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  • : Michel Sorin
  • : Le MRC 53 est la structure mayennaise du Mouvement Républicain et Citoyen, qui a pour but de rassembler la gauche républicaine à partir, notamment, des idées de Jean-Pierre Chevènement, l'un de ses fondateurs, qui n'est plus membre du MRC depuis 2015. Le MRC a pris le relais du Mouvement des Citoyens (MDC) après les élections de 2002. En 2022, le MRC est devenu membre de la Fédération de la Gauche Républicaine avec quatre autres organisations politiques.
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4 novembre 2010 4 04 /11 /novembre /2010 23:54

Robert Goualard, exécuté comme otage le 21 février 1942

 

Rolande Goualard, âgée de 90 ans, est décédée à Chaumont (Haute Marne) où elle vivait auprès de sa fille Paule. Ses cendres ont été déposées mardi dans le caveau familial au cimetière de Saint-Berthevin, où repose son mari Robert. Un hommage a été rendu par le PCF et la CGT.

Dans son édition des 30 et 31 octobre, Ouest-France (page Laval) rappelle ce que fut la vie de Rolande, « une femme fidèle à la mémoire de son époux, fidèle à ses idéaux », comme le dit Guy Morin.

 

Goualard-005-T.jpgEn novembre 1941, elle fut arrêtée par les Allemands en même temps que son mari, Paulo. Tous deux distribuaient des tracts. Rolande fut relâchée car elle était enceinte de trois mois. La veille de son exécution, son époux lui avait écrit une lettre bouleversante (voir plus loin).

Employée aux PTT, syndicaliste, communiste, Rolande Goualard a témoigné très tôt de sa vie et de celle de son époux. Elle organisa des expositions sur la déportation à Craon, Renazé, Château-Gontier, participa aux cérémonies de Châteaubriant en commémoration du massacre des 27 otages de 1941, aux cérémonies du 8 mai à Laval.

 

Photo Alain Viot : Rolande Goualard assiste en avril 2004 à la soirée où Jean Chauvin (à sa gauche) présente le n° 58 de L'Oribus intitulé "Lettres d'un héros ordinaire" rédigées par son père, Auguste Chauvin, résistant nantais.

 

 

A la retraite, elle est élue conseillère municipale* à Saint-Berthevin, sur une liste d’union de la gauche, de 1983 à 1989. 

Dans l’Oribus n° 62 (voir L'Oribus - La Mayenne, histoire et société), qui lui consacrait un dossier réalisé par Alain Viot en mars 2005, elle confiait « Il faut rester vigilant ; ce qui s’est passé peut se reproduire. Il ne faut pas hésiter à dire ce qu’on pense, à prendre position ».

 

Dernière lettre de Robert Goualard à sa femme, le 21 février 1942, le jour de son exécution, à Fontevrault (L’Oribus 62, Alain Viot) :

 

Ma chère petite Rolande,

Quand tu vas recevoir cette lettre, je ne serai plus du nombre des vivants, mais il faut ma chère petite Rolande que tu saches que je meurs avec calme et regarde ceux qui me suppriment en face. Je suis, vois-tu, pris comme otage. Eh bien, je veux faire voir qu’un communiste Français dans la lutte comme dans la préparation à la mort, il sait qu’il doit être digne du grand parti et de la grande Nation qui a formé tant de héros à l’Histoire. Que cette lettre, qui sera la dernière que tu liras de moi, te soit un symbole pour les jours qui vont venir.

Je sais bien ma Rolande que j’aime jusqu’à la dernière minute de toutes mes forces que dans la position où tu te trouves cela peut te faire bien du mal, écoute-moi une dernière fois, sois forte pour que notre enfant « qui ne connaîtra pas son père » vienne normalement et sans tare.

Je te disais qu’il fallait avoir confiance dans le parti de l’avenir. Lorsque les réformes seront faites, tu verras que les hommes n’iront pas se tuer tels des fauves déchaînés. Je n’ai pas la joie de voir ce grand jour et je ne l’aurai hélas ! pas mais il faut que tu saches que ce monde pour lequel j’avais travaillé avec tout mon cœur sera j’en suis sûr celui qui habitera notre terre. Plus de guerre, plus de guerre tous les hommes travaillant dans la paix pour la condition matérielle de tous.

Ne pleure pas, ne pleure pas. Le coup est brutal et irrémédiable, mais on ne tuera pas toujours impunément. Gare aux responsables, qu’ils tremblent je t’assure car si je ne peux continuer le grand combat de libération d’autres seront encore là.

Autre chose, ma chère petite Rolande, si tu savais le plaisir que j’ai éprouvé hier de te voir, et maman et ma deuxième maman qui a été si gentille, et mon grand frangin que je n’avais pas revu depuis un an ? Je ne pensais pas vraiment que ce serait la dernière fois.

Que veux-tu, le capital argent supprime l’individu avec une désinvolture sans pareille.

Je pense à maman, la pauvre maman 2 gars en Allemagne et le 3ème supprimé par la fusillade, c’est dur, très dur. Papa, lui, je ne l’ai pas revu…

Maintenant, ma petite Rolande, je te recommande d’élever notre enfant dans le même esprit que moi.

Et les livres tous tu les conserveras pour lui sauf un que tu donneras à Georges, à Kléber et à Bernard. Tu leur diras que c’est le dernier cadeau fait quelques instants avant de tomber pour le bel idéal commun.

Oui, ma Rolande chérie je te prie de tout mon cœur d’être forte. Je sais que les amis ne manqueront pas de te réconforter. A tous sans distinction toute mon amitié fraternelle. Quant à vous papa, je vous dis adieu en vous remerciant d’avoir toujours été bon pour moi, je compte sur vous pour consoler Rolande et maman ainsi que toi mon vieux Robert ! Adieu Robert dis-toi que la mort n’a jamais pu arrêter le progrès. J’ai confiance dans l’avenir que vous vivrez vous les jeunes et surtout n’oubliez jamais que d’autres ont fait le maximum pour que plus jamais cette guerre mot malheureux soit.

Quant à vous chère maman grosse joie hier et aujourd’hui quel deuil dans les familles. Adieu aussi et que tout mon cœur s’épanche vers vous et Rolande pour les soins que vous avez eus pour moi. Je compte sur vous pour que Rolande soit réconfortée et soutenue. Petite Rolande chérie ces lignes sont les dernières, courage pour celui qui portera mon nom le fruit de notre amour réel et que la bestialité vient à tout jamais supprimer. Merci de ta bonté, de la compréhension que tu as eue pour moi. Adieu, adieu, adieu, courage, confiance car je sais que si je ne suis plus, d’autres termineront l’œuvre vous vivrez heureux dans un monde juste et où il n’y aura plus d’égoïsme. Papa, maman, Robert que ces baisers qui seront les derniers vous donnent ainsi qu’à Rolande elle en qui je disais une fois sorti comme l’ère sera heureuse. Au revoir Rolande et de tout mon cœur, reçois la bise la plus forte que tu n’aies jamais eue.

Paulo

 

Le 13 mars 1942, soit trois semaines après l’exécution de Robert, Rolande Goualard reçoit cette dernière lettre écrite le 21 février.  

Le 26 mai 1942, Rolande a donné naissance à une petite fille prénommée Paule, qui ne connaîtra jamais son père ! C’est son grand-père, Edouard Bézier, qui a déclaré le lendemain la naissance de l’enfant à la mairie de Saint-Berthevin.

Après la fin de la guerre, Rolande a fait des démarches pour rapatrier le corps de son mari à Saint-Berthevin. Le 8 octobre 1948, ont lieu les obsèques « du résistant Goualard en présence d’une foule nombreuse » (Ouest-France, 11 octobre 1948).

 

Goualard-StB-T1.jpg« Il y avait énormément de monde au cimetière, témoignage de sa personnalité et de son action », disait Rolande à Alain Viot en 2005 dans sa petite maison (photo), 29 rue de la Résistance à Saint-Berthevin, là où Robert Goualard a été arrêté le 14 novembre 1941.

Elle pensait que Robert avait mené une action formidable. Il voulait dénoncer l’occupation allemande et mettre les Allemands hors de France. Et elle ajoutait « il faut rester vigilant ; ce qui s’est passé peut se reproduire. Il ne faut donc pas hésiter à dire ce qu’on pense à prendre position. C’est ce que les jeunes ne font pas assez ; ils ne sont pas assez engagés alors que des problèmes importants existent, et d’abord celui de trouver du travail. Il faut s’engager pour que les gens aient de meilleures conditions d’existence et soient plus heureux. Et Rolande de conclure : « Robert aurait aujourd’hui le même sentiment »

 

 

* Rolande avait été élue sur la liste que j’avais présentée aux élections municipales de 1983. Nous avions cinq élus de gauche, ce qui était nouveau à Saint-Berthevin, grâce à l’application du mode de scrutin proportionnel (avec prime à la liste arrivée en tête) que nous connaissons aujourd’hui.

 

Cet article est le 11ème paru sur ce blog dans la catégorie Personnalités.

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