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  • : Michel Sorin
  • : Le MRC 53 est la structure mayennaise du Mouvement Républicain et Citoyen, qui a pour but de rassembler la gauche républicaine à partir, notamment, des idées de Jean-Pierre Chevènement, l'un de ses fondateurs, qui n'est plus membre du MRC depuis 2015. Le MRC a pris le relais du Mouvement des Citoyens (MDC) après les élections de 2002. En 2022, le MRC est devenu membre de la Fédération de la Gauche Républicaine avec quatre autres organisations politiques.
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30 octobre 2012 2 30 /10 /octobre /2012 18:19

Réforme raisonnée impossible, révolution inévitable ?...

 

Les politiques anticrise sont dans une impasse. C’est ce qu’affirme Henri Regnault* dans L’impasse (La Crise n° 21, octobre 2012).

Entre gesticulations conjoncturelles impuissantes et agenda structurel au point mort, la crise poursuit inéluctablement son cours, nous rapprochant chaque jour un peu plus de l’irréparable, c'est-à-dire des fractures sociétales qui conduisent aux guerres civiles larvées ou ouvertes et des fractures internationales qui ne peuvent mener qu’à des fuites en avant fatales. Pourtant l’analyse des causes profondes de la crise est bien documentée : entre inégalités galopantes, système monétaire international aberrant et système financier jouant son profit contre l’économie réelle, rien n’est hors de portée d’une volonté réformatrice affirmée.

A croire que la réforme raisonnée est impossible et la révolution inévitable bien qu’hasardeuse dans ses effets.

Bonjour les dégâts ! 

 

Henri Regnault est l’auteur du concept de la « Très grande Crise Multidimensionnelle » (30 décembre 2009). Il s’exprime depuis cinq ans dans une « lettre plus ou moins trimestrielle, gratuite et sans abonnement » et il ne cache pas son pessimisme « je ne peux que constater que la situation empire et que, faute de détermination politique face aux forces énormes d’une finance décidée à défendre ses privilèges jusqu’au déni de réalité le plus insensé, nous fonçons tout droit dans le mur de l’indécence sur lequel les sociétés les plus équilibrées ne peuvent que se briser ».

 « (…) J’écrivais en juillet dernier que les scénarios « Retour des Etats » étaient les plus probables et les Scénarios « Perte de contrôle » pas impossibles mais beaucoup moins probables (le scénario de « confirmation des marchés » étant lui strictement impossible).

 Je voudrais maintenant nuancer ce propos : pour s’engager dans les scénarios Retour des Etats et écarter le risque de la perte de contrôle, encore faudrait-il que les Etats arrêtent de jouer les grands frileux et reviennent pour de vrai, sans demander l’autorisation aux marchés… afin de sortir de l’impasse actuelle qui est d’abord et avant tout une impasse conceptuelle.

Elle consiste à penser que le traitement de cette crise relève d’un policy mix judicieux, c'est-à-dire d’un panachage pertinent de politique budgétaire et de politique monétaire, donc des deux grandes catégories de la politique conjoncturelle. D’où un débat très vif entre keynésiens et anti keynésiens et tout économiste ou homme politique aujourd’hui est sommé de dire s’il est keynésien (comprendre adepte de politiques de relance, considéré par ses adversaires comme laxiste !) ou bien anti-keynésien (comprendre adepte d’une politique rigoureuse visant au premier chef au désendettement des agents économiques et en particulier des Etats).  

Pour ma part je refuse de me situer dans cette alternative et je me définis comme un « akéneysien » face à cette crise, c'est-à-dire que l’analyse que je fais des perspectives de sortie de crise se situe, bien au-delà d’une démarche conjoncturelle, dans une approche structurelle. Nous sommes dans une Très Grande Crise Multidimensionnelle (TGCM), très différente de la Crise des années 30 sur laquelle sont fondées l’analyse et les politiques keynésiennes, comme j’ai commencé à le dire et à l’écrire en 2009.

C’est ainsi qu’en novembre 2009 dans un exposé (« Très Grande Crise Multidimensionnelle, destruction créatrice et territoires ») au Conseil Régional PACA à Marseille à l’occasion du séminaire organisé par la CRPM, « Sortir l’Europe de la Crise : les réponses des régions », je proposais un tableau comparatif (reproduit ci-dessous) entre la crise des années 30 et la crise actuelle :

 

         La non comparabilité entre la Grande Dépression et la TGCM

  

Critères de comparaison             Grande Dépression des années 30      TGCM depuis 2007, en cours

 

Nature profonde de la crise             Crise dans la relation           Crise dans la relation homme-homme                           

     Homme- homme                          + homme - nature

 

Caractérisation technologique        Crise à technologie constante  Crise à rupture technologique

 

Caractérisation économique            Crise de demande                        Crise de demande à court terme

+ crise d’offre non soutenable

à long terme

 

Politique de sortie de crise                Politique de relance                     Politique d’innovation

 

Auteur de référence                             Keynes**                                        Schumpeter***

 

** Pour une réhabilitation de Keynes (Cécile Chevré, 29 octobre 2012) dans La Quotidienne d'Agora et *** Joseph Aloïs Schumpeter

 

Ce tableau comparatif serait aujourd’hui à reprendre et à compléter car il n’insiste pas suffisamment sur deux différences entre la crise des années 30 et la crise actuelle :

- L’internationalisation beaucoup plus forte des économies ce qui rend indispensable une plus grande attention aux politiques de change et aux politiques commerciales

- Le rôle majeur aujourd’hui d’une spéculation financière tous azimuts, encore plus sophistiquée et détachée de l’économie réelle.

A l’inverse, ce tableau introduit une dimension « homme-nature » dont je ne traite pas dans mes scénarios ci-dessus, qui n’abordent que de la dimension sociale de la crise. Mais si par bonheur la crise sociale - la dimension homme-homme - était dépassée et que la croissance reprenait, la dimension homme-nature d’un monde fini reprendrait le dessus et la croissance, à technologie constante, viendrait buter sur la limite des ressources naturelles, d’où l’importance de la recherche et de l’innovation, en particulier dans le domaine énergétique (renouvelable, nucléaire alternatif – voie thorium ? – hydrogène) et agricole (troisième révolution agricole, en cours).

Mais, sur le fond et pour l’essentiel, cette revendication akeynésienne cadre les limites de l’action conjoncturelle, renvoyant dos à dos laxistes et rigoristes, keynésiens et anti-keynésiens. La relance, sous forme budgétaire ou sous forme monétaire, ne conduit nulle part.

Sous forme budgétaire, elle a pu être utilisée comme première réponse à la crise, après le choc Lehman ; elle est aujourd’hui strictement impossible faute de marge de manoeuvre budgétaire, dans une période où, si le désendettement peut et doit être étalé, un endettement supplémentaire est difficilement concevable.

Sous forme monétaire, par gonflement de la base monétaire des banques centrales, elle est abondamment pratiquée mais n’embraye pas sur l’économie réelle (…). Quant aux politiques de rigueur en vue d’un désendettement accéléré, elles débouchent sur l’effet inverse : recul de l’activité et donc des recettes fiscales, d’où une impossibilité de réduire déficit et endettement.

 

Bref, les politiques conjoncturelles sans perspectives structurelles claires ne font que tourner en rond au fond d’une impasse, sans produire d’effets positifs notables et sont susceptibles de nous rapprocher des scénarios de perte de contrôle.

Pour accéder aux scénarios « Retour des Etats », il est nécessaire de remplir certaines conditions qui s’inscrivent dans un agenda structurel de traitement des causes profondes de la crise. Il faudrait remplir deux objectifs de l’agenda interne de chaque pays ou zonemettre hors d’état de nuire la finance spéculative (et reprendre au passage le contrôle de la dette souveraine) et promouvoir un recul des inégalités (...)

  

* Voir Présentation générale de la Crise. Henri REGNAULT est Professeur d’Economie à l’Université de Pau et des Pays de l’Adour. Diplômé de l’ESSEC et de Sciences Po avant d’obtenir un doctorat d’Etat à Paris Dauphine, il a commencé sa carrière universitaire au Maghreb à la fin des années 70, en Algérie puis en Tunisie, et s’est spécialisé en Economie du Développement et Economie Internationale, travaillant sur les relations Nord-Sud, en particulier sur les terrains méditerranéen, latino-américain et plus récemment asiatique. Il a dirigé le GRERBAM (Groupe de Recherche sur Economies Régionales du Bassin Méditerranéen), puis le Groupement de recherche du CNRS EMMA (Economie Méditerranée Monde Arabe) et anime le Réseau Intégration Nord-Sud (RINOS). Par ailleurs, depuis septembre 2007, il écrit « LA CRISE », lettre trimestrielle.

  

Cet article est le 132ème paru sur ce blog dans la catégorie Capitalisme

 

Article paru le 30 octobre 2012 sur http://mrc53.over-blog.com

   

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