Notre société entretient un rapport réservé avec la science
Certaines interventions en Conseil national du Mouvement Républicain et Citoyen, le 15 novembre, ont abordé incidemment la question de la vaccination contre la grippe A (H1N1). Celles de Ladislas Polski, de Patrick Nivet et de Michel Jallamion, notamment.
- Ladislas Polski, médecin généraliste, a transmis un texte le 16 novembre, en tant que secrétaire national à la santé.
- Patrick Nivet, médecin hospitalier et conseiller municipal de Libourne, m’a communiqué le message qu’il a fait passer au personnel de la mairie le 18 novembre.
- Par ailleurs, j’ai retenu l’article de Paul Benkimoun, paru sur le site du quotidien Le Monde, le 16 novembre. Voici ces trois textes.
NOTE de Ladislas Polski SUR LA VACCINATION CONTRE LA GRIPPE H1N1 ET LES RETICENCES QU’ELLE SUSCITE
La campagne de vaccination contre la grippe A-H1N1 a commencé et, le moins que l’on puisse dire, c’est qu’elle suscite des réticences parmi nos concitoyens. Pourtant, l’épidémie progresse à grands pas, et cette grippe ne semble pas être une « grippette » ; comme en témoigne le nombre croissant de patients porteurs d’une grippe H1N1 confirmée admis dans les services de réanimation, la maladie peut entraîner des complications respiratoires graves et inhabituelles.
Or, un vaccin adapté est disponible pour éviter une pandémie. Aucun argument rationnel ne justifie de craindre l’administration de ce vaccin.
Les études cliniques n’ont mis en évidence aucun « signal de risque » concernant les adjuvants souvent incriminés ces dernières semaines, l’un d’eux étant d’ailleurs présent dans la composition d’un vaccin antigrippal déjà utilisé depuis plus de dix ans.
Quant au syndrome de Guillain-Barré, connu comme un effet secondaire neurologique exceptionnel des vaccins, il est beaucoup plus fréquemment induit, d’après les études statistiques dont on dispose pour la grippe saisonnière, par la grippe elle-même que par la vaccination contre le virus.
La méconnaissance de ces données objectives ne suffit sans doute pas à expliquer la grande réticence de nos concitoyens envers la vaccination, qui touche aussi les professionnels de santé, pourtant sensibilisés par leur formation aux bénéfices de la vaccination.
Assurément, plusieurs causes s’entremêlent :
- maladresses de communication de la Ministre de la santé soucieuse d’afficher une transparence totale,
- esprit rebelle de nos concitoyens hostiles par principe à toute nouvelle mesure potentiellement contraignante émanant des autorités,
- souvenir confus mais douloureux de graves affaires de santé publique comme celle du sang contaminé,
- perte de confiance dans la parole d’un gouvernement peu crédible, à cause de sa complaisance avec les puissances de l’argent, pour écarter les soupçons de ceux qui croient déceler une dimension mercantile dans cette campagne de vaccination.
Mais, outre ces considérations, il est nécessaire de s’interroger sur ce que ces réticences révèlent du rapport dégradé que notre société entretient avec la science. Au-delà de l’exigence légitime d’une indépendance des scientifiques faces aux pouvoirs politique et économique, il semble que c’est l’idée même du progrès scientifique qui est mise en doute, d’autant que la généralisation du « principe de précaution » alimente tous les scepticismes.
Il nous incombe de travailler à la promotion d’une approche rationnelle de ces questions et d’affirmer, face à tous les obscurantismes, que la raison et le progrès, comme le rappelait récemment Jean-Pierre Chevènement, sont des valeurs constitutives de la gauche et de notre identité républicaine.
Note de Patrick Nivet au personnel municipal de sa ville
De toute évidence, l'épidémie de grippe A (H1N1) reste une menace importante pour nos populations. Après une période de calme pour les mois de septembre et d'octobre, les diagnostics virologiques faits dans nos hôpitaux (y compris à Libourne) augmentent de manière importante et brutale.
A l'échelon international comme dans notre pays, des cas graves et directement mortels sont dénombrés notamment chez des jeunes parfois indemnes de tout facteur de risque, sans qu'il soit possible a ce jour d'en tirer de vraies conclusions sur la virulence exacte d'un virus nouveau et d'une épidémie qui n'a pas dit son dernier mot.
Le gouvernement pris au piège du Principe de précaution exacerbé a multiplié les appréciations et les décisions discutables et réussi par ses contradictions à ce que le doute vis-à-vis du principe même des vaccinations s'installe dans notre pays ; cela n'est pas acceptable.
La vaccination a permis d'éradiquer la variole de la planète, c'est un des progrès majeurs de l'histoire de l'humanité que l'obscurantisme de courants idéologiques rétrogrades et sectaires ne doit pas mettre en cause. Les conséquences négatives des vaccinations sont, en général, très modérées pour des avantages sans commune mesure avec eux.
Des millions de personnes sur la planète attendent avec impatience un vaccin contre le Paludisme qui tue tous les jours (une personne toutes les 30 secondes), d'autres souhaitent un vaccin contre le Sida, 600 000 enfants dans les pays pauvres pourraient être sauvés chaque année des épidémies de gastroentérite à Rotavirus si le vaccin qui existe pouvait être assumé financièrement par leur gouvernement....
Et nous, nous ferions les difficiles pour utiliser un vaccin qui peut limiter une épidémie aux conséquences graves parfois pour les malades et toujours désorganisatrice pour notre activité économique déjà mal en point ????
Je vous engage donc, tout en respectant votre liberté individuelle et sans dramatiser inutilement, à suivre les consignes de vaccination qui vous seront communiquées. C'est à mon sens un devoir, une vrai responsabilité personnelle vis-à-vis de soi, de sa famille et, finalement, de notre société tout entière.
Grippe A et vaccination : les quatre raisons d'une crise de confiance, par Paul Benkimoun
En dehors des contre-indications avérées, il ne devrait pas y avoir de raison d'être réticent à la vaccination contre la grippe pandémique. L'intérêt de se protéger individuellement d'une maladie qui peut prendre des formes graves et de ne pas transmettre à plus fragile que soi le nouveau virus grippal A (H1N1) aurait dû suffire, malgré la crainte d'effets indésirables, rares mais possibles, comme l'illustre la survenue d'un cas à confirmer de syndrome de Guillain-Barré. Alors, comment expliquer les doutes, les interrogations ou l'hostilité, reflétés par les médias, que suscite la campagne de vaccination de masse proposée à la population ?
Quatre catégories de raisons peuvent être individualisées, toutes exacerbées par la crise économique : celles liées aux incertitudes, les liens entre santé et argent, les réactions au cours suivi par la pandémie et une crise de confiance durable à l'égard des gouvernants et des institutions (…).
Cet article est le 41ème paru sur ce blog dans la catégorie Santé et sécu sociale.