Une urgence, faire des propositions remontant aux politiques
Le débat est lancé sur le problème des violences psychologiques que subissent les femmes (et les hommes, dans une proportion moindre) - voir Parmi les violences faites aux femmes, la manipulation destructrice - 6 août 2011).
Valérie Bouveri a été reçue le 15 mars à l’Assemblée nationale par le député Guy Geoffroy, qui était co-auteur avec Danielle Bousquet d’un rapport d’information n 4169 - Assemblée nationale sur l’application de la Loi n° 2010-769 du 9 juillet 2010 relative aux violences faites spécifiquement aux femmes, aux violences au sein des couples et aux incidences de ces dernières sur les enfants
Voir Violences psychologiques faites aux femmes : la loi doit être améliorée - 15 mars 2012
La manipulation destructrice : entretien avec le Dr Geneviève Pagnard - 16 mars 2012
Voici la note qu’a rédigée Valérie Bouveri, suite à son audition par le député Geoffroy.
Loi sur les violences faites aux femmes et les incidences sur leurs enfants
Une réelle avancée mais, actuellement, difficilement applicable
J’ai été auditionnée le 15 mars 2012 à l’Assemblée Nationale par le Député Guy Geoffroy, rapporteur de la loi n°2010-769 du 9 juillet 2010 relative aux violences faites spécifiquement aux femmes, aux violences au sein des couples et aux incidences de ces dernières sur les enfants (travail en collaboration avec la Députée Danielle Bousquet).
L’objet de ces échanges était de témoigner sur la prise en charge des victimes, et de la non application de cette loi. Nous avons échangé sur le fait que les professionnels de la justice (magistrats, police, avocats, associations d’assistance éducative) ne sont pas formés pour la plupart sur cette problématique.
En effet, je lui ai fait remarquer qu’au pénal de nombreuses plaintes dont pour viol sont classées sans suite malgré des preuves, ou ne sont pas du tout traitées. De plus, au civil, au JAF et au Tribunal pour enfants, il y aurait un déni de reconnaître l’existence de la violence conjugale et notamment psychologique.
J’ai pointé du doigt que l’on demandait aux juges du civil de juger des affaires de violences, dont psychologiques, qui me semblaient relever du pénal même s’il s’agit d’affaires « familiales ».
De plus, j’ai attiré l’attention du Député Geoffroy sur le fait que de nombreux Juges des Affaires Familiales et pour enfants imposent notamment au parent victime de violences de poursuivre des relations parentales avec son ex-conjoint. Il m’a demandé quelles étaient les raisons.
J’ai expliqué que, sans doute, pour les juges, il était inimaginable d’avoir en face d’eux un des parents avec des troubles psychiatriques majeurs d’autant plus quand ce dernier s’exprime avec une certaine assurance devant eux. Tout d’abord, il faut parfois 15, voire 20 ans, pour qu’une victime se résolve à comprendre que son conjoint est un pervers narcissique, un manipulateur destructeur, et arrive à sortir de son emprise.
Ce manipulateur destructeur qui a tissé durant des années sa toile autour de sa proie, la faisant vivre avec ses enfants dans une « secte familiale », et dans la terreur avec des violences physiques et psychologiques, est dans un déni total de sa pathologie. Il s’identifie à sa victime « comme un miroir à l’envers ». Il me semble en plus que notre société a de sérieuses difficultés dans la prise en charge de malades psychiatriques, et dans l’évaluation de son nombre. Beaucoup d’entre eux ne sont pas diagnostiqués. On ne peut pas imaginer que nous pouvons être entourées de personnes à « double visage », charmantes en société, et violentes dans la sphère familiale.
Pour les juges, les « conflits » entre ces parents doivent cesser. Or, cela se révèle totalement impossible face à un malade psychiatrique dont le but est de détruire l’autre parent, y compris en se servant de ses enfants. J’ai aussi fait référence au livre « Crimes Impunis » de la Psychiatre Geneviève Pagnard, qu’il connaissait.
On aggrave l’état de santé du parent victime car on l’oblige à être confronté durant les multiples audiences au parent destructeur. Le parent stressé devant le juge passe pour le parent défaillant qui doit se soigner, et que l’on oblige à se soigner. Le parent manipulateur destructeur raconte sa vie comme s’il s’agissait de la vie infernale du parent sain. Un labyrinthe de multiples procédures dont on ne peut jamais se sortir. Le manipulateur destructeur ne lâchera jamais sa proie et se comporte en bourreau. Certains parents sains, dont des mères, se suicident. Le parent sain peut perdre la garde de ses enfants et les voir en milieu médiatisé, et les enfants confiés au manipulateur destructeur. Les enfants sont instrumentalisés par le manipulateur destructeur pour mieux détruire l’autre parent, et rester à son service comme des objets esclaves de ses désirs les plus pervers.
Par ailleurs, il me semble qu’il existe un déni, un refus de l’existence de la violence par une grande majorité de nos juges, de notre police et d’une grande partie de notre société. On ne veut ni la voir, ni la combattre.
J’ai aussi expliqué que l’accueil dans les commissariats de police était inapproprié pour les dépôts de plainte pour les violences faites aux femmes et leurs enfants. Les femmes, arrivant en état de choc ne sont pas prises en charge par un policier formé. On n’appelle ni un médecin, ni un psychologue (je me demande d’ailleurs si un autre lieu ne serait pas plus approprié pour recevoir les femmes et les enfants avec une prise en charge immédiate).
Le Député Geoffroy a considéré que ma remarque était très importante.
J’ai d’ailleurs accompagné dans un commissariat une mère qui avait été violentée avec une arme blanche en présence de son fils de 5 ans. Je lui avais indiqué le soutien d’une association de femmes, et aussi l’avais incitée à aller aux urgences. A mon sens, le policier aurait dû appeler les pompiers pour une prise en charge immédiate. Cette mère sans solution a dû retourner chez elle, et à son travail. Or, je ne comprends pas qu’il existe rarement en matière conjugale l’équivalent des nombreuses comparutions immédiates en matière de drogue, de vols, etc.
Une autre femme, qui venait d’être agressée par son ex compagnon, était arrivée en état de choc au commissariat. Un policier avait garé sa voiture mais n’avait pas téléphoné à SOS Médecins, ni aux pompiers. Cette victime avait dû attendre 3 heures. On n’a pas pris sa plainte et on a juste enregistré une main courante.
Il m’a demandé quelle était la contribution des associations en la matière. J’ai expliqué que les victimes étaient aidées par ces dernières, mais que dans l’état d’organisation de la justice, rien ou presque n’avançait.
Il m’a fait part que, lors d’une récente formation à des magistrats, un débat avait eu lieu sur l’application de cette loi. Apparemment, d’après ce que j’ai compris, de nombreux magistrats étaient hostiles à l’application de cette loi. Cette journée de formation aurait fait ensuite débat chez les magistrats. Or, comme le faisait remarquer le Député Guy Geoffroy, les lois de la République doivent être votées et appliquées. Les électeurs votent pour que les lois soient mises en vigueur, sinon les Député-es ne sont pas réélu-es.
M. le Député Guy Geoffroy a pris note de ma suggestion d’équiper les victimes de violences psychologiques d’un dictaphone et d’un enregistreur téléphonique pour matérialiser le harcèlement moral, en plus des mails et des sms (sinon, c’est parole contre parole avec une possibilité de plaintes en diffamation par le coupable d’harcèlement moral).
Ceci est un témoignage qui pourrait être l’ébauche d’un rapport plus complet, avec des propositions concrètes pour la mise en œuvre de cette loi mais aussi pour qu’enfin soit appliqué le délit de violences psychologiques au sein des couples et des ex conjoints. Aucune condamnation n’a été prononcée à ce jour. J’avais d’ailleurs alerté Mme la Députée, Danielle Bousquet, dès juillet dernier, pour lui demander quel était le Tribunal compétent pour condamner ce délit. Selon moi, il n’existe aucune juridiction en France capable de juger les violences psychologiques intra-familiales car les juges ne sont pas formés et ne sont pas assistés de psychiatres spécialisés en la matière, pouvant décoder les messages des manipulateurs destructeurs. Il me semble qu’il serait opportun d’en créer une.
A voir et à lire :
- l’émission de France 2 (24 mars 2012) : Des coups pour le dire, 5 ans après (Envoyé spécial).
- l’article du Monde : Femmes battues : réquisitoire contre l'indifférence aux assises du Nord (24 mars 2012)
Cet article est le 13ème sur ce blog dans la catégorie Femmes.