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  • : Michel Sorin
  • : Le MRC 53 est la structure mayennaise du Mouvement Républicain et Citoyen, qui a pour but de rassembler la gauche républicaine à partir, notamment, des idées de Jean-Pierre Chevènement, l'un de ses fondateurs, qui n'est plus membre du MRC depuis 2015. Le MRC a pris le relais du Mouvement des Citoyens (MDC) après les élections de 2002. En 2022, le MRC est devenu membre de la Fédération de la Gauche Républicaine avec quatre autres organisations politiques.
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14 octobre 2013 1 14 /10 /octobre /2013 22:03

Vers la fin de l’Europe néolibérale et le début de quoi ?

 

La politique néolibérale menée au niveau européen, avec diffusion quasi obligatoire dans les Etats membres de l’Union, se heurte aux intérêts des peuples, ce qui ne l’empêche pas de continuer, en l’absence de politique alternative clairement affirmée.

 

Vers un changement d’époque ? C’est ce que pense Frédéric Lebaron alors que Bernard Cassen semble ne plus croire à la possibilité de survie de cette idée européenne « qui avait un réel potentiel progressiste ».  

Les deux auteurs ont, chacun, écrit un article publié le 30 septembre 2013 par Mémoire des luttes dont la belle devise est "Pour nos combats de demain, pour un monde plus libre, plus juste, plus égalitaire, plus fraternel et solidaire, nous devons maintenir vivante la mémoire de nos luttes".

 

Pour Frédéric Lebaron, un changement se prépare, mais quel changement ?

 

L’impasse des fausses alternances entre néolibéraux de gauche et de droite

 

(…) Pourtant, plusieurs signes laissent entrevoir la fin d’un cycle politico-économique déjà bien long. Le premier élément, lié aux conséquences de la crise économique mondiale en Europe, tient au changement de climat idéologique. Pendant les années 1980 et 1990, et pour une partie de l’opinion, le projet européen est encore un projet politique mobilisateur et intégrateur. Il est fondé sur des espoirs de progrès et de convergence des nations, avec l’horizon d’une « Europe sociale » qui combinerait au plus haut niveau performances économiques et solidarité sociale. En 2005, la victoire du « non » au référendum sur le Traité constitutionnel européen (TCE) montre que les limites de l’utopie sont déjà atteintes.

Huit ans plus tard, après l’intensification de la crise de la dette publique et l’accélération de la dynamique de mise en concurrence au sein de l’Europe, l’utopie est en cours d’inversion : nombre de citoyens constatent que la construction européenne sous hégémonie néolibérale n’a pas apporté le surcroît de bien-être collectif annoncé ; la monnaie unique s’est traduite par des contre-performances macroéconomiques et sociales de plus en plus contraires aux promesses initiales ; aucun processus de convergence entre pays et régions ne semble en cours ; au contraire, les divisions s’accentuent entre les différentes zones de l’Union européenne (UE) et donnent même lieu à des tensions entre Nord et Sud, Ouest et Est, etc. L’alliance entre droite et social-démocratie à l’échelle européenne, incarnée notamment par la convergence idéologique française, les « grandes coalitions » allemandes et la cogestion du Parlement européen, n’offre aucune perspective d’amélioration à court terme. La perte de crédit de la construction européenne devient un élément clé de l’horizon politique (…).

Le « déclin » européen s’exprime non seulement par de faibles performances macroéconomiques depuis trente ans, qui contrastent singulièrement avec les « miracles » de l’après-deuxième guerre mondiale, mais aussi par une soumission (politique et culturelle) accrue aux Etats-Unis, et par une perte de sens des objectifs mêmes des politiques économiques et sociales en Europe. Les obsessions de la « compétitivité » (à l’intérieur et à l’extérieur), de la concurrence sans limite et de l’insertion concurrentielle dans la finance et l’économie mondialisées se sont substituées au projet d’une société nouvelle avec un Etat social développé et efficace.

L’incapacité de l’Europe à exister politiquement dans les arènes internationales, manifeste récemment lors de la crise syrienne, est un autre signe qui révèle de façon larvée l’échec d’un projet politique qui s’est adossé au capitalisme financier et n’a pas su aller au-delà de la poursuite, de plus en plus incertaine et impuissante, du destin impérial des Etats occidentaux. Or, la financiarisation a profondément dégradé l’esprit public et a contribué au développement d’une sphère spéculative et rentière, pathologiquement instable, qui fragilise les « vieilles puissances » en les rendant de moins en moins capables d’investir dans l’avenir.

Mais le signe le plus patent d’un changement possible est peut-être, tout simplement, que les « vieilles solutions » ne marchent plus ou du moins semblent grippées. Les dirigeants socialistes français, derrière François Hollande, pensent sans doute que l’éternel retour électoral les favorisera à nouveau un jour, pour peu qu’ils suivent calmement la pente qu’ils ont choisie, celle d’un néolibéralisme modéré, socialement corrigé. Les dirigeants de l’opposition pensent, quant à eux, mobiliser largement autour du « ras-le-bol fiscal » lors des prochaines échéances, et profiter ainsi de la radicalisation extrême de l’électorat et des militants en avançant une nouvelle fois, trente ans après les émules de Friedman, la « solution libérale » qu’ils ont déjà testée à de nombreuses reprises.

Dans les périodes de crise, les choix passifs et adaptifs dictés par le passé deviennent moins efficaces. Alors qu’ils sont censés favoriser le consensus, ils tendent même à accentuer les dissensions politiques. C’est le cas aujourd’hui de façon évidente au sein du PS et de ses actuels ou anciens alliés (Verts, PCF) : le sentiment d’un changement d’époque pousse à l’expression croissante de désaccords multiples, ce qui conduit l’espace politique à une forme de dislocation ou de fragmentation de plus en plus caractérisée.

A droite, la pression exercée par le Front National se traduit par des évolutions de plus en plus chaotiques, les plus « modérés » en apparence (comme l’ancien séguiniste François Fillon) devenant les plus « audacieux » dans les ruptures avec les « tabous ». Le déplacement du débat public vers l’extrême-droite, qui n’a cessé de s’accentuer depuis trente ans, produit ainsi des effets dans tout le champ politique, et bien sûr au sein du gouvernement socialiste, avec un ministre de l’intérieur largement converti à la rhétorique sarkozienne. L’éclatement idéologique ne cesse ainsi de s’accentuer de part et d’autre.

Chacun sent obscurément qu’il se passe quelque chose, mais il est bien difficile de comprendre les processus d’un changement d’autant plus opaque qu’il n’est pas clairement conscient dans les cerveaux de ses acteurs. Cette dynamique apparemment chaotique correspond bien aux traits de ce que l’on appelle une période de transition ou encore… un changement d’époque.

 

Pour Bernard Cassen, l’Europe actuelle ne peut survivre

 

Peut-on être encore « européens » ?

 

Dans les maisons d’édition, le constat est unanime : les livres sur l’Europe se vendent mal. Ce phénomène n’est pas nouveau, mais ses causes ont sans doute évolué au fil des années. Pendant quelques décennies, la construction européenne est apparue comme un dispositif lointain, que la masse des citoyens – quand elle était consciente de son existence – regardait de l’extérieur. Le sujet n’intéressait vraiment que les dirigeants politiques et administratifs, les industriels et les financiers, et certains universitaires dont les travaux – dès lors qu’ils restaient dans les limites de l’orthodoxie – étaient généreusement subventionnés par la Commission européenne. Le seul secteur d’activité dont pratiquement tous les membres étaient familiers des institutions de Bruxelles était celui de l’agriculture en raison de la mise en place, dans les années 1960, d’une politique agricole commune.

C’est seulement à partir du traité de Maastricht (1992) que les opinions ont commencé à prendre conscience d’une évidence : dans les domaines les plus importants, les politiques nationales ne sont rien d’autre que la déclinaison locale de politiques décidées au niveau européen par les gouvernements à partir des propositions de la Commission – institution n’ayant de comptes à rendre à personne –, et toujours dans une logique ultralibérale. La création de l’euro, sous la férule d’une Banque centrale européenne (BCE) indépendante, en a été la disposition la plus emblématique.

Une douzaine d’années plus tard, les débats autour du traité constitutionnel européen (2005) ont permis à un nombre croissant de citoyens de s’approprier encore davantage la question européenne. Et ils n’ont pas aimé ce qu’ils avaient ainsi appris à connaître… L’atteste, entre autres éléments d’appréciation, la victoire du « non » aux référendums français et néerlandais. Longtemps « objet politique non identifié » – pour reprendre la formule de Jacques Delors –, l’Europe s’est peu à peu installée dans les esprits non seulement comme un acteur central, mais surtout comme un acteur hostile aux aspirations populaires, suscitant en retour un rejet croissant.

Au cours des cinq dernières années, la gestion de la crise financière par les institutions et les gouvernements européens n’a fait qu’exacerber ce rejet. Le sauvetage des banques et de l’euro, avec la conversion massive des dettes privées en dettes publiques à la charge des contribuables, sont apparues comme leurs seuls objectifs, quel qu’en soit le prix social à payer, surtout dans les pays du Sud : explosion du chômage, baisse des salaires et des retraites, démantèlement de la protection sociale et des systèmes de santé, licenciements de fonctionnaires, privatisations des biens publics, etc.

Le prix démocratique n’a pas été moins élevé. En témoignent notamment, d’un côté, la création d’une nouvelle police européenne, la troïka (Commission, BCE, FMI) qui dicte déjà sa loi à une demi-douzaine d’Etats relégués au statut de républiques bananières, et, d’un autre côté, les pouvoirs exorbitants de censure des budgets nationaux confiés à la Commission par des gouvernements de droite ou prétendument « de gauche », comme celui de François Hollande. Parler aujourd’hui de souveraineté des peuples et de leurs élus au sein de l’Union européenne relève de la plaisanterie.

Alors, face à ce naufrage, comment rester encore « européens » ? L’extrême-droite, en ascension fulgurante dans plusieurs pays, a choisi de ne plus l’être du tout. Mais faute de remettre en cause les fondements de l’Europe réellement existante, les partis de l’arc démocratique, et en premier lieu ceux se réclamant de la gauche, auront, plus encore, contribué à enterrer une idée qui avait un réel potentiel progressiste.

 

Voir aussi : Bernard Cassen : la France peut construire un autre modèle européen - 10 oct. 2012 

 

Et, rappel : Le projet du MRC pour une autre Europe : réorienter ou tout changer - 7 août 2013 

Cet article est le 130ème paru sur ce blog dans la catégorie France et Europe

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