition, réduire l'influence électorale du Front national implique nécessairement de répondre aux attentes des classes populaires et moyennes. Et donc de construire des protections économiques, sociales et culturelles, face à une mondialisation financière qui n'en tolère plus aucune.
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Partenaire Idées du Monde.fr: Le Monde.fr s'est associé à plus de dix think tanks (centre de recherche) français dans le but d'enrichir son espace de débats sur des sujets d'actualité. Les travaux de ces laboratoires d'idées offrent une grande diversité de points de vue et offrent aux lecteurs les clés pour mieux comprendre la complexité des problématiques nationales et internationales. => Retrouvez les publications de la Fondation Res Publica
sur Le Monde.fr.
Voir le texte sur le site du Monde
 
La Fondation Res Publica est une fondation reconnue d'utilité publique depuis le 30 novembre 2005. Présidée par Jean-Pierre Chevènement, elle a organisé plus de 60 colloques et séminaires sur les thèmes "République, Mondialisation, Dialogue des civilisations et des nations". Ses dernières contributions portent sur l'avenir de la zone euro, la nécessité d'un système monétaire international repensé, la mise en place de protections commerciales, ou encore la politique de l'Allemagne en Europe.
=> Visitez le site
www.fondation-res-publica.org
 

Cet article est le 41ème paru sur ce blog dans la catégorie La droite en France.

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26 mars 2011 6 26 /03 /mars /2011 23:55

La crise, le libre-échange et l’euro, causes du vote FN

 

Dans un entretien avec Philippe Cohen, qui a été publié sur Marianne2 le 24 mars, Emmanuel Todd livre le fond de sa pensée à propos de la crise. Il demande aux élites de revenir sur leur erreur historique, qui a consisté à soutenir les yeux fermés l’euro et le libre-échange. C’est un document important, venant après la position de Chevènement (voir Chevènement veut la refondation républicaine face au danger Le Pen - 25 mars 2011).  

Emmanuel Todd avait participé à l’émission sur France 2 (voir Montée du FN : un débat télévisé (Ce soir ou jamais) qui fait des vagues - 11 mars 2011).

 

E. Todd : « Face au FN, il faut rompre avec deux concepts-zombies : le libre échange et l'euro »

 

Que vous inspire ce premier tour des élections cantonales ? *
Les observateurs ne semblent pas percevoir la poussée du Front national dans sa véritable dimension historique. Les commentaires se focalisent sur les transferts de voix entre l’UMP et le Front national, et nous devons constater la persistance dans les analyses produites, d’une thématique imposée de l’immigration de l’islam, de la sécurité, de l’identité nationale conçue en un sens étroit.
Or,  les résultats dont nous disposons témoignent plutôt d’une prédominance des déterminations socio-économiques dans les votes. Le Front national a franchi son plafond ancien du vote à 30% dans la classe ouvrière et s’approche de 40%.
Deux signes confirment le caractère secondaire des thématiques identitaires (immigration, sécurité, etc.) : le score plus modeste (à 20%, ce qui n’est quand même pas mal) réalisé parmi les artisans et commerçants et la progression importante du Front national vers l’ouest, là où l’immigration demeure un phénomène insignifiant.

 

Vous décrivez un vote de crise…
La poussée du FN intervient après deux ans et demi d’une crise économique qui a appris à la population française et à d’autres populations dans le monde que leur classe dirigeante était incompétente. Ou totalement indifférente à leur sort. Les plans de « relance » ont abouti à quelques résultats merveilleux (sic), compréhensibles par tous : la relance du CAC 40, la baisse des salaires, l’accélération des délocalisations et l’aggravation du chômage de masse…
Soyons sérieux : la grande nouveauté de  la situation politique et idéologique est une radicale délégitimation des élites, phénomène qui autorise toutes les embardées politiques imaginables. Les Français sentent que la France est devenue un canard sans tête…
L’ampleur générale du score frontiste et sa pénétration non insignifiante dans les classes « moyennes inférieures » et « moyennes moyennes », dans des cantons sans tradition industrielles et sans immigration, suggère l’idée que les gens n’ont plus confiance dans la gestion économique du pays.
Même s’il survient des accidents dans l’histoire (pour moi, l’intervention en Libye, que j’approuve, en est une), un président tel que Nicolas Sarkozy incarne à merveille cette situation de vide. Mais ce vide n’est pas confiné à l’Elysée. Les classes dirigeantes au sens le plus large, incluant les responsables de l’UMP et les dirigeants sociaistes, ont été les défenseurs acharnés de deux options dont tout le monde sait aujourd’hui qu’elles sont obsolètes : le libre-échange et l’euro. J’utiliserais volontiers, pour décrire l’état de ces concepts, une expression du sociologue allemand Ulrich Beck, celle de « concept zombie » : un concept mort mais que l’on croit vivant. C’est très important. Les gens comprennent que le libre-échange détruit leur vie. Ils ont très bien compris depuis les crises budgétaires européennes que le système monétaire actuel est victime d’un acharnement thérapeutique.
Les hommes de médias de ma génération ont aussi une responsabilité dans cette déroute des élites françaises. Quand je vois Jean-Michel Aphatie face à Marine Le Pen sur le plateau de Canal +, ou quand je lis Laurent Joffrin qualifiant de lepéniste « Ce soir ou Jamais », la meilleure émission de débat du paysage audiovisuel, menacée  de surcroît par l’Elysée, il s’agit moins de journalistes que d’idéologues purs qui tentent de perpétuer une vision du monde totalement archaïque.
Mais ils font partie des classes dirigeantes et particulièrement Laurent Joffrin dont les aller-retour entre le Nouvel Observateur et Libération, en tant que directeur, ont significativement contribué à la paralysie idéologique de deux grands journaux de gauche très importants et contribué à la non prise en compte par la gauche des intérêts économiques des milieux populaires.

 

Sauf que la plupart des responsables et des économistes affirment que l’abandon de l’euro se traduirait par une véritable catastrophe pour les populations européennes.

Certains économistes – pas tous heureusement – disent cela, mais les gens ne les croient plus et mes conversations privées avec certains membres de l’establishment me font soupçonner qu’eux-même n’y croient pas davantage. Mais il est extrêmement difficile de l’avouer parce que l’aveu, pensent-ils sans doute, produirait une délégitimation des classes dirigeantes. Or, le score du Front national nous indique que cette précaution devient superflue : s’ils avouent maintenant, mais sans trop tarder, ils seront pardonnés.
J’ai été absolument fasciné, lors des commentaires post-électoraux, par le fait que Jean-François Copé et Christian Jacob ont rappelé que la nécessité de garder l’euro était le clivage premier qui les séparait du Front national.  Au fond, la tendance sarkozyste de l’UMP suit pleinement  le Front national sur les thématiques identitaires et de sécurité, ce qui rend la situation ingérable. La relance des thématiques identitaires a d’ailleurs été décidée à l’Elysée. Mais cette stratégie aboutit à mettre l’UMP dans une sorte de seringue : alors que le Front national peut aussi se déployer sur les thèmes économiques et sociaux en prônant la sortie de l’euro, la tendance sarkozyste de l’UMP qui représente au plus haut degré l’oligarchie économique, ne peut que défendre l’euro qui est l’argent des riches. Là réside sans doute la véritable explication des transferts de voix de l’UMP vers le Front national.

 

L’idée du Front républicain resurgie entre les deux tours vous paraît-elle utile, efficace ou au contraire contre-productive pour enrayer la poussée mariniste ?

Voilà bien un autre concept-zombie ! L’important n’est plus la tactique politique. Le Front national ne va pas prendre le pouvoir à l’occasion de ces élections cantonales, les électeurs sont libres. L’important est le renversement de l’hégémonie idéologique des concepts-zombies que sont le libre-échange et l’euro. L’UMP et le Parti socialiste, les dirigeants de grandes entreprises (ceux des PME ont compris) et les responsables des grands médias doivent être capables de penser en terme de protectionnisme économique, européen si possible. Ils doivent accepter l’idée que s’il y a un problème d’identité nationale pour la France, il réside dans sa relation à l’Allemagne et non dans ses rapports avec les Arabes. Les élites doivent accepter l’inévitabilité, si l’Allemagne refuse l’idée d’un protectionnisme européen, d’une sortie de l’euro. La réalité économique est que cette sortie poserait, certes, quelques problèmes techniques, mais ouvrirait mille possibilités de renouvellement et d’expérimentation, et des solutions originales aux problèmes posés par la dette publique, quoique peu agréables pour les détenteurs de capitaux.

 

On nous présente la sortie de l’euro comme une garantie absolue d’une baisse rapide du franc rétabli.

Mais c’est exactement l’effet recherché. Une dévaluation est toujours défavorable à ceux qui ont beaucoup d’argent, mais favorable, après ajustement, à la compétitivité économique des secteurs qui reposent sur un travail réel, à l’industrie, aux nouvelles technologies. D’ailleurs, honnêtement, plus j’y pense en tant que démographe plus je pense que la France, avec son taux de fécondité parfaitement satisfaisant, à deux enfants par femme, au milieu d’une Europe minée par des fécondités très basses, aurait intérêt à prendre quelque distance avec un continent menacé de sénilité. L’un des paradoxes fondamentaux du comportement du Front national dont rien ne nous garantit d’ailleurs qu’il aurait le courage de ses propositions économiques, est que l’analyse économique sérieuse conduit à constater que le protectionnisme et la dévaluation ramènent à la notion de solidarité nationale mais d’une solidarité nationale territoriale plus tôt qu’ethnique. L’une des implications paradoxales du programme frontiste est que la sortie de l’euro aurait pour effet pratique de contribuer à la réconciliation de toutes les classes sociales françaises et de Français de toutes origines. Les enfants d’immigrés seraient, autant que ceux des classes moyennes, les premiers bénéficiaires de la sortie de l’euro. Je reconnais que voir le FN en défenseur des enfants d’immigrés a quelque chose de surréaliste si l’on pense à l’ignoble proposition de préférence nationale qui fait partie du bagage idéologique du Front national. Symétriquement, des socialistes qui se battent contre la préférence nationale mais adhèrent à des politiques économiques qui détruisent en priorité les enfants d'immigrés ne sont pas des républicains sincères. En vérité, l'attachement des partis dits républicains à des concepts économiques qui détruisent la vie des Français pourrait faire bientôt du mot République un concept zombie. On peut toutefois ressusciter la République en changeant de politique économique.

 

Le plus spectaculaire et inquiétant dans le score de Marine Le Pen, est sa performance dans les catégories actives : selon l’iFOP, alors que l’électorat sarkozyste reste dominant parmi les catégories âgées, les intentions de vote de la tranches 34-49 ans est passée de 16 à 29% en un an ; parmi les 24-39 ans elle est passée de 20 à 25%.

Effectivement,  ce contexte est tout à fait typique des situations de basculement idéologique. La fragmentation de la droite peut être perçue par des différences d’attitude entre sarkozystes fillonistes et marinistes. Mais au-delà de la confusion, ce sont les basculements générationnels qui importent. La fragilité initiale du sarkozysme était que le Président a été l’élu des vieux, très effrayés par les émeutes de 2005 dont il était largement responsable, et actuellement, la fuite hors de l’électorat UMP s’effectue dans ce qui restait de jeunes au sein de l’électorat de droite.

 

Votre diagnostic est à la fois convaincant et inquiétant. Que va-t-il se passer et qu’est ce qui est possible ? Comment en sortir ?

J’aimerais profiter de l’occasion pour définit mon attitude personnelle vis-à-vis de la crise que nous vivons. Je suis considéré comme un intellectuel critique radical du système. Mais je ne suis pas intéressé par les propositions irréalistes protestataires de la gauche de la gauche, et je ne crois pas une minute à la possibilité pour le Front national d’arriver au pouvoir en France. Je pense tout à fait que la France doit continuer à être gérée par une alternance entre les grands partis décents de la droite et de la gauche. Je ne suis pas partisan d’une destruction ou d’un rejet des élites. Je plaide simplement pour le retour des élites à la responsabilité et à la raison. Même si ça n’est pas enthousiasmant d’un point de vue utopique, je pense que le projet protectionniste européen ou la sortie de l’euro ne peuvent, dans le contexte français, être gérés que par des gens sortis des grandes écoles. Je demande simplement que la  méritocratie française fasse son boulot, s’occupe de la démocratie française, et justifie ainsi ce qu’a coûté leur formation à la nation. J’admire la capacité du peuple français à résister à des élites devenues irresponsables – y compris malheureusement par un vote Front national - mais je ne crois pas à la possibilité d’une démocratie sans élites. La bonne démocratie fonctionne quand une partie importante des élites prend en charge les intérêts économiques et moraux de l’ensemble de la population.

Cet article est le 40ème paru sur ce blog dans la catégorie La droite en France.

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11 mars 2011 5 11 /03 /mars /2011 21:42

Le plateau était trop favorable à Le Pen, selon Joffrin

 

Le patron du Nouvel Observateur, Laurent Joffrin, a publié un BILLET] incendiaire à propos de l’émission Jeudi 10 mars 2011 - Ce soir ou jamais - France 3. C’est sûrement le signe que le clan Strauss-Kahn commence à s’inquiéter de la tournure des débats depuis la publication de sondages très favorables à Marine Le Pen.

Joffrin accuse la télévision publique (à travers elle, Sarkozy) de prêter main forte à la présidente du Front national en organisant ce type de débats avec des personnalités qui, jusqu’à présent, étaient interdites d’antenne, parce que ne correspondant pas au moule libéral européiste bien pensant. Il oublie seulement de poser la question : pourquoi les classes populaires se dirigent vers elle ?

 

En fait, Frédéric Taddeï invite des gens en marge du système - qui sont capables de s’écouter - afin de rendre attractive son émission. Voici les personnalités qui étaient invitées, hier soir, à débattre sur le thème « Marine Le Pen : la montée du sentiment national » dans Ce Soir ou Jamais.

 

Marine Le Pen, le phénomène. D’une manière générale, Marine Le Pen est souvent jugée comme plus modérée que son père. L’image qu’elle donne, calme et souriante, semble être à l’opposé des stéréotypes attribués habituellement à sa famille politique. Est-ce le cas ? Comment interpréter la montée en puissance du Front national et de ses thématiques ?

 

Gaël Brustier : Il est politologue, chercheur associé au Groupe de sociologie politique européenne de Strasbourg. Il est par ailleurs membre du Conseil scientifique de la Fondation Res Publica. Il a été membre de la direction du Mouvement des citoyens de Jean-Pierre Chevènement. Il a notamment publié en 2008 Les Socialistes, les altermondialistes et les autres, et en 2009 Recherche peuple désespérément. Il cosigne aujourd’hui avec Jean-Philippe Huelin Voyage au bout de la droite, Des Paniques morales à la contestation droitière (Mille et une nuits, 2011), un ouvrage dans lequel il affirme que « la droite a gagné le combat pour l’hégémonie culturelle dans les sociétés occidentales, poussant aussi bien les droites conservatrices que les droites extrêmes à opérer de nombreuses mutations ».

Gilles-William Goldnadel : Avocat pénaliste, il a notamment été le défenseur des accusés dans les affaires Sentier 1 et 2, ou de l’Angolagate. Il préside l’association Avocats sans frontières. Il dirige également l’alliance France-Israël. Dans son dernier livre, Réflexions sur la question blanche, Du Racisme blanc au racisme anti-blanc (Gawsewitch, 2011), il affirme que « le Juif, autrefois Levantin, est aujourd’hui considéré comme le plus Blanc des Blancs ».

Paul-Marie Couteaux : Ecrivain, il est notamment l’auteur de biographies comme Clovis, une histoire de France, Le génie de la France, de Gaulle philosophe, d’essais polémiques comme Ne laissons pas Mourir la France avec Nicolas Dupont-Aignan, Être et parler français. Défenseur de la cause souverainiste, il dirige notamment la revue mensuelle Les cahiers de l’indépendance, revue des souverainistes de tout horizon ». Au fil d’une longue carrière, il a enfin été conseiller de Michel Jobert, de Philippe de Saint Robert, de
Jean-Pierre Chevènement, de Boutros Boutros-Ghali, puis de Philippe Séguin.

Alain-Gérard Slama :
Il est éditorialiste, membre du comité éditorial du Figaro et professeur à Science Po Paris où il propose un cours d’introduction à la pensée politique. Il est également membre du conseil d’analyse de la société et, par ailleurs, l’auteur de nombreux essais. Le dernier La Société d’indifférence (Plon) est paru en 2009. Dans sa chronique du Figaro en date du 9 mars, il estime que « le ressentiment des victimes de la mondialisation bénéficie moins à la famille anticapitaliste qu’à celle qui a placé l’immigration et les inquiétudes soulevées par l’islamisme en tête de ses préoccupations ».

Christine Tasin : Présidente de « Résistance républicaine ». Elle est professeur agrégée de lettres classiques, tout juste préretraitée depuis deux mois. Présidente de « Résistance républicaine », une association qui se veut en dehors des partis politiques et dont la vocation est de rassembler des citoyens de touts bords, pour défendre, dit-elle, la République contre l’Islamisation de la France. Elle est par ailleurs rédactrice à Riposte laïque, un journal en ligne de défense de la laïcité et des valeurs républicaines. Elle a fait parler d’elle dans les médias en juin 2010 car elle est une des organisatrices à l’initiative du très controversé « apéro-saucisson-pinard » dans le quartier de la goutte d’or à Paris, qui s’est finalement transformé en rassemblement sur les Champs Elysées.

Emmanuel Todd
 : Emmanuel Todd est politologue, démographe, historien et sociologue. Il a publié de nombreux essais dans lesquels il analyse le fonctionnement et les évolutions de nos sociétés : le prophétique La chute finale sur la fin programmée de l’URSS, publié en 1976, L’Illusion économique, essai sur la stagnation des sociétés développées (1998), ou encore Après l’empire (2002), sur la décomposition du système américain, Après la démocratie (2008).

Houria Bouteldja : Présidente du mouvement des « Indigènes de la République ». Elle est porte-parole du mouvement des « Indigènes de la République », collectif né en 2005 pour fédérer «  tous ceux qui veulent s’engager dans le combat contre les inégalités raciales qui cantonnent les Noirs, les Arabes et les musulmans à un statut analogue à celui des indigènes dans les anciennes colonies ». L’un des fondateurs des indigènes de la République, Sadri Khiari, a publié en 2009 un ouvrage intitulé La contre-révolution coloniale en France, de De Gaulle à Sarkozy.

 

Ce que j’en pense

 

Ce débat était vrai. Chacun a pu développer sa pensée et réagir à ce que disaient les autres. C’est ainsi que Todd a pu laisser éclater son désaccord avec Tasin, qui se qualifie elle-même d’islamophobe. C’est ainsi aussi que la porte-parole des Indigènes de la République, Bouteldja, a pu constater que sa haine du Blanc ne passait pas la rampe.

Deux femmes dans le débat. Deux femmes aux propos extrêmes, extrêmement contestés. L’une en était dépitée (Bouteldja). L’autre était ravie de son coup. Christine Tasin (qui conserve mon amitié, malgré nos désaccords) s’est exprimée clairement - même si c’était en forçant à l’excès le trait - ce qui mérite, selon Joffrin, une sévère condamnation. Qu’on en juge (BILLET]). Extrait :

« Un tel déséquilibre dans le débat permit d'assister à ce phénomène inédit, même en ces temps de rejet des "tabous" et de la "bienpensance" : un déferlement de clichés anti-musulmans proférés par cette dame Tasin (religion "totalitaire", dictature musulmane à l'école, destruction de l'identité française, laïcité mise en pièce par l'islam français, tout cela dénoncé par une fanatique sectaire qui répartit la population en deux catégories, les bons Français d'un côté, les musulmans de l'autre, comme si les musulmans étaient par construction étrangers à la nation, quand bien même ils seraient Français nés en France), sans que quiconque ne vienne contredire – surtout pas Taddéï – cette logorrhée xénophobe (pardon : islamophobe) ».

Parmi les hommes, Gaël Brustier (que j’ai bien connu au MRC en 2004-2006) a montré tout l’intérêt de son livre « Voyage au bout de la droite », qui passe en revue la progression des droites en Europe. En prétendant que la gauche a disparu, il n’a pas fait plaisir à Joffrin.

Emmanuel Todd a eu des bons et de moins bons moments (sur la question de l’islam, il survole en démographe mais ne connaît pas les réactions populaires à la base).

Paul-Marie Coûteaux a montré sa proximité avec le parti de Marine Le Pen, qu’il qualifie de droite nationale. Ancien proche de Chevènement et de Séguin, puis de Villiers, il est d’abord un intellectuel gaulliste et un brin royaliste (ce que j’avais compris en l’accueillant en Mayenne, pendant la campagne présidentielle de Chevènement en 2002).

Ce débat prouve que nous entrons dans une période de contestation plus forte du système UMP-PS, qui a imposé ses vues avec l’aide des médias complices. Cela devrait amener Joffrin à conseiller à son ami, directeur du FMI, que les conditions ne sont pas vraiment favorables à son retour au pays.

Cet article est le 39ème paru sur ce blog dans la catégorie La droite en France.

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2 janvier 2011 7 02 /01 /janvier /2011 23:05

Il reste moins de 16 mois à tenir, en jouant la défense

 

C’est un président mûri par les épreuves de ses trois premières années de mandat présidentiel qui nous a présenté ses vœux, vendredi soir. Tout a changé depuis mai 2007. Il n’est pas question pour autant de changer de politique. Les réformes continueront pour servir ses amis, les dirigeants de la finance. Au risque d’accentuer la coupure entre lui et le peuple, dont il ne se rend pas compte (voir l’article paru ce soir sur le site du Figaro 2011, année de reconquête pour Nicolas Sarkozy).

C’est vrai, Les vrais-faux vœux de Sarkozy pour 2011 : « Battez moi en 2012 » sont plus près de la vérité. Le PCF a voulu marquer le coup, c’est réussi, même si l’emprunt de l’image présidentielle n’est pas légal.

 

Le président est gêné par les commentaires de plus en plus critiques sur l’euro. Bien sûr, avec la chancelière allemande, il va défendre le montage politique et idéologique, bien peu rassurant, de la monnaie unique, mais à quel prix ? Depuis quand la monnaie est-elle une fin et non un moyen d’une politique économique ? Depuis que certains dirigeants politiques se sont servis de l’euro pour construire une entité privant les nations d’une part essentielle de leur souveraineté. Le problème est que les marchés financiers ont détecté les faiblesses du montage euro-péen et ne se privent pas de le mettre en difficulté.

 

Il est piquant de voir le président le plus distant de notre modèle social républicain prétendre désormais le protéger. Faut-il y croire ou s’agit-il d’une attitude calculée pour donner quelque chance à sa réélection en 2012 ? La réponse est évidente. Tout est fait dans la perspective de l’échéance présidentielle. L’électorat populaire s’est éloigné. Comment le reconquérir ? En le « protégeant ». Reste à vérifier que les seize mois à venir pourront faire oublier les dérapages des trois années passées.

 

Pierre Haski, responsable du site Rue89, a fait connaître, dès vendredi soir, son avis sur les vœux présidentiels. Le voici, il me semble très pertinent (notamment, les deux derniers paragraphes).

 

Sarkozy, président protecteur en 2011, en attendant 2012

En transition, Sarkozy a prononcé un bon et vrai discours « de droite », carré et sans fioritures pour ses vœux aux Français. Edito.

« Pro-té-ger ». A six reprises, Nicolas Sarkozy a utilisé ce verbe dans ses vœux télévisés ce vendredi soir. Une manière de se couler dans ses habits neufs présidentiels, protecteur et montrant la voie. Loin du bling-bling, loin de l'hyper-président touche-à-tout : ça c'était « avant ».

En bon père de famille, Nicolas Sarkozy est juste mais sévère : il faut aller à l'école, il ne faut pas porter de burqa, il faut respecter la loi, il faut respecter la France, il ne faut pas être communautaire. Un bon et vrai discours « de droite », carré et sans fioritures, l'heure n'est pas à la nuance.

Il n'y a pas que Nicolas Sarkozy qui protège les Français : l'Europe aussi. Il y avait, dans ce message télévisé, prononcé d'un ton grave, un appel particulier sur l'Europe « qui a tenu, qui nous a protégés », et sur l'euro qu'il faut défendre.

« Ne croyez pas ceux qui proposent de sortir de l'euro »

Le Président, dans un message sans doute concerté avec la chancelière allemande Angela Merkel qui s'est prononcée dans le même sens à la même heure, a lancé un surprenant appel :

« Ne croyez pas ceux qui proposent de sortir de l'euro. »

Nicolas Sarkozy s'est engagé à s'opposer « de toutes [ses] forces » au retour en arrière que constituerait le fait pour la France de quitter la zone euro. Un message vraisemblablement ciblé en direction des électeurs séduits par le discours du Front national, qui milite pour un retour au franc, transformant l'euro en bouc émissaire de toutes les difficultés.

Nicolas Sarkozy a également parlé de la crise financière et sociale, d'une année 2010 « qui fut rude », de ceux qui ont perdu leur emploi et qui ont pu en concevoir « un sentiment d'injustice ». Mais il n'a apporté comme seule réponse à ce bon diagnostic que la poursuite des « réformes », ce mot galvaudé et vidé de sens depuis plus de trois ans.

2011, c'est avant 2012

Le Président a fait observer que 2011 intervenait avant… 2012, mais qu'il n'était pas question d'« immobilisme pre-électoral » : « Nous allons continuer à réformer. »

Grand absent de ces vœux, le dossier des « affaires » qui a fait que l'année 2010 fut aussi « rude » pour Nicolas Sarkozy lui-même. Pas un mot ce vendredi soir, sur les questions éthiques, sur cette République exemplaire qu'il avait promise mais pas mise en œuvre, sur le financement occulte qui, de Liliane Bettencourt à Omar Bongo en passant par les rétrocommissions de Karachi, empoisonnent notre démocratie.

Ces vœux pour 2011 ne resteront pas dans les annales. Nicolas Sarkozy est un président en transition. Au plus bas dans les sondages, il est en train de préparer sa mise en orbite pour l'élection de 2012, par petites touches, avec des messages subliminaux en direction de ses électeurs déçus de 2007, tentés d'aller plus à droite, plus au centre, ou même ailleurs.

A l'issue d'une année particulièrement difficile, avec sa défaite aux régionales, le bourbier de l'affaire Woerth-Bettencourt, le flop de la vague sécuritaire-xénophobe de l'été, le plantage de la gestion du remaniement, et l'absence de dividendes de sa victoire sur le mouvement social des retraites, il n'a pas trouvé le souffle ni l'inspiration pour susciter le désir. La magie du verbe présidentiel ne s'est pas manifestée vendredi soir à l'Elysée.

Cet article est le 38ème paru sur ce blog dans la catégorie La droite en France.

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17 novembre 2010 3 17 /11 /novembre /2010 19:31

Des circulaires ministérielles ont stigmatisé les Roms

 

L’été politique 2010 a été chaud en France… On le doit essentiellement à la volonté du président de la République d’exploiter un fait divers en pratiquant l’amalgame et la discrimination. Voir Roms et gens du voyage : la droite au pouvoir pratique l'amalgame - 29 juillet 2010.

 

Le CEAS Mayenne (réseau Culture et promotion) ayant eu la bonne idée de demander à Bernard Cossée d’écrire à ce sujet, je remercie Claude Guioullier de m’autoriser à reproduire son texte, ainsi que sa photo, publiés dans La Lettre du CéAS n° 263 (p4-9), septembre 2010.

Deux articles sont parus :

-          l’un reprenant le texte (p9) rédigé par Claude Guioullier. Voir Polémique Roms et Gens du voyage : Bernard Cossée répond au Céas 53 - 16 novembre 2010.

-          l’autre, reproduisant 2la première partie du texte de Bernard Cossée. Voir Polémique Roms et Gens du voyage 2010 : le récit de Bernard Cossée - 17 novembre 2010.  

 

Voici la seconde partie du texte de Bernard Cossée, dans laquelle il décrit ce que fut le traitement de l’évènement par les pouvoirs publics. Bernard Cossée CEAS

 

Été 2010 : Roms, amalgames et discrimination (2ème partie)

 

Des citoyens français pas tout à fait comme les autres

 

Pour en revenir aux événements, le président Sarkozy avait dénoncé « les comportements de certains parmi les Gens du voyage et les Roms », mais il semble que Brice Hortefeux et plusieurs ténors de la majorité aient compris « la plupart » sinon « tous » ! De discours en interviews, les propos sont devenus des invectives, tous les clichés démagogiques y sont passés : absence de scolarisation, fraudes aux prestations sociales, voitures de fortes cylindrées…

Certes, certaines voitures de luxe peuvent paraître suspectes aux yeux du fisc, mais dans ces cas, l’administration dispose des moyens juridiques pour débusquer les éventuels fautifs et démanteler leurs trafics ; n’était-ce pas la mission des Groupements d’intervention régionaux (GIR) ? Cela permettrait de ne pas stigmatiser toute une population dont certaines familles sont réellement très pauvres.

Le moins qu’on en puisse dire, c’est que les propos gouvernementaux n’ont pas laissé indifférents. Des internautes tsiganophobes et anonymes ont inondé les blogs de commentaires injurieux… La boîte de Pandore était ouverte !

 

Pour autant, sur le terrain, la période estivale n’a été ni pire ni meilleure qu’à l’ordinaire, à l’exception de quelques départements où la pression policière s’est faite plus forte, notamment dans l’Hérault.

Les autres ont connu leur lot de stationnements illicites, avec ou sans expulsion, en raison principalement de la non réalisation, par de nombreuses communes, des aires d’accueil et de grands passages prévues et rendues obligatoires par la loi Besson (Louis) de juillet 2000. Brice Hortefeux l’a d’ailleurs explicitement reconnu à l’issue de la réunion du 28 juillet à l’Elysée, en affirmant vouloir « poursuivre la politique de développement des aires d’accueil ».

Il n’en reste pas moins vrai que l’émoi reste grand parmi les Voyageurs, les vieux sont inquiets et les jeunes révoltés d’être ainsi stigmatisés alors qu’ils sont Français.

Les autorités n’ont, du reste, pas manqué de leur rappeler qu’ils ont les mêmes droits et devoirs que tous les Français. Sauf que cette affirmation, maintes fois répétée, est fausse notamment quant aux droits civiques.

Ainsi, un sans domicile fixe (SDF) ordinaire a le droit, sous certaines conditions, de se faire domicilier dans une commune où il pourra être inscrit sur les listes électorales six mois plus tard, comme un sédentaire.

Tout Voyageur âgé de plus de 16 ans est dans l’obligation de choisir une « commune de rattachement » et une seule, où il pourra voter… trois ans plus tard, de sorte notamment qu’un jeune de 16 ans ne pourra voter qu’à 19 ans !

 

Des Européens confrontés à des choix réglementaires français

 

Avant de poursuivre sur le sort fait aux Roms migrants, il n’est pas inutile de rappeler les raisons de leur venue en France et de leurs conditions de vie.

En Roumanie à l’époque communiste, les Roms avaient tous un travail, ouvriers agricoles dans les fermes collectives, ou manoeuvres dans les usines.

Lors de la libéralisation du régime, d’une part ils ont été exclus du partage des terres, et d’autre part beaucoup d’usines ont fermé. Résultat, de nombreux Roms sont privés de ressources et vivent dans des conditions précaires. Certes, tous les Roms ne sont pas paupérisés, mais tous subissent une situation d’exclusion de la part du reste de la société. Ceux qui partent vers l’ouest européen ne sont probablement pas les plus démunis, mais ils cherchent un avenir meilleur pour leur famille, qu’elle les ait accompagnés ou qu’elle soit restée au pays.

Les chiffres, bien que rarement fiables, relativisent le phénomène. Parmi les populations roumaine et bulgare, les Roms sont respectivement estimés à 2,1 millions et 750 000, soit dans les deux cas 10 % du total des habitants. En France, selon les associations caritatives, le nombre de migrants Roms semble à peu près constant, autour de 15 000 dont 40 % d’enfants, les entrées compensant les sorties, situation sans commune mesure avec l’Italie et l’Espagne qui en compteraient au moins cinq fois plus. Dans l’état actuel des choses, on ne peut donc parler ni de raz de marée, ni d’invasion !

 

Ce qui pose problème aux politiques c’est la visibilité en zones urbaines de ces familles vivant dans des bidonvilles ou des squats. Le paradoxe est que ce « spectacle » résulte de choix réglementaires faits par la France. Rappelons que les Roumains et les Bulgares sont citoyens européens depuis le 1er janvier 2007, date de l’entrée de leur pays dans l’Union européenne.

La libre circulation des travailleurs, inscrite dans le traité de Rome, en est l’un des principes fondamentaux. Mais les traités d’adhésion de la Roumanie et de la Bulgarie ont autorisé les anciens États membres à déroger temporairement à ce droit, envers les ressortissants de ces deux pays, pour une « période transitoire » prenant fin au 31 décembre 2013.

Certes, comme les autres citoyens européens, ils peuvent entrer en France sur simple présentation d’une pièce d’identité et y circuler librement durant trois mois, puis y demeurer à condition de justifier d’une activité professionnelle ou de ressources suffisantes. Mais durant cette période transitoire, l’accès à l’emploi des Roumains et des Bulgares est soumis aux règles relatives au droit des travailleurs étrangers non européens, ce qui oblige les intéressés à solliciter un titre de séjour et une autorisation de travail, et les employeurs à payer une taxe, procédures dont la complexité, les délais et les exigences bloquent très généralement l’accès au marché du travail ; sans parler des difficultés liées à la langue et au manque de qualification de beaucoup.

Sans salaire, les ressources accessibles sont les soutiens associatifs, le travail au noir, la mendicité, le chapardage… Privées de statut, les familles n’ont accès ni aux aides, ni aux logements sociaux. Dans ces conditions, les seuls abris possibles sont les bidonvilles et les squats. D’autre part, l’extrême précarité favorise certaines activités mafieuses, notamment les prélèvements obligatoires sur les produits de la mendicité, encore qu’à ce jour aucune filière n’ait été démantelée ! De nombreux reportages ont traité de cette situation, mais on peut s’étonner que les quelques initiatives en faveur d’une intégration par le logement et le travail n’aient pas été mises en valeur, qu’elles soient associatives ou institutionnelles comme les « villages d’insertion », même si certains aspects ont pu faire l’objet de réserves.

 

Le sort des migrants roms à la une

 

Concernant les Roms migrants, la réunion du 28 juillet à l’Élysée n’innove guère. Le démantèlement des camps avec participation policière, les expulsions par décisions de justice et les retours volontaires avec versement par l’État d’une aide de 300 euros par adulte et 100 euros par enfant, étaient déjà mis en oeuvre depuis plusieurs années. La principale nouveauté du discours de Grenoble est d’avoir fixé des objectifs chiffrés pour les démantèlements, avec probablement l’espoir qu’ainsi un nombre accru de Roms accepte le retour « volontaire ».

Force est de constater que par le passé de telles mesures n’ont pas fait la preuve de leur efficacité. Lorsqu’un bidonville est évacué puis détruit, un autre sort de terre sur un terrain plus ou moins proche, squatté à son tour. Rien n’empêche une famille ayant reçu l’aide au retour, de revenir quand bon lui semble ; selon les associations, cette pratique concernerait deux tiers des intéressés.

Eric Besson, ministre de l’Immigration, en est bien conscient et promet d’y remédier par un durcissement de la réglementation. Enfin, il semble bien que, malgré l’agitation estivale et les multiples pressions, les retours volontaires n’aient pas véritablement explosé en août (4).

 

Le principal résultat des annonces gouvernementales est que les médias se sont intéressés au sort des migrants roms en France, d’autant que le sujet pouvait s’illustrer avec des images chocs et qu’il se prêtait au débat, voire à la polémique. Les Français sont désormais mieux informés sur un sujet pour lequel les organisations humanitaires avaient du mal à se faire entendre.

Fin juillet, les associations avaient dénoncé l’amalgame entre Gens du voyage et Roms migrants ; début août, elles s’insurgeaient contre le fait qu’une population entière soit stigmatisée et réprimée souvent violemment, en raison des délits reprochés à quelques-uns, en violation des principes de justice et d’humanisme de la République qui ne connaît que la responsabilité individuelle et non pas la culpabilité collective.

À partir du 20 août, de nombreuses autorités morales, religieuses et politiques, ainsi que des organisations internationales, font connaître leur désapprobation vis-à-vis de cette politique discriminatoire. Dès lors, le « ramdam » sur le Net s’équilibre entre les pour et les contre. Le samedi 4 septembre, une manifestation de protestation intitulée « Liberté, Égalité, Fraternité » se déroule à Paris et dans 130 villes de France, une mobilisation jamais vue sur ce sujet !

 

Le mot « Roms », neuf fois dans la circulaire du 5 août

 

Fait plus exceptionnel encore, le  Parlement européen, se saisissant de l’affaire, adopte le 9 septembre une résolution, certes non contraignante, par laquelle il « s’inquiète vivement […] de la rhétorique provocatrice et ouvertement discriminatoire […] au cours des opérations de renvoi des Roms dans leur pays ». Il rappelle par ailleurs, « que les restrictions à la liberté de circulation […] ne peuvent se fonder que sur un comportement individuel et non sur des considérations générales relevant de la prévention, ni sur l’origine ethnique ou nationale ».

Ce à quoi Eric Besson rétorque en ces termes : « La France n’a pris aucune mesure spécifique à l’encontre des Roms. Notre droit ne connaît les étrangers qu’à raison de leur nationalité. Les Roms ne sont pas considérés en tant que tels, mais comme des ressortissants du pays dont ils ont la nationalité ».

Mais le lendemain même, parvenaient à la presse trois circulaires adressées en toute discrétion aux préfets, textes qui démentent les propos du ministre et éclairent d’un jour nouveau les événements de l’été.

La première datée du 24 juin et signée des deux ministres Brice Hortefeux et Eric Besson, demande aux Préfets, « sans attendre l’entrée en vigueur de modifications législatives et réglementaires actuellement en préparation (5) […] de procéder à l’évacuation des campements illicites dans les conditions prévues par la loi [… et…] de prendre, chaque fois que cela paraît pertinent, des mesures d’éloignement des occupants… ». Les préfets sont priés « de veiller à l’application immédiate de ces directives ».

Ainsi, plus d’un mois avant les événements de Saint-Aignan-sur-Cher, le dispositif répressif à l’encontre des Roms était déjà mis en oeuvre, sans toutefois que le terme Roms ne figure dans la circulaire.

Celle du 5 août, qui émane du ministère de l’Intérieur, rappelle les objectifs présidentiels, à savoir : « 300 campements ou implantations illicites […] évacués d’ici 3 mois, en priorité ceux des Roms ». Le but de cette circulaire est de « dynamiser les opérations » à partir du constat d’un « nombre trop limité de reconduites à la frontière ».

Dans ce texte d’à peine plus de deux pages, le mot Roms figure neuf fois, sans référence à la nationalité ! Alors que la notion d’ethnie ne figure pas dans le droit français, un tel ciblage pourrait bien donner matière à des recours en justice. La circulaire du 9 août complète la précédente et enjoint aux préfets d’informer le ministère « de toute opération d’évacuation revêtant un caractère d’envergure, ou susceptible de donner lieu à un écho médiatique ». Le spectacle continue… pour les Roms, c’est un drame !

 

Pour aller plus loin...

Sites Internet :

·  www.ldh-france.org/IMG/pdf/Rapport_Romeurope_2009-2010.pdf

·  www.gisti.org/ (site du Groupe d’information et de soutien des immigrés).

Publications :

·  Jean-Pierre Liégeois, Roms et Tsiganes. Paris : éditions La Découverte (coll. Repères), n° 530, mars 2009 (128 p.).

·  Samuel Delépine, Quartiers tsiganes, l’habitat et le logement des Rroms en Roumanie en question. Paris : éditions L’Harmattan (coll.

« Aujourd’hui l’Europe »), 2007 (172 p.).

·  Morgan Garo, Les Rroms, une nation en devenir ? Paris : éditions Syllepse (coll. « Histoire : Enjeux et Débats »), avril 2009 (239 p.).

·  Christophe Robert, Eternels étrangers de l’intérieur ? Les groupes tsiganes en France. Paris : éditions Desclée de Brouwer, novembre

2007 (455 p.) ;

·  Bernard Houliat (texte), Antoine Schnekk (photographies), Tsiganes en Roumanie. Rodez : éditions du Rouergue, 1999 (270 p.).

·  Gilles Frigoli, Isabelle Rigoni et Claire Cossée, Migrations et Société. Centre d’information et d’études sur les migrations internationales, Vol. 22, n° 128, mars – avril 2010 (www.ciemi.org).

·  « Roms de Roumanie : la diversité méconnue », Études Tsiganes. Fnasat – Gens du voyage, n° 38 (www.etudestsiganes.asso.fr/).

 

Cet article est le 37ème paru sur ce blog dans la catégorie La droite en France.

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17 novembre 2010 3 17 /11 /novembre /2010 17:36

Un dérapage inquiétant de la politique sécuritaire française

 

L’été politique 2010 a été chaud en France… On le doit essentiellement à la volonté du président de la République d’exploiter un fait divers en pratiquant l’amalgame et la discrimination. Voir Roms et gens du voyage : la droite au pouvoir pratique l'amalgame - 29 juillet 2010.

 

S’agissant des Roms et Gens du voyage, je ne connais pas de meilleur spécialiste que Bernard Cossée, président de l’Association mayennaise d’action auprès des gens du voyage (AMAV) et trésorier de la Fédération nationale des associations solidaires d’action avec les Tsiganes et les Gens du voyage (Fnasat Gens du voyage).

 

Le CEAS Mayenne (réseau Culture et promotion) ayant eu la bonne idée de lui demander d’écrire à ce sujet, je remercie Claude Guioullier de m’autoriser à reproduire son texte, ainsi que sa photo, publiés dans La Lettre du CéAS n° 263 (p4-9), septembre 2010.

 

Hier, un premier article est paru, reprenant le texte (p9) rédigé par Claude Guioullier. Voir Polémique Roms et Gens du voyage : Bernard Cossée répond au Céas 53 - 16 novembre 2010. 

 

Voici la première partie du texte de Bernard Cossée, dans laquelle les faits de l’été 2010 (jusqu’au 12 septembre) sont relatés et les populations concernées sont décrites avec précision. Bernard Cossée CEAS

 

Été 2010 : Roms, amalgames et discrimination (1ère partie)

 

Les Roms constituent la plus importante minorité de l’Union européenne, avec quelque cinq à six millions de membres, répartis très inégalement dans les vingt-sept pays où ils sont des citoyens nationaux, certes, mais presque toujours de seconde zone. Il ne s’agit pas d'un problème franco-français, ou même franco-roumain, mais bien d'une réalité européenne, souvent douloureuse, héritée de notre Histoire commune. D’où la nécessité d'une politique européenne qui, tout en tenant compte des difficultés propres à chaque pays, s’imposerait néanmoins à chacun d’eux.

 

De 1940 à 1946, de nombreuses familles nomades (quelque six mille hommes, femmes, vieillards, enfants) furent internées en France, dans des camps gérés par l’administration française. De cette tragédie, nos livres d’histoire n’en disent rien ! C’est pour lutter contre cet oubli qu’un collectif d’associations de Gens du voyage, Tsiganes et amis, comprenant également des chercheurs, s’est constitué pour faire de 2010 une année de commémoration, soixante-dix ans après la signature, le 6 avril 1940 par le président Albert Lebrun, du décret-loi interdisant la circulation des nomades sur l’ensemble du territoire métropolitain pendant toute la durée de la guerre.

Ce projet mémoriel a reçu l’agrément du ministère de la Défense dans le cadre du 70e anniversaire de la Seconde Guerre mondiale. C’est pourquoi, le 18 juillet dernier, à Paris, à l’occasion de la Journée nationale de la mémoire des victimes des crimes racistes et antisémites de l’État français et d’Hommage aux « Justes » de France, Hubert Falco, secrétaire d’État à la Défense et aux Anciens Combattants auprès du ministre de la Défense, a évoqué dans son discours l’internement des nomades, en ces termes : « Nous nous souvenons des Juifs de France déportés et persécutés. Nous nous souvenons aussi des Tsiganes […]. Il est temps que leur souvenir prenne place dans la mémoire nationale. […] Nous nous souvenons de ces femmes et de ces hommes nés pour la liberté et persécutés parce qu'ils l'aimaient simplement. La France s’incline aujourd'hui devant leur mémoire. Elle le fait avec un profond respect et une grande douleur ».

 

De quoi combler de joie les Gens du voyage, leurs associations et leurs amis. Mais durant le même week-end, l’histoire se préparait à bégayer !

 

Deux événements concomitants

 

Tout d’abord, durant la nuit du 16 au 17 juillet et les suivantes, un quartier de Grenoble est le théâtre d’une flambée d’extrême violence, avec tirs sur les forces de l’ordre, après la mort de l’un des braqueurs du casino d’Uriage-les-Bains, tué par un policier. D’où une spectaculaire opération de police, la visite du ministre de l’Intérieur, Brice Hortefeux, et du président de la République, Nicolas Sarkozy. Au final : beaucoup d’images télévisuelles mais une seule mise en examen.

Puis, durant le même week-end du 17 au 18, à Saint-Aignan-sur-Cher, les proches d’un jeune «gitan» (terme utilisé par les médias) tué la veille par un gendarme, provoquent des troubles sérieux sans toutefois user d’armes à feu. Il s’ensuivra les condamnations de deux manifestants à des peines de prison – dix mois fermes et quatre mois avec sursis –, la mise en examen du conducteur délictueux et une procédure judiciaire en cours à l’encontre du gendarme auteur du tir mortel.

 

Certes, ces deux événements se ressemblent dans la mesure où ils expriment une réaction collective, désormais quasi rituelle, à la mort d’un jeune du fait des forces de l’ordre. Mais là s’arrête la similitude entre, d’une part, une émeute urbaine dans un contexte de banditisme et, d’autre part, une affaire tout à fait regrettable opposant une famille de Gens du voyage à la gendarmerie locale en milieu rural. C’est la concomitance des deux qui est supposée inquiéter l’opinion publique au point de nécessiter une réaction politique immédiate.

Effectivement, dès le mercredi 21, au cours du conseil des ministres, le chef de l’État annonce la tenue d’une réunion, le 28 juillet à l’Élysée, sur les « problèmes que posent les comportements de certains parmi les Gens du voyage et les Roms ». Il ajoute : « Cette réunion fera le point de la situation de tous les départements et décidera les expulsions de tous les campements en situation irrégulière ».

À ce stade, on peut penser que le Président désigne les Roms qui migrent en France depuis l’Europe centrale, alors même qu’ils n’ont rien à voir avec les événements dramatiques de Saint-Aignan ! Le 30 suivant, lors d’un discours à Grenoble, le président confirme : « Nous allons procéder d’ici fin septembre au démantèlement de l’ensemble des camps qui font l’objet d’une décision de justice ». Immédiatement, la Ligue des Droits de l’Homme (LDH) s’élève contre la « stigmatisation » des Gens du voyage et des Roms, « boucs émissaires » de la politique sécuritaire.

De même, le collectif Romeurope « exprime ses inquiétudes et dénonce l’amalgame fait entre les Gens du voyage et les Roms » qui constituent pourtant deux populations distinctes.

Les premiers sont des Français vivant en caravanes et circulant tout ou partie de l’année ; les seconds sont environ 15 000 venus principalement de Roumanie, pour certains de Bulgarie, où ils étaient sédentaires et qui survivent en France dans des bidonvilles ou des squats, faute de revenus, sans intention de devenir nomades.

 

Émergence de mouvements tsiganes solidaires

 

Dans les jours suivants, toutes les associations de Tsiganes et Gens du voyage, religieuses ou laïques, françaises ou transnationales, collectivement ou individuellement, prendront position dans ce sens, dénonçant la stigmatisation et l’amalgame, tout en se déclarant solidaires des Roms migrants. Et ce n’est pas anecdotique, car les Gens du voyage étaient jusqu’alors réputés ne pas s’intéresser à la politique… alors que celle-ci s’est toujours beaucoup intéressée à eux !

En fait, les déclarations gouvernementales ont permis de rendre visible l’émergence de mouvements tsiganes structurés qui s’étaient déjà mobilisés lors de la manifestation contre la loi sur la sécurité intérieure, le 27 janvier 2003 à Paris.

L’autre point positif dans cette affaire est l’attitude de la majorité des journalistes de la presse écrite et audiovisuelle, particulièrement ceux du service public, qui se sont attachés jour après jour à expliquer la différence entre « Gens du voyage » et « Roms migrants » (1), ainsi qu’à analyser les causes des conditions de vie de ces derniers.

Bien sûr, Le Figaro a entretenu complaisamment la confusion… probablement pour ne pas désorienter son lectorat ! Certains journalistes toujours soucieux d’employer le dernier terme à la mode, se sont mis à dénommer « Roms » ceux qui étaient la veille des « Gens du voyage », mais savent-ils vraiment ce que signifient ces termes et quelles en sont les origines ?

 

Ethnonymes et amalgames

 

Il faut dire qu’il n’est pas facile de s’y retrouver dans les différents vocables qui désignent tout ou partie de cette population diffuse et souvent mobile dans les pays européens de l’Ouest. Difficulté d’autant plus grande que les avis des spécialistes sont divers et rarement politiquement neutres.

Pour faire simple, nous nous limiterons aux noms utilisés actuellement en France, en distinguant les endonymes (ceux que les intéressés se donnent à eux-mêmes) des exonymes (ceux par lesquels les personnes extérieures les désignent).

Le terme générique « Tsiganes », de racine grecque, est exonyme et désigne l’ensemble ethnique dont certains des ancêtres quittèrent le Rajasthan (nord-ouest de l’Inde) au début du deuxième millénaire.

L’endonyme « Roms » désigne la même population, dans son acception générique ; c’est le terme utilisé par les instances européennes, mais les organisations transnationales revendiquent l’orthographe Rroms.

À l’intérieur de cet ensemble, se distinguent plusieurs groupes ethniques, selon les pays par lesquels ils ont transité : les « Manouches » (2) passés par l’Allemagne, les « Sintés » venus du nord de l’Italie, les « Gitans » (3) sédentarisés en Espagne mais également présents dans le Midi, enfin les « Roms » d’Europe centrale dont certains sont établis en France depuis longtemps.

Ainsi, dans la langue française, le terme « Roms » peut avoir un sens générique ou particulier.

C’est cette ambiguïté que Nicolas Sarkozy a exploitée lors du conseil des ministres du 21 juillet, en évitant d’ajouter l’adjectif « migrants » au nom « Roms ».

On peut d’ailleurs s’étonner qu’en tant que président d’une République qui ne reconnaît pas les minorités, il ait utilisé ce terme ethnique alors qu’en langage administratif, il aurait dû désigner des citoyens roumains et bulgares en situation irrégulière et/ou vivant dans des conditions indignes.

Dans ce domaine, le choix des mots est capital, d’autant que chacun de ceux énumérés au paragraphe précédent peut, selon les intentions du locuteur, soit constituer un signe objectif d’identification ou de reconnaissance, soit devenir une arme de discrimination et de stigmatisation.

La notion de « Gens du voyage » est apparue dans les textes officiels français dans les années 1970. On estime leur nombre à environ 300 000. Cette catégorisation administrative qui désigne les familles sans résidence ni domicile fixe et vivant en habitat mobile, est passée dans le langage courant. En principe, elle est sans référence à l’ethnicité, mais en pratique il en va tout autrement ! Pire, dans la mesure où il est impossible de la féminiser ou de l’employer au singulier, certains considèrent qu’elle est structurellement discriminatoire, car communautarisante.

Pour tenir compte de cette particularité française, l’Union européenne emploie l’expression « Roms et Gens du voyage ». Il faut noter que ces derniers ne regroupent pas tous les Roms et/ou Tsiganes, dont certains sont sédentaires, et qu’au contraire, ils comprennent des non-Roms, à savoir les « Yéniches » descendant de paysans germaniques pauvres ayant « pris la route » au XIXe siècle, ainsi que des familles françaises jadis sédentaires mais ayant choisi un jour le nomadisme. Enfin, les intéressés préfèrent souvent employer, quant à eux, le terme de « Voyageurs » (…).

 

 (La seconde partie, à lire dans le prochain article)  

Cet article est le 36ème paru sur ce blog dans la catégorie La droite en France.

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