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  • : Michel Sorin
  • : Le MRC 53 est la structure mayennaise du Mouvement Républicain et Citoyen, qui a pour but de rassembler la gauche républicaine à partir, notamment, des idées de Jean-Pierre Chevènement, l'un de ses fondateurs, qui n'est plus membre du MRC depuis 2015. Le MRC a pris le relais du Mouvement des Citoyens (MDC) après les élections de 2002. En 2022, le MRC est devenu membre de la Fédération de la Gauche Républicaine avec quatre autres organisations politiques.
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5 février 2010 5 05 /02 /février /2010 22:01

L’Europe est en déficit alimentaire croissant

 

Le quotidien Le Monde, les 29 et 30 janvier, a publié les opinions de cinq spécialistes sur le devenir de la politique agricole commune (PAC) : Michiel A. Keyser, Jean-Christophe Bureau, Jack Thurston, Nicolas-Jean Bréhon et José Bové (voir, plus loin, un extrait de son texte).

 

Un 6ème, Jacques Berthelot* (voir Jacques Berthelot et l'agriculture : la protection est la condition de la vie - 23 novembre 2009) a sollicité du journal le droit de s’exprimer afin de rétablir la réalité des faits (Le Monde, 4 février), car les 4 premiers auteurs, selon lui, affirment faussement que l’Union européenne serait excédentaire de produits alimentaires et maintiendrait une trop forte protection de son marché intérieur.

 

Déficit alimentaire croissant de l'UE et nécessaire souveraineté alimentaire

 

(…) Tous ces auteurs, comme les médias, ignorent le déficit structurel des échanges alimentaires de l'UE-27, qui est colossal et croissant puisqu'il est passé de 10,9 milliards d'euros (Md€) en 2000 à 24,4 Md€ en 2008 – et serait de 23 Md€ en 2009 sur la base des dix premiers mois –, notamment du fait du déficit en poissons passé de 9,6 à 13,3 Md€.

Le déficit des échanges agricoles est lui-même structurel et croissant, étant passé de 7,2 Md€ en 2000 à 13,3 Md€ en 2008. Et, comme l'UE a un excédent alimentaire sur les Etats-Unis de 6 Md de dollars en moyenne de 2003 à 2008, elle reçoit donc une aide alimentaire structurelle massive du Sud.

Dire que l'UE ne subventionne pratiquement plus ses exportations agricoles c'est accepter la définition scandaleuse du dumping de l'OMC
qui ne tient compte que des subventions à l'exportation et pas des subventions internes aux agriculteurs qui bénéficient aussi aux produits exportés (…).
Face au déficit alimentaire croissant de l'UE, il est heureux qu'elle ait maintenu une protection élevée de ses produits alimentaires de base sinon ce déficit aurait été dramatique : le droit moyen sur les céréales reste de 50 % (95 € par tonne de blé tendre ordinaire au-delà d'un quota tarifaire de 3 millions de tonnes, et 172 € par tonne de farine), celui sur les produits laitiers est de 87 %, celui sur les produits sucrés de 59 % et celui sur les viandes congelées (bovine, porcine et de volaille) de 66 %. Cela n'empêche pas que les déficits de l'UE soient croissants en viande bovine depuis 2003 et en viande de volaille depuis 2005 (…).

Moins protéger l'agriculture de l'UE ne serait pas non plus bénéfique aux paysans pauvres
du Sud puisque cela les détournerait de produire des cultures vivrières alors qu'ils connaissent un déficit alimentaire croissant. En effet, si l'on exclut les cinq premiers pays du Sud exportateurs alimentaires nets (Brésil, Argentine, Thaïlande, Malaisie, Chili), le déficit alimentaire des autres pays du Sud a atteint 79 milliards de dollars en 2007. Celui de l'Afrique subsaharienne – région du monde la plus pauvre et souffrant le plus de la faim – était de 8 Md de dollars et même de 14 Md de dollars si l'on exclut ses échanges de café, cacao, thé et épices qui ne sont pas des produits alimentaires de base. D'ailleurs l'UE importe sans droits de douane leurs produits tropicaux et ils n'exportent pas ses produits alimentaires de base, sucre excepté.

On ne peut pas dire que les consommateurs de l'UE soient pénalisés par des prix alimentaires élevés puisqu'ils n'affectaient en 2006 que 15 % de leur budget à se nourrir
(avec boissons non alcoolisées). Puisque le poids des prix agricoles dans les prix alimentaires est en moyenne de 20 % en France, cela correspond à 3 % du budget des ménages.

Assurer aux agriculteurs de l'UE des prix rémunérateurs en supprimant les aides directes à ceux ayant des coûts de production inférieurs à la moyenne de l'UE
impliquerait de relever les prix agricoles de 30 % en moyenne par rapport à leurs niveaux de 2006, ce qui relèverait à 15,9 % la part de l'alimentation dans le budget des ménages après six ans. Mais, avec une hausse du PIB/tête de 1,5 % par an à moyen terme d'ici deux ans, une fois sortis de la récession actuelle – il a augmenté de 2 % par an de 2000 à 2005 –, cela entraînerait une hausse de 9,3 % du revenu des ménages en six ans. Le poids de l'alimentation dans le budget des ménages plafonnerait à 15,6 % en année 6 et décroîtrait au-delà.

En contrepartie de cette modeste hausse de la part de l'alimentation dans le budget des ménages
, ils paieront moins d'impôts pour financer la PAC, il y aura moins de chômeurs –donc plus de cotisations sociales et moins d'impôts pour les soutenir –, un environnement moins pollué – moins d'impôts encore –, une meilleure qualité des produits et un milieu rural plus vivant. Ces moindres dépenses publiques pour la PAC et ses dégâts dégageraient des ressources pour aider les citoyens défavorisés à supporter momentanément des prix alimentaires supérieurs.

 

* J Berthelot (voir Solidarité) était professeur à L'Ecole nationale supérieure agronomique de Toulouse.


José Bové
fait un rappel historique de l’évolution de la PAC (extrait).


Le tournant pris en 1992 a été funeste
. Anticipant, pour obtenir des concessions, les conclusions de l'accord de Marrakech, la Commission européenne a transformé l'agriculture en monnaie d'échange pour l'industrie européenne, mais surtout pour les services comme les banques, les transports, les télécommunications, les assurances, la distribution ou le tourisme de masse.

Cette décision a engendré la perte de centaines de milliers d'emplois agricoles et a provoqué une suite de crises sociales graves culminant en 2009. Par ailleurs, elle n'a servi à rien puisque, depuis 2001, la machine de l'OMC est grippée. L'échec de la conférence ministérielle de Genève, début décembre 2009, confirme le non-sens de cette orientation libérale, vivement remise en cause par nombre de pays du G77.

Le libéralisme et l'ouverture des frontières imposés par les Etats-Unis, l'Europe et les pays émergents à travers l'Organisation mondiale du commerce se soldent par un constat d'échec. La crise globale, issue de la sphère financière, fin 2008, s'étend maintenant à l'ensemble des secteurs de l'économie. L'agriculture n'échappe pas à cette tourmente. L'effondrement du prix du lait sur le marché européen a engendré des milliers de faillites de paysans, particulièrement dans les grands Etats membres de l'est de l'Union comme la Roumanie, la Bulgarie et la Pologne.

La PAC est devenue folle. Pour autant, faut-il se débarrasser de la seule véritable politique européenne ? Certes non, et, plus que jamais, l'Europe doit conserver et renforcer cette volonté de construire un avenir agricole commun à tous ses états membres et à toutes ses régions. L'objectif central de cette réforme doit rester de nourrir nos concitoyens avec des produits de qualité sur le long terme. Peut-on ignorer que, pour plus de 20 millions d'Européens, la question de savoir si l'on va manger à sa faim reste une réalité. Dans un contexte de chômage massif, la paysannerie doit cesser d'être considérée comme le réservoir de main-d'oeuvre, principalement à l'Est, pour les autres secteurs qui, en réalité, n'ont plus grand-chose à offrir.


Voir Entre pays, régions et paysans, répartir la production équitablement, par José BovéP1030290.jpg 




José Bové, à Bruxelles, le 5 octobre 2009, en discussion avec Pascal Massol, Aveyronnais comme lui
(voir
Bruxelles : Pascal Massol et l'APLI estiment avoir marqué des points
)






La position du MRC a été publiée le 10 octobre 2009. Voir Des orientations nouvelles pour l’agriculture


Cet article est le 170ème paru sur ce blog dans la catégorie AGRICULTURE et PAC.

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