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  • : Michel Sorin
  • : Le MRC 53 est la structure mayennaise du Mouvement Républicain et Citoyen, qui a pour but de rassembler la gauche républicaine à partir, notamment, des idées de Jean-Pierre Chevènement, l'un de ses fondateurs, qui n'est plus membre du MRC depuis 2015. Le MRC a pris le relais du Mouvement des Citoyens (MDC) après les élections de 2002. En 2022, le MRC est devenu membre de la Fédération de la Gauche Républicaine avec quatre autres organisations politiques.
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11 août 2007 6 11 /08 /août /2007 15:22

 

L’agroalimentaire sous l’influence directe des marchés

 Le Monde, daté du 8 août, en a fait le gros titre de sa première page et son éditorial : le renversement du marché du lait en France et dans le monde.

 Des excédents structurels européens (la Politique agricole commune (PAC) ne savait qu’en faire), on passe à la « pénurie mondiale de lait » qui provoque la montée des prix des produits laitiers, ce qui ne manque pas d’inquiéter les consommateurs, dorlotés depuis longtemps par des conditions favorables (alors que les producteurs n’étaient pas à la fête, avec une baisse de 10% du prix du lait entre 2003 et 2006, ce qui en a découragé plus d’un - 5000 décrochent chaque année en France).

 Le cheptel laitier a diminué de 2% en 2006. La fièvre aphteuse, découverte en 2001 dans des élevages mayennais, avait été à l’origine de nombreux abattages de vaches (58 000 selon Jérôme Porier, Le Monde, 8 août).

 Il est clair que la réforme de la PAC, décidée à Bruxelles en 2003 par les ministres de l’agriculture des 15 pays de l’Union européenne, a contribué à démotiver les producteurs de lait, les aides publiques n’étant plus désormais liées à la production.

 Jérôme Porier, dans ce même article du Monde, rappelle que la France est le deuxième pays producteur de lait d’Europe (l’Allemagne l’ayant dépassé lors de la réunification, grâce aux grandes exploitations laitières de l’est) avec 3,8 millions de vaches et 100 000 producteurs qui ne parviennent pas à réaliser le quota accordé à la France jusqu’en 2015. La collecte européenne 2006-2007 a atteint son plus bas niveau depuis 15 ans (126 milliards de litres). La demande, par contre, ne cesse de croître (fromages, produits frais).

 C’est le même constat au niveau mondial

 La consommation est en forte hausse dans les pays en développement (classes moyennes à nouvelles habitudes alimentaires en Asie, en Amérique latine et en Europe de l’est, de nouveaux besoins notamment en Chine, en Inde et en Russie).

 La hausse des prix du lait à la production devrait continuer (environ 10% d’ici la fin 2008), la production mondiale ayant été ralentie par la sécheresse en Australie (amputation d’un milliard de litres, selon Luc Morelon, porte-parole du groupe laitier mayennais Lactalis, premier fabricant mondial de fromages).

 Sur 620 milliards de litres produits chaque année dans le monde, seulement 7% sont exportés. Sur le marché mondial, les hausses de prix sont spectaculaires. Depuis un an, le cours de la tonne de la poudre de lait a augmenté de 80%, celui du beurre industriel de 50%. Aux USA, le prix du lait a bondi de 50% en 5 mois. Et l’épidémie de fièvre aphteuse qui menace les cheptels anglais risque d’accroître encore les tensions…

 A ce tableau laitier, il convient de joindre ceux du blé et du maïs.

 « La sécheresse en Australie et dans le sud-est de l’Europe a fait augmenter les cours du blé. La production croissante de bioéthanol aux USA a fait flamber le cours du maïs » (Lucien Bourgeois, APCA, L’agriculture en chiffres, juillet 2007). « C’est la première fois depuis 40 ans que le prix mondial du beurre dépasse le prix européen ! D’une manière générale, la volatilité des prix ne cesse de croître à cause de la suppression du stockage et des mécanismes de régulation des marchés. On va prendre conscience avec nostalgie que les politiques agricoles étaient bien utiles aux consommateurs ! »

 Lucien Bourgeois ajoute que « les déséquilibres actuels concernent l’ensemble des échanges mondiaux. Les USA importent deux fois plus de produits qu’ils ne sont capables d’en exporter. Cela veut dire en clair que les habitants de ce pays consomment 6 à 7% de plus qu’ils ne produisent (…). Curieuse situation où l’épargne des Chinois permet aux Américains de vivre au-dessus de leurs moyens. Chaque Américain bénéficie ainsi d’un transfert de plus de 2000 dollars par an ! Privilège exorbitant des USA de faire fonctionner la planche à billets (…). La situation actuelle est tellement favorable aux USA qu’on comprend leur opposition à tout changement. Le risque de crise est croissant.

 Il serait dommage alors de regretter la disparition des outils de coordination dont on disposait dans les politiques agricoles et économiques de l’UE ».

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10 août 2007 5 10 /08 /août /2007 16:46

 

Le pouvoir politique est responsable des troubles

 On a pu lire hier sur www.liberation.fr des articles bien documentés sur la question du maïs transgénique MON 810, commercialisé par la firme américaine Monsanto, le seul maïs OGM autorisé en France (semence considérée comme étant  résistante à certains insectes ravageurs).

 Cette autorisation a été donnée par le gouvernement Jospin en 1998 à la suite d’une décision communautaire précédée d’une évaluation démontrant l’absence de caractère nuisible pour la santé et l’environnement.

 C’est ce qu’on peut lire sur le site d’information créé par le gouvernement concernant cette question : www.ogm.gouv.fr/mise_marche/registre_cultures/registre_cultures.htm.

 Mais cette autorisation peut aussi être interprétée comme une concession faite à la firme pour implanter ses produits OGM en Europe. Les gouvernements français n’ont pas, depuis 1998, organisé la cohabitation en cultures des semences OGM avec les autres, non OGM. Ils n’ont pas assumé leurs responsabilités en légiférant ou en organisant un referendum sur la question des produits alimentaires transgéniques (selon les sondages, la majorité des Européens - environ 70% des Français - est opposée à la consommation d’aliments contenant des OGM).

 Quand le président de la République affirme qu’il tient ses engagements, ce doit être de manière sélective puisque, dans le contrat de législature 2007-2012 de l’UMP, il est écrit « Ne pas accepter les utilisations des OGM en l’état des connaissances scientifiques » (Le Monde, 14 juillet 2007, Hervé Kempf).

 Toutefois, il est vrai que l’Europe agricole n’est pas réellement maître de ses choix en matière d’aliments  pour ses porcs et ses volailles (voir Ouest-France, 22 juin 2007, Luc Vernet). Ses importations de tourteaux de soja américain (USA, Brésil, Argentine) sont incontournables, des engagements négociés ayant été pris en ce sens. Or, il s’agira, de plus en plus, de filières OGM.

 En cas d’arrêt de ces importations, il n’y a pas de plan B… L’Union européenne devra alors choisir entre les OGM et une moindre dépendance à l’importation. Ce sera le moment d’opter (enfin !) pour une politique agricole et alimentaire européenne.

 Voici des extraits de Libération, 9 août, et, d’abord, des infos utiles.

 « OGM, qu’est-ce que c’est ?  Un organisme génétiquement modifié (OGM) est créé par la modification de l’identité génétique d’un organisme existant (animal, végétal, bactérie), grâce à une technique de «génie génétique», afin de lui conférer une caractéristique nouvelle.

 Que dit la loi ?  En France, les OGM ne peuvent être cultivés qu’après une procédure d’évaluation des risques sur la santé et l’environnement. Un registre national recense les parcelles : www.ogm.gouv.fr/mise_marche/registre_cultures/registre_cultures.Htm 

 0,9%.  L’Union européenne a imposé que tous les produits alimentaires contenant plus de 0,9 % d’OGM ou dérivés soient étiquetés. Mais le lait ou la viande d’un animal nourri aux aliments génétiquement modifiés ne sont pas étiquetés.

 22.  Vingt-deux pays cultivent des OGM en 2006, soit onze pays en développement et onze pays développés. Avec en première place les Etats-Unis (54,6 millions d’hectares), suivis de l’Argentine (18 millions), du Brésil (11.5 millions), puis du Canada, de l’Inde et de la Chine.

 60%.  Le soja est le principal organisme génétiquement modifié cultivé dans le monde, puisqu’il représente 60% de la superficie mondiale de cultures d’OGM. Il est suivi par le maïs (24 %), le coton (11 %) et le colza (5 %).

 102.  Depuis la commercialisation en 1996 des cultures transgéniques, leur exploitation a très rapidement augmenté dans le monde pour atteindre 102 millions d’hectares en 2006, soit une multiplication par  50 depuis 1996 (source: ISAAA) ».

 Le gouvernement va devoir clarifier sa position vis-à-vis des produits OGM afin d’éviter la multiplication des conflits sur le terrain entre les producteurs. Des confrontations qui risquent de se produire au sein des groupements et des Coopératives, quand ce n’est pas au niveau des agriculteurs eux-mêmes, empêtrés dans des situations pas claires, ce qui peut les inciter au pire, comme on a pu le voir avec le cas de cet agriculteur du Lot qui s’est suicidé. Voici ce qu’a écrit Alexandra Schwartzbrod, hier, dans Libération.

 « Ogm : le conflit en terrain fertile »

 Le suicide d’un exploitant, dimanche, accroît les tensions entre militants écolos et agriculteurs. L’Etat attend la rentrée pour agir.

 « Personne, ou presque, dans sa commune ou son entourage, ne savait qu’il cultivait du maïs génétiquement modifié. Pas même sa femme. Seul son frère, avec qui il dirigeait son élevage de porcs, était dans la confidence. C’est dans ce climat de solitude que Claude Lagorse, 46 ans, père de quatre enfants de 13 à 20 ans, s’est donné la mort dimanche, en se pendant à un arbre de son champ de Girac (Lot), où des militants avaient prévu d’organiser le jour même un pique-nique anti-OGM.

  Bien sûr, des problèmes personnels ont peut-être ajouté au désespoir de cet homme qui sera enterré cet après-midi dans son village, sans doute accompagné d’une foule de sympathisants au vu des réactions très vives suscitées par ce drame. Mais tout indique que son geste a été en grande partie motivé par les attaques dont il commençait à être la cible de la part des militants anti-OGM.

 Amende.  Cet acte isolé pourrait constituer un tournant dans la guerre qui oppose ­depuis quelques années en France - et de plus en plus brutalement - partisans et détracteurs des organismes génétiquement modifiés. Une guerre que les pouvoirs publics n’ont rien fait pour calmer, bien au contraire, entretenant sciemment le flou sur ce dossier et ignorant les demandes de transparence avancées, année après année, par les écologistes (lire p. 4).

 Aussi incroyable que cela puisse paraître, l’agriculture française n’a en effet toujours pas de législation claire en matière d’OGM.

 Faute de pouvoir programmer avant l’élection présidentielle un vrai débat au Parlement sur le sujet - projet repoussé en raison de son caractère explosif -, le gouvernement Villepin s’était contenté de publier en mars deux décrets visant à transposer en catastrophe la directive OGM européenne de 2001. Objectif : éviter de payer l’astreinte et l’amende imposées fin 2006 par Bruxelles.

 Ces décrets, qui n’évoquent pas les problèmes de coexistence (et donc de dissémination) entre cultures - le véritable nœud du problème - avaient fait hurler les écologistes qui, depuis, ne cessent de réclamer un moratoire. La semaine dernière encore, les faucheurs volontaires étaient dans le bureau de la secrétaire d’Etat à l’Ecologie, Nathalie Kosciusko-Morizet, pour exiger ce moratoire. En vain. Le gouvernement a décidé de reporter tout débat au Grenelle de l’environnement qui se tiendra en octobre à Paris.

 Feu vert.  Il n’y a pas qu’en France qu’on s’écharpe sur le sujet. Si en Grande-Bretagne le consensus est quasi total contre les OGM, en Allemagne la polémique fait rage. Hier, le cabinet d’Angela Merkel a donné son feu vert à la culture de maïs transgénique, à condition que les champs d’OGM se trouvent à une distance minimum de 150 mètres des champs de maïs traditionnels et à plus de 300 mètres de champs de maïs bio. Des mesures qualifiées d’ «irresponsables» par les écologistes car, selon certains d’entre eux, «elles invitent les cultivateurs allemands à expérimenter la technologie génétique au grand air».

 Bref, la graine de la discorde est plantée. Et elle n’est pas prête d’être déterrée ».

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12 juillet 2007 4 12 /07 /juillet /2007 18:30

 

Près de 20 000 hectares de maïs OGM en 2007

 La presse a commenté la semaine dernière l’évolution des surfaces cultivées en maïs transgénique en France. Quatre fois plus en 2007 qu‘en 2006… Certes, il convient de relativiser. Les surfaces en maïs OGM représentent moins de 1% des surfaces totales en maïs. Toutefois, la carte met en évidence une extension vers le nord et la vallée du Rhône. C’est une directive européenne qui oblige, cette année, l’Etat à créer un registre national.

 Surprise : une parcelle en Mayenne, dans le canton de Craon, selon Ouest-France, 10 juillet. La Direction départementale de l’agriculture et des forêts (DDAF) en a eu connaissance par la déclaration des cultures pour la Politique Agricole Commune (PAC). Seulement 17 ares (0,17 ha) pour cette première en Mayenne.

 Voici ce qu’on a pu lire le 6 juillet dernier sur www.lefigaro.fr sous la signature de Laurent Suply. Je renvoie à l'article paru le 20 mars 2007 sur ce blog (catégorie "Agriculture et PAC"), qui présente ma position sur les OGM.

 « La carte du maïs transgénique en France »

 Les cultures de maïs OGM sont concentrées dans le sud-ouest de l’Hexagone.

 « 19815 hectares. Telle est, selon le registre national des cultures OGM, la surface de maïs transgénique cultivée en France en 2007. Il s’agit du maïs « MON 810 », produit du semencier Monsanto et seule semence OGM à vocation commerciale autorisée à l’heure actuelle en France. La céréale transgénique est cultivée sur 2936 parcelles à travers le pays. Ces données ont été publiées le 4 juillet sur le site gouvernemental www.ogm.gouv.fr. Une obligation, depuis l’institution du registre par un arrêté de mars 2007. La mise en ligne fût discrète, par le biais d’un tableur Excel plutôt rébarbatif. On y découvre que deux cantons français accueillent plus de 1000 hectares de MON 810. A Muret, en Haute-Garonne, on dénombre 1.414 hectares de maïs sur une surface totale de 16 769 ha, soit 8.4% de la surface du canton. 

 Une tendance réelle

Greenpeace, l’organisation non gouvernementale de protection de la nature, fermement opposée aux OGM, s’est emparé de ces chiffres et en a fait, dès le lendemain, une carte des plus parlantes (à droite et voir la carte en PDF). Les cultures OGM apparaissent clairement concentrées dans un quart sud-ouest de la France. Problème : les données du registre national ne concernent que 13 régions. Contact é par lefigaro.fr, Patrick Tallon, de la direction générale de l’alimentation, souligne que ces chiffres sont basés sur les déclarations des agriculteurs. Même si celles ci sont obligatoires, il est possible que certains producteurs du nord ou de l’ouest ne se soient pas conformés à la règle de mars 2007. Mais, « la tendance (de la concentration dans le sud-ouest, ndlr) est réelle, et s’explique par le fait que les producteurs vendent leur maïs OGM en Espagne ».

 Le ministère de l’Agriculture signale par ailleurs qu’une carte cliquable est en chantier depuis plusieurs semaines, et que la mise en valeur des chiffres par Greenpeace ne tient qu’à la rapidité de l’ONG.

 Au niveau national, les quelque 20.000 hectares de maïs OGM sont à mettre en rapport avec les 3 millions d’hectares de maïs non-transgénique, réparti pour moitié entre le maïs ensilage (destiné au fourrage du bétail) et le maïs grain. Mais le maïs OGM semble en passe de décoller. Cette culture occupait environ 3.000 hectares en 2005, et 5.000 en 2006. Une progression qui s’explique par le bon prix que les producteurs retirent du MON 810. Outre les économies en insecticide, ils parviennent souvent à vendre leur produit au-delà du cours du maïs non-OGM ».

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14 juin 2007 4 14 /06 /juin /2007 19:39

 

Déconnecter les politiques agricoles de l’OMC

 Dans la Lettre économique de juin  (http://paris.apca.chambagri.fr/download/apca/k/Temp/LetEco0706.pdf)

 Lucien Bourgeois, responsable des études économiques et de la prospective aux Chambres d’agriculture (APCA), évoque le changement de contexte des marchés mondiaux des produits agricoles. 

« Il y a deux ans, on pensait que le monde était abonné à l’abondance de matières premières agricoles. Il n’était question à l’Organisation mondiale du commerce (OMC) que de diminuer les aides dans les pays riches pour permettre aux pays pauvres de profiter de leur avantage comparatif. Les USA étaient en désaccord car leurs agriculteurs risquaient de perdre trop.

 Entre temps le prix du maïs a presque doublé. Explication : la décision des USA d’affecter un quart de leur récolte de maïs à la production d’éthanol (cela correspond à 3% seulement de la consommation de carburants mais à 75% du marché mondial du maïs), ce qui fait monter le prix du mais et permet d’alléger les aides au revenu agricole. Voilà une des difficultés de l’accord OMC qui est levée !

 Les problèmes agricoles dans le monde ne sont pas résolus pour autant.

 Le postulat de base à l’OMC est que tout se passerait mieux si les Etats cessaient d’intervenir et laissaient les marchés assurer l’équilibre entre l’offre et la demande.

 C’est oublier que le maïs est un aliment du bétail et, maintenant, un carburant pour les USA, et qu’il est un élément de base de la nourriture des hommes au Mexique. 

Or, pour le marché, les réservoirs des automobiles des pays riches seront un débouché plus rentable que les estomacs humains dans les pays pauvres. C’est cela qui explique, d’ailleurs, que le monde produisait trop alors que 850 millions de personnes souffraient de la faim et que deux milliards avaient des carences. La communauté mondiale ne sait toujours pas répartir les richesses entre les hommes, même dans un secteur aussi stratégique que l’alimentation ». 

  Lucien Bourgeois conclut qu’un accord bâclé à l’OMC ferait sans doute plus de mal que de bien surtout dans la partie du monde qui a faim. Il regrette que l’enjeu collectif essentiel, qui est l’alimentation de 6,5 milliards d’êtres humains, ne soit pas pris en compte.

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28 mai 2007 1 28 /05 /mai /2007 20:02

 

Corriger la lourdeur hyper-bureaucratique de la PAC

 L’hebdomadaire agricole et rural « L’Avenir agricole » demande aux candidats aux élections législatives en Mayenne, Sarthe et Maine-et-Loire, de répondre à une question « Quelle mesure concrète défendrez-vous prioritairement à l’Assemblée nationale ? ».

 

 Voici la réponse que j’ai faite ce jour en prenant un peu de champ par rapport à la question posée. Au vu de l’espace réservé aux premières réponses, seul le début de ce texte sera publié par le journal.

  « S’il n’y avait qu’une mesure concrète à défendre, ce serait de reconsidérer la mise en œuvre de la conditionnalité des aides directes, sans attendre le bilan de santé de la PAC en 2008 et, plus globalement, de revoir l’ensemble des règles administratives qui enserrent le monde agricole dans un système ultra-bureaucratique à l’initiative de la Commission européenne, mais avec l’accord des gouvernements jusqu’à présent.

 Il faudrait aussi reconsidérer la gestion française des aides directes en les régionalisant.

 A terme, ces aides publiques devraient être plafonnées et réorientées vers les petites et moyennes exploitations, en lien avec des objectifs sociaux et territoriaux définis à l’échelon régional ou inter-régional.

 Il faut être conscient que la France n’a plus de politique agricole ; elle se limite à accompagner les mesures libérales préconisées par la Commission européenne. La PAC elle-même n’est plus une politique agricole car elle est sous la tutelle des options de négociation commerciale à l’OMC. Elle se réduit à la gestion de mécanismes.

 Notre pays doit se doter d’une nouvelle politique agricole qui tienne compte en priorité des besoins alimentaires actuels et futurs de la population, dans le cadre d’une approche globale, intégrant les besoins au niveau mondial et des objectifs sociaux et environnementaux.

 Cette politique nouvelle doit viser à réorienter et refonder la PAC en tenant compte de ses principes fondateurs (la protection de l’espace européen, notamment) et des éléments nouveaux qui sont en train de bouleverser la donne mondiale, en particulier la nécessité de produire des denrées pour faire face aux besoins alimentaires d’une part, et le redressement des prix des matières premières agricoles d’autre part.

 La libéralisation des échanges commerciaux et les mesures de dérégulation restent les principales préoccupations de l’OMC. Il faudrait une volonté politique des parlements et gouvernements des pays membres de l’Union européenne pour mettre en priorité les questions alimentaires et les conséquences des bouleversements climatiques sur la vie humaine ».

Michel SORIN , ingénieur agronome, délégué national MRC à l’agriculture, est candidat MRC dans la 1ère circonscription de la Mayenne.

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18 mai 2007 5 18 /05 /mai /2007 20:50

 

L’agriculture sous la tutelle de l’OMC et de Mme Lagarde  

 

La nomination de la nouvelle ministre de l’agriculture et de la pêche n’a pas pu se faire sans le feu vert de la FNSEA. D’ailleurs, le président de la République a reçu tout récemment Jean-Michel Lemétayer, qui préside le syndicat majoritaire des agriculteurs français et, depuis quelques semaines, est à la tête des agriculteurs européens.

 Celui-ci avait une double préoccupation : le maintien du ministère de l’agriculture et la position de la France dans les négociations commerciales à l’OMC. Avec la nomination de Mme Lagarde, il a obtenu une double satisfaction. L’ancienne ministre du commerce extérieur a suivi de près, avec son collègue de l’agriculture, tout ce qui touche à l’Organisation Mondiale du Commerce. Elle ne sera pas novice au moment de discuter avec le directeur de l’OMC, Pascal Lamy, et le commissaire européen chargé du commerce, Peter Mandelson, qui porte les intérêts européens dans ces négociations.

 Que fera la nouvelle ministre de l’agriculture ? Son parcours professionnel antérieur à son engagement ministériel est relaté par Michel Moine sur son blog www.michel-moine.net.

 Michel Moine est le suppléant du candidat Georges Sarre dans la Creuse (voir son blog http://www.sarrepourlacreuse.fr

« Une ultra-libérale atlantiste à la tête du ministère de l'Agriculture ? »

« Je lis dans Le Monde la composition probable du futur gouvernement Fillon. Je réagis à "l'hypothèse" de voir le ministère de l'agriculture confié à Christine Lagarde, qui occupait dans le précédent gouvernement le portefeuille du commerce extérieur.

 On se rappelle la revendication du monde agricole français d'un "ministère de plein exercice" pour que la France "fasse en sorte que l'agriculture, à l'OMC, ne soit pas la cinquième roue du carrosse."  Dans une précédente note, j'avais donc abordé ce sujet, qui appelait forcément une suite de ma part. Enfin, soyons exact, la suite, c'est surtout de la part des autorités qu'elle était attendue.

 C'est le sens du courrier adressé le 16 mai dernier par Jean-Michel Lemétayer au nouveau président de la République: " la FNSEA (...) tient tout particulièrement à attirer votre attention sur le dossier de l'OMC. En effet, se joue à Genève un jeu complexe où les Etats-Unis; comme nombre de pays émergents, ont choisi un seul mot d'ordre : brader le modèle agricole européen. Il est temps de reprendre l'initiative afin de faire avancer ce grand dossier international. Nous comptons sur votre fermeté et vos proposition pour que la mondialisation, spécifiquement en agriculture ne signifie pas destruction ou réduction, mais développement et équité." Les objectifs et l'adversaire sont clairement identifiés.

 Si les prévisions du Monde s'avèrent justes, il semble que la compétence du ministère de l'agriculture sera effectivement élargie aux négociations de l'OMC. Si on peut considérer que les questions agricoles seront au centre des préoccupations françaises, justifiant en cela l'articulation de ces deux compétences entre elles, on ne peut s'empêcher de remarquer que la problématique de l'OMC  va bien au-delà des seules questions agricoles.

 Christine Lagarde sera-t-elle davantage ministre de l'agriculture ou ministre des négociations avec l'OMC ? Dans l'un ou l'autre cas, le parcours de Madame Lagarde ne manque pas de susciter perplexité et interrogations, voire inquiétude. Avocate spécialisée en droit social, elle a rejoint, en 1981, le cabinet Baker & McKenzie à Chicago et a poursuivi toute sa carrière aux États-Unis. Madame Lagarde militait aux États-Unis au Center for Strategic & International Studies (CSIS). Au sein de ce « think tank », elle co-présidait avec Zbigniew Brzezinski la commission Action USA/UE/Pologne et suivait plus particulièrement le groupe de travail Industries de défense USA-Pologne (1995-2002) et les questions liées à la libéralisation des échanges polonais. Or, dans ces instances, elle représentait les intérêts états-uniens contre ceux du Commerce extérieur français dont elle devint ensuite la ministre.

 Christine Lagarde intervint dans le dossier de la vente, en avril 2003, de 48 chasseurs F-16 Lockheed-Martin à la Pologne, nouvel entrant dans l'Union européenne, pour 3,5 milliards de dollars. Cette transaction provoqua la consternation en Europe dans la mesure où le gouvernement polonais payait cette commande... avec les fonds de l’Union européenne destinés à préserver son secteur agricole. Il s'agit là, semble-t-il, du contact le plus abouti de madame Lagarde avec la question agricole, qui ne lui suscita pas le moindre état d'âme !

 Le choix présidentiel pour le ministère de l'agriculture ne manquera pas de plonger le monde agricole dans un certain désarroi. Alors qu'il semble accéder à sa demande, Nicolas Sarkozy fait rentrer le loup dans la bergerie et choisit pour incarner notre pays auprès de l'OMC une personnalité dont les choix professionnels ont toujours combattu les intérêts de la France au bénéfice de la vision ultra-libérale de l'Amérique. Autant arroser un incendie avec de l'essence !

 S'il devait se confirmer demain, ce choix serait un très mauvais message adressé aux paysans français ».

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14 avril 2007 6 14 /04 /avril /2007 08:40

 

L’Europe ne cesse de travailler contre elle-même

 Dans Le Monde daté du 13 avril, Henri Nallet fait œuvre utile en alertant les responsables politiques sur ce qui risque de se passer à court terme lors des négociations internationales (volet agricole) dans le cadre de l’Organisation Mondiale du Commerce. Il ne cite pas Ségolène Royal, mais on peut supposer que ce texte lui est destiné.

 Henri Nallet était récemment invité par la FDSEA de Maine-et-Loire pour parler du 50ème anniversaire du Traité de Rome, comme le rapporte un article de l’Avenir agricole (30 mars-5 avril 2007) www.aveniragricole.net . « L’ancien ministre de l’agriculture des gouvernements Fabius et Rocard s’est posé en défenseur de la Politique Agricole Commune et a pris position en faveur d’une agriculture européenne forte ».

 Conseiller de la FNSEA à la fin des années 1960, puis conseiller de François Mitterrand à partir de 1981 pour les affaires agricoles, avant d’être trois fois ministre (agriculture, justice), Henri Nallet semble s’être éloigné des responsabilités politiques. Ces articles de l’Avenir agricole et du Monde montrent qu’il reste très informé des questions agricoles internationales. Toutefois, il se situe dans un registre traditionnel de la politique agricole, pas très différent des positions de la FNSEA.

 J’invite lectrices et lecteurs de ce blog à se reporter à mes articles agricoles (catégorie « Agriculture et PAC »), notamment celui du 1er avril dernier, pour compléter leurs informations à ce sujet.

 « L'Europe agricole en perdition » par Henri Nallet

 « Les principaux candidats à l'élection présidentielle se proposent tous d'agir pour "réguler la mondialisation", c'est-à-dire, en fait, pour tenter, si cela est possible, de protéger les populations française et européenne des conséquences néfastes de la globalisation marchande.

 Celui ou celle qui sera élu(e) aura l'occasion de montrer, très vite, sa détermination dans ce domaine particulier de la responsabilité présidentielle qui concerne les relations commerciales internationales. En effet, les négociateurs américain, brésilien et européen sont proches d'un accord sur le volet agricole de la négociation de Doha, qui dure maintenant depuis six ans dans le cadre de l'OMC.

 Il est donc temps d'apprécier du point de vue des intérêts européens l'accord qui se dessine par rapport aux objectifs de départ, qui cherchaient à libéraliser davantage les échanges dans les secteurs agricole, industriel et des services et où tout le monde devait donc retrouver son compte dans le fameux et libéral "gagnant-gagnant". Mais on sait que, faute d'avancer sur les autres sujets, la négociation s'est concentrée, une fois encore, sur l'agriculture.

 L'Union européenne savait qu'il lui serait demandé de renoncer aux dernières protections de son agriculture. C'est pourquoi elle décida, pour des raisons tactiques, de procéder en 2003 à une profonde réforme de son système d'aides à l'agriculture. Il n'y avait alors en effet ni stocks invendables ni crise financière, rien qui justifiât un tel chambardement. On sépara les soutiens financiers de l'acte de production ("découplage"), afin que les dernières aides européennes n'aient plus aucun effet de distorsion sur les échanges. Elles devenaient ainsi, aux yeux des juges de l'OMC, paradis des aides permises !

 La raison de ce coup de bonneteau était claire : on montrait que, la réforme de la PAC étant faite, c'était aux autres, en particulier aux Etats-Unis, de réduire leurs aides liées aux prix ou à la production et qui perturbent les échanges commerciaux. Le commissaire à l'agriculture de l'époque déclarait en juin 2003 : "Notre politique est respectueuse des échanges. Nous abandonnons l'ancien système des subventions, qui fausse considérablement les échanges... L'Union européenne a fait son devoir, aux autres maintenant d'agir pour assurer le succès des négociations commerciales de l'OMC... Un désarmement unilatéral est hors de question. La balle est à présent dans le camp des autres pays, comme les Etats-Unis, dont la politique agricole est plus que jamais de nature à fausser les échanges."

 Que reste-t-il aujourd'hui de ces bonnes dispositions tactiques compte tenu de ce que l'on sait du possible accord final ? Il semble bien que l'on soit assez loin du résultat escompté. Loin de contraindre les Etats-Unis à réduire leurs subventions aux exportations et autres paiements contracycliques (compensation des effets des baisses de prix) qui concurrencent les productions des pays en développement (le cas du coton), les pays européens ont accepté en 2004 la création d'une nouvelle catégorie d'aides autorisées aux agriculteurs (baptisée "nouvelle boîte bleue") dont le seul objet est de mettre les paiements contracycliques américains à l'abri de toute contestation à l'OMC. Les Européens n'utilisent pas ce type d'aides ; ils ont donc fait un cadeau aux Américains, sans la moindre compensation.

 Ensuite, à Hongkong, l'Europe s'est engagée à supprimer toute subvention à l'exportation à compter de 2013. Bonne nouvelle pour les pays en développement, mais les Etats-Unis n'ont pas pris d'engagements aussi clairs et précis et pourront continuer à financer des exportations agricoles sous forme d'aide alimentaire. Nous avons abandonné une belle carte sans contrepartie réelle...

 Au total, le projet d'accord auquel la Commission semble prête à souscrire est déséquilibré. Le marché européen sera largement ouvert aux importations puisque les droits de douane agricoles seront vraisemblablement réduits en moyenne de 50 % à 55 %. Seul un tout petit nombre de produits sensibles seront mieux protégés. De leur côté, les Etats-Unis ne feront que de modestes concessions sur le montant de leurs aides aux agriculteurs, qui sont liées aux prix ou à la production. Ils ne prendront aucun engagement de réduction sérieuse du niveau actuel de leurs aides, ce que confirme la préparation de la prochaine loi agricole (Farm Bill) américaine...

 Si l'accord qui est en vue se confirme, l'Europe ouvrira largement ses marchés, abandonnera ses subventions à l'exportation et se retrouvera unilatéralement désarmée face à une concurrence internationale, américaine notamment, qui aura à peu près réussi à conserver intégralement son potentiel de nuisance, sans craindre d'être un jour condamnée, comme ce fut le cas pour le coton, puisque la commission est prête à accorder aux Américains le renouvellement d'une "clause de paix" qui les mettrait à l'abri de tout contentieux à Genève ! Cette dernière concession est d'autant plus étonnante que, depuis la réforme de 2003, la PAC n'a plus grand-chose à craindre des contentieux genevois...

 Ces résultats, qui du point de vue commercial sont, pour l'Europe, mauvais parce que déséquilibrés, auront une autre conséquence lourde de sens. En effet, désormais privée de moyens de protection à la frontière, la Commission sera, paradoxalement, obligée d'aller au bout de la libéralisation en supprimant les derniers instruments (quotas de production, intervention publique...) qui protègent encore un peu des crises de marché... Elle l'a compris et prépare déjà le terrain en annonçant, avec un sens certain de l'humour noir, un "bilan de santé" de la PAC... Le résultat de cette négociation est donc la remise en question de la réforme de 2003, qui devait être le grand atout de l'Europe...

 Ce mauvais résultat pour l'agriculture européenne sera-t-il au moins compensé par des succès dans les aspects non agricoles de la négociation de Doha ? Sur les tarifs industriels, où l'Europe a des intérêts offensifs importants, il ne semble pas, à ce jour, que des résultats substantiels aient été obtenus. Ni le Brésil ni l'Inde ne sont disposés à faire des concessions qui seraient, par le jeu de la clause de la nation la plus favorisée, automatiquement accordées à leur concurrent le plus redoutable, la Chine. Sur les autres sujets, rien ne paraît réellement avancer.

 Cette absence de progrès sur les questions non agricoles a deux conséquences : elle rend impossible, pour l'Europe, tout équilibre dans l'appréciation de Doha ; c'était pourtant un des principes de base retenus au départ. Mais il y a plus grave. Si cet accord se confirme, il démontrera une fois encore que l'Europe a toujours autant de mal à faire valoir ses légitimes intérêts, à peser de son juste poids dans les affaires du monde. Surtout il manifestera que tous les beaux discours sur la nécessité de maîtriser la mondialisation par des règles communes et négociées sur les services, les marchés publics, la propriété intellectuelle, etc., sont pure rhétorique puisque cette régulation ne parvient même pas à s'accomplir à l'OMC. Alors le reste, la régulation sociale ou environnementale, n'y pensons même pas...

 Ces résultats décevants ne sont pas encore acquis, car les Etats-Unis peuvent refuser de conclure sur les bases actuelles. Le Congrès à majorité démocrate peut vouloir conserver les mains libres pour discuter le prochain "Farm Bill" et priver, du même coup, George Bush d'un succès à l'OMC dont le fonctionnement multilatéral n'est pas très à la mode, en ce moment, à Washington... Cependant, s'ils sont rationnels, les dirigeants américains devraient accepter cet accord dans la mesure où ils font très peu de concessions et obtiennent beaucoup de l'Europe. Et, dès que l'acquiescement américain sera connu, au plus tard le 1er juillet, la Commission demandera au Conseil de l'avaliser à son tour, ce qui peut se faire à la majorité qualifiée, qui sera obtenue sans peine. Avec ou sans la France, dont le (la) représentant(e) viendra à peine d'être élu(e) ?

 Le chef de l'Etat français peut-il inaugurer son mandat en acceptant un mauvais accord, si éloigné des engagements de la campagne ? La Commission peut-elle tenter de passer en force en mettant en minorité la France sur une question où ses intérêts nationaux sont en jeu ? Les uns et les autres ont-ils intérêt à ouvrir une crise au moment où ils doivent rechercher des accords sur la question institutionnelle, la relance des politiques communes, l'élargissement ? Récemment, le président Barroso reconnaissait que les Européens ont besoin qu'on leur démontre que l'Europe les protège plus efficacement qu'ils ne le feraient s'ils étaient seuls. Ce n'est pas avec un "accord" du type de celui qu'on évoque qu'on parviendra à persuader les Européens que l'Europe est une absolue nécessité !

 Nous devons alors compter sur l'intelligence politique de la présidence allemande pour désamorcer le piège et prendre le temps de faire ce qu'il faut pour ne pas ajouter une crise à la crise. Mais suggérons aussi aux candidats à la présidence d'envoyer sans tarder les bons messages aux bons endroits ».

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12 avril 2007 4 12 /04 /avril /2007 16:06

 

Vers une nouvelle révolution agricole et écologique 
Le 5 avril 2007, Le Monde.fr avait organisé des échanges entre Michel Griffon et les internautes. Quand j’ai proposé une nouvelle politique agricole de la gauche pour la France et l’Europe (voir, sur ce blog, les articles placés dans la catégorie Agriculture et PAC, notamment celui du 1er avril dernier), j’ai beaucoup tenu compte des écrits de Michel Griffon, en particulier de son dernier livre (« Nourrir la planète », éditions Odile Jacob, 2006) dans lequel l’auteur « brosse le tableau de la crise alimentaire mondiale qui se dessine et jette les bases de ce que devrait être le développement durable de l’agriculture du futur ». Michel Griffon est ingénieur agronome et économiste. Voici les échanges du 5 04 07 sur www.lemonde.fr 
Michel Griffon: "Il faudrait 2 planètes pour remplir les estomacs, les réservoirs et préserver la biodiversité" 

Xaxou :   La diminution de l'emploi des engrais (polluant en amont comme en aval) et l'utilisation de surface agricole pour les biocarburants (lutte contre l'effet de serre) sont-ils incompatibles avec une production suffisante pour l'aide alimentaire ? Quelles seraient les conséquences à plus long terme ?

 Michel Griffon : Pendant très longtemps le rôle de l'agriculture c'était de produire des aliments. Depuis un peu plus d'un an, on demande massivement à l'agriculture de produire des biocarburants, cela crée ipso facto, une concurrence pour l'espace entre ces 2 productions. Cela va vraisemblablement se traduire par une hausse des prix alimentaires, et une consolidation de prix hauts pour les carburants.

 Mais il serait économiquement absurde de consacrer beaucoup d'énergie à travers l'usage intensif d'engrais pour produire de l'énergie. En effet les engrais sont essentiellement constitués d'énergies. Les engrais azotés sont essentiellement issus du gaz naturel dont les prix vont augmenter; les phosphates sont des roches fossiles et leur mise à disposition dans les exploitations agricoles représente un coût important de transport.

 Daf :  Comment intensifier encore l'agriculture dans les pays du Nord pour ne pas avoir à défricher dans les pays du Sud, sans recourir pour cela à plus de pesticides, d'engrais chimiques, de fuel avec leur corollaire de pollution et de non-sens agronomique ?

 Michel Griffon : La réponse à cette question suppose un raisonnement complexe : il faut en effet faire fonctionner plus intensivement les écosystèmes en renonçant en partie au forçage que représente l'usage intensif d'engrais et de molécules chimiques. Une intensification écologique est possible. Par exemple les sols fonctionnent depuis plus de 2 milliards d'années en créant une fertilité naturelle et les possibilités d'améliorer le rendement des processus biologiques concernés n'ont pas encore fait l'objet de recherche fondamentale.

 Autre exemple ce que l'on appelle la lutte intégrée contre les maladies et ravageurs des plantes cultivées n'en est qu'à ses débuts, et on peut en attendre une réduction importante de l'usage des molécules chimiques. Au total il s'agit là d'une nouvelle révolution agricole baptisée de plusieurs noms : agroécologie, ou écoagriculture ou encore révolution doublement verte et dans certains cas agriculture de conservation.

 sancho :  Dans la perspective d'un changement climatique, les OGM pourraient-ils jouer un rôle utile. Si oui, seraient-ils absolument indispensables ?

 Michel Griffon : Les OGM de résistance à la sécheresse peuvent être bien sûr très utiles. On n'est cependant pas obligés de recourir à la voie OGM pour inventer des plantes résistantes à la sécheresse : les méthodes modernes de sélection peuvent être très rapides. Mais surtout la résistance à la sécheresse peut utiliser beaucoup d'autres méthodes que la simple adaptation des plantes. Il faut en particulier penser à réaménager assez complètement les paysages écologiques afin d'améliorer leur capacité de rétention en eau. En France cela pourrait devenir indispensable si les perspectives du GIEC prévoyant l'établissement d'un climat de type méditerranéen sur une grande partie de la France se réalisaient.

 Christophe : L'agriculture biologique peut-elle nourrir le monde entier ?

 Michel Griffon : Non ! C'est bien dommage. Mais la révolution doublement verte s'inspire largement de l'agriculture biologique au sens où elle entreprend d'intensifier les fonctionnements des écosystèmes. Mais elle ne s'interdit pas de recourir subsidiairement aux technologies actuelles pour pouvoir faire face à l'accroissement très important des besoins alimentaires de la planète.

 denis91 : Comment réformer la Politique agricole commune (PAC) en France pour rendre l'agriculture moins intensive et la préparer au réchauffement climatique ?

 Michel Griffon : L'agriculture française n'est pas prête mais elle a quand même du temps pour s'adapter. L'adaptation va demander beaucoup de travaux de recherche, on peut aujourd'hui penser qu'il y aura migration des espèces sur le territoire, accroissement des surfaces en espèces peu consommatrices d'eau, et comme je l'ai dit antérieurement réaménagement des paysages, notamment des bassins versants pour mieux gérer l'eau. La PAC devrait se révéler dans ce nouveau contexte d'une absolue nécessité ; non pas pour compenser les coûts élevés de production en Europe par rapport aux cours mondiaux - qui devraient d'ailleurs augmenter -, mais plutôt pour financer toutes les transitions qui seront nécessaires pour disposer d'une agriculture adaptée au climat mais restant très productive.

 Le "deuxième piller " de la PAC devrait donc devenir le fondement de la nouvelle politique. Il ne faut pas non plus oublier que le climat pourrait être plus erratique, donc la production plus risquée, ce qui rendra nécessaire l'établissement d'un nouveau système d 'assurance.

 CHEVERRY : Pensez-vous que l'aspiration à une alimentation plus riche en viande et plus diversifiée (légumes...) constitue, pour les populations des pays dont l'alimentation est aujourd'hui principalement constituée de sucres lents (riz, tubercules, maïs, haricots), un droit fondamental ? Ou bien faut-il habituer tous les citoyens du monde, riches ou pauvres, à une alimentation pauvre en viande ?

 Michel Griffon : On sait que quand les revenus augmentent, la consommation de viande s'accroît dans un premier temps, puis éventuellement se limite au profit d'une diversification vers les fruits et légumes. La richesse et la modernité sont donc attachées principalement à la viande. Si le monde entier devait suivre pour cette raison le régime alimentaire nord-américain, il est fort probable que la planète ne suffirait pas à produire une alimentation suffisante. Mais on sait aussi que l'abus de viande provoque des maladies cardiovasculaires, et que l'abus de sucres courts entraîne des diabètes du type 2. Il apparaît donc souhaitable dans chaque tradition alimentaire de limiter tout ce qui est générateur de maladies, donc de limiter la viande, les sucres courts et accroître les sucres lents, les légumes et les fruits dans les rations. Ce scénario à l'échelle de la planète rendrait plus accessible l'objectif d'autosuffisance alimentaire tout en diminuant les dépenses de santé.

 J'ose avec Bové :  Comment imaginer une révolution avec l'OMC, le FMI, la Banque mondiale et les multinationales de l'agroalimentaire ? Quelle démocratie au service d'une l'agriculture saine ? 

 Michel Griffon : Ces institutions existent et sont nécessaires mais il faut faire évoluer leurs politiques : l'OMC ne doit pas aller contre les objectifs de souveraineté alimentaire ; le FMI ne pas sacrifier l'agriculture aux politiques d'ajustement structurel, et la Banque mondiale lutter efficacement contre la pauvreté en réhabilitant la notion de politique agricole.

 C'est d'ailleurs ce qu'elle s'apprête à faire avec le nouveau rapport sur l'agriculture dont la rédaction est en phase finale et qui rompt de façon spectaculaire avec 10 années d'ajustement structurel. Il ne faut donc pas désespérer des institutions internationales. En revanche l'établissement de monopoles dans la grande distribution et la transformation alimentaire réduit fortement le pouvoir de négociation des agriculteurs et leurs revenus. La seule solution est l'organisation des producteurs de façon à rééquilibrer les pouvoirs sur les marchés. L'établissement de droits de propriété intellectuelle étendus dans le domaine de la génétique reste pour le moment sans solution satisfaisante.

michel veillard :  Comment est-ce que l'aval du secteur (Danone, Souflet...) pourrait contribuer à orienter les technologies agricoles et les producteurs vers la vertu (pas d'émissions de gaz à effet de serre) ?

 Michel Griffon : Les industries sont émettrices de gaz à effet de serre et l'agriculture aussi mais elle peut aussi contribuer fortement à une séquestration de carbone. On ne pourra pas se dispenser des efforts de l'agriculture pour réduire l'effet de serre, par exemple en réaccumulant du carbone dans les sols sous forme de matière organique. Cette "vertu" pourra s'acquérir soit par l'application des accords de Kyoto, soit par d'éventuelles certifications des produits issus de l'agriculture et de l'agroalimentaire du type "carbone light".

 Cependant on peut espérer d'autres transformations qui seraient liées à la nécessité d'améliorer la qualité générale des produits : qualité nutritionnelle, hygiénique, gustative, environnementale... pour cela il est indispensable que la qualité soit améliorée à chaque maillon de la filière: les producteurs, les transporteurs, les industriels de la transformation, la grande distribution. Il n'y aura donc de la qualité que si chacun est rémunéré en fonction de ses efforts. En un certain sens la qualité suppose donc une distribution plus équitable des revenus dans les filières. C'est donc le rôle des consommateurs que d'exiger que l'équité soit aussi une des qualités du produit.

 fosco :  Les besoins en énergie agricole de l'Occident et de pays comme la Chine et l'Inde risquent-ils de transformer toutes les terres non habitées de la planète en un vaste champ de maïs transgénique ?

 Michel Griffon : Il faudrait deux planètes pour remplir les estomacs, remplir les réservoirs et préserver l'avenir de la biodiversité. Le danger est donc d'une course à la terre pour produire des biocarburants. Pendant une quinzaine d'années ces biocarburants seront produits à partir de plantes alimentaires comme la canne à sucre, le maïs, le blé ou le colza.

 Cependant on peut espérer sans recourir à la voie OGM identifier des plantes permettant de produire des carburants de 2e génération ; on peut aussi espérer trouver des bactéries capables de mieux transformer la biomasse en énergie. Mais il faut incontestablement cesser de considérer que la biomasse est le nouveau mirage de la course aux énergies. Les plantes ne peuvent pas donner plus que ce que le soleil, le gaz carbonique, l'eau et les nutriments de la terre peuvent eux-mêmes donner et qui sont en quantités limitées.

 Raphaël_Madrid : Quelles ont été les priorités définies par l'Agence nationale de la recherche pour les années à venir en matière de recherche agronomique ?

 Michel Griffon : Les priorités essentielles sont l'agriculture durable fondée sur une intensification écologique et sur des biotechnologies s'inspirant du vivant, l'analyse du génome des plantes animaux et microbes de façon à améliorer leurs performances dans le même esprit, l'innovation dans les procédés des industries agricoles alimentaires de manière à améliorer la qualité et satisfaire les nouvelles exigences environnementales, et enfin la gestion des écosystèmes, en particulier ceux qui sont fortement transformés par les sociétés, afin de préserver et améliorer la biodiversité et de lutter contre leurs dégradations.

 fantasio :  Est-ce un sujet tabou que de se demander, avec les connaissances actuelles, combien la Terre peut nourrir d'êtres humains, tout en préservant l'environnement et en offrant une nourriture de qualité ?

 Michel Griffon : Non ce n'est pas une question taboue mais les réponses peuvent être dangereuses. La démographie mondiale est en voie de stabilisation, on pense que la population mondiale stagnera dès 2050 à 9 milliards. Les dés sont jetés, les politiques démographiques n'y feront plus grand-chose. Il faut donc se préparer à accueillir deux générations sur la planète dans les meilleures conditions qui soient. Mais cela va amener les gouvernements à avoir des politiques raisonnées de l'usage des écosystèmes et des ressources naturelles et la vraie question n'est plus celle du nombre de personnes mais des techniques et des politiques permettant d'y faire face. 

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1 avril 2007 7 01 /04 /avril /2007 10:11

 

Les éléments d’une nouvelle politique agricole

 Médecin hospitalier et animateur du Mouvement Républicain et Citoyen (MRC) à Libourne (Gironde), Patrick Nivet organise de temps en temps des débats politiques sur des thèmes spécifiques d’intérêt général. Après la santé, c’était l’agriculture le 16 mars avec deux intervenants, Christopher Derrett, président de la Coordination Rurale 33 (voir l’article du 22 février sur ce blog) et Michel Sorin, délégué national MRC à l’agriculture. Ensuite, le débat a permis à de nombreuses personnes présentes de s’exprimer ou de faire préciser  certains points aux intervenants.

 Patrick NIVET m’avait indiqué par courriel pourquoi il avait choisi ce thème de l’agriculture et ce qu’il attendait de mon exposé « Quelle politique agricole pour que la France reste un pays agricole, tout en protégeant l’environnement, la biodiversité, le climat et en favorisant le développement des pays émergents, pauvres et très pauvres ? », ajoutant qu’il faut « lancer le 21ème siècle sur des bases nouvelles et réalistes ».

 Voici le texte de mon intervention.

 L’évolution de la politique agricole depuis dix ans

 La politique agricole a fortement évolué depuis dix ans en France. On distingue deux périodes correspondant aux deux majorités parlementaires, d’abord de gauche (1997-2002), puis de droite (2002-2007) sous le même président de la République et dans le cadre d’une politique agricole commune (PAC) européenne de plus en plus libérale, c’est-à-dire sous l’influence du Commissaire européen au commerce et des négociations internationales à l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC).

La gauche, de 1997 à 2002

 Les deux ministres de l’agriculture du gouvernement Jospin, Louis Le Pensec puis Jean Glavany, ont cherché à faire évoluer l’agriculture vers une modernisation raisonnable prenant en compte la protection de l’environnement en responsabilisant la profession, par le biais de contrats territoriaux d’exploitation (CTE), afin de préparer les évolutions imposées par la politique européenne.

 C’était l’objet de la loi d’orientation agricole de 1997 qui visait à favoriser la diversité des modes de production et de représentation syndicale des producteurs, en faisant en sorte de maintenir un bon niveau d’installation et de limiter l’agrandissement et la concentration des structures agricoles. Les résultats de cette politique étaient eux-mêmes limités par les orientations libérales données à la PAC par la Commission et le Conseil des ministres à Bruxelles.

 La droite, de 2002 à 2007

 Les gouvernements Raffarin entre 2002 et 2005, puis de Villepin de 2005 à 2007, ont accompagné favorablement les orientations libérales de Bruxelles, en prenant soin de soutenir l’évolution des structures agricoles nationales vers le renforcement des entreprises les plus capables d’être présentes demain (agrandissement des surfaces, concentration des moyens de production), en allégeant les incitations à produire mieux.

 La première mesure était la suppression des CTE et la remise en cause des orientations du gouvernement précédent.

 La loi d’orientation de 2005 se limitait à des mesures de libéralisation des structures afin d’adapter l’agriculture française aux décisions européennes, même si le gouvernement faisait semblant d’être en désaccord avec la nouvelle réforme des mécanismes de la PAC en 2003 (découplage des aides publiques par rapport aux productions des exploitations, sous la pression des négociateurs européens à l’OMC).

 La mise en œuvre nationale de la réforme de la PAC en ce qui concerne les aides publiques (droits à paiement unique par exploitation) a clairement montré la volonté du gouvernement de favoriser la rente et les avantages acquis par les agriculteurs, sans tenir compte de leurs efforts pour adopter des systèmes de production plus économes en énergie et plus protecteurs de l’environnement.

 Le seul point positif peut être porté au crédit du président Chirac. Il s’est opposé aux offensives des gouvernements les plus libéraux, notamment britannique, bien décidés à réduire le budget de la PAC et accepter la baisse supplémentaire des droits de douane européens, proposée par le commissaire européen au commerce, Peter Mandelson, en réponse aux sollicitations des pays les plus libéraux, le Brésil notamment, dans le cadre des négociations à l’OMC (ce que les USA eux-mêmes ne sont pas décidés à faire, par peur de pénaliser leurs agriculteurs).

 Regards sur les chiffres récents de l’agriculture française 

 La France reste un pays agricole, le second au monde après les USA. A l’occasion du Salon de l’agriculture à Paris, j’ai présenté le 3 mars dernier sur mon blog http://mrc53.over-blog.com (catégorie « Agriculture et PAC ») l’évolution des comptes de l’agriculture française, à partir des données rassemblées par Lucien Bourgeois, responsable du Service des études économiques et de la prospective à l’Assemblée Permanente des Chambres d’Agriculture. Que peut-on en retenir ?

L’évolution depuis dix ans

 - Le revenu agricole moyen s’est éloigné depuis 1999 du revenu disponible moyen par habitant. Il a baissé de 30% entre 1999 et 2005, puis a remonté de 15% sur la seule année 2006, grâce à une conjoncture favorable en productions végétales (blé, maïs) au niveau des prix mondiaux (développement  des biocarburants aux USA et au Brésil).

 - La viticulture a tiré le revenu agricole vers le bas depuis 1998 (auparavant, elle le tirait vers le haut depuis 1990). C’était le seul secteur en crise en 2006.

 - Les disparités de revenu entre les exploitations selon les productions (végétales, animales…) se sont réduites depuis 1998, parallèlement à la baisse du revenu moyen.

 - L’emploi agricole (salarié et non salarié) a moins baissé depuis 1998 mais sa diminution avait été très forte : 3,3 millions en 1960, 1 million de moins en 1973, 1 million de moins en 1992, pour atteindre 870 000 (dont 596 000 agriculteurs non salariés) en 2005.

 La part des actifs agricoles dans l’ensemble des actifs a été ramenée à 2,5% en 2005.

 - Le nombre d’exploitations a été ramené à 400 000 vraiment dirigées par des agriculteurs, à 500 000 au total. En prolongeant la tendance, ce sera moins de 300 000 dans 20 ans.

 La productivité du travail a presque triplé de 1980 (indice 100) à 2006 (indice 262).

 - Les aides publiques (9,8 milliards € en 2005) font plus de 80% du revenu net agricole en 2005. Elles ont servi à renouveler les équipements et matériels des exploitations.

 - Les excédents agroalimentaires proviennent essentiellement des secteurs viticole et céréalier, avec un poids relatif de plus en plus important en faveur des vins et spiritueux.

 Les cinq points à retenir de l’agriculture française en 2006

 Dans sa communication à l’Académie d’agriculture, dont il est membre, Lucien Bourgeois a retenu cinq points essentiels dans l’évolution de l’agriculture française en 2006.

 - Les productions végétales ont bénéficié d’un sursaut conjoncturel dû à l’opportunité énergétique. Il y aurait intérêt à mieux coordonner les politiques des céréales  et celles de l’élevage en France et à surveiller l’équilibre entre production et consommation, qui est fragile et peut évoluer vite.

 - La viticulture est désormais l’atout majeur de la compétitivité de l’agriculture française sur les marchés extérieurs, malgré la crise. Cela prouve qu’il est possible d’augmenter la valeur ajoutée et la compétitivité sans augmenter les volumes produits.

 - Le système d’aides incite à la fuite en avant vers l’agrandissement des exploitations, ce qui risque de conduire à l’extensification des systèmes de production et à faire des agriculteurs des producteurs de matières premières.

 - La remontée des cours en viande bovine est la conséquence de la crise de l’ESB (« vache folle ») et de la restructuration des troupeaux laitiers, qui sont des phénomènes conjoncturels.

 A l’avenir, le maintien de cours à ce niveau nécessitera de se protéger des importations, ce qui suppose une relance de la politique européenne.

 - Les aides de la politique agricole servent à l’investissement dans la modernisation de l’outil de production, ce qui permet à celui-ci de fournir un produit au moindre coût aux industries agroalimentaires et de faire travailler de nombreuses PME (équipements, matériels) réparties sur tout le territoire.

 Les éléments d’une nouvelle politique agricole

 L‘existence même d’une politique agricole est liée à la réorientation de la politique européenne. La PAC doit cesser d’être complètement dépendante des options de négociation à l’OMC.

 Il faut la refonder sur la base de principes et d’objectifs qui correspondent aux réalités de notre temps. Les principes fondateurs de la PAC, en 1962, étaient la libre circulation des produits agricoles au sein de l’espace européen, la protection aux frontières et la solidarité financière.

 Jusqu’au début des années 1980, l’agriculture était considérée à part dans les négociations internationales, en raison de son caractère stratégique (sa fonction nourricière pour les populations). C’est ce qui justifiait l’intervention publique et l’existence de politiques agricoles au niveau de chaque pays ou groupe de pays (PAC).

 Primauté du libre-échange et dérégulation depuis vingt ans

 Sous l’influence des thèses néo-libérales, les USA et la CEE ont obtenu en 1986 que l’agriculture soit intégrée dans les négociations commerciales internationales (au GATT, structure de négociation entre pays, créée en 1947 pour réduire les barrières tarifaires) dont le but était de libéraliser les échanges.

 Peu à peu, le libre-échange a été imposé comme étant le moyen de favoriser la croissance mondiale. Il s’agissait, en fait, de créer les conditions favorables pour que les entreprises multinationales développent leurs activités et leurs profits, les Etats acceptant d’ouvrir les frontières et d’abolir les règles protégeant les économies nationales.

 En agriculture, cela signifiait le démantèlement des politiques agricoles et l’alignement des prix des produits sur les cours mondiaux.

 Au sein de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC), qui a succédé au GATT en 1995, les politiques agricoles ont été le principal sujet de discorde, à l’initiative de certains pays émergents (le Brésil, notamment) qui préconisent la plus grande libéralisation, car cela correspond à leurs intérêts, du moins ceux des firmes qui y sont implantées, attirées par les bas coûts de production et les grands espaces agricoles sous un climat et avec des sols très favorables à la production. L’Europe et les USA, qui ont conservé des politiques agricoles afin de protéger les revenus de leurs agriculteurs, ont été placés sur la défensive. Les pays réellement pauvres, quant à eux, ont compté les points, mais ils ont commencé à s’organiser.

Tenir compte d’abord des besoins des populations et organiser la régulation des échanges

 La politique européenne ne doit pas consister à sacrifier son agriculture pour satisfaire les appétits de libéralisation, que ce soit pour des raisons économiques ou idéologiques.

 Elle doit viser à éviter les distorsions de concurrence commerciale en supprimant complètement les subventions aux exportations, certes, mais aussi en protégeant l’espace européen par les moyens les plus divers et les mieux adaptés, tenant compte des conditions sociales et environnementales de production dans les pays exportateurs. Cela nécessitera la mise en place d’un nouveau système régulateur au niveau mondial, dans une logique opposée à celle qui prévaut actuellement.

 Une nouvelle priorité : la sécurité alimentaire

 Car la priorité n’est pas le libre-échange mais la sécurité (en quantité et en qualité) de l’approvisionnement alimentaire des Européens, ce qui suppose de reconnaître à tous les pays du monde le même droit à la souveraineté alimentaire.

 Cette priorité alimentaire passe par des prix à la production suffisants pour permettre aux paysans de mettre sur le marché des produits correspondant à la demande des consommateurs. Il est de la responsabilité des pouvoirs publics de veiller à ce que la valeur ajoutée soit répartie équitablement sur l’ensemble des filières agricoles et alimentaires.

 Des aides publiques plafonnées et réorientées

 Au fil du temps et des réformes de la PAC, les aides publiques aux agriculteurs ont pris une part trop importante dans les revenus agricoles. Elles devront  être plafonnées par exploitation et réorientées vers les petites et moyennes exploitations, en lien avec des objectifs sociaux et territoriaux définis à l’échelon régional ou inter-régional. Le dispositif actuel de répartition des aides n’est plus adapté et doit être corrigé afin de le rendre plus juste et plus en rapport avec les types d’agriculture à promouvoir.

 Une agriculture intensive, économe et écologique

 La seconde priorité sera dans la prise en compte de la question de l’eau et des problématiques environnementales. L’agriculture devra être plus économe, remplacer progressivement la chimie et l’énergie par l’écologie et les sciences, sans cesser d’être intensive. Car elle devra être suffisamment productive pour relever le défi alimentaire à l’échelle de la planète.

 La demande alimentaire va doubler dans les 40 prochaines années, sous l’effet de l’augmentation de la population (de 6 à 9 milliards d’humains) et du relèvement du pouvoir d’achat, notamment dans les pays asiatiques qui, à eux seuls, absorberont la moitié de la croissance démographique et une part importante de l’augmentation du niveau de vie et, donc, de la demande en viande, qui nécessite davantage de productions végétales.

 Nourrir une planète marquée par d’énormes disparités

 Certains pays (Amérique du sud et même du nord) pourront exporter des denrées de base. D’autres, comme la France et l’Europe, seront mieux placés pour exporter des produits agroalimentaires élaborés. Si la priorité est de nourrir la planète, en commençant par les 850 millions les plus sous-alimentés et les deux milliards de mal nourris, il sera nécessaire de prendre des mesures économiques et sociales adaptées aux situations locales et régionales très diversifiées. Car, des différences énormes existent entre les agricultures du monde, entre les grandes exploitations d’Amérique du sud, les petites exploitations d’Afrique de l’ouest et les microparcelles de la Chine côtière.

 Une politique agricole et alimentaire, environnementale et rurale

 Une approche globale tenant compte des besoins des populations dans leur diversité est indispensable. Les politiques agricoles ont leur pleine justification, à condition d’être aussi alimentaires, environnementales et rurales. La notion de santé publique intervient aussi dans les aspects alimentaires et environnementaux.

 Comment, dans ces conditions, les pouvoirs publics pourraient-ils faire une fixation sur la libéralisation des échanges ? Celle-ci est, certes, un élément favorable au développement du commerce mais il est étonnant que les pouvoirs politiques se soient laissé convaincre que le libre-échange est devenu la chose la plus importante, au point de ne plus exercer leurs propres responsabilités vis-à-vis des populations qu’ils ont en charge. Désormais, la volonté politique ne doit plus quitter les responsables publics, car la tache est immense.

 Deux questions, pour terminer : les Organismes génétiquement modifiés et les biocarburants.

 OGM : stopper le plein champ, évaluer ce qui existe, décider dans la clarté

 Les plantes OGM ne sont pas indispensables, du moins celles que les firmes multinationales veulent imposer sur le marché afin de vendre leurs produits chimiques et s’assurer la maîtrise de la production des semences, par le biais des brevets.

 L’amélioration des plantes et le traitement contre les maladies et ravageurs passent  par l’écologie scientifique et la lutte intégrée biologique, comme la Recherche agronomique commence à le montrer avec succès.

 La preuve n’a pas été faite que les plantes OGM soient inoffensives pour la santé et l’environnement. Certaines études, qui n’ont pu être conduites à leur terme, tendent à mettre en évidence des effets significatifs sur leurs organes de la consommation de maïs transgénique par des rats.

 Il faut que les pouvoirs publics s’engagent à fond dans les recherches scientifiques. Des effets positifs pourraient venir du transfert de certains gènes qui apportent des fonctions utiles, par exemple pour aider les plantes à mieux résister à la sécheresse et à la salinité des sols.

 Les gouvernements français, depuis 2002, ont très mal géré cette question des OGM, suscitant des actions d’arrachage illégales dont le but est d’alerter l’opinion publique sur ce qui est un vrai problème de société. Le prochain gouvernement devra mettre à plat le dossier OGM dans tous ses aspects, arrêter les cultures en plein champ, le temps d’organiser un débat public précédant des décisions d’intérêt général.

 Production de carburants issus de la biomasse

 L’agriculture doit prendre sa part des mesures à prendre pour relever le défi énergétique, en rapport avec la question du réchauffement climatique.

 La première mesure concerne les économies d’énergie indispensables (choix de systèmes de production moins gourmands en énergie et de circuits économiques courts, par exemple).

La seconde passe par des diminutions de consommation d’énergie d’origine fossile dégageant dans l’atmosphère des gaz à effet de serre.

 L’utilisation d’huiles végétales par les tracteurs semble possible. Que faut-il penser des biocarburants se substituant à l’essence ou au gazole dans les voitures ? Tout dépend de la matière première. Avec la canne à sucre, le rendement énergétique est bon. Il n’en est pas de même en Europe avec le sucre de betterave et les céréales (bioéthanol, se substituant à l’essence) et les matières grasses végétales (diester se substituant au gazole).

 Le bilan énergétique du bioéthanol est franchement mauvais, celui du diester pas très bon. Il en de même sur le plan économique (140 dollars le baril pour équilibrer sans aides publiques dans le cas du bioéthanol, 85 dollars dans le cas du diester). 

D’autre part, la multiplication des surfaces cultivées en colza nécessiterait l’utilisation de produits antiparasitaires polluants et ces surfaces entreraient en concurrence avec celles utilisées pour répondre à la demande alimentaire, d’autant plus que les surfaces agricoles se réduisent vite, par ailleurs, sous l’effet de l’avancée urbaine. 

En fait, si les biocarburants actuels ne semblent pas ouvrir de grandes perspectives, la recherche concernant la transformation industrielle de la biomasse (déchets du bois, pailles…) en carburant pourrait déboucher sur des résultats plus positifs.  

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20 mars 2007 2 20 /03 /mars /2007 18:05

 

Un passage en force qui est un aveu de faiblesse

 Selon Le Monde.fr, 20 mars, le gouvernement vient de publier au Journal officiel « deux décrets portant sur l’encadrement légal des cultures OGM, transposant en droit national une directive européenne datant de 2001 sur les essais et la dissémination des OGM dans la nature ».

 Le premier décret oblige les agriculteurs à fournir des informations sur les semis de cultures d'OGM. Il permet de créer un registre national qui recensera le nombre et la surface des parcelles semées en OGM et leur localisation. Ce registre précise au public, sur un site www.ogm.gouv.fr, le nombre et la surface des parcelles d'OGM dans chaque canton.

 Le second décret porte sur un engagement des agriculteurs, qui cultiveront en 2007 des maïs OGM, à informer les cultivateurs des parcelles voisines. Ils devront respecter une distance d'isolement entre cultures OGM et non OGM de 50 m, soit le double de la pratique actuelle ».

 France Nature Environnement a fait connaître sa position, qui m’a été transmise par un abonné à la lettre de nouvelles de ce blog et je l’en remercie. La voici.

 « OGM : le Gouvernement organise la contamination »

 « Le Gouvernement a publié, ou va publier, trois séries de textes destinés à encourager la progression de la culture d’organismes génétiquement modifiés.

- un décret n°2007-346 du 14 mars 2007 publié au JO du 16 mars 2007 confie au Ministre de l’Agriculture le soin de surveiller et contrôler les cultures d’OGM.

Selon Arnaud Gossement : « ce décret ne peut faire oublier : d’une part, que la directive 2001/18 impose la création d’un registre public des champs OGM accessibles à tous citoyens et, d’autre part, que le comité de biovigilance, censé contrôler les risques des cultures OGM….n’a jamais été installé ! »

- un décret sera publié vers le 20 mars 2007 par le Ministre de l’Agriculture pour rassurer et encourager les agriculteurs qui souhaiteraient se lancer, en 2007, dans la culture d’OGM.

Lylian Le Goff (qui coordonne la mission biotechnologies de FNE) souligne : « Concrètement, ce décret prive le Parlement d’un débat démocratique sur des enjeux de société considérables et aura pour seul mérite de protéger la responsabilité des semenciers et non la santé et la liberté de choix alimentaire de nos concitoyens ».

- au mois d’avril, plus d’une dizaine d’autorisations d’essais d’OGM en plein champs seront accordées par le Ministre de l’Agriculture, après un simulacre de consultation publique sur internet.

Lylian Le Goff rappelle : « Comme à l’accoutumée certains maires ne seront avertis qu’au dernier moment, de manière très imprécise, de cultures OGM sur leur commune ».

FRANCE NATURE ENVIRONNEMENT entend rappeler :

- que le vote d’une loi de transposition de la directive 2001/18 est indispensable pour permettre un débat démocratique sur les risques et l’intérêt des OGM, les alternatives possibles et respecter les engagements européens de la France,
- que ces autorisations de mise en culture ont d’ores et déjà été jugées illégales par plusieurs tribunaux.
- qu’aucune garantie ou information n’est donnée sur l’existence éventuelle d’études sanitaires et environnementales préalables à ces cultures, encore moins au sujet de contre-expertises.
- qu’aucune information n’est donnée sur la localisation des cultures et les mesures de surveillance et de contrôle qui devraient être prises
- que ces décrets sont antidémocratiques et ne permettront peut-être même pas de retarder une condamnation financière lourde de la France par le juge européen.

Lylian Le Goff déclare : « Il est incompréhensible que le Gouvernement bafoue à ce point la démocratie, mette en péril l’environnement et l’agriculture non OGM, s’expose à de lourdes pénalités grevant les finances publiques, pour le seul profit d’une manipulation du vivant qui renforce le monopole des firmes semencières ! Que pensent nos candidats aux élections présidentielles et législatives au sujet de ces enjeux majeurs, sachant que plus de 80% de la population sont opposés à la présence d’OGM dans les champs et les assiettes ?! ».

 A un collègue MRC de la Manche, qui sollicitait ce matin mon avis sur cette question, je lui ai adressé la réponse suivante, en tant que délégué national à l’agriculture.

 La position du MRC sur les OGM

 « La confusion règne en ce qui concerne la diffusion des produits OGM en France. Ce sont les gouvernements depuis 2002 qui sont pleinement responsables de cette situation (refus de la transparence et de la concertation, manque de moyens affectés à la recherche publique, soumission aux intérêts des grandes firmes multinationales).

 Comme Michel Griffon, agronome et économiste (auteur du livre « Nourrir la planète » aux éditions Jacob - voir l’article du 20 11 06 sur le blog http://mrc53.over-blog.com ), nous considérons que les plantes OGM ne sont pas indispensables, du moins la génération OGM proposée actuellement pour accroître la résistance des plantes aux herbicides.

 Ce sont les firmes multinationales (américaines) qui cherchent à les imposer afin de mieux vendre leurs produits chimiques et s’assurer la maîtrise de production des semences, par le biais des brevets. Cela ne correspond pas aux besoins réels des agriculteurs, pas plus que des consommateurs.

 La preuve n’a pas été faite que les plantes OGM sont inoffensives pour la santé et l’environnement, les pouvoirs publics américains et européens n’ayant pas voulu mettre en place un dispositif sérieux d’évaluation des organismes issus de la trans-genèse (voir article du 27 11 06 sur le blog). Or, certaines études, non conduites jusqu’à leur terme, mettraient en évidence des effets significatifs des OGM sur la formule sanguine, les foies et les reins, des rats qui les consomment (article du 7 02 07).

 Avec Michel Griffon, nous comptons sur les recherches scientifiques (à condition qu’elles soient sous le contrôle des pouvoirs publics) pour découvrir, le cas échéant, des possibilités de transférer des gènes qui apportent des fonctions utiles, par exemple, pour aider des plantes à mieux résister à la sécheresse ou à la salinité des sols. Car le principal problème, c’est celui de la sous-alimentation dans le monde.

 En conséquence, nous approuvons la proposition de Ségolène Royal d’arrêter les cultures OGM en plein champ et d’organiser un grand débat public sur cette question  controversée ».

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