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  • : Michel Sorin
  • : Le MRC 53 est la structure mayennaise du Mouvement Républicain et Citoyen, qui a pour but de rassembler la gauche républicaine à partir, notamment, des idées de Jean-Pierre Chevènement, l'un de ses fondateurs, qui n'est plus membre du MRC depuis 2015. Le MRC a pris le relais du Mouvement des Citoyens (MDC) après les élections de 2002. En 2022, le MRC est devenu membre de la Fédération de la Gauche Républicaine avec quatre autres organisations politiques.
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5 juillet 2013 5 05 /07 /juillet /2013 20:28

Le projet de loi supprime une institution, le député-maire

 

Voici une réforme à laquelle tenait beaucoup Martine Aubry, qui en avait fait un cheval de bataille quand elle avait la responsabilité du Parti socialiste. Il est vrai qu’elle changerait profondément la vie politique et ses détracteurs considèrent qu’elle débouchera sur un scrutin proportionnel et un changement de République.

Son adoption, le 4 juillet, en première lecture, par l’Assemblée nationale ne garantit pas qu’elle sera finalement adoptée. Car le Sénat y est hostile et il faudra le vote favorable de la majorité absolue des députés, soit 289, pour qu’elle soit adoptée, ce qui n’est pas acquis d’avance.

Il s’agit bien du non cumul, à partir de 2017, entre un mandat parlementaire et une fonction exécutive locale (maire ou adjoint, président ou vice-président de collectivité territoriale (département, région, intercommunalité).

Les socialistes, les écologistes et le Front de gauche, sont pour. Le MRC, les radicaux de gauche, l’UMP et l’UDI sont contre.

Voir L'Assemblée s'attaque au non-cumul des mandats (Le Point, 4 juillet 2013) et Non-cumul des mandats : le projet de loi adopté à l'Assemblée (Le Monde, 5 juillet 2013).

 

Avant de voir les arguments de Jean-Luc Laurent, président du MRC, je vous propose de voir ceux de Barbara Romagnan, députée du Doubs, en faveur du mandat unique (ce qui va jusqu’au bout de la logique de non cumul). Voir Amendement mandat unique – Non-cumul des mandats – 4 juillet 2013.

 

MRC-conseil-national-300613-007-T.jpgJean-Luc Laurent, député du Val-de-Marne, s’est exprimé le 3 juillet devant l’Assemblée nationale. Voir la vidéo de son intervention : Réarmer le Parlement passe par une révision de la Constitution, pas par l'interdiction du cumul

 

Voir aussi la Tribune parue sur le site Huffington Post le 4 juillet : Cumul des mandats: qui veut faire l'ange fait la bête

 

Cette semaine, l'Assemblée Nationale débat d'une loi interdisant aux députés et sénateurs d'exercer des fonctions exécutives comme maire, président de conseil départemental ou régional mais aussi maire-adjoint ou vice-président de ces collectivités. Une figure centrale de la République, le député-maire, s'apprête à être sacrifiée sur l'autel de la modernisation de la République.
Ce projet de loi n'a qu'une seule vertu, il met en œuvre un engagement du Président de la République, que plusieurs partis politiques de gauche ont par ailleurs inscrit à leurs programmes depuis longtemps. C'est une grande qualité mais c'est malheureusement la seule.
Bien sûr, ses promoteurs lui prêtent bien de grandes vertus aux grands noms: Modernisation, Renouvellement, Revalorisation du Parlement... Il y a plus de dix ans, au nom des mêmes impératifs, le peuple français adoptait par référendum la réduction du mandat présidentiel à 5 ans. Au vu du décalage entre les effets annoncés et les effets réels, le camp des modernisateurs gagnerait à être un peu plus prudent et modeste. Pour paraphraser Karl Marx, les hommes ne savent pas toujours l'histoire qu'ils font.

Les nombreux, et souvent jeunes, députés « secs » (c'est-à-dire sans autre mandat) prouvent chaque jour qu'on peut être un bon député en n'ayant aucun mandat local. Il n'y a aucun doute là-dessus. La question est ailleurs. J'admire profondément le travail des députés secs et je sais le temps qu'ils consacrent à leur circonscription, sans avoir l'assise institutionnelle du député-maire ni le soutien d'une collectivité locale. Quelles que soient ses qualités, le député sec restera un député faible en rivalité avec les élus locaux et en concurrence avec eux lors des élections législatives. Et quand viendra l'heure des élections, j'ai peur que les institutions soient particulièrement ingrates avec les députés secs qui, comme disait l'autre, "n'ont pas démérité depuis tant d'années".

 

Les promoteurs du projet de loi brandissent le rêve d'une Assemblée qui siègerait du lundi au vendredi à plein temps et en plein effectif. Il n'y a qu'une seule façon d'arriver à ce résultat: la proportionnelle départementale ou nationale. Ainsi tous les députés seront tous parisiens et le Parlement pourra même siéger le week-end sans s'encombrer de circonscriptions et de travail sur le terrain. La proportionnelle est le débouché logique de cette interdiction du cumul, c'est la raison principale pour la refuser. On connaît tous les défauts de ce mode de scrutin qui ne peut que contribuer à affaiblir encore une Assemblée nationale déjà mal élue, dans l'ombre de l'élection présidentielle.

Cette loi va déséquilibrer encore plus les institutions de la Ve République car il y a un lien organique entre le mandat de député et le cumul, entre le mode de scrutin et cette spécificité française du cumul. Le scrutin qu'on appelait autrefois d'arrondissement fait que naturellement l'un des maires de la circonscription devient le député de la circonscription. Le député-maire n'est pas une aberration qu'il faut supprimer mais la clef de voûte du système. Casser ce lien est une expérimentation hasardeuse dont la République doit faire l'économie.
Ce rêve d'une Assemblée de 577 députés à plein temps 7 jours sur 7 est -il au fond si souhaitable pour les citoyens? Les promoteurs de la réforme, comme le regretté Guy Carcassonne, attendent qu'elle donne le signal de la grande révolte parlementaire contre le pouvoir exécutif qui domine les institutions de 1958. J'en doute beaucoup. 577 députés à plein temps n'auront pas plus d'instruments pour contrecarrer le fait majoritaire et ce que, depuis 1958, on appelle poliment « le parlementarisme rationalisé » qui permet à l'exécutif de s'imposer face au législatif. Qui peut croire que des députés élus sur des listes partisanes dans l'ombre de la présidentielle seront plus forts face à l'exécutif. Réarmer le Parlement est légitime, cela passe par une révision de la Constitution, pas par l'interdiction du cumul. Réarmer le Parlement, c'est lui donner la maîtrise de son ordre du jour et de la discussion. Ces 577 députés à temps plein auront vite fait le tour des fonctions de contrôle et de débats (le palabre parlementaire) dont on dit qu'elles sont l'avenir du Parlement. Il faut n'avoir jamais vécu la vacuité de ce qu'on appelle, depuis 2009, les "semaines de contrôle" pour rêver d'un Parlement revalorisé par la fonction de contrôle. Aujourd'hui le Parlement légifère trop et trop vite. Pour donner à la République un Parlement plus pertinent et plus fort, l'interdiction du cumul des mandats est définitivement une fausse piste.

En cas de désaccord avec le Sénat, il faudrait 289 voix à l'Assemblée Nationale pour faire prévaloir son point de vue. Ce projet peut encore être mis en échec par des députés qui justement feraient la démonstration de leurs convictions et de leur indépendance par rapport à l'exécutif. Les qualités que tous les citoyens attendent de leurs députés.


Cet article est le 58ème paru sur ce blog dans la catégorie République Parlement

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