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  • : Michel Sorin
  • : Le MRC 53 est la structure mayennaise du Mouvement Républicain et Citoyen, qui a pour but de rassembler la gauche républicaine à partir, notamment, des idées de Jean-Pierre Chevènement, l'un de ses fondateurs, qui n'est plus membre du MRC depuis 2015. Le MRC a pris le relais du Mouvement des Citoyens (MDC) après les élections de 2002. En 2022, le MRC est devenu membre de la Fédération de la Gauche Républicaine avec quatre autres organisations politiques.
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18 novembre 2013 1 18 /11 /novembre /2013 21:58

Regain d’intérêt lié à l’envolée des prix du foncier

 

Deux siècles d’économie politique ramassés en une heure, sans oublier la référence à l’actualité (la PAC - politique agricole commune), c’est un exposé magistral qu’a réalisé Thierry Pouch le 13 novembre 2013, à la demande de l’association Mars.

 

MARS est le sigle d’une association qui signifie « Mouvement Agricole et Rural Solidaire ». Cette association  a été crée en 1983 par un petit groupe de militants d’origines diverses et de personnes qui par intérêt personnel ou (et) professionnel, sentaient la nécessité d’approfondir, d’enrichir et de confronter leurs analyses sur les questions agricoles, alimentaires, rurales et territoriales.

 

Jean-Claude Guesdon et Lucien Bourgeois sont d’abord intervenus pour présenter Thierry Pouch, chef du service des études économiques à l'APCA, par ailleurs chercheur associé au laboratoire REGARDS de l'Université de Reims Champagne Ardenne, et le choix du thème.

 

La rente foncière revient dans l’actualité en raison de l’envolée de certains prix liés au foncier, notamment dans l’immobilier, dans le cadre du modèle de croissance dominé par la finance mondiale. Avec elle, on s’éloigne de la fameuse règle - qui revient à toutes les pages des traités européens - de la concurrence libre et non faussée.

La financiarisation des économies a ouvert la voie à une réappropriation du foncier, mais aussi des sous-sols dans lesquels sont puisées les ressources énergétiques et minières. Un retour sur la question de la rente s'impose donc. Pour effectuer ce retour, il convient de puiser dans l'histoire de la pensée économique, dont on connaît la richesse des controverses au sujet de la rente. L'intervention a été l'occasion de se replonger dans des débats passionnés et passionnants, qui furent constitutifs de la formation de la science économique.

 

La résurgence de la rente foncière : un détour par l’histoire de la pensée économique

 

Une histoire ancienne 

La théorie de la rente foncière, laquelle est appréhendée au travers des manifestations et des conséquences de la valeur d’une étendue ; l’économie comme discours scientifique s’est forgée pour une large part à partir de la théorie de la rente.

En tant que rémunération liée à l’exercice d’un droit de propriété, l’analyse de la rente doit être associée à un regard sur le système juridique d’une société et, surtout, sur les rapports de pouvoir économiques. L’intérêt pour la rente chez les économistes s’émousse à partir des années 1970-1980, notamment en économie rurale (déclin de l’agriculture, développement de production hors sol…). Le début des années 2000 voit resurgir la rente dans les travaux des économistes.

 

Un nécessaire détour par l’H.P.E

De Quesnay et l’école physiocratique jusqu’à Walras en passant par Smith, Malthus, Ricardo et Marx, la problématique de l’usage rationnel du sol agricole est posée et, historiquement, ouvre la voie à une discipline en mesure de prendre son autonomie, l’économie politique puis la science économique. Les échanges et débats passionnés autant que passionnants au sujet de la répartition de la richesse, de la place de la rente dans le système de répartition, vont constituer les plus grandes heures de la formation de l’économie comme champ scientifique.

Paradoxe : le sol comme élément de la nature figure parmi les éléments vis-à-vis duquel il faut s’affranchir pour penser l’autonomie de l’économie, pour donner naissance aux échanges marchands et donc à la modernité. Second paradoxe : accédant à cette autonomie, l’économie va mettre en relief la solitude de l’homme et sa finitude.

 

Rente et théories de la répartition de la richesse

Pour la science nouvelle, il est nécessaire que les richesses puissent être évaluées, ordonnées, mesurées par des nombres, pour pouvoir être comparées et classifiées. Cette réduction de la richesse produite à un nombre permettra alors l’évaluation du revenu d’une nation et sa répartition entre les différents groupes sociaux qui participent de la production de ces richesses. Trois classes sociales, trois types de revenus : le salaire, le profit et la rente.

 

Le « royaume agricole » de François Quesnay

La pensée physiocratique comme aboutissement et résolution d’une tension entre la volonté de contribuer à une réforme de l’Ancien régime en France tout en préservant l’ordre social existant. Dans cet ordre naturel, il est un phénomène qui attira leur attention et qui va jouer un rôle décisif : la place centrale de la terre/agriculture dans le production des richesses

Toute opération productive nécessite des avances en capital, en biens de production, à déduire des richesses créées : le PRODUIT NET des physiocrates (c’est dans le secteur agricole que la richesse créée dépasse la richesse consommée). Le revenu foncier émane donc de l’activité de la classe productive, celle des fermiers/agriculteurs, et in fine, comme un don de la nature (Dieu). Le bon prix payé aux fermiers lui procure un revenu (profit) élevé tout en versant une rente aux propriétaires fonciers (augmentation du capital dans l’agriculture).

 

Division du travail et rente chez A. Smith

Chez Quesnay, le monde économique est présenté comme une superposition de classes sociales, les fermiers/agriculteurs étant les acteurs principaux du processus de production, tout le système économique étant subordonné à leurs intérêts. Smith a une vision plus globale de l’économie, dans laquelle les entreprises sont en articulation, reliées entre elles par le jeu de l’échange marchand. En découle une analyse de la répartition de la richesse créée au sein de laquelle la rente exprime la différence entre le prix de la récolte et la somme des salaires et des profits devant être payés pour acquérir cette récolte.

Cette rente est réglée au propriétaire qui loue sa terre au fermier le plus offrant. Le fermage pour Smith est le prix payé pour l’usage de la terre, prix le plus élevé que le fermier est en état de payer (prix de monopole et non don de la nature).

 

Malthus/Ricardo et l’heure des grands débats (1)

Les interrogations de Malthus sur la rente ne commencent pas avec le débat sur les blés, mais avec l’analyse de l’écart croissant entre la population et la production de subsistances (1798 Le principe de population). L’influence de Smith est réelle et, dans la seconde édition du Principe (1803), Malthus fait de la rente une composante du prix.

Trois ans plus tard, sous l’influence de la découverte de J. Anderson sur les différences de fertilité des sols, Malthus indique que c’est le prix qui détermine la rente de la terre. 1815 (An Inquiry Into the Nature and Progress of Rent) : « la rente de la terre peut être définie  comme cette portion de la valeur du produit total qui reste au propriétaire de la terre, après qu’ont été payées toutes les dépenses (…) nécessaires à sa culture (...) », soit l’excédent du prix au-dessus du coût de production selon le principe de l’offre et de la demande.

 

Malthus/Ricardo et l’heure des grands débats (2)

La conception malthusienne de la rente se détache pourtant assez mal d’une vision de la terre comme don de la nature, et s’inscrit de surcroît dans le principe de l’offre et de la demande. Toute autre est le point de vue de D. Ricardo, qui se place d’emblée dans le registre de la difficulté à produire, et qui s’oppose sans concession à Malthus. La rente est selon Ricardo, un transfert de valeur préalablement créée, et que s’attribuent injustement les propriétaires fonciers.

La rente n’est pas une nouvelle création de revenu, mais une portion des profits antérieurement dégagées du travail de la terre. Y = W + Pr + R, ou l’équation magique, traduisant un conflit de classes sociales antagoniques. Une controverse décisive, aux répercussions politiques d’une actualité troublante (politique agricole) : Ricardo, le véritable fondateur de l’économie politique.

 

Rente et mode de production capitaliste : Marx

Dans le Livre III du Capital, Marx inscrit sa théorie de la rente foncière dans une problématique précise : celle de la conversion du surprofit en rente. La spécificité de la rente foncière ne peut être définie que par le rapport social dans lequel elle est produite. Pour Marx, le propriétaire foncier n’est pas un agent de production nécessaire pour le capitalisme. S’il existe, c’est en tant que legs de rapports précapitalistes, et donc comme obstacle au déploiement du capital

Il faut donc la déposséder de sa maîtrise sur le procès de production, la rente devenant un rapport de distribution. Rente différentielle versus rente absolue chez Marx. Théorie de la rente très importante mais remplie de failles.

 

Marx et la « rente absolue »

La rente absolue chez Marx provient des rapports entre les secteurs de production, émane d’une confrontation entre la sphère agricole et les autres sphères productives. Son fondement économique réside dans le retard de l’agriculture par rapport à la production industrielle.

Un transfert entre ces deux sphères de production aurait dû avoir lieu, dans des conditions de concurrence, mais entrave des propriétaires fonciers qui captent la rente, empêchent la péréquation des taux de profit, et finalement bloquent l’accumulation du capital dans l’agriculture.

Le profit du fermier est calculé sur la base du taux de profit dans le secteur industriel, ce qui permet la formation d’une marge supplémentaire : la rente. Avec le progrès technique, avec l’élimination de la propriété foncière, le retard de l’agriculture sur l’industrie doit être comblé, et in fine, la rente absolue disparaître.

 

La rente aujourd’hui : 2 exemples récents

La théorie « classique » de la rente reste pertinente pour la compréhension d’événements récents : pétrole, immobilier, agriculture.

Exemple 1 : La rente différentielle chez Ricardo établit un rapport entre prix et coûts de production du producteur le moins bien favorisé et lorsque ce prix est supérieur au coûts, une rente se forme, mais avec le progrès technique (coûts d’extraction), baisse du niveau de la rente pétrolière (enjeu considérable renvoyant à la formation du prix, à la propriété du sous-sol…).

Exemple 2 : Dans l’immobilier, une nouvelle « division économique et sociale de l’espace » apparaît dans les années 1990, après que le régime fordiste de croissance soit entré en crise.

Concurrence effrénée pour l’usage des sols, effets de la politique monétaire américaine, dans la zone € (BCE), favorisant le financement et l’envol de certains actifs, dont l’immobilier sans hausse des investissements productifs d’avenir (logement social notamment, mais aussi logements /énergie…). Retour de la rente foncière.

 

Rente et agriculture (1)

Exemple 3 : la période actuelle se caractérise par une double crise : la crise du régime de croissance financiarisé (ou « néolibéral ») proche de celle dite de suraccumulation des années 1930, et la crise écologique au sens large (énergie/climat/alimentation), proche selon certains des crises d’Ancien régime.

Retour de la question foncière en agriculture : raréfaction des surfaces cultivables sous le poids de l’urbanisation, télescopage demande de logements/demande de productions alimentaire biologiques, provoquant une crise foncière aiguë. La terre peut recevoir de multiples affectations qui se font concurrence. Conséquence : le raisonnement antérieur (diapo 2) ne tient plus

Enfin, la rente resurgit avec les réformes de la PAC, et notamment l’instauration des DPU.

 

Rente et agriculture (2)

Dérégulation des marchés agricoles à partir de 1992 + prix mondiaux sur une tendance baissière jusqu'en 2007. Recherche d'économies d'échelle entrant en contradiction avec la politique foncière des années 1960. Économies d'échelle destinées à peser sur la productivité du travail et à produire un pouvoir de négociation au sein des filières (amont et aval). Économies d'échelle porteuse d'une recherche de soutiens publics plus élevés, sachant que les DPU, tels qu'ils existent aujourd'hui prédisposent à cet objectif, en raison de la proportionnalité avec la surface détenue, processus enclenchant une dynamique renouvelée des structures agricoles.

Entre en résonance avec la recherche chez les agriculteurs d'alléger le collectif de travail, d'externaliser une partie des travaux agricoles... au détriment de l'élevage. Conjointement, les prix des céréales sont depuis 2007 élevés et sont potentiellement porteurs d'une « végétalisation » de l'agriculture française.

 

Cet article est le 415ème publié sur ce blog dans la catégorie AGRICULTURE et PAC.

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