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  • : Michel Sorin
  • : Le MRC 53 est la structure mayennaise du Mouvement Républicain et Citoyen, qui a pour but de rassembler la gauche républicaine à partir, notamment, des idées de Jean-Pierre Chevènement, l'un de ses fondateurs, qui n'est plus membre du MRC depuis 2015. Le MRC a pris le relais du Mouvement des Citoyens (MDC) après les élections de 2002. En 2022, le MRC est devenu membre de la Fédération de la Gauche Républicaine avec quatre autres organisations politiques.
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20 novembre 2006 1 20 /11 /novembre /2006 14:16

 

Griffon : Doubler la production alimentaire mondiale

 Agronome de réputation internationale, Michel Griffon explique dans son dernier livre* que seule une agriculture écologique intensive pourrait permettre de répondre durablement aux besoins futurs.

 LE FIGARO. - Quand on voit les problèmes actuels, il est difficile d'être optimiste pour l'avenir alimentaire de l'humanité. Quelle est votre position ?

 J'essaye d'être réaliste, d'envisager les différents avenirs possibles en tenant compte des contraintes, cela à l'horizon 2050, dans un peu plus d'une ­génération. Le problème est que la population mondiale va s'accroître de 3 milliards de personnes, qu'il faudra doubler la production alimentaire et donc augmenter les surfaces cultivées, alors que l'espace planétaire est déjà très utilisé. Il faudra accroître massivement les rendements mais ce sera difficile car, par exemple, l'eau sera moins disponible pour ­­l'irrigation, et les coûts des ­engrais vont s'accroître avec ceux du pétrole. Par ailleurs, l'agriculture à haut rendement induit des désordres environnementaux. Elle devra donc changer. La route vers 2050 est étroite et les transformations à apporter sont ­immenses et doivent se faire vite.

 Vous dressez un tableau diversifié des problèmes qui vont se poser aux différents continents. Pouvez-vous en donner un aperçu ?

 En simplifiant, l'Asie va connaître une augmentation de population importante, alors qu'elle utilise déjà la presque totalité de ses terres et que ses rendements sont déjà très hauts. Elle devra importer beaucoup de nourriture. À l'inverse, l'Amérique latine dispose d'immenses réserves de terre et pratique des rendements faibles. Elle devrait devenir progressivement le grenier alimentaire de l'Asie. L'Afrique du Nord et le Moyen-Orient ont utilisé presque tout l'espace et toute l'eau disponibles ; pour faire face aux besoins ­futurs, cette région va devoir elle aussi importer. L'Afrique subsaharienne dispose de terres mais sa population va s'accroître rapidement ; depuis longtemps, l'augmentation de la production se fait à un rythme lent, faisant planer des risques permanents de pénurie. Les États-Unis et l'Union européenne n'auront pas de besoins supplémentaires mais leurs coûts de production sont élevés. L'Europe de l'Est et la Russie ont des réserves de terre et de produc­tivité importantes et peuvent jouer un rôle exportateur potentiel. Au ­total, il y aura inévitablement plus d'échanges internationaux pour ­faire face aux besoins alimentaires.

 Les recettes de la « révolution verte », qui ont permis d'augmenter les rendements des cultures dans les grands pays en développement à la fin des années 1960, ne permettront pas de nourrir l'humanité. Selon vous, elles ont conduit à une impasse. Pourquoi ?

 La « révolution verte », c'est la version tropicale de ce que nous avons connu en Europe après la guerre : des variétés sélectionnées, l'utilisation intense d'engrais et de produits phytosanitaires, et une ­politique agricole appuyant le changement technique avec des subventions importantes. Elle a ­démarré en Inde au milieu des années 1960, avec l'appui des Américains qui craignaient que le pays bascule dans le communisme, et a touché de nombreuses régions des pays en développement. Elle a permis de beaucoup augmenter les rendements et donc d'éviter de ­déboiser la planète. Mais les rendements stagnent, les pollutions ­induites par l'usage de molécules chimiques sont difficiles à maîtriser, la consommation d'eau des nappes profondes est souvent trop élevée, ce qui n'est pas durable. Partout où l'agriculture s'implante, beaucoup d'espèces végétales et animales disparaissent, ce qui peut se révéler très dangereux pour l'avenir. Même en rationalisant les pratiques, cette technologie atteint aujourd'hui des limites.

 Ce qu'il faut faire, dites-vous, c'est une « révolution doublement verte ». Cela signifie-t-il qu'il faut revoir de fond en comble les pratiques intensives ?

 Oui, sans aucun doute. L'idée qui fonde le concept de révolution doublement verte est de concilier la « révolution verte » dans ses vertus productives, avec le respect de l'environnement et la gestion durable des ressources naturelles comme l'eau, la fertilité des sols et la bio­diversité. Ce n'est plus une agri­culture intensive en molécules ­chimiques et en énergie, mais inten­sive en fonctionnalités écologiques ainsi qu'en connaissances. Il s'agit d'utiliser plus intensivement le fonctionnement écologique des écosystèmes. Cela implique beaucoup de connaissances scientifiques nouvelles. Par exemple, on peut améliorer la fertilité en intensifiant les mécanismes de fonctionnement écologique des sols, qui sont encore peu connus chez nous, comme le semis direct sur paillage qui se pratique de plus en plus au Brésil. De même, on peut mieux utiliser les capacités de régulation des maladies et des ravageurs par leurs antagonistes biologiques. On ne s'interdit pas de recourir à des actions chimiques mais dans des proportions beaucoup plus limitées et quand elles sont indispensables.

  Pourquoi ne consacrez-vous que quelques lignes aux OGM, alors que leurs promoteurs les présentent comme la solution à venir pour nourrir l'humanité ?

 Les OGM actuels ne sont, en ­général, pas indispensables et certains présentent des désavantages, mais il faut rappeler qu'ils se substituent à d'autres risques, notamment en matière de pesticides. Certains OGM présentent un intérêt immédiat, comme c'est le cas pour le coton insecticide car on diminue fortement les traitements chimiques. En re­vanche, il faut accélérer les recherches sur des OGM de futures générations scientifiques qui permettraient d'étendre à d'autres plantes des fonctionnalités utiles existant dans la ­nature, comme la résistance des plantes à la sécheresse ou à la salinité. Il faudra le faire avec précaution. Dans le ­domaine de l'amélioration des plantes, il y a bien d'autres méthodes efficaces pour créer des variétés utiles, et il y a aussi de nombreuses solutions efficaces qui viennent du domaine de l'écologie scientifique qu'il convient d'utiliser.

  Les mesures économiques et sociales en faveur de cette nouvelle agriculture devraient être, selon vous, très différentes d'une grande région à l'autre.

 Il y a des ­différences entre les grandes exploitations du Brésil, les petites d'Afrique de l'Ouest ou les microparcelles de la Chine côtière. Les conditions économiques dans lesquelles elles opèrent sont aussi différentes ; certaines sont très subventionnées, d'autres sont pauvres et subissent la concurrence d'importations alimentaires. Mais toutes vont devoir faire un effort productif, surtout celles des pays en développement, où va se faire la croissance de la population. Les agriculteurs de ces pays constituent une grande partie des pauvres de la planète et même des sous-alimentés. C'est ­dire l'ampleur du chemin à accomplir. Ils doivent donc faire l'objet de toutes les attentions, pour qu'ils puissent connaître des conditions favorables et stables afin de sortir de la pauvreté. Cela plaide pour la ­définition de politiques propres à chaque ensemble régional pour être au rendez-vous de l'escalade des ­besoins.

  * Nourrir la planète, de Michel Griffon, éd. Odile Jacob.

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