Les dirigeants grecs, souverainistes et pro-européens, sont à la manoeuvre
L’année 2015 a commencé de la meilleure façon avec la victoire électorale de Syriza en Grèce, suivie de l’alliance avec un petit parti souverainiste afin de constituer une majorité parlementaire et un gouvernement chargés de la mise en œuvre du programme présenté aux électeurs.
Voir, à ce sujet, cet article, daté du 31 décembre 2014, dans lequel Gaël Brustier explique ce qui fait l’originalité de Syriza : Perspectives 2015 : les citoyens grecs et espagnols sur la bonne voie
La percée des mouvements de gauche radicale dans les intentions de vote des citoyens grecs et espagnols signe le retour d'un penseur majeur de la gauche italienne du début du XXe siècle, Antonio Gramsci, et de l'idée de partir de l'expérience concrète des gens pour élaborer une vision du monde à laquelle ils adhèrent. Voir Podemos et Syriza vont-ils enfin combler le fossé entre la gauche et les classes populaires ?
Le nouveau gouvernement grec s’efforce de convaincre les autres dirigeants des pays membres de la zone euro de réorienter la politique européenne afin de permettre à la Grèce et à d’autres pays en difficulté de trouver des solutions durables à leurs problèmes d’endettement et de compétitivité.
En surface, ils sont d’accord. « La France doit jouer un rôle de protagoniste pour un changement de politique en Europe », a expliqué Alexis Tsipras. « Le dialogue entre la Grèce et ses partenaires européens doit se dérouler en vue de trouver un accord », a répondu François Hollande. La déclaration commune du président français et du premier ministre grec, mercredi 4 février après midi à l’Elysée à l’issue de leur premier entretien, a parfaitement respecté les formes. Mais ce premier contact n’augure en rien de la suite des événements, et du jeu exact que jouera Paris, dans les prochaines semaines, entre Athènes, Berlin et Bruxelles.
Le Président de la République a reçu hier le Premier Ministre grec et a explicité son approche du dossier grec lors de sa conférence de presse. François Hollande choisit malheureusement le suivisme vis-à-vis de l’Allemagne. Il endosse même l’intervention scandaleuse de la Banque Centrale Européenne qui a décidé hier soir d’entraver le refinancement des banques grecques.
Quand Alexis Tsipras devrait être un allié pour une réorientation d’une politique européenne qui est suicidaire, le Président de la République voit un obstacle à contourner. La soumission aux dogmes de Bercy, de Bruxelles et de Berlin conduit François Hollande dans l’impasse.
L’erreur est triple. La Grèce ne sortira pas de l’impasse économique par un aménagement rhétorique de la Troïka et de son programme d’ajustement structurel néo-libéral. Politiquement, il est dangereux de laisser la technocratie européenne cracher au visage du peuple grec qui a voté pour une rupture raisonnable avec les politiques passées. Historiquement, mettre la France à la remorque de l’Allemagne fait reculer la construction européenne.
Le Premier ministre, Alexis Tsipras, s’est exprimé ce 8 février devant le Parlement grec. Voir (Le Monde, 8 février 2015) : En Grèce, Alexis Tsipras pose ses conditions avant les négociations européennes. Extraits.
Face au nouveau Parlement, le premier ministre a expliqué que son gouvernement veut tenir « toutes ses promesses » vis-à-vis des électeurs, tout en « honorant sa dette » vis-à-vis de ses créanciers.
Devant le nouveau Parlement grec, dimanche 8 février, le premier ministre, Alexis Tsipras, a prononcé un discours de politique générale dans lequel il a répété que son gouvernement veut tenir « toutes ses promesses » vis-à-vis des électeurs, tout en « honorant sa dette » vis-à-vis de ses créanciers. Mais, a rappelé M. Tsipras, la Grèce veut le faire via un « programme relais » et « ne veut pas d'extension du programme d'aide » internationale financé par la troïka (Commission européenne, Fonds monétaire international et la Banque centrale européenne).
« La Grèce veut servir sa dette », en « invitant les partenaires » du pays à « venir à la table des négociations pour discuter du moyen de la rendre viable », a détaillé le premier ministre. Il se donne jusqu'au mois de juin pour la création d'un « programme relais », mais estime que la conclusion d'un tel accord pourrait intervenir dans les quinze jours, malgré des négociations qu'il prévoit difficiles.
A ses yeux, ce « new deal », qui respecterait les règles communautaires, est la seule solution pour que la Grèce ne plonge pas dans une nouvelle récession, alors que sa dette représente toujours près de 175 % du PIB.
L'objectif de son gouvernement, a-t-il poursuivi, est de parvenir à un équilibre budgétaire, argument que la Grèce fera valoir lors des négociations. Sous les applaudissements des nouveaux élus, il a conclu en lançant : « La Grèce fait des proposition, elle ne reçoit plus d'ordres, et donnés par email en plus » (…)
Le ministre des finances, Yanis Varoufakis, sera aux premières lignes
pour présenter et vendre la politique du nouveau gouvernement lors d'une réunion à Bruxelles mercredi, à la veille du sommet des vingt-huit pays de l'Union européenne.
Dans une interview accordée à la télévision italienne Rai, dimanche, M. Varoufakis a expliqué que le problème de la dette grecque devait être replacé dans le cadre du rejet des politiques d'austérité dans l'ensemble de la zone euro et a mis en garde ceux qui voient la sortie de la Grèce comme solution aux problèmes actuels. « L'euro est fragile, comme un château de cartes. Si vous retirez la carte grecque, les autres s'effondrent. »
Si la plupart des partenaires européens, dont Berlin, ont fraîchement accueilli les propositions grecques présentées par Alexis Tsipras et Yanis Varoufakis pendant leur tournée cette semaine à Rome, Paris, Bruxelles, Francfort et Berlin, parvenir à un compromis à Bruxelles ne semble toutefois pas exclu.
On savait que l’expérience Syriza serait une leçon de choses en politique, la mise à nu, toutes technicités juridico-financières envolées, des ressorts fondamentaux de la puissance et de la souveraineté. De ses confiscations dans des institutions aussi. Nous y sommes – et encore plus vite que prévu. Comme on pouvait s’y attendre également, le lieu névralgique du rapport de force se trouve à Francfort, à la Banque centrale européenne (BCE). Ce qu’aucun article des traités européens ne permet juridiquement – mettre à la porte un Etat-membre – c’est la BCE, hors de toute procédure, par une opération entièrement discrétionnaire sans aucun contrôle démocratique, qui le peut. Et qui vient d’en donner l’avant-goût, dix jours à peine après l’arrivée au pouvoir d’un gouvernement malséant, porté par un mouvement populaire ayant le front de réclamer la fin de l’absurde tourment auquel le pays a été soumis par notre chère Europe, un pays en situation de crise humanitaire [1] – au cœur de l’Union européenne (UE) et, plus encore, par l’Union ! –, un pays pour lequel, après quelques autres, il faudrait maintenant songer à formaliser juridiquement l’idée de persécution économique – et nommer les persécuteurs. Là contre, le peuple grec s’est donné un gouvernement légitime, mandaté pour faire cesser cet état de persécution. Un gouvernement souverain. Comme on le sait depuis longtemps, depuis le début en fait, à la question de la souveraineté, la réponse européenne est non.