Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Présentation

  • : Michel Sorin
  • : Le MRC 53 est la structure mayennaise du Mouvement Républicain et Citoyen, qui a pour but de rassembler la gauche républicaine à partir, notamment, des idées de Jean-Pierre Chevènement, l'un de ses fondateurs, qui n'est plus membre du MRC depuis 2015. Le MRC a pris le relais du Mouvement des Citoyens (MDC) après les élections de 2002. En 2022, le MRC est devenu membre de la Fédération de la Gauche Républicaine avec quatre autres organisations politiques.
  • Contact

Texte libre

Recherche

Courriel

 

 

 

 

Articles RÉCents

9 janvier 2010 6 09 /01 /janvier /2010 17:44

La détresse des producteurs et la faiblesse des syndicats

 

Dans le paysage agricole français, on retiendra de l’année 2009 la percée foudroyante de l’association des producteurs de lait indépendants (APLI). Se reporter à l’article 21 novembre 2009 - Pascal Massol et l'APLI sont suivis par les producteurs de lait de base.

La revue professionnelle L'Eleveur laitier (groupe France Agricole), dans son n° 176 de janvier 2010, a publié un article signé par son rédacteur en chef adjoint, Dominique GREMY, qui analyse finement et aussi objectivement que possible, en observateur, les raisons du succès de l’APLI.

 

Je le remercie de m’avoir transmis le document et donné aimablement l’autorisation de le reproduire. Voici le texte de l’article de Dominique GREMY, accompagné d’une photo symbole (épandage près du Mont-Saint-Michel) de la grève des livraisons de lait en septembre 2009.

tonne et mont st michel
 

Apli : pourquoi un tel SUCCÈS ?

 

Trois mois après la grève du lait, l’Apli (Association des producteurs de lait indépendants) continue à mobiliser. Ce mouvement sans précédent traduit à la fois le malaise d’une profession et les manquements du syndicalisme agricole.

 

Une grève du lait très médiatique en septembre, des réunions qui mobilisent plusieurs centaines d’éleveurs, tout cela sous l’impulsion de l’Apli, une organisation née il y a tout juste un an, à l’initiative d’un éleveur aveyronnais inconnu de la sphère syndicale.

 

Pourquoi ce mouvement a-t-il émergé aussi spontanément et avec autant d’énergie ? Des thèses en sociologie répondront à cela. Laissons-nous aller à quelques hypothèses.

À l’origine, l’Apli s’est sans doute appuyée sur des réseaux techniques : sélectionneurs, éleveurs inséminateurs… Souvent des francs-tireurs en marge des institutions, mais qui se connaissent, échangent et maîtrisent les nouveaux moyens de communication. De la technique à la contestation, il n’y a eu qu’un pas, d’autant que le terrain syndical était vierge et les esprits disponibles.

 

Ce mouvement n’est pas sans rappeler celui des céréaliers, en 1992, qui amena à la création de la Coordination rurale. D’ailleurs, les leaders de l’Apli apparaissent très proches de l’OPL. Là aussi, l’initiative est venue du Sud-Ouest. Là aussi, la Politique agricole commune n’offrait plus de repères. Là aussi, le rejet du syndicalisme majoritaire a servi de moteur

 

« Nous avons retrouvé notre dignité d’éleveur »

 

La grande réussite de l’Apli, peut-être la seule, est d’avoir en quelques mois fédéré des milliers d’éleveurs de tous horizons et de toutes tendances syndicales, jusqu’à devenir aujourd’hui une structure incontournable et un poil à gratter pour toutes les institutions.

 

Elle a aussi réussi à sensibiliser en quelques semaines l’opinion publique, les médias et peut-être le ministre lui-même à la régulation des marchés agricoles. La FNSEA et la FNPL, pourtant attachées à cette idée, n’y sont jamais parvenues, au point de donner l’impression d’avoir abandonné leur idéal au profit d’un réalisme européen.

 

« L’Apli s’est nourrie du désespoir de beaucoup d’éleveurs fragilisés économiquement »

 

Ces éleveurs ont un dénominateur commun : l’angoisse face à la dérégulation des marchés et les incertitudes qui pèsent sur leur revenu. Mais pas seulement. Ainsi, leur expression la plus courante :

« L’Apli nous a permis de retrouver notre dignité d’éleveur » est un camouflet à toutes les chapelles syndicales. Car, si l’Apli s’est nourrie du désespoir de beaucoup de producteurs fragilisés économiquement, elle surfe également sur les insuffisances du syndicalisme agricole.

 

D’où l’attrait pour cette association qui affiche son indépendance jusque dans son sigle. Les adhérents de l’Apli sont souvent très sévères à l’encontre du syndicat majoritaire qui « ne les comprend pas ». « C’est une poignée d’hommes qui décident pour nous ». L’impression aussi d’avoir été manipulé : « On est allé au feu contre les GMS en juin alors que tout était scellé en coulisses », ou d’avoir été trahi : « Comment peut-on signer un accord avec les transformateurs en dessous de notre prix de revient ? ».

La FNSEA et la FNPL payent cher un défaut de communication, et une stratégie de filière trop orientée sur le compromis et la cogestion.

 

Ajoutons à cela un système coopératif en crise avec des structures qui créent peu de valeur ajoutée et apparaissent coupées de leur base. L’Apli ne se résume pas pour autant à la mise à distance du triumvirat FNSEA/FNPL/FNCL.

Pendant la grève, on a vu également la Confédération paysanne très suiveuse, voire en retrait. Même l’OPL, pourtant partie prenante du mouvement, a semblé débordée et l’adhésion de l’Apli à l’EMB n’est pas sans lui faire de l’ombre. En fait, une majorité de sympathisants exprime un ras-le-bol des divisions syndicales stériles : « Notre force, c’est d’être ensemble, d’être unis », « Nous ne serons défendus que par nous-mêmes ».

 

« Nous allons créer une interprofession européenne »

 

L’Apli a symboliquement libéré cette masse d’éleveurs, souvent non syndiqués, qui courbaient le dos sans vraiment appréhender les nouveaux enjeux européens, ni les négociations qui se menaient à Paris ni l’opacité des projets de contractualisation.

 

« En moins de cinq minutes, on pouvait réveiller des gens et les emmener avec nous en parlant simplement du prix du lait », explique un militant de l’Apli. Ce mouvement offre un discours que l’on peut juger simpliste ou, pour le moins, éloigné des réalités économiques et politiques : « Un prix du lait à 400tout de suite », « Une majorité de producteurs européens se soulèveront avec nous pour obtenir une régulation des volumes ».

 

Mais ces messages sont audibles parce que tous les autres paraissent très éloignés de la réalité du quotidien. Ils ont eu aussi le mérite de placer le débat au niveau européen. Avec cette naïveté propre à sa jeunesse, l’Apli continue sur cette lancée. Ainsi s’engage-t-elle dans la création d’un office du lait européen, rien de moins. Là aussi, les mots sont simples et cachent un contenu souvent flou : «Représenter l’ensemble des producteurs à travers leur volume de production afin de peser sur les négociations avec les transformateurs », « Nous allons créer une interprofession européenne ». Alors, bien sûr, l’Apli irrite les potentats de la filière. Il est facile de pointer sa non-représentativité avec des leaders autoproclamés au charisme plus ou moins affirmé.

 

Des analyses parfois sommaires et des fausses vérités

 

Les camps adverses crient au populisme, à la manipulation. On ne peut pas nier que l’Apli se contente d’analyses parfois sommaires et n’hésite pas à avancer des « fausses vérités » ou des éléments invérifiables : « C’est la grève du lait qui a permis de redresser les cours des produits industriels », «Les stocks privés de beurre et poudre n’existent pas », « Les millions d’euros de vos cotisations enrichissent une interprofession qui ne vous défend pas ». On use volontiers de la théorie du complot ou du « tous pourris » : « Seule l’Apli dit la vérité. »

 

Reconnaissons au moins à l’Apli sa capacité à mobiliser et l’efficacité de ses méthodes. Notamment un site Internet, certes bricolé sur un coin de table, mais terriblement réactif et qui joue parfaitement son rôle de lien et de lieu d’expression.

Avez-vous vu ailleurs un groupe syndical informer quotidiennement ses troupes de l’actualité du mouvement et de l’engagement de ses leaders, sans laisser le soin aux responsables départementaux d’informer la base ? Sur le terrain, et notamment dans l’Ouest, l’Apli s’est constitué un maillage d’adhérents prêts à porter la bonne parole pour convaincre et enrôler.

 

Quel sera l’avenir de ce mouvement ? Les assemblées générales constitutives qui s’organisent dans plusieurs départements, montrent une volonté de le pérenniser. Se rapprochera-t-il ensuite d’un des deux syndicats minoritaires ou deviendra-t-il un syndicat à part entière ? Il n’est pas certain que les sympathisants Apli, apparemment très attachés à la notion d’indépendance, apprécient une telle évolution.

Et quid de l’Apli si le prix du lait remontait à 350 €/t ? Aujourd’hui, le refus du syndicalisme majoritaire de dialoguer avec cette structure, certes très agaçante à leurs yeux, ne peut que les conforter à poursuivre. Enfin, ne doutons pas que le pouvoir politique en place et la transformation puissent se délecter de cette rupture syndicale qui déstabilise la grande maison.

 

4 questions à... Cet article est le 158ème paru sur ce blog dans la catégorie AGRICULTURE et PAC.

Partager cet article
Repost0

commentaires