Les dirigeants socialistes semblent loin des réalités
Faisons le point après l’université d’été du PS à La Rochelle. Certes, il ne fallait pas attendre de cette université d’été qu’elle apporte des clarifications sur les textes d’orientation qui seront déposés dans trois semaines en vue du congrès de Reims. Mais nous en savons un peu plus sur les stratégies de rapprochements entre certains dirigeants, dans le but de constituer une majorité au congrès et lors de l’élection du premier secrétaire par les adhérents.
La première observation concerne la présidente de la Région Poitou-Charentes qui, à ce titre, comme chaque année, a ouvert les travaux de l’université d’été. Son intervention est reproduite sur son site Désirs d’avenir : Discours de Ségolène Royal lors de l'ouverture de l'université d'été du PS à La Rochelle. En voici un extrait significatif.
(…) D’immenses défis surgissent, de grands dangers menacent. La circulation folle de l’argent détruit les économies. La crise alimentaire plonge dans la malnutrition ou la famine des centaines de millions de personnes. La spéculation sur les matières premières fait rage. Les délocalisations sauvages se multiplient. Le coût du pétrole renchérit les prix. La crise écologique et climatique précipite les échéances. Dans de trop nombreux pays, les nationalismes, le terrorisme et les guerres régentent ce que nous n’arrivons pas à organiser politiquement. La voilà, la mondialisation malheureuse, celle que nous subissons.
Car la mondialisation n'entraîne pas que des désastres. D’immenses progrès ont aussi été accomplis. Il n’est pas trop tard : soit la mondialisation provoque un progrès de civilisation. C’est possible. Soit elle est porteuse de toujours plus de malheurs. C’est là le danger. Et la réponse, c'est encore et toujours de la volonté politique. En particulier la nôtre, à nous, les socialistes, à l’échelle de la planète.
L'heure n'est plus aux diagnostics tièdes, aux appréciations timorées, mais à la lucidité radicale. Oui, il y a besoin de radicalité, car ce ne sont plus simplement les effets du système qu’il faut dénoncer, mais ses fondements et ses présupposés. Pour mettre l’économie au service de l’homme sans détruire les trésors de la planète.
Nous socialistes, nous ne voulons pas que ce capitalisme nous arrache notre avenir et réduise à néant notre espoir de vivre paisiblement en humains parmi d’autres humains.
Une autre politique est possible, telle est là notre responsabilité historique ! (…).
Ségolène Royal tire sa force de son implantation locale. Elle cherche à convaincre les militants socialistes de voter pour sa motion. Elle s’appuiera ensuite sur ses résultats de vote au congrès pour convaincre les autres de la rejoindre au sein d’une coalition majoritaire.
Voici le commentaire, ce 31 août, de l’envoyé du Monde.fr à La Rochelle, Nabil Wakim, sous le titre
Les alliances se précisent au Parti socialiste
Ségolène Royal, toujours dans la partie socialiste.
(…) L’ex candidate socialiste continue à tenir le même discours : elle ne veut pas de combinaisons ou d’alliances contre-nature. Quasiment absente de La Rochelle, elle a rassemblé ses militants, vendredi soir, pour les encourager à aller défendre sa contribution “Combattre et proposer” dans leurs fédérations. Si Royal semble isolée dans le parti, elle a toujours un fort soutien militant, qu’il est difficile de quantifier. Ses partisans répètent que sa contribution a rassemblé 7 000 signataires sur les 14 000 recueillies par l’ensemble des textes. Elle s’est montrée offensive, vendredi, contre Nicolas Sarkozy, avec un discours radical contre les “fondements du système” (…) (Lire sa contribution).
Bertrand Delanoë, l’autorité et la fidélité.
Le maire de Paris a lui aussi profité de La Rochelle pour rassembler ses partisans. Il a reçu un nouveau soutien appuyé de Lionel Jospin. Et pourrait engranger un soutien de François Hollande, qui a commencé un rapprochement. Même si certains partisans du premier secrétaire souhaitent l’ouvrir plus largement. Julien Dray affirme croire encore à une synthèse Royal-Hollande-Delanoë. Une hypothèse toutefois peu probable. Car Delanoë a le même avantage et le même inconvénient, selon le point de vue, que Ségolène Royal : il est à la fois clair dans sa stratégie et présidentiable. Ses proches s’y voient déjà : “Arriver en tête au Congrès est possible, estime l’un deux, car nous sommes les plus clairs sur nos objectifs”. (Lire sa contribution)
Martine Aubry, la troisième femme.
La maire de Lille pourrait avoir réalisé la bonne opération du week-end. A l’origine signataire de la contribution du Nord, une “fédé” qui pèse lourd, elle a reçu le soutien appuyé des fabiusiens, d’une partie des Strauss-kahniens et d’Arnaud Montebourg. Benoît Hamon et Henri Emmanuelli n’ont pas exclu de rejoindre cette alliance hétéroclite, cimentée par une vision commune du parti plutôt que par un accord sur le fond. Martine Aubry n’a pas encore fait connaître son intention, mais elle pourrait se déclarer rapidement. Seul problème : cet attelage a conduit à la marginalisation de Pierre Moscovici, qui n’a pas renoncé au poste de premier secrétaire. (Lire la contribution portée par Martine Aubry)
Pierre Moscovici veut une “ligne claire”.
Le député du Doubs a peu goûté la manière dont s’est opéré un rapprochement entre certains de ses amis (Cambadélis, Montebourg) avec Martine Aubry et Laurent Fabius. Il a annoncé, comme prévu, son alliance avec les grands élus de la “Ligne claire” : le maire de Lyon, Gérard Collomb, le président du Conseil général des Bouches-du-Rhône, Jean-Noël Guérini, et Manuel Valls, notamment. Il reste ouvert à une alliance avec Aubry, mais sans les fabiusiens… et tout en restant candidat au poste de premier secrétaire. “Une question d’égo”, raillent ses adversaires. “Une question de cohérence, contre les combinaisons politiques”, répond-il. Mais au sortir de La Rochelle, il n’apparaît pas renforcé au sein du parti. (Lire sa contribution)
La gauche du PS, l’impossible alliance ?
Le duo Hamon-Emmanuelli, qui a annoncé une fusion avec le texte de Marie-Noëlle Lienemann, se serait donné une dizaine de jours pour trancher entre une alliance avec Martine Aubry, hypothèse qui leur permettrait de participer à une éventuelle majorité et le rapprochement avec les autres composantes de la gauche du PS. Jean-Luc Mélenchon a déjà annoncé son intention de présenter une motion avec Marc Dolez, avec ou sans les autres composantes de la gauche du PS. (Lire les contributions de Benoît Hamon et Henri Emmanuelli , de Jean-Luc Mélenchon , de Marie-Noëlle Lienemann , de Gérard Filoche , de Marc Dolez).
Au sortir de La Rochelle, le paysage politique socialiste est toujours un champ de bataille entre personnalités. A l’heure actuelle, trois ou quatre motions (Delanoë, Royal, Aubry, Moscovici) issus de la majorité actuelle pourraient voir le jour : et tous peuvent prétendre arriver en tête lors du vote des militants. Mais d’ici au 23 septembre, date de dépôt des motions pour le congrès de Reims, les lignes peuvent encore beaucoup bouger.
Pour compléter le tableau, notamment sur les prétendus « reconstructeurs », lire l’article paru ce 31 août sous la signature d’Eric Dupin (Marianne) Quand la droite et la gauche du PS tentent de s'allier contre son centre.
Lire aussi, sur les sites de Paul Quilès PS : regroupement à gauche et de Jean-Luc Mélenchon UN CIRQUE INACCEPTABLE.
Et, sur son blog, Jean-Pierre Chevènement a reproduit le communiqué de l’AFP paru ce jour Chevènement (MRC): «il est temps que le PS se reprenne».
Voir les textes parus sur ce blog à ce sujet Gauche France 2007-08 et, en particulier, Michel Sorin : le PS est placé devant un choix déterminant pour son avenir - 30 novembre 2007.