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  • : Michel Sorin
  • : Le MRC 53 est la structure mayennaise du Mouvement Républicain et Citoyen, qui a pour but de rassembler la gauche républicaine à partir, notamment, des idées de Jean-Pierre Chevènement, l'un de ses fondateurs, qui n'est plus membre du MRC depuis 2015. Le MRC a pris le relais du Mouvement des Citoyens (MDC) après les élections de 2002. En 2022, le MRC est devenu membre de la Fédération de la Gauche Républicaine avec quatre autres organisations politiques.
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10 janvier 2010 7 10 /01 /janvier /2010 12:27

La rupture syndicale pourrait être profonde et durable

 

Hier, nous avons présenté l’analyse de Dominique GREMY, rédacteur en chef adjoint de la revue professionnelle L'Eleveur laitier (groupe France agricole) qui, dans le n° 176 de janvier 2010, a analysé les raisons du succès de l’Association des producteurs de lait indépendants (voir Le succès de l'APLI en 2009, décortiqué par la revue L'Eleveur laitier - 9 janvier 2010617:44).

 

Avec la permission de Dominique GREMY, voici la seconde partie de l’article, c’est-à-dire les entretiens du journaliste agricole avec Roger LE GUEN, sociologue, professeur à l’Ecole Supérieure d’Agriculture d’Angers, et Laurent Levêque, producteur de lait, adhérent APLI, dans le Nord.  

 

« Un schisme s’est créé dans le syndicalisme agricole. Il pourrait être durable »

  Roger Le Guen, sociologue, professeur à l’ESA d’Angers, répond aux questions du journal.

 

Comment analysez-vous l’apparition brutale de l’Apli ?  

L’Apli exprime une rupture dans le syndicalisme agricole. On pourrait faire un parallèle avec le mouvement des céréaliers, en 1992. D’ailleurs, l’Apli apparaît assez proche de la Coordination rurale (OPL). Après des années de politique publique forte et de marchés encadrés, les éleveurs laitiers ont vu cet ancien monde s’effondrer. Il s’ouvre sur quelque chose d’instable avec beaucoup d’insécurité sur le revenu.

L’Apli a rapproché tous les éleveurs déstabilisés par cette insécurité des cours. Elle a aussi fédéré des mécontents de la FNPL. Cette dernière, proche de la coopération, s’est toujours placée dans une logique de construction de la filière en partenariat avec les transformateurs. Une stratégie rejetée par l’OPL et, plus récemment, par l’Apli. Selon eux, trop de concessions sont faites à des transformateurs qui les considèrent comme des sous-traitants.  

L’Apli réclame aussi le retour à une Pac protectrice et à un État régulateur, Elle rejoint en cela les demandes de la Confédération paysanne, tandis que la FNPL semblait en avoir fait le deuil, cherchant plutôt à construire de nouvelles relations entre les producteurs et les transformateurs via la contractualisation.

 

Appeler à la grève du lait, n’était-ce pas dangereux ?  

Il arrive que d’autres producteurs manifestent en jetant leur produit. Mais le lait a une valeur symbolique plus forte. Ils ont produit du spectacle avec l’épandage du lait, en jouant sur deux registres : mettre l’opinion publique de leur côté en dramatisant, et faire pression sur les politiques en les présentant comme responsables de ce gaspillage et de la détresse des éleveurs, le tout en stigmatisant le syndicat majoritaire complice des transformateurs et des pouvoirs publics.

C’était assez habile et ils étaient quasiment certains de crier victoire en disant qu’ils avaient mis la population de leur côté, et qu’ils avaient secoué le défaitisme professionnel et politique. Certes, il n’y a pas eu un retournement de la Pac, mais des déclarations ont été faites et la médiatisation était là. L’Apli est apparue comme l’instance qui s’est mobilisée et n’a pas accepté l’inéluctable.

Beaucoup ont exprimé dans cet acte collectif l’espoir de peser sur les choses, tout en disant : «Occupez-vous de nous ». « L’Apli offre aux éleveurs une possibilité de s’exprimer, qu’ils n’avaient pas. »

 

Le syndicalisme majoritaire a-t-il mal géré cette crise ?  

C‘est avant la crise qu’il a failli. Depuis près de 50 ans, sa culture est profondément légitimiste et cogestionnaire. Jusqu’à devenir parfois un appareil qui consiste à expliquer à sa base ce qui est décidé en haut lieu : « On va vous trouver la solution, mais il faut vous adapter ». Leur schéma consiste à analyser et à planifier le changement. C’est logique, mais le risque est d’apparaître imperméable à la souffrance du terrain : « Je vous comprends, mais je ne peux rien faire immédiatement ». Alors que beaucoup, déboussolés, attendent d’un syndicat qu’il remplisse une fonction protestataire. Un syndicat, c’est fait aussi pour exprimer la colère. On y vient pour « gueuler ensemble ». Et, ensuite, produire un discours collectif dans lequel on se reconnaît : « O n parle, on est représenté, donc on va compter ».  

En critiquant la grève où une partie des siens était engagée, la FN SEA s’est mise en porte-à-faux. Elle qui veut symboliser l’unité paysanne est apparue comme un simple partenaire des transformateurs et de l’État. La FNSEA se trouve ainsi devant un mouvement dangereux pour sa propre évolution. Aujourd’hui, elle reprend un travail de terrain, mais on la sent toujours à la remorque de l’Apli.

 

Cette rupture est-elle durable ?  

Je le pense. Beaucoup de producteurs ne se rallieront plus à la logique interprofessionnelle de la FNPL. Les tensions seront aussi plus fortes. Car la dérégulation introduira plus de concurrence entre eux. Cela renvoie aussi à des stratégies syndicales différentes et à des différenciations de métiers qui s’accentuent.

Et dans ce mouvement de segmentation, une partie des éleveurs se trouve perdue dans un monde complexe et instable qui la submerge. De ce fait, l’Apli, c’est aussi le rejet de l’offre syndicale française actuelle, avec une instance qui dit représenter tous les producteurs et deux autres qui crient à la trahison. Dans l’Apli, on veut rassembler tout le monde, au-delà des « vieux » clivages.  

Le risque serait qu’une majorité considère que le syndicalisme ne sert à rien. « Il faut se défendre nous-mêmes », donc sans passer par des structures qui ont pourtant l’expérience et le savoir-faire pour négocier. Car l’Apli ne peut survivre telle qu’elle est aujourd’hui, qu’en se gardant de faire quelque compromis que ce soit. Ainsi, l’Apli n’a pas besoin de résultats concrets pour exister. Elle reste sur un registre symbolique, très peu économique au sens opérationnel. Elle offre d’abord aux éleveurs une possibilité de s’exprimer qu’ils n’avaient pas.

 

« La grève a permis de faire connaître les difficultés des éleveurs »

  2 questions à... Laurent Levêque, en Gaec avec trois associés à Prisches (Nord)

Laurent Levêque (1 236 000 l de quota) est adhérent à l’Apli et ancien adhérent aux Jeunes agriculteurs.
Il a fait la grève du lait pendant quinze jours.

 

Quel bilan tirez-vous de cette grève ?  

« Dans le Nord, nous n’étions pas aussi nombreux que dans l’Ouest, mais cette grève a permis de faire connaître nos difficultés. C’est l’une des forces de l’Apli. Bien sûr, nous n’avons pas vu le prix du lait augmenter, mais j’ai l’impression que l’idée de la régulation fait son chemin en Europe. Il reste à la construire. Le mouvement a continué avec des filtrages devant les laiteries. Nous avons pu voir que les stocks n’étaient pas si importants que cela.

Depuis quelques semaines l’Apli recrute de mieux en mieux dans le Nord et dans l’Aisne. Le projet d’office du lait, qui permettrait de collecter les CVO (« cotisation volontaire obligatoire ») plutôt que les donner au Cniel, séduit beaucoup d’éleveurs. »

 

Continuerez-vous à militer au sein des Jeunes agriculteurs ?

« J’étais membre des Jeunes agriculteurs jusqu’en décembre. Je n’ai pas renouvelé ma cotisation. Il y en aura d’autres dans mon cas. Beaucoup viennent à l’Apli en réaction à la FNPL, qui décide seule, sans concertation avec sa base. Le refus de renégocier l’accord du 3 juin, ou l’annonce d’une hausse du prix du lait de 3 % en janvier, ne passent pas.

Pour autant, le dialogue n’est pas rompu avec les Jeunes agriculteurs du département. À la base, nous avons le même objectif, celui de défendre notre métier. Je regrette que les instances nationales de la FNSEA nous considèrent comme des ennemis et dénigrent le mouvement. Nous, nous allons continuer ! »

 

Carte de vœux signée André Lefranc, responsable APLI dans la Manche.

 

APLI-La-Chapelle-d-Andaine-201009-003.jpg2009, gravée dans nos mémoires d'images de désespoir telle une campagne embrumée d'un voile de lait, embaumée d'un air d'humanité d'agriculteurs renouant avec la solidarité.
2010, année d'espoir à nous d'y croire et de le faire savoir : l'office est bien une réalité.
Récupérons notre minerai volé, la vente de notre lait. Reprenons-en la maîtrise en toute légalité pour la survie de notre métier et la liberté d'exercer.

Cet article est le 159ème paru sur ce blog dans la catégorie AGRICULTURE et PAC.

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commentaires

M
<br /> Merci de ce commentaire. En production laitière, le prix est fixé par l'acheteur (coopérative ou industriel) qui collecte le lait. Le producteur peut, s'il a le choix, changer d'acheteur. Si son<br /> lait est payé durablement au-dessous de son coût de production, il arrête de produire et change de métier. C'est ce qui risque d'arriver pour un tiers des producteurs, dans les conditions de prix<br /> actuelles.<br /> <br /> <br />
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M
<br /> Bonjour ,  commercant -artisan à la retraite j'ai toujours eu l'obligation de ne pas vendre <br /> A PERTE pourquoi n'obligez vous pas le gouvernement à faire respecter ses propres lois ?<br /> Selontous les reportages vus à la télé , prix coûtant d'un litre de lait = 0,32 € et les gros <br /> du systême de distribution qui sont souvent propriétaires des chaines de manipulations <br /> suivantes ...........vous font baisser à =O,28 € le litre .<br /> J'en déduis que votre systeme de reclamation de votre dû auprès des autorités soit mal <br /> organisé ou complice malgrè vous à votre désavantage .<br /> Pensez donc à essayer de faire supprimer toutes les ristournes (quelles qu'elles soient<br /> à l'étage fabricant- revendeur . Divisez la somme reellement déclarée( par ces organismes<br /> par ces jeux incidieux  ) et vous pourrez discuter plus fermement au vu des fortunes ainsi réalisées par certains . L'état est le premier en faute avec Renault et autres sources<br /> de <br /> primes qui enréalité ne font que camoufler des astuces fiscales ...........<br /> Il serait plus juste que ce soient les éleveurs qui profitent de leur labeur et comme tout <br /> citoyen, je n'admets pas ce genre d'injustice consenti et celà peut etre suite à une mauvaise orientation de vos réclamations officielles ,déviées pour vous faire perdre vos<br /> droits au profit de: cherchez à qui celà profite .<br /> Je précise que je ne suis pas et n'ai jamais été embrigadé par un parti politique et peux <br /> d'autant plus facilement exprimer mes idées suite à mon experience commerciale d'environ<br /> 45 ans dans une autre spécialité que la vôtre .<br /> à des prix d'achats si bas , leur TVA est faible et leurs profits décuplés .<br /> Certains trusts se sont appropriés des flottes entieres de bateaux de peche avec toutes les activités qui s'ensuivent jusqu'à la vente au détail permettant des " astuces<br /> commerciales"<br /> Bon courage , en esperant que vous n'etes pas un maillon de ces complices enrichis <br /> Un fan du bon lait     <br /> <br /> <br />
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