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  • : Michel Sorin
  • : Le MRC 53 est la structure mayennaise du Mouvement Républicain et Citoyen, qui a pour but de rassembler la gauche républicaine à partir, notamment, des idées de Jean-Pierre Chevènement, l'un de ses fondateurs, qui n'est plus membre du MRC depuis 2015. Le MRC a pris le relais du Mouvement des Citoyens (MDC) après les élections de 2002. En 2022, le MRC est devenu membre de la Fédération de la Gauche Républicaine avec quatre autres organisations politiques.
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13 août 2013 2 13 /08 /août /2013 21:49

L’entreprise n’appartient pas à ses actionnaires

 

Le 21 mai 2013, la Fondation Res Publica (pour faire connaissance, voir Présentation de la Fondation Res Publica, par Jean-Pierre Chevènement, son président) organisait un colloque sur le thème Nouveau pacte social : mode d'emploi.

 

Les actes de ce colloque ont été publiés le 19 juillet 2013. En voici les titres.

Quelques questions sur le pacte social - Intervention de Patrick Quinqueton, Conseiller d'Etat et membre du Conseil scientifique de la Fondation Res Publica.

Le dialogue social : une des clés de la compétitivité - Intervention de Louis Gallois, Commissaire général à l'investissement

Pour un dialogue social constructif mais offensif - Intervention de Mohammed Oussedik, Secrétaire confédéral de la CGT

La place des salariés dans le paysage social - Intervention de Raymond Soubie, Président des sociétés de conseil Alixio et Taddeo
L’intervention de Louis Gallois* (extrait)

Le dialogue social : une des clés de la compétitivité

 

1. Les syndicats doivent être reconnus dans l’entreprise.

L’information en continu – et, autant que possible, en avance – de telle manière que chacun, y compris les partenaires sociaux, puisse se préparer à répondre aux questions lourdes qui peuvent se poser, se fait normalement à travers le comité d’entreprise. En France, le dialogue social est souvent figé au sein de l’entreprise parce qu’on ne reconnaît pas suffisamment le rôle du comité d’entreprise et des délégués du personnel. Dans ce domaine, il y a matière à progresser dans le camp patronal comme dans le camp syndical.

Il faut des représentants du personnel dans les conseils d’administration des grandes entreprises. Je ne parle pas des petites entreprises qui fonctionnent de manière tout à fait différente.

Ne nous faisons pas d’illusions, la présence des représentants du personnel dans des conseils d’administration ne réglera pas tout et le consensus ne se dégagera pas de lui-même. Les conseils d’administration seront toujours précédés de réunions sans les représentants du personnel et, de leur côté, les représentants du personnel se réuniront, lorsqu’ils auront capacité à le faire, pour adopter une ligne commune au sein du conseil. C’est ce qui se passe en Allemagne : avant le conseil de surveillance, la partie patronale et la partie salariale se réunissent chacune de leur côté.

Mais deux raisons plaident en faveur de la représentation du personnel au sein du conseil d’administration :
Première raison
 : Les personnels apportent leur connaissance de l’entreprise et surtout la dimension du long terme. Ce sont eux qui incarnent le mieux la durée de l’entreprise. Un actionnaire reste actuellement moins de deux ans dans une entreprise. Dans une entreprise du CAC 40, la durée moyenne d’un actionnaire n’excède pas six ou sept mois, certains faisant des allers et retours quasi quotidiens, d’autres ayant une durée plus longue. Les actionnaires ont donc plus de difficulté à incarner le long terme. La tutelle croissante du marché financier sur les entreprises implique la priorité au court terme. Si cette affirmation peut se nuancer, elle exprime un fond de réalité.

Deuxième raison : Il est essentiel que les personnels se sentent chez eux dans l’entreprise. Comment le pourraient-ils s’ils ne sont pas représentés dans l’instance dirigeante de l’entreprise qu’est le conseil d’administration ? Je fais mienne la thèse de chercheurs qui travaillent sur l’entreprise selon laquelle l’entreprise n’appartient pas à ses actionnaires qui n’en possèdent que le capital. Depuis la fin du servage, personne ne peut s’approprier une collectivité humaine. Or l’entreprise est une collectivité humaine. Il faut donc regarder l’entreprise comme la conjonction de parties prenantes. Les actionnaires cherchent la sécurité et la rémunération de leur capital et la capacité de réaliser des plus-values. Les personnels, éléments constitutifs et essentiels de l’entreprise, sont évidemment concernés au plus haut point par son devenir. Lorsque je déclare devant des assemblées patronales que les salariés doivent être conscients que leur entreprise n’appartient pas aux actionnaires, je suscite toujours un certain étonnement… mais nul ne peut évidemment me contredire ! Si l’entreprise est une entité partagée entre ses parties prenantes, le bien de l’entreprise et le bien des salariés peuvent être réconciliés. Ce qui est intéressant pour les salariés est intéressant pour l’entreprise. Ce qui fait la force de l’Allemagne est précisément ce consensus sur la création de richesses, sur l’impératif de ne rien faire qui aille contre le développement de l’entreprise qui est un bien indivisible entre les parties prenantes.

Toute réduction de charges accordée aux entreprises est ressentie en France comme « un cadeau aux patrons » alors qu’il s’agit d’un apport à l’entreprise dont chacun doit se saisir. Cela suppose un changement copernicien dans la manière de gérer les entreprises qui se traduit par une prise de responsabilités réciproque. Le développement de l’entreprise devient donc l’affaire de tous même si la répartition des richesses créées par l’entreprise reste le domaine de conflits ou de négociations entre le capital et le travail. C’est pour cette raison que j’avais proposé dans mon rapport que les entreprises qui le souhaiteraient puissent désigner un représentant du personnel pour présider le comité d’entreprise. C’était le cas chez EADS, en Allemagne. Ceci entraîne une modification réelle de la relation patrons-syndicats au sein de l’entreprise.

 

Au niveau national, certaines modifications techniques sont également nécessaires :

- Il faut d’abord encourager à la syndicalisation dans les PME pour créer de véritables interlocuteurs.

- Il serait bon de réduire le nombre de branches. Sur les 600 ou 700 branches d’activité, en France, certaines n’ont plus aucune vie. Normalement les branches sont des instances de négociation. Comment mener la négociation sur des conventions collectives sur un tel nombre de branches ? Les forces syndicales ne sont même pas en mesure d’avoir des représentants dans chacune des branches.

- Il faut aussi régler le problème du financement des organisations syndicales en allant vers un système très clair. Il est normal que la collectivité nationale participe au financement des organisations syndicales. Actuellement, ce sont les budgets de formation professionnelle [5] qui, très largement, assurent le financement des syndicats. Il y a aussi la partie moins visible des permanents… Il serait beaucoup plus sain d’instaurer un financement transparent en fonction des résultats aux élections professionnelles.

- Il est enfin nécessaire de veiller à la formation et à la carrière des responsables syndicaux. Les organisations patronales se plaignent souvent de la qualité des représentants des syndicats (il arrive aussi, assez souvent, que les syndicats se plaignent de la qualité des patrons…). En tout cas, il est absolument indispensable de garantir aux responsables syndicaux une formation et un déroulement de carrière si on veut attirer des gens de qualité vers ces responsabilités lourdes.

2. La consultation et la concertation.

L
’État ne peut pas s’en remettre au seul « dialogue social » pour gérer cet aspect tout à fait important. Nous sommes dans un pays où la demande d’État est forte. L’État a son rôle à jouer pour que la négociation sociale aboutisse dans un certain nombre de domaines. D’une part il aura à transcrire dans le droit du travail un certain nombre d’accords sociaux, d’autre part il est un acteur essentiel du dialogue social qu’il peut faciliter ou gêner. Il a en particulier à nourrir la négociation sociale.

Enfin, comme je l’ai dit, une réflexion doit être menée sur le paritarisme, sur la manière de gérer nos grands systèmes – qu’il s’agisse de la formation professionnelle ou de la sécurité sociale et de ses différentes branches – pour faire du paritarisme une source de dynamisme et éviter le mélange des genres qui conduit à une sorte de conservatisme dans ce paritarisme, parce qu’on ne veut pas changer des équilibres entre organisation syndicale et organisation patronale.

* Voir Louis Gallois propose un pacte de compétitivité pour l'industrie française - 5 novembre 2012 et Rapport Gallois : les 22 propositions pour reconquérir la compétitivité -  6 novembre 2012

 Cet article est le 126ème paru sur ce blog dans la catégorie Travail Economie

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