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  • : Michel Sorin
  • : Le MRC 53 est la structure mayennaise du Mouvement Républicain et Citoyen, qui a pour but de rassembler la gauche républicaine à partir, notamment, des idées de Jean-Pierre Chevènement, l'un de ses fondateurs, qui n'est plus membre du MRC depuis 2015. Le MRC a pris le relais du Mouvement des Citoyens (MDC) après les élections de 2002. En 2022, le MRC est devenu membre de la Fédération de la Gauche Républicaine avec quatre autres organisations politiques.
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16 juillet 2013 2 16 /07 /juillet /2013 22:02

Il était ministre de la Fonction publique entre 1981 et 1984

 

Anicet Le Pors* (Wikipédia), auteur du statut des fonctionnaires - voir sur le portail de la Fonction publique Les 30 ans du statut des fonctionnaires - donne son avis sur l'évolution de ce statut, dans le cadre d'un entretien avec Nicolas Dutent (l’Humanité, 14 juillet 2013).

 

Anicet Le Pors : "Défendons la conception d'un fonctionnaire-citoyen"

 

ENTRETIEN. Trente ans après la loi de 1983 sur le statut général des fonctionnaires, l’ancien ministre communiste de la Fonction publique (1981-1984) revient sur les multiples régressions et met l’accent sur la nécessité de redéfinir les valeurs du statut.

 

On fête cette année le 30e anniversaire du Statut Général des fonctionnaires dont vous avez été l’incontournable artisan. Pouvez-nous nous rappeler la lettre et l’esprit de ce statut ?

Anicet Le Pors. Il faut remettre les choses dans une perspective historique. En rappelant déjà qu’en 1946, dans l’esprit du CNR (Conseil national de la Résistance), un ministre d’État communiste, vice-Président du Conseil, à savoir Maurice Thorez, a dirigé l’élaboration du statut démocratique fondateur de la conception française de la fonction publique. Ce statut était très novateur et organisait le classement des fonctionnaires en fonction de leurs qualifications, il définissait le système des rémunérations, il prévoyait également un régime spécial de sécurité sociale et de retraites pour les fonctionnaires. Il concernait alors 900 000 fonctionnaires. 37 ans plus tard, en 1983, alors ministre communiste de la fonction publique, j’ai réintégré dans le statut ce qu’une ordonnance de 1959, au moment de l’avènement de la Ve République, avait mis en dehors. Ce statut a réintégré également des éléments de jurisprudence de manière à le consolider. Par exemple la liberté d’opinion, le droit de grève, la capacité de négociation reconnue aux organisations syndicales. Surtout cette initiative a étendu le statut aux agents des collectivités territoriales et aux agents des établissements publics hospitaliers et de recherche. Dorénavant le statut couvre 5,3 millions de personnes, soit 20% de la population active. C’est un fait exceptionnel dans le monde. 20% de la population qui a donc la garantie de l’emploi, la crise a d’ailleurs montré que les agents publics, auxquels il faut ajouter les salariés des entreprises publiques (EDF, SNCF…) ont constitué un puissant « amortisseur social » face à la crise. C’est un atout considérable. Ces choix et réflexions politiques opérés en faveur du service public participent pleinement de l’identité du Parti communiste français eu égard aux ministres qui y ont contribué.

 

La RGGP, la MAP, l’acte 3 de la décentralisation… tous ces grands chantiers prétendent moderniser l’action publique. Que pensez-vous de ces évolutions des services publics engagées sous un gouvernement de droite puis prolongées, sous une autre forme, sous la gauche ?
Anicet Le Pors. Il faut distinguer strictement deux domaines. Il y a le domaine statutaire d’une part, le domaine financier de l’autre.  En ce qui concerne le domaine statutaire je rappelle qu’en 2007, Nicolas Sarkozy avait annoncé une « révolution culturelle » dans la fonction publique. Elle consistait essentiellement à mettre sur un plan d’égalité l’entrée dans la fonction publique par concours et l’entrée par contrat. Il s’agissait de généraliser dans la fonction publique le contrat de droit privé conclu « de gré à gré » selon sa propre expression. Il a échoué avec la crise qui a montré la fonction d’amortisseur social dont je viens de parler et parce que l’opinion publique reste fondamentalement attachée à la fonction publique en France. Du point de vue statutaire donc, il n’est plus question de remettre en cause ce statut. Il faut considérer comme positif le fait que le gouvernement actuel ait jeudi dernier, par la tenue d’un colloque, fêté le 30e  anniversaire du statut général des fonctionnaires. On est donc pour l’instant épargné de sa remise en cause, même partielle. Si bien que du point de vue statutaire, le climat est très différent entre 2007 et 2013.

Examinons maintenant le point de vue financier. Sous Sarkozy il y a eu la LOLF, puis la RGPP, démarche aveugle et irrationnelle. Elle était purement financière et a porté gravement atteinte aux services publics dans notre pays. Aujourd’hui, le gouvernement annonce la MAP (modernisation de l’action publique). Pour le moment, on n’en sait pas grand chose si ce n’est qu’il faut malgré tout lui associer des réductions de crédits considérables, une réduction des dotations aux collectivités territoriales, des difficultés aggravées dans le secteur hospitalier et un gel des rémunérations des fonctionnaires. Tout cela ne peut pas manquer de porter gravement atteinte à l’exercice des services publics. Cette partie financière nourrit les plus grandes inquiétudes. Même si ce projet se met à peine en route, ce qu’on en sait légitime qu’on soit très inquiet quant aux moyens alloués aux services publics dans les années qui viennent. La MAP, si c’est un objet économique non identifié et donc incertain, n’est pourtant pas à confondre avec la RGPP. Concernant l’acte 3 de la décentralisation version Hollande, on peut aussi craindre qu’il s’inscrive trop dans la continuité de l’acte 3, version Sarkozy. Cependant rien n’est accompli, il y a énormément d’hésitations de ce gouvernement, sur ce sujet comme d’autres, en atteste la décision de découper en trois un projet de loi primitif qui couvrait l’ensemble des domaines. Il est difficile de savoir ce qui sera finalement mis en œuvre.
 
Sarkozy s’est attaqué à toutes les administrations que j’appelle « rationalisantes ». Déjà avait été supprimée la DATAR (Délégation interministérielle à l'aménagement du territoire et à l'attractivité régionale), le Commissariat général du Plan ; Sarkozy a poursuivi avec le Conseil national d’évaluation, le Haut conseil des entreprises publiques comme celui des relations internationales. Tout ce qui relevait des administrations de contrôle et de rationalisation a été mis à bas par la RGPP. Certaines organisations visant à la rationalisation de l’action publique semblent ressuscitées, je me félicite par exemple de la création d’un Commissariat général à la stratégie et la prospective. Mais méfions-nous que cette volonté de rationalisation ne soit pas un trompe l’œil, si dans le même mouvement on se laisse solliciter dans la pratique par les règles du libéralisme. C’est cette contradiction paralysante qui menace le gouvernement.
 
Compte tenu des attaques régulières dont il fait l’objet, quel avenir imaginez-vous pour le statut général des fonctionnaires ?
Anicet Le Pors. Je n’ai jamais rencontré un fonctionnaire qui regrette dans la pratique les mesures prises en 1983. Tous les syndicats se félicitent de cette construction statutaire unique dans le monde qui est suffisamment équilibrée pour affirmer une unité de principes et une diversité des fonctions. Le statut est constitué de quatre lois, la première affirme les principes communs, les trois autres déclinent les spécificités de chaque fonction publique. Il y a, sur cette architecture statutaire, une forme de consensus républicain. Pourtant depuis 1983, il a été attaqué de toute part. Ces modifications sont un véritable enjeu politique. La loi Galland du 13 juillet 1987 a rétabli dans la fonction publique territoriale un système de « reçus-collés » qui fait qu’à l’issue du concours, on est classé par ordre alphabétique et non au mérite. Celui qui a le mieux réussi n’est ainsi pas sûr d’être nommé. Cela laisse une grande place à l’arbitraire pour ceux qui ont le pouvoir de nomination
En outre, toute une série de distorsions ont été opérées à travers 210 modifications législatives de ce statut. La multitude de ces atteintes a été récemment qualifiée de « transformations souterraines » par Christian Vigouroux, membre du Conseil d’État. Il attire l’attention sur le fait que si on ne revenait pas sur ces atteintes, si on poursuivait des modifications non fondées, on pouvait arriver, la chose est déjà engagée,  à une « dénaturation d’ensemble ». Le défi consiste donc à débarrasser le statut de ces régressions successives qui ont été introduites. J’appelle cela un besoin d’«assainissement », immédiatement applicable puisqu'il ne coûte rien.
Très souvent, quand un gouvernement de droite succède à un gouvernement de gauche il n’hésite pas à défaire les acquis sociaux ; quand c’est l’inverse, la gauche gouvernementale ne touche souvent à rien, autrement  dit elle consacre ce que la droite a fait. C’est une question de courage politique, courage qui doit aussi passer par l’identification de mesures structurelles, des grands axes de développement de la fonction publique du 21e siècle. Je pense à la gestion prévisionnelle à long terme des effectifs, l’amélioration de l’accès pour les femmes aux emplois supérieurs, une traduction effective de la mobilité (garantie fondamentale), la possibilité de changer de fonction en cours de carrière, etc.

 

Vous dénoncez régulièrement le lieu commun qui voudrait que les fonctionnaires soient des privilégiés. Vous proposez à cet effet d’utiliser un autre prisme de lecture dans la manière d’analyser les différences statutaires. Pouvez-vous nous préciser ce renversement  « culturel »?
Anicet Le Pors. Cela est encore insolite (bien que proche de certaines propositions de la CGT), mais je pense qu’au lieu de tirer les fonctionnaires vers le privé et ses conventions, la bonne solution serait plutôt de renforcer la base législative de tout ce qui peut sécuriser l’emploi dans le secteur privé. J’avance l’idée d’un statut du travailleur salarié du secteur privé qui élèverait la sécurité dans la continuité de leur vie professionnelle. Il faut que les personnels à statuts s’occupent de ceux qui ne sont régis que par des contrats collectifs ou individuels. La « révolution culturelle » que je souhaite défend l’idée que ce qui est normal ce n’est pas la précarité du privé, mais la garantie d’une vie sécurisée qui permet la liberté. Si on ne fait rien on va dériver vers ce qui est en vigueur dans le privé, mais ce n’est pas cela le progrès, il faut mettre en pièce ce raisonnement. Opposer à cette logique d’autres armes idéologiques.  Celles des valeurs du service public et de la fonction publique fondées sur trois principes. Premièrement un principe d’égalité par référence à l’article 6 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen qui a pour traduction d’entrer par concours dans la fonction publique. Deuxièmement le principe d’indépendance faisant que le fonctionnaire doit être propriétaire de son grade, ce qui le met à l’abri des pressions politiques, économiques et de l’arbitraire administratif, garanties de sa neutralité face à l’usager. Enfin le troisième principe est celui de la responsabilité selon lequel le fonctionnaire doit avoir tous les attributs de la citoyenneté française, qui entraîne qu’il doit rendre compte à la nation de l’exercice de sa mission conformément à l’article 15 de la Déclaration des droits. Ces 3 principes essentiels forment pour moi la conception du fonctionnaire-citoyen que j’oppose à la conception du fonctionnaire-sujet.  Il peut disposer, à ces conditions, des mêmes droits et devoirs que l’ensemble des citoyens. Contrairement à l’Allemagne ou, par exemple, les fonctionnaires ne disposent pas du droit de grève.

 

·        Rappel* : La citoyenneté selon Anicet Le Pors - 15 mai 2003 à St-Berthevin - 17 juillet 2006

·        Anicet Le Pors rappelle les principes de la fonction publique française - 27 septembre 2007

·        La conception française du service public, vue par Anicet Le Pors - 6 août 2008 

 

Cet article est le 36ème paru sur ce blog dans la catégorie Services publics

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