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Présentation

  • : Michel Sorin
  • : Le MRC 53 est la structure mayennaise du Mouvement Républicain et Citoyen, qui a pour but de rassembler la gauche républicaine à partir, notamment, des idées de Jean-Pierre Chevènement, l'un de ses fondateurs, qui n'est plus membre du MRC depuis 2015. Le MRC a pris le relais du Mouvement des Citoyens (MDC) après les élections de 2002. En 2022, le MRC est devenu membre de la Fédération de la Gauche Républicaine avec quatre autres organisations politiques.
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16 avril 2007 1 16 /04 /avril /2007 16:39

 

La gauche républicaine en marche vers son unité

 Le 14 avril, j’ai reçu le faire-part de mariage entre le Mouvement pour une Alternative Républicaine et Sociale (Mars) et la Gauche Républicaine. Auparavant, le 24 mars, le nouveau Mouvement avait diffusé un communiqué, qui commence ainsi :

 « Aujourd’hui, à l’issue de leur réunion nationale commune, le Mars et la Gauche Républicaine, constatant la convergence de leurs points de vue et de leurs actions depuis leur création respective en 2003, ont décidé de fusionner. Ce nouveau mouvement politique, le MARS-Gauche Républicaine, a élu un bureau national de 16 membres dans lequel on retrouve notamment Eric Coquerel, Président du mouvement, Pierre Carassus, secrétaire général, le syndicaliste André Deluchat. Hayat Dhalfa et Michel Naudy en seront les  porte-parole. Représentant des groupes locaux, plusieurs centaines de militants et sympathisants implantés dans 31 départements et de nombreux élus en Ile de France et en Province (conseillers généraux, maires, élus municipaux), le Mars-Gauche Républicaine a adopté ce 24 mars un manifeste fondateur titré « Au nom de la République et du Socialisme ».

 Ces deux Mouvements étaient nés de la séparation avec le Mouvement des Citoyens (MDC) en ce qui concerne la Gauche Républicaine en 2002, et avec le Mouvement Républicain et Citoyen (MRC) pour ce qui est du Mars en 2003. Ils ont été actifs au sein de la gauche antilibérale, mais n’ayant pu faire prévaloir une candidature unique, ils n’ont soutenu personne lors de ce premier tour de l’élection présidentielle.

 Avec le MRC 53, j’ai rejoint le Mouvement Républicain et Citoyen en 2004, alors qu’Eric Coquerel et Michel Naudy, notamment, venaient de le quitter. Ce texte fondateur du Mars - Gauche Républicaine est de nature à faciliter un rapprochement futur.

 Dans l’immédiat, nous serons ensemble dans la bataille du second tour pour faire élire Ségolène Royal. Ce blog veut être un moyen d’information pour la gauche républicaine en Mayenne. Le MRC 53 est ouvert à des contacts avec le Mars - Gauche républicaine, si celui-ci a des correspondants en Mayenne.

 Voici le texte du manifeste fondateur du Mars – Gauche Républicaine.

 « AU NOM DE LA RÉPUBLIQUE ET DU SOCIALISME »

 « La chute du mur de Berlin en 1989 nous a fait entrer dans une ère nouvelle. Le XXe siècle s’est arrêté là. La désagrégation du camp socialiste, qui s’est achevée avec l’effondrement du système soviétique, a bouleversé l’ordre international en abandonnant aux seuls Etats-Unis d’Amérique l’ambition impériale. Leur projet, dans sa version absolutiste, suppose de briser tous les obstacles à la mondialisation financière. Il prétend laisser l’individu seul face au marché.

 Dans cet ordre nouveau, rien ne doit échapper à la marchandisation, dès lors qu’une source de profit existe ou surgit : la santé, la culture, l’éducation, le transport, l’énergie, l’eau, les moyens de communication… Pas un domaine ne doit lui être étranger. Sous le manteau de l’individu roi, libéré de toutes contraintes, on assiste, en vérité, à un grand bond en arrière. Une régression historique  sur tous les fronts :

 - Régression sociale assise sur la pression continue exercée sur les revenus du travail –ce que la technocratie libérale baptise « coût du travail »- au profit de ceux du capital. D’où un « moins disant généralisé » qui fait de la rentabilité du capital financier un impératif catégorique et qui émousse les instruments collectifs d’intervention économique.

 - Régression démocratique quand se distille l’idée selon laquelle les peuples sont désarmés face à un ordre capitaliste présenté comme naturel et que les citoyens se sentent impuissants dans la tentative d’influer par l’action collective.

 - Régression de la paix quand les peuples sont lancés dans une concurrence malsaine et des régions entières  de la planète  mises à feu et à sang au nom du contrôle des ressources énergétiques et de celui des richesses naturelles.

 - Régression écologique enfin, quand la priorité donnée à la libre circulation des marchandises et aux délocalisations des activités (quel qu’en soit  le coût polluant), vise à accélérer la mise en place de productions méprisantes du danger qu’elles font courir à l’espèce humaine et à la planète victime du réchauffement climatique et de l’épuisement de ressources naturelles vitales.

 Avec la dislocation du bloc soviétique ce phénomène s’est accéléré faute de projet alternatif à lui opposer. Il a fallu en effet prendre acte, non seulement de l’échec du projet transformateur qui prétendait exister à l’est de l’Europe, mais aussi de la responsabilité dans cet échec du socialisme bureaucratique d’état. Ce fut, c’est encore un  ébranlement pour l’idée socialiste, elle-même. La puissance états-unienne s’est ainsi vue renforcée et s’est alors sentie investie de la mission de propager, au moyen du marché, ce qu’elle considère comme ses valeurs civilisatrices.

 Depuis lors, l’emprise de la finance internationale est totale et à l’échelle de toute la planète  comme le montrent la montée en puissance de l’Inde et la Chine dans le concert du capitalisme mondialisé. Dans ce contexte, le fait religieux lui-même, est devenu un acteur, un partenaire et une caution de l’Empire, mais aussi, d’une certaine manière, une forme de protestation contre ce dernier comblant de façon confuse et régressive le vide laissé par l’échec communiste.

 Partout la loi de la jungle se substitue à l’idée du bien commun, la charité se doit de remplacer la solidarité. Cette main mise se veut  commerciale, politique, sociale, idéologique et culturelle. En cela, elle ignore aussi bien l’individu que le bien commun. Elle combat l’égalité, elle refuse les solidarités. Là où la politique était un processus qui devait permettre aux citoyens de décider des modalités du Contrat Social, le capitalisme mondialisé cherche aujourd’hui à briser tout cadre destiné à permettre l’exercice d’une pensée critique et d’une action collective.

 Dans ce nouvel ordre mondial, l’Europe aurait pu, aurait dû se poser en rempart. Son ambition initiale de rapprocher des peuples pour en finir avec les guerres intracontinentales était plus que légitime. Sa réalisation et sa concrétisation dans l’Europe de Maastricht en ont fait, au contraire, le véritable cheval de Troie de la mondialisation libérale qui a bien des égards s’avère plus extrémiste encore que son modèle états-unien.

 C’est cela que les Français ont repoussé avec force le 29 mai 2005 en votant Non au Traité Constitutionnel Européen. Ils ont ainsi rejeté une harmonisation sociale et fiscale par le plus petit dénominateur commun. Ils ont refusé la casse des services publics qui sont les outils du bien commun. Ils ont contesté  la concurrence libre et non faussée  en tant que loi  de fer dans des espaces qui doivent échapper à la logique du marché. Ils ont signifié au pouvoir économique et à la Banque Centrale Européenne leur refus  de la construction d’une Europe de la finance. Ils ont enfin affirmé l’incontournable de leurs prérogatives démocratiques et de la maîtrise de leur destin.

 Malgré tout, l’Europe peut encore se poser en alternative à ce modèle unipolaire du monde. La résistance à la croisade impérialiste en Irak en a donné l’indice fort. À cette occasion, la France et l’Allemagne, en refusant l’enrôlement sous la bannière étoilée, ont dit leurs capacités de non-alignement. Cette proximité devrait être porteuse d’une politique de coopération renforcée entre nos deux pays pour refonder une Europe répondant aux aspirations de ses peuples.

 Pour se construire, l’Europe doit s’appuyer sur ses meilleures traditions humanistes, sociales et républicaines. Elle doit harmoniser par le haut ses règles sociales, fiscales et environnementales et protéger tous les acquis nationaux en faisant du principe de non régression une base incontournable. Elle doit promouvoir une politique active de coopération et d’aide au développement avec les pays du Sud. Utile aux peuples qui la composent, vecteur de progrès social, de démocratie et d’un nouvel ordre international, cette Europe là gagnerait enfin la légitimité populaire contrairement au grand marché européen que l’on essaie de nous vendre pour idéal commun.

 Il s’agit d’un long combat qui n’est pas contradictoire avec le combat national mais qui, au contraire, en est la résultante. Car les Etats-Nations restent encore le cadre de résistance collectif le plus opérant à la mondialisation libérale. C’est en effet parce qu’ils sont encore le cadre le plus pertinent d’expression de la souveraineté populaire, seule garante d’une démocratie effective, qu’ils indisposent à ce point ceux qui veulent l’uniformisation et la modélisation de l’homme, son assujettissement au marché roi. En eux et par eux peut encore renaître un projet à vocation universaliste et internationaliste.

 En rendant le politique au peuple, en s’appuyant sur l’héritage des Lumières, de la grande révolution de 1789 et de figures historiques comme celle de Jaurès, il est plus que temps de réaffirmer la vitalité du modèle républicain. Celui-ci, loin d’être dépassé, est au contraire d’une extrême pertinence, et le sera plus encore dans les années à venir. Car la République, si elle est garante des valeurs fondamentales de démocratie, de laïcité et de bien commun, ne peut s’entendre comme une proclamation gravée dans le marbre. Le contenu du projet républicain est bel et bien inachevé, en évolution permanente, et se doit d’être porteur de la transformation des structures sociales, politiques et économiques. Selon l’heureuse formule de Jaurès, « le socialisme, c’est la République poussée jusqu’au bout ».

 En ce sens, nous sommes incontestablement socialistes lorsque nous réaffirmons et faisons nôtre le triptyque républicain « Liberté, Egalité, Fraternité », soulignant ainsi la place centrale que doit y occuper la valeur égalitaire. Le modèle républicain est plus que jamais nécessaire dans une période où les changements sont  multiples. Face aux risques encourus, la protection dont peut se revendiquer chaque individu ne pourra être effective sans une prise en charge collective. Nul ne peut aujourd’hui se construire en opposition aux autres et prétendre simultanément œuvrer pour le bien commun. C’est le pacte républicain qui lie les citoyens entre eux et doit être le moteur qui permettra à chacun de progresser en assurant la promotion et l’émancipation de tous.

 Tant sur l’analyse de la situation que sur les perspectives politiques, les adhérents du MARS et de la Gauche Républicaine se sont souvent retrouvés, ces derniers mois, côte à côte sur le même chemin. Face à l’émiettement des républicains de gauche, qui tient au moins autant aux expériences récentes qu’au détournement des valeurs républicaines par certains courants, nous avons jugé qu’il était plus que temps, pour nous, d’unir nos forces pour porter nos idéaux.

 Républicains, nous affirmons donc notre ancrage à gauche parce que la distinction droite-gauche reflète encore, même de façon plus confuse qu'autrefois, des intérêts de classe. Notre combat s'appuie en effets sur deux axes : celui  de la démocratie (qui ne saurait se réduire au seul exercice du droit de vote) à travers la réaffirmation de la souveraineté populaire et celui de l'égalité sociale.

 La République ne se situe pas « au-delà de la gauche et de la droite ». Cet épisode de la Présidentielle 2002 fut une erreur. La gauche républicaine y a perdu pour longtemps l’occasion de refonder la gauche autour d'elle, tout au moins une gauche de transformation.

  Porter plus haut une vision de gauche de la république, c'est ne pas renoncer à changer le monde, bien au contraire. La république, en effet, est insoluble dans le libéralisme et dans toutes ses politiques d'accompagnement. Notre axe stratégique est de changer toute la gauche, de proposer un projet alternatif à vocation majoritaire ce qui implique de changer le rapport de force à gauche au détriment des sociaux libéraux. 

 Ce choix implique une refondation de la gauche afin qu'émerge dans les années à venir un grand mouvement politique rassemblant toute la gauche de transformation. Ce mouvement nous devons en être l'une des forces initiatrices. Il ne se créera certes pas autour d'un regroupement des seuls républicains, mais nous pouvons, de façon ouverte, y porter toutes nos idées car nous demeurons persuadés que le projet alternatif dont la gauche a besoin devra s'appuyer sur les fondements d'une république démocratique et sociale.

 Voilà l'axe stratégique qui guide depuis leur création en 2003, le Mars et la Gauche Républicaine. Voilà  ce qui nous a décidés à être parmi les initiateurs du « non de gauche » au Traité Constitutionnel. Voilà le chemin que nous avons choisi. Voilà ce qui fonde notre engagement. Au nom de la République et du socialisme ».

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16 avril 2007 1 16 /04 /avril /2007 14:23

 

En fait, Michel Rocard est un libéral à l’américaine

 Les réactions ont été nombreuses à l’appel de Michel Rocard en faveur d’un accord avec Bayrou. Jean-Pierre Chevènement s’est exprimé hier sur son blog  (www.chevenement.fr) en rappelant  les vraies différences entre les projets de Ségolène Royal et de François Bayrou. De son côté, Michel Rocard a précisé sa pensée lors d’un débat organisé ce matin par Le Monde. fr (www.lemonde.fr). Voici des citations de l’un et de l’autre à ce sujet.

 JP Chevènement : « La petite différence qui échappe à Michel Rocard »

 « Michel Rocard est fidèle à lui-même en réclamant une alliance, dès avant le premier tour, entre sociaux-démocrates et démocrates-sociaux.

Il entonnait déjà des odes au marché dans les années soixante-dix, alors que les conditions de la mondialisation libérale se mettaient en place. Il fut le chantre du social-libéralisme, avant que celui-ci ne creuse un abîme entre la gauche et les couches populaires. Toujours à contretemps, Michel Rocard confond l'élection présidentielle avec une discussion programmatique, telle qu'il s'en noue quelquefois entre les deux tours d'une élection municipale.

L'erreur de Michel Rocard s'énonce simplement : sur le fond, il ne voit plus de différence substantielle entre François Bayrou et lui-même. Et cela est vrai : sur l'Europe pour ne prendre qu'un seul exemple. Il oublie qu'il y a peut-être dix à douze millions d'électeurs qui, eux, font la différence et ne voteraient pas Bayrou dans l'hypothèse surréaliste qui sous-tend son appel. Celui-ci pourrait passer pour perfide, s'il n'était d'abord inepte.

 Seule Ségolène Royal a inscrit son programme dans le dépassement du clivage entre le « oui » et le « non », pour une Europe économiquement, monétairement et socialement redressée. C'est cette petite différence qui échappe à Michel Rocard. C'est elle qui fera la décision ».

 Michel Rocard : "Mon appel aura seulement servi à préparer les esprits"

 L’ancien premier ministre tient à marquer sa différence avec le candidat de l’UDF.

 Michel Rocard : « Dans ce que propose M. Bayrou, ce qui me paraît le plus inacceptable est le mode de scrutin proportionnel pour les élections législatives. Dans l'état actuel de la méfiance entre l'électorat et les élus, rompre le lien que crée le scrutin uninominal me paraît très dangereux, et beaucoup de pays qui se sont livrés à la proportionnelle intégrale y ont risqué l'éclatement. C'est vrai de la Belgique, de l'Italie, d'Israël, de la Pologne et de bien d'autres. Et puis surtout, je regrette de n'entendre pratiquement jamais François Bayrou parler de la dérive actuelle du capitalisme, qui me paraît être le problème le plus grave de notre temps, mais c'est de ma part une analyse de socialiste à l'évidence ». 

Puis Michel Rocard affirme sa profession de foi libérale à l’américaine. On comprend mieux pourquoi il a du mal à se faire comprendre en France.

Michel Rocard : « Quant à ce qu'est un libéral, vous mélangez tout. Notre but à nous, socialistes, est d'assurer une société plus libre, y compris par rapport à la pauvreté, mais la liberté suppose des règles. La liberté sans règles, c'est la jungle, et les vrais libéraux – comme d'ailleurs l'était Jaurès – se sont toujours battus pour que les libertés, y compris économiques, s'exercent dans des règles équitables et efficaces. C'est cela le sens de notre combat aujourd'hui. N'oubliez jamais qu'aux Etats-Unis, c'est la gauche qu'on appelle libérale. Eux n'ont pas laissé dériver le sens de ce mot. Le souvenir du Goulag est trop proche, et ceux qui se disent anti-libéraux me font peur ». 

 Enfin, Michel Rocard admet l’échec de son appel pour une alliance dès le premier tour avec Bayrou. Il conclut ainsi :

  Michel Rocard: « La non-réponse positive à mon appel avant le premier tour ne m'étonne pas. Mon appel aura seulement servi à préparer les esprits. Au second tour, le choix sera entre la préservation doctrinale ou l'alliance avec des forces différentes, et donc un changement d'habitudes culturelles. On verra bien. Ma seule ambition est de convaincre tout un chacun que l'éventuelle élection de Nicolas Sarkozy est un vrai danger pour la France ».

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15 avril 2007 7 15 /04 /avril /2007 22:04

 

Le manque de repères républicains et de base populaire

 Hier, j’ai allumé la mèche en titrant sur ce blog « Les anciens de mai 1968 sont les amis de Bayrou ». Je voulais pointer la responsabilité de certains leaders du mouvement de mai 68 dans la dérive politique vers les rivages centristes, expérimentée d’abord au Parlement européen puis proposée maintenant au niveau national.

 La pensée de Xavier Dumoulin a rebondi aussitôt, produisant le texte publié ce jour sur son blog http://sr07.unblog.fr. Ce qui est fort intéressant, c’est l’explication de l’atonie des intellectuels issus de mai 1968 : ils ont intégré les contraintes de la mondialisation libérale et renoncé à l’esprit de résistance.

 Michel Rocard a reconnu la victoire du capitalisme et appelé à la démobilisation générale. Quoi d’étonnant à ce qu’il partage la vision poltronne de François Bayrou qui préconise de rassembler les défaitistes de droite et de gauche pour faire une politique d’acceptation des principes néo-libéraux en odeur de sainteté à Bruxelles, comme dans les organisations européennes et internationales ?

 Voici ce texte de Xavier Dumoulin, pas toujours facile à lire, mais très important sur le fond. Les intertitres sont de ma composition.

 « Du gauchisme au centrisme, qu’avez-vous fait de vos vingt ans ? »

 « Je ne porte pas de jugement monolithique et univoque sur les conséquences de l'agitation étudiante et du mouvement social de mai 68. Je retiens, dans la hiérarchie de leurs retombées, les acquis sociaux conjoncturels, en terme de pouvoir d'achat notamment, et structurels avec la reconnaissance de l'expression syndicale dans l'entreprise et surtout la dynamique en oeuvre dans la société civile : place des femmes, contraception, évolution des relations sociales et des rapports d'autorité, etc. Les idées de mai ont charrié, dans leur sillage, le meilleur et parfois le pire. N'oublions pas aussi l'aspect international de cette contestation des pouvoirs à l'Ouest et à l'Est.

 Mon propos s'intéresse au substrat idéologique des enfants de mai.

Les gauchistes libertaires ont cultivé à l'Université et dans les appareils idéologiques une approche centrée sur l'éclatement des pouvoirs. La contestation s'est organisée sur un mode nouveau : la société civile contre l'Etat, le mouvement social contre les appareils, la base contre le sommet, la périphérie contre le centre,  la spontanéité contre l'organisation et le savoir structuré etc.

Cette vision manichéenne et simpliste contenait en germe une critique diffuse des institutions, traversant les appareils politiques de la gauche et  accompagnant, paradoxalement, le mouvement des idées de la société bourgeoise en quête d'un nouveau libéralisme sans entrave et adapté à la marchandisation du monde.

 Les idées de mai ont été récupérées par un capitalisme avide de modernisation contre tous les archaïsmes.

Des discours managériaux nouveaux ont éclos dans ce nouvel esprit du capitalisme qui privilégie, dans l'entreprise, l'autonomie et la flexibilité à l'organisation pyramidale et aux rigidités organisationnelles, dans la société, le pédagogisme à la transmission des savoirs, l'individualisme au civisme et à l'engagement collectif, l'émotion à la raison et dans l'économie la main invisible du marché à la rationalité d'une planification démocratique et d'une impulsion de l'Etat.

 Des actions qui font l’impasse sur l’articulation avec le politique

 En politique ces tendances ont eu aussi leurs traductions avec la stratégie de conquête des pouvoirs à la base ("des Lip par milliers") sur différents fronts sociaux (les luttes des femmes, des jeunes et étudiants, des gays et lesbiennes, des sans papier, des sans logement, des chômeurs et des précaires…).

 Cette stratégie fait souvent l'impasse sur les articulations nécessaires entre les luttes sociales et politiques pour la transformation sociale. Impuissante à changer la donne, elle s'est parfois retournée contre ses protagonistes, isolés, sans perspective syndicale ou sans projet politique. Le néolibéralisme a su parfois phagocyter et pervertir cette démarche dans une modernisation des rapports sociaux.

 Le marché s’est imposé dans les têtes des élites

 La prédominance du marché et des politiques de l'offre semble devoir s'imposer dans les têtes des élites et des gouvernants en écho à cette critique diffuse de l'Etat et du modèle républicain de régulation économique et sociale. La machine à exclure s'est délestée d'un arsenal protecteur (assouplissement du droit du licenciement, déréglementation au profit du contrat, organisation flexible, remise en cause du système de retraites par répartition, etc.) quand, dans le même temps, de nouvelles protections ont pu être instituées ou revendiquées. La critique de la société de consommation s'est accompagnée d'une explosion sans précédent de la sphère marchande dans une société de marché inégalitaire et source d'exclusions.

 Le règne de la pensée unique

 Ce puissant mouvement de libéralisation explique l'entreprise de liquidation des institutions démocratiques : citoyenneté, République, Etat social, Etat-nation. Ces institutions sont pourtant le legs de la gauche républicaine attachée à la démocratie politique, économique et sociale. Quant au formidable effort de désidéologisation du marxisme, désencombré de la vulgate stalinienne, il est vilipendé par des idéologues repentis de leur effroyable orthodoxie d'hier, aujourd'hui véritables maîtres de la pensée unique. 

 Ce renouvellement de la pensée socialiste offrit pourtant des clefs à la compréhension du monde actuel, complétant utilement les grilles d'analyse marxiste de l'exploitation économique : le phénomène de domination idéologique au travers des écrits d'un Gramsci réhabilité et retrouvé; l'analyse de l'Etat et des rapports de classe dans l'oeuvre de Nicos Poulantzas; la question nationale dans l'austro-marxisme d'Otto Bauer… Le CERES a grandement contribué à ce réveil de la pensée politique critique dans les années soixante dix avant de mettre au coeur de sa perspective socialiste et républicaine la pensée de Jaurès si féconde et toujours  incontournable.

 La liquidation de la pensée critique a produit ses effets dévastateurs

 Du gauchisme, privé de repères intellectuels pertinents et coupé des couches populaires, à la deuxième gauche, le pas fut vite franchi par les esprits favorables à cette liquidation d'une pensée critique au profit d'un élan messianique hérité du vieux fonds chrétien social. On sait ce qu'il advint de la CFDT recentrée ou du rocardisme, pour ne prendre que ces deux figures emblématiques de la nouvelle gauche dite aussi américaine.

 Sans doute trop schématisé ici, ce glissement explique la mutation d'une importante fraction des intellectuels issus du gauchisme vers une acceptation des contraintes imposées par la mondialisation libérale. D'où l'évolution naturelle de nos gauchistes vers le centrisme. Car, si l'on devait chercher le trait commun à tous nos recentrés, ce serait peut être celui de leur jeunesse fascinée par le mouvement de mai.

 Chacun comprendra en quoi le ségolisme, ni gauchiste ni centriste, peut être un jalon utile dans la mutation républicaine et sociale d'une gauche à la croisée des chemins ».

A lire sur http://sr07.unblog.fr 

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15 avril 2007 7 15 /04 /avril /2007 19:44

 

La majorité présidentielle se fera au second tour

Ce dimanche, Ségolène Royal a eu l’occasion de s’exprimer dans Le Journal du Dimanche, en répondant aux questions de Pascale AMAUDRIC et Florence MURACCIOLE. Lire cet entretien sur http://www.lejdd.fr/?/ portant le titre « Les Français ne regretteront pas leur audace ». Voici un extrait avec la question qui obnubile certains socialistes.

 « Que répondez-vous à ceux qui disent que, pour faire perdre Sarkozy, mieux vaut voter Bayrou au premier tour ?

 Ségolène Royal : "Souhaiter la défaite de Nicolas Sarkozy, ce n'est pas souhaiter la défaite d'un homme. C'est vouloir mettre un terme à la politique suivie depuis cinq ans et empêcher une droite encore plus dure de continuer les dégâts. Comment pourrait-on y parvenir en votant pour le président d'une formation politique, l'UDF, qui fait partie de la majorité, est présente au gouvernement et vote dans toutes les collectivités territoriales avec l'UMP, sans exception ?

 François Bayrou est une personnalité respectable, mais il n'a ni programme ni équipe. Des millions de Français se sentiraient floués si le second tour les privait d'un véritable choix. Ma vision pour la France, c'est de réconcilier la solidarité, la responsabilité individuelle et l'efficacité économique, en remplaçant la loi du plus fort par la loi du plus juste. Je suis prête".

  Par ailleurs, Jean-Marc Ayrault, président du groupe PS à l’Assemblée nationale depuis 1997, s’est exprimé sur le même sujet dans www.lefigaro.fr  le 13 avril dernier.  

 Jean-Marc Ayrault : "Refusons les combinaisons d'appareils" 

LE FIGARO. - Que pensez-vous de la proposition de Michel Rocard d'alliance PS-UDF ?

 Jean-Marc AYRAULT. - C'est un propos personnel et isolé de Michel Rocard. Ce dont nous avons besoin, c'est de sortir des confusions et de donner de la clarté. Notre pays a besoin que le changement soit réel et qu'il ne s'apparente pas à des combinaisons d'appareils surannées.

 Compte tenu de la faiblesse du reste de la gauche, avec qui le PS gouvernera-t-il s'il rejette le centre de François Bayrou ?

 Je suis sûr que les législatives donneront à Ségolène Royal les moyens de son action. Nous voulons construire une gauche de solidarité qui assume ensemble les bons comme les mauvais moments. C'est pourquoi chacun doit se prononcer sur le pacte présidentiel. Quant à François Bayrou, il faudra bien qu'il sorte de l'ambiguïté et choisisse au deuxième tour.

 Dans cette campagne, on a parlé sécurité, identité nationale... Constatez-vous une droitisation de la vie politique ?

 Dans une élection présidentielle, on doit parler de tout. Mais ce qui doit être au centre du débat, c'est l'avenir du modèle social français. Cette question est au cœur de l'identité du pays et de la gauche. L'originalité de la démarche de Ségolène Royal est d'associer dans un donnant-donnant solidarité collective et responsabilité individuelle. Il faut sortir d'une logique binaire entre ceux qui seraient pour l'assistanat et ceux qui seraient pour la responsabilité. Aujourd'hui, tous les clignotants économiques sont au rouge : chômage, précarité, protection sociale... La tâche sera rude. Quelle méthode voulons-nous ? Celle qui génère du conflit ou celle qui crée une dynamique de compromis et d'équilibre ? Beaucoup de gens ont peur de la dureté de la démarche de Nicolas Sarkozy. Sa méthode, c'est « je décide, les Français exécutent ». À chaque fois qu'on a voulu passer en force, le pays s'est cabré. C'est pourquoi la République nouvelle de Ségolène Royal repose sur la responsabilisation des citoyens et l'exemplarité de l'État.

 Parleriez-vous comme Ségolène Royal de la « brutalité de penser » de Nicolas Sarkozy ?

 Au fur et à mesure de la campagne, il s'est radicalisé. Au lieu de générer de la confiance, il provoque de l'inquiétude, comme avec ses propos sur le déterminisme génétique du suicide chez les jeunes. Pourquoi pas demain la prédestination à la délinquance ? L'un des fondements de l'esprit républicain, c'est la politique de la deuxième chance. En banalisant un certain nombre de thèses du Front national, Nicolas Sarkozy joue avec des allumettes dans un baril de poudre.

 Tous les sondages donnent Ségolène Royal vaincue, êtes-vous inquiet ?

 Les Français savent qu'on change de cycle et veulent être sûrs de leur choix. Le premier tour est une bataille de clarification. Nicolas Sarkozy cite Jaurès et produit un programme à l'opposé. Il embrouille pour éviter de parler de son bilan, de ses valeurs et de son projet. François Bayrou aussi participe à cette confusion. Le pays a besoin de choix clairs. Au premier comme au second tour, Ségolène Royal incarne le renouveau et le désir de changement.

Que dites-vous aux électeurs de gauche que la campagne de Ségolène Royal a déçus ?

 Ségolène Royal porte toutes les valeurs de la gauche. Elle s'inscrit dans sa volonté de transformation. Mais pour y parvenir, elle a décapé profondément son mode de pensée, l'a adapté aux enjeux de son temps, quitte à bousculer les codes et les conformismes. L'extrême gauche devrait réfléchir quand elle parle d'une soi disant « gauche molle ». Est-ce qu'elle préfère la droite dure ?

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14 avril 2007 6 14 /04 /avril /2007 22:32

 

Les anciens de mai 1968 sont les amis de Bayrou

 L’appel de Michel Rocard en faveur d’un accord PS-UDF a surpris parce qu’il s’est produit à dix jours du premier tour de l’élection présidentielle. Comment un membre éminent de l’équipe de Ségolène Royal peut-il affirmer délibérément et publiquement une position qui met en difficulté la candidate qu’il soutient ? Pour le comprendre, il est nécessaire de faire un retour sur le passé.

 En mai 1968, c’était Daniel Cohn-Bendit qui était l’inspirateur et le principal animateur du mouvement de revendication de la jeunesse étudiante. Aspiration à la liberté des mœurs, à l’émancipation individuelle et aux responsabilités sociales face aux rigidités du pouvoir gaulliste vieillissant et de la tutelle du parti communiste sur le mouvement social et culturel.

 Michel Rocard était alors, à la gauche du courant socialiste de l’époque, l’homme politique le plus proche du mouvement de mai. Cohn-Bendit et Rocard étaient anti-gaullistes et anti-communistes. Ils aspiraient à prendre des responsabilités publiques avec la gauche.

 Face au néo-libéralisme des années 1980 et 1990, ils ont refusé de lutter et ont fini par reconnaître la victoire du capitalisme. Ils se sont réfugiés au Parlement européen, l’endroit idéal pour mettre en œuvre le rapprochement entre les sociaux libéraux (les socialistes, plus sociaux que libéraux) et les libéraux sociaux (les centristes, plus libéraux que sociaux), les uns et les autres ayant la même idée, fédérale et supranationale, de l’Europe.

 Pour sa part, Xavier Dumoulin, sur son blog citoyen, socialiste et républicain http://sr07.unblog.fr/  a apporté un autre éclairage.

 « Les obscurs desseins de monsieur Rocard ».

« La déclaration de Michel Rocard ne me surprend pas. Elle est dans la lignée du combat de cette deuxième gauche contre laquelle nous avons toujours ferraillé. Ma mémoire de militant est pleine de ces luttes contre "la gauche américaine".

 Je me souviens du congrès de Nantes en 1977 et du discours de Michel Rocard sur les deux cultures. Je défendais alors la motion du CERES qui eut un certain écho dans ma section. Et puis vint le congrès de Metz. Alors responsable des étudiants socialistes de Bordeaux, j'ai en mémoire ces débats de fond dans une nouvelle configuration, celle de l'alliance entre le CERES et les mitterrandistes.

 Pour Rocard, il s'agissait encore de vilipender les jacobinistes et l'Etat contre la société civile, parée de toutes les vertus. La victoire de la stratégie d'union de la gauche en 1981 devait nous donner raison. Et nous pourrions aussi évoquer le rôle de Rocard dans les choix monétaires d'arrimage du franc au SME et ceux de la rigueur qui en découlaient. C'était en 1983. Nous avions eu des débats houleux dans ma fédération socialiste de l'Ain qui devait accueillir cette année là le congrès national; celui de Bourg en Bresse. Ces questions secouaient bien sûr tout le Parti et, notamment, le secteur entreprise au sein duquel je militais.

 Michel Rocard, premier ministre de l'époque, fut aussi un ardent préparateur et défenseur de la signature du traité de Maastricht - qui supposait plus tard l'adoption du pacte de stabilité - contre lequel nous fûmes nombreux à nous élever avant de quitter le P.S, qu'il dirigeait alors, pour fonder le Mouvement des Citoyens. Décidément, cet homme intelligent et influent, a toujours été du côté de la gauche qui renonce après son départ du PSU en 1974.

 Aujourd'hui de quoi s'agit-il ? La stratégie de rassemblement des forces de gauche au service d'une politique audacieuse visant la réorientation de l'Europe et la conduite d'une nouvelle politique économique et sociale en France, n'a pas la faveur de Michel Rocard. Constant dans son refus d'une politique vraiment alternative à celle des libéraux; il peut en toute bonne conscience déclarer aujourd'hui : "Socialiste et européen depuis toujours, j'affirme que sur les urgences d'aujourd'hui rien d'essentiel ne sépare plus en France les sociaux-démocrates et les démocrates-sociaux, c'est-à-dire les socialistes et les centristes.

 Sur l'emploi, sur le logement, sur la dette, sur l'éducation, sur l'Europe, nos priorités sont largement les leurs. Sur la société, sur la démocratie, sur les femmes, sur l'intégration, sur la nation, nous partageons les mêmes valeurs." Monsieur Rocard a le droit de penser cela. Mais il ne pense plus en homme de gauche quand il veut entraîner dans ses turpitudes les sociaux libéraux.

La réponse de notre candidate est sans appel et c'est dans la clarté qu'elle aborde aujourd'hui cette dernière ligne droite avant le premier tour. Une fois encore Michel Rocard a succombé à la tentation de renoncer à l'essentiel. Une fois encore, à la base, nous sommes appelés à combattre énergiquement ses funestes desseins de toute la force de nos convictions ».

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14 avril 2007 6 14 /04 /avril /2007 08:40

 

L’Europe ne cesse de travailler contre elle-même

 Dans Le Monde daté du 13 avril, Henri Nallet fait œuvre utile en alertant les responsables politiques sur ce qui risque de se passer à court terme lors des négociations internationales (volet agricole) dans le cadre de l’Organisation Mondiale du Commerce. Il ne cite pas Ségolène Royal, mais on peut supposer que ce texte lui est destiné.

 Henri Nallet était récemment invité par la FDSEA de Maine-et-Loire pour parler du 50ème anniversaire du Traité de Rome, comme le rapporte un article de l’Avenir agricole (30 mars-5 avril 2007) www.aveniragricole.net . « L’ancien ministre de l’agriculture des gouvernements Fabius et Rocard s’est posé en défenseur de la Politique Agricole Commune et a pris position en faveur d’une agriculture européenne forte ».

 Conseiller de la FNSEA à la fin des années 1960, puis conseiller de François Mitterrand à partir de 1981 pour les affaires agricoles, avant d’être trois fois ministre (agriculture, justice), Henri Nallet semble s’être éloigné des responsabilités politiques. Ces articles de l’Avenir agricole et du Monde montrent qu’il reste très informé des questions agricoles internationales. Toutefois, il se situe dans un registre traditionnel de la politique agricole, pas très différent des positions de la FNSEA.

 J’invite lectrices et lecteurs de ce blog à se reporter à mes articles agricoles (catégorie « Agriculture et PAC »), notamment celui du 1er avril dernier, pour compléter leurs informations à ce sujet.

 « L'Europe agricole en perdition » par Henri Nallet

 « Les principaux candidats à l'élection présidentielle se proposent tous d'agir pour "réguler la mondialisation", c'est-à-dire, en fait, pour tenter, si cela est possible, de protéger les populations française et européenne des conséquences néfastes de la globalisation marchande.

 Celui ou celle qui sera élu(e) aura l'occasion de montrer, très vite, sa détermination dans ce domaine particulier de la responsabilité présidentielle qui concerne les relations commerciales internationales. En effet, les négociateurs américain, brésilien et européen sont proches d'un accord sur le volet agricole de la négociation de Doha, qui dure maintenant depuis six ans dans le cadre de l'OMC.

 Il est donc temps d'apprécier du point de vue des intérêts européens l'accord qui se dessine par rapport aux objectifs de départ, qui cherchaient à libéraliser davantage les échanges dans les secteurs agricole, industriel et des services et où tout le monde devait donc retrouver son compte dans le fameux et libéral "gagnant-gagnant". Mais on sait que, faute d'avancer sur les autres sujets, la négociation s'est concentrée, une fois encore, sur l'agriculture.

 L'Union européenne savait qu'il lui serait demandé de renoncer aux dernières protections de son agriculture. C'est pourquoi elle décida, pour des raisons tactiques, de procéder en 2003 à une profonde réforme de son système d'aides à l'agriculture. Il n'y avait alors en effet ni stocks invendables ni crise financière, rien qui justifiât un tel chambardement. On sépara les soutiens financiers de l'acte de production ("découplage"), afin que les dernières aides européennes n'aient plus aucun effet de distorsion sur les échanges. Elles devenaient ainsi, aux yeux des juges de l'OMC, paradis des aides permises !

 La raison de ce coup de bonneteau était claire : on montrait que, la réforme de la PAC étant faite, c'était aux autres, en particulier aux Etats-Unis, de réduire leurs aides liées aux prix ou à la production et qui perturbent les échanges commerciaux. Le commissaire à l'agriculture de l'époque déclarait en juin 2003 : "Notre politique est respectueuse des échanges. Nous abandonnons l'ancien système des subventions, qui fausse considérablement les échanges... L'Union européenne a fait son devoir, aux autres maintenant d'agir pour assurer le succès des négociations commerciales de l'OMC... Un désarmement unilatéral est hors de question. La balle est à présent dans le camp des autres pays, comme les Etats-Unis, dont la politique agricole est plus que jamais de nature à fausser les échanges."

 Que reste-t-il aujourd'hui de ces bonnes dispositions tactiques compte tenu de ce que l'on sait du possible accord final ? Il semble bien que l'on soit assez loin du résultat escompté. Loin de contraindre les Etats-Unis à réduire leurs subventions aux exportations et autres paiements contracycliques (compensation des effets des baisses de prix) qui concurrencent les productions des pays en développement (le cas du coton), les pays européens ont accepté en 2004 la création d'une nouvelle catégorie d'aides autorisées aux agriculteurs (baptisée "nouvelle boîte bleue") dont le seul objet est de mettre les paiements contracycliques américains à l'abri de toute contestation à l'OMC. Les Européens n'utilisent pas ce type d'aides ; ils ont donc fait un cadeau aux Américains, sans la moindre compensation.

 Ensuite, à Hongkong, l'Europe s'est engagée à supprimer toute subvention à l'exportation à compter de 2013. Bonne nouvelle pour les pays en développement, mais les Etats-Unis n'ont pas pris d'engagements aussi clairs et précis et pourront continuer à financer des exportations agricoles sous forme d'aide alimentaire. Nous avons abandonné une belle carte sans contrepartie réelle...

 Au total, le projet d'accord auquel la Commission semble prête à souscrire est déséquilibré. Le marché européen sera largement ouvert aux importations puisque les droits de douane agricoles seront vraisemblablement réduits en moyenne de 50 % à 55 %. Seul un tout petit nombre de produits sensibles seront mieux protégés. De leur côté, les Etats-Unis ne feront que de modestes concessions sur le montant de leurs aides aux agriculteurs, qui sont liées aux prix ou à la production. Ils ne prendront aucun engagement de réduction sérieuse du niveau actuel de leurs aides, ce que confirme la préparation de la prochaine loi agricole (Farm Bill) américaine...

 Si l'accord qui est en vue se confirme, l'Europe ouvrira largement ses marchés, abandonnera ses subventions à l'exportation et se retrouvera unilatéralement désarmée face à une concurrence internationale, américaine notamment, qui aura à peu près réussi à conserver intégralement son potentiel de nuisance, sans craindre d'être un jour condamnée, comme ce fut le cas pour le coton, puisque la commission est prête à accorder aux Américains le renouvellement d'une "clause de paix" qui les mettrait à l'abri de tout contentieux à Genève ! Cette dernière concession est d'autant plus étonnante que, depuis la réforme de 2003, la PAC n'a plus grand-chose à craindre des contentieux genevois...

 Ces résultats, qui du point de vue commercial sont, pour l'Europe, mauvais parce que déséquilibrés, auront une autre conséquence lourde de sens. En effet, désormais privée de moyens de protection à la frontière, la Commission sera, paradoxalement, obligée d'aller au bout de la libéralisation en supprimant les derniers instruments (quotas de production, intervention publique...) qui protègent encore un peu des crises de marché... Elle l'a compris et prépare déjà le terrain en annonçant, avec un sens certain de l'humour noir, un "bilan de santé" de la PAC... Le résultat de cette négociation est donc la remise en question de la réforme de 2003, qui devait être le grand atout de l'Europe...

 Ce mauvais résultat pour l'agriculture européenne sera-t-il au moins compensé par des succès dans les aspects non agricoles de la négociation de Doha ? Sur les tarifs industriels, où l'Europe a des intérêts offensifs importants, il ne semble pas, à ce jour, que des résultats substantiels aient été obtenus. Ni le Brésil ni l'Inde ne sont disposés à faire des concessions qui seraient, par le jeu de la clause de la nation la plus favorisée, automatiquement accordées à leur concurrent le plus redoutable, la Chine. Sur les autres sujets, rien ne paraît réellement avancer.

 Cette absence de progrès sur les questions non agricoles a deux conséquences : elle rend impossible, pour l'Europe, tout équilibre dans l'appréciation de Doha ; c'était pourtant un des principes de base retenus au départ. Mais il y a plus grave. Si cet accord se confirme, il démontrera une fois encore que l'Europe a toujours autant de mal à faire valoir ses légitimes intérêts, à peser de son juste poids dans les affaires du monde. Surtout il manifestera que tous les beaux discours sur la nécessité de maîtriser la mondialisation par des règles communes et négociées sur les services, les marchés publics, la propriété intellectuelle, etc., sont pure rhétorique puisque cette régulation ne parvient même pas à s'accomplir à l'OMC. Alors le reste, la régulation sociale ou environnementale, n'y pensons même pas...

 Ces résultats décevants ne sont pas encore acquis, car les Etats-Unis peuvent refuser de conclure sur les bases actuelles. Le Congrès à majorité démocrate peut vouloir conserver les mains libres pour discuter le prochain "Farm Bill" et priver, du même coup, George Bush d'un succès à l'OMC dont le fonctionnement multilatéral n'est pas très à la mode, en ce moment, à Washington... Cependant, s'ils sont rationnels, les dirigeants américains devraient accepter cet accord dans la mesure où ils font très peu de concessions et obtiennent beaucoup de l'Europe. Et, dès que l'acquiescement américain sera connu, au plus tard le 1er juillet, la Commission demandera au Conseil de l'avaliser à son tour, ce qui peut se faire à la majorité qualifiée, qui sera obtenue sans peine. Avec ou sans la France, dont le (la) représentant(e) viendra à peine d'être élu(e) ?

 Le chef de l'Etat français peut-il inaugurer son mandat en acceptant un mauvais accord, si éloigné des engagements de la campagne ? La Commission peut-elle tenter de passer en force en mettant en minorité la France sur une question où ses intérêts nationaux sont en jeu ? Les uns et les autres ont-ils intérêt à ouvrir une crise au moment où ils doivent rechercher des accords sur la question institutionnelle, la relance des politiques communes, l'élargissement ? Récemment, le président Barroso reconnaissait que les Européens ont besoin qu'on leur démontre que l'Europe les protège plus efficacement qu'ils ne le feraient s'ils étaient seuls. Ce n'est pas avec un "accord" du type de celui qu'on évoque qu'on parviendra à persuader les Européens que l'Europe est une absolue nécessité !

 Nous devons alors compter sur l'intelligence politique de la présidence allemande pour désamorcer le piège et prendre le temps de faire ce qu'il faut pour ne pas ajouter une crise à la crise. Mais suggérons aussi aux candidats à la présidence d'envoyer sans tarder les bons messages aux bons endroits ».

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13 avril 2007 5 13 /04 /avril /2007 18:33

 

Le modèle républicain est la meilleure réponse

 Hier matin, après que Jean-Pierre Chevènement en ait pris l'initiative, Ségolène Royal a publié le communiqué suivant sur www.desirsdavenir.org, concernant les attentats intégristes en Algérie et au Maroc.

 « Face aux attentats intégristes, le modèle républicain ».

 « L'horreur des attentats qui, après le Maroc, viennent d'endeuiller l'Algérie suscite en nous un sentiment d'indignation et de solidarité avec le peuple algérien, déjà si cruellement éprouvé par la barbarie intégriste.

Face au terrorisme, il n'y a qu'une seule réponse : une fermeté absolue, inébranlable, bien sûr, une coopération entière des services spécialisés et la vigilance civique, la nôtre, celle de tous les citoyens.

Face au défi du terrorisme intégriste, le barrage est dans le modèle républicain, dans ses valeurs de citoyenneté, de laïcité, de solidarité.

Lui seul est moderne face aux dévoiements du fanatisme, des intégrismes meurtriers, face à la tentation des repliements communautaristes, à la régression de la barbarie.

Oui, il faut l'affirmer : la France est une communauté de citoyens attachés à débattre dans un espace commun indépendamment des origines et à l'écart des dogmes religieux qui prétendraient confisquer l'espace public.

Oui, le modèle républicain est plein d'avenir. Face à un monde déchiré par les ethnicismes, les guerres tribales, l'appel à la guerre entre les civilisations, la France a un grand rôle à tenir : celui du dialogue entre les cultures fondé sur la raison naturelle que tous les hommes ont en commun ».

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13 avril 2007 5 13 /04 /avril /2007 15:02

 

L’Allemagne, l’Europe et la mondialisation

Tous les colloques de la Fondation Res Publica se distinguent par le haut niveau des réflexions présentées par les intervenants. Il suffit d’aller sur le site www.fondation-res-publica.org pour le vérifier. J’étais présent lundi 12 février à 18h à la Maison de la Chimie, 28 rue Saint Dominique 75007 Paris. Le fil conducteur de ce colloque était le suivant :

 « Après quinze mois de grande coalition, quels sont les choix de l'Allemagne ? » 


Comment sont fondées ses performances dans le commerce mondial, et sont-elles pérennes ? Ont-elles un coût social ? Comment conçoit-elle les rapports entre l'insertion dans le marché mondial et l'engagement européen ? Voit-elle son destin comme celui d'une Allemagne mondialisée ou d'une Allemagne européenne ?
Ces questions décisives pour la relation franco-allemande étaient évoquées par des économistes, universitaires et chercheurs lors de ce 23ème colloque de la Fondation Res Publica.

 Les intervenants

 Edouard Husson, maître de conférences à Paris 4, directeur des études de la Fondation, déroulait le fil conducteur du colloque, puis intervenaient successivement : Gilbert Casassus, professeur associé à l'IEP de Paris ; Wolfram Vogel, chercheur à l'Institut franco-allemand de Ludwigsburg ; Stephan Martens, professeur à Bordeaux 3 - Montaigne ; Jean-Luc Gréau, économiste ; Mme Petra Wilke, chercheur à la Fondation Friedrich Ebert Stiftung et, en conclusion, Jean-Pierre Chevènement, président de la Fondation.

 Ensuite, les participants dans la salle étaient invités à s’exprimer.

 J’ai rédigé un compte rendu de l’intervention de Jean-Pierre Chevènement, à partir de mes notes, et l’ai mis en ligne sur ce blog le 14 février dans la catégorie  « CHEVENEMENT ».

 Les actes du colloque ayant été publiées, chacun peut en prendre connaissance sur www.fondation-res-publica.org . Voici des extraits de l’intervention de Jean-Pierre Chevènement.

 Les significations du NON français

 (…) « Les hommes politiques allemands (et quand je parle des « hommes », j'y inclus évidemment les femmes) devraient s'interroger sur le « non » français auquel on peut, sans torturer la réalité, donner deux significations principales :

C'est un « non » social, un certain rejet de l'Europe telle qu'on la voit fonctionner, avec un taux de croissance très faible dans la longue durée et un chômage de masse dans lequel nous sommes installés depuis longtemps Mais ce « non » social n'épuise pas la signification du « non » français.

Il y a aussi un « non » politique : l'idée de constitution effraie, comme effraie, d'une certaine manière, l'élargissement continu qui éloigne de plus en plus de notre pays le centre de gravité de l'Europe. On nous annonce maintenant que la frontière de l'Europe sera, non pas la Mer Noire, mais la Mer Caspienne, nous sommes vraiment très loin de nos centres d'intérêt ! La Turquie nous entraîne au cœur des problèmes du Kurdistan, nous rapproche des problèmes compliqués du Caucase, sans oublier le problème des voies d'acheminement du pétrole et du gaz qui suscite maints conflits auxquels nous ne souhaitons pas forcément être mêlés. Bref, cet élargissement aussi crée un sentiment d'insécurité politique (…).

 Il me semble que l'idée de constitution, selon laquelle on pourrait régler le problème de l'Europe à travers un droit contraignant, n'est ni bonne ni réaliste. Le droit entraîne la contrainte : Qui devra faire appliquer la contrainte si elle devient insupportable ?

Beaucoup de problèmes ont une solution

 Beaucoup de problèmes sont solubles si on rapproche les points de vue : Nous partageons des valeurs communes, c'est une évidence. Peut-être n'avons-nous pas la même définition de la laïcité mais beaucoup de sujets nous rapprochent, même par rapport à d'autres peuples européens.

 Nous partageons non seulement des valeurs sociales mais aussi des intérêts communs puissants et les outils qui doivent nous permettre de les exprimer : la politique commerciale, la politique monétaire, la politique de l'euro.

 Au fond, ce que souhaite une majorité du peuple français, je le crois, c'est que l'Europe serve davantage un objectif de croissance de l'économie, de réduction du chômage, de préservation de notre tissu industriel. Y a-t-il là quelque chose que le peuple allemand ne puisse pas comprendre ?

 Edouard Husson nous disait que la désindustrialisation avait frappé surtout – mais pas exclusivement - les Länder de l'est dans des proportions considérables. Le chômage reste élevé (3,9 millions de chômeurs), la précarité existe : Madame Wilke nous a parlé de ce « troisième tiers » de laissés pour compte.

Pourrons-nous ensemble, à long terme, voire à moyen terme, faire le poids par rapport à la mondialisation telle qu'elle se développe ?

Il est clair que, sur le plan monétaire, l'euro ne joue aucun rôle par rapport au dollar. L'euro représente dans les réserves des banques centrales à peine plus (un ou deux points) que ce que représentaient le Mark et le Franc réunis. De plus, nous n'utilisons pas l'euro comme les Etats-Unis utilisent le dollar : nous sommes prémunis contre la tentation de nous en servir pour régler des dettes en bons du Trésor, puisqu'il n'y a pas de Trésor !

 Nous souhaitons que, comme aux Etats-Unis, la Banque centrale se voie assigner un autre objectif que la lutte contre l'inflation. On nous objecte que cet objectif avait été défini par les Allemands à l'époque du Chancelier Kohl… Mais nous ne sommes plus à l'époque du Chancelier Kohl ! Une « clause de rendez-vous » prévoit qu'on revoie ensemble, régulièrement, le fonctionnement des institutions. Monsieur Trichet et la Banque centrale s'abritent derrière des raisonnements et des concepts compliqués, tel le NAIRU, taux de chômage qui est censé empêcher l'accélération de l'inflation. Il s'agit là d'un raisonnement propre à la Banque centrale européenne qui n'a été inscrit dans aucun traité. Les peuples, leurs représentants élus, les gouvernements responsables devant eux, aimeraient avoir leur mot à dire.

 Il conviendrait que nous discutions du renforcement de l'Euro-groupe, en tout cas du Conseil des ministres et de la capacité de cette autorité politique à définir une politique coordonnée sur le plan budgétaire (mais aussi sur celui de la politique de change), à inscrire un certain nombre d'objectifs fiscaux ou sociaux dans la perspective souple, progressive d'un projet de société commun.
Cette position, me semble-t-il, peut être comprise, en tout cas en dehors des cercles dirigeants, par l'opinion publique, en France comme, je le crois, en Allemagne et dans le reste de l'Europe.

Le problème institutionnel : Il faut que, par une conversation aussi approfondie que possible, nous arrivions à percer cette question de la « substance » : Qu'est-ce que la « substance » du Traité ?

Le défi de la mondialisation

 J'en reviens au défi de la mondialisation : les pays émergents de l'Asie vont avoir durablement des coûts de main d'œuvre très bas. Je ne suis pas sûr – sauf à le démontrer - que la timide amélioration de la situation économique en Allemagne résulte de la politique de compression des coûts salariaux allemands. J'ai un autre raisonnement à l'esprit, d'ailleurs évoqué par Monsieur Gréau, c'est la position éminente de l'industrie allemande dans des créneaux très porteurs comme la machine-outil, l'équipement, la chimie fine, la pharmacie, l'automobile. La croissance très forte en Chine (10%), en Inde (8%), au Brésil (6ù ou 7%), amène ces pays à importer des biens de production et en fait des débouchés intéressants pour les industries européennes, particulièrement allemandes, les mieux placées. Cette spécialisation avantageuse de l'industrie allemande est la vraie raison de l'excédent commercial allemand (…). Voulons-nous faire face au sentiment d'inquiétude sociale, de précarité, qui se développe en Allemagne comme en France ? Ne devons-nous pas davantage penser l'avenir d'une croissance européenne à partir de nos propres besoins et des besoins qui existent dans le monde ?

Les besoins de l’Afrique

 Le monde, ce n'est pas seulement la Chine, qui deviendra bien vite une rivale ; le monde, c'est aussi l'Afrique ; ce sont nos voisins d'Europe de l'Est ; c'est la Russie que nous avons intérêt à arrimer à notre développement, ce qui est souvent mieux compris en Allemagne qu'en France. Il est vrai que l'Allemagne exporte davantage vers les pays de l'Est que la France mais il s'agit là d'un de ces intérêts communs que je cherche à définir.

Nous n'avons pas intérêt au naufrage de l'Afrique, qui nous entraînerait avec elle. Nous devons en outre essayer de penser en termes de co-développement, ce que le sommet européen de Tempere a inscrit dans ses conclusions dès 1999 : il faut du temps pour que cela se traduise en politique.
Un effort considérable de compréhension mutuelle me semble nécessaire. Nous devons hiérarchiser les problèmes et nos priorités - la présidence allemande en a défini plusieurs - à commencer par une politique énergétique (dans les énergies renouvelables mais pas seulement) qui vise à réduire notre dépendance ou à empêcher qu'elle ne s'accroisse encore.

Les questions importantes ne manquent pas
: l'avenir de l'aéronautique, notre défense commune, l'espace : Considérons-nous, au moment où les Américains construisent un bouclier spatial que l'Europe doive essayer de construire le sien, en coopération ou non avec les Etats-Unis et la Russie ? Quelle position prendrons-nous ? Nous abstiendrons-nous, considérant que nous ne jouons pas dans cette catégorie? C'est une question qui mériterait d'être débattue au plus haut niveau.

Quelle est notre ambition pour l'Europe ? Comment voyons-nous la définition de l'intérêt européen à long terme ?

 Là, nous sommes bien obligés de réfléchir par rapport aux Etats-Unis. Monsieur Vogel nous a parlé d'un certain rapprochement avec les Etats-Unis, un grand pays avec lequel nous souhaitons entretenir des relations amicales, mais un pays qui, emporté par le poids de sa propre puissance, peut mener des politiques qui ne répondent pas véritablement à l'intérêt européen : on le voit au Proche et Moyen Orient. Le monde musulman est notre voisin, nous ne pouvons pas accrocher notre char au char américain. Nous ne savons pas ce que les Américains feront demain vis-à-vis de l'Iran : la situation est assez dangereuse. Je suis convaincu que l'opinion publique européenne ne souhaite pas l'escalade de la guerre, ne conçoit aucune sympathie pour le thème de la guerre des civilisations et comprend spontanément la nécessité de créer autour de nous des zones de développement pacifique. Cela pose le problème du Proche Orient, de la dérive de l'Afrique, de la relance du processus euro-méditerranéen, tous problèmes éminemment politiques.

L’Allemagne et la France doivent avoir une perspective commune

 Les lois de l'histoire et de la géographie imposent à nos deux pays une perspective de long terme commune. Nos relations, extrêmement étroites, se sont heureusement développées depuis une cinquantaine d'années. Nous ne devons donc avoir de cesse de rechercher des compromis à partir de nos intérêts bien compris, définis sans aucune espèce d'arrogance ni de prétention, des compromis raisonnables, qui répondent aux aspirations de nos deux peuples.
L'Allemagne et la France sont des démocraties où les élections donnent des résultats souvent imprévus, en tout cas aléatoires. Nul ne peut dire ce qui se passera en France à la prochaine élection présidentielle. Il y aura encore beaucoup d'élections, en France comme en Allemagne ; il faut éviter de jouer un jeu mortel qui nous conduirait à des catastrophes toujours possibles, compte tenu du fait qu'un tiers de la population est en déshérence, un tiers ne sait pas très bien où elle est, un tiers seulement « se sent bien dans ses chaussures ».
Nous devons chercher un compromis sans vouloir imposer des solutions qui ne seraient pas réalistes. L'idée de la Constitution européenne, par exemple, renvoie à l'idée d'une fédération (donc d'un Etat européen). Pensez-vous vraiment que la fédération soit à l'ordre du jour ? Croyez-vous que les Polonais, les Tchèques, les Britanniques – sans parler des Hollandais et des Français qui se sont déjà exprimés - souhaitent aujourd'hui une fédération ? On ne peut pas forcer le rythme de l'Histoire (…) ».

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12 avril 2007 4 12 /04 /avril /2007 16:06

 

Vers une nouvelle révolution agricole et écologique 
Le 5 avril 2007, Le Monde.fr avait organisé des échanges entre Michel Griffon et les internautes. Quand j’ai proposé une nouvelle politique agricole de la gauche pour la France et l’Europe (voir, sur ce blog, les articles placés dans la catégorie Agriculture et PAC, notamment celui du 1er avril dernier), j’ai beaucoup tenu compte des écrits de Michel Griffon, en particulier de son dernier livre (« Nourrir la planète », éditions Odile Jacob, 2006) dans lequel l’auteur « brosse le tableau de la crise alimentaire mondiale qui se dessine et jette les bases de ce que devrait être le développement durable de l’agriculture du futur ». Michel Griffon est ingénieur agronome et économiste. Voici les échanges du 5 04 07 sur www.lemonde.fr 
Michel Griffon: "Il faudrait 2 planètes pour remplir les estomacs, les réservoirs et préserver la biodiversité" 

Xaxou :   La diminution de l'emploi des engrais (polluant en amont comme en aval) et l'utilisation de surface agricole pour les biocarburants (lutte contre l'effet de serre) sont-ils incompatibles avec une production suffisante pour l'aide alimentaire ? Quelles seraient les conséquences à plus long terme ?

 Michel Griffon : Pendant très longtemps le rôle de l'agriculture c'était de produire des aliments. Depuis un peu plus d'un an, on demande massivement à l'agriculture de produire des biocarburants, cela crée ipso facto, une concurrence pour l'espace entre ces 2 productions. Cela va vraisemblablement se traduire par une hausse des prix alimentaires, et une consolidation de prix hauts pour les carburants.

 Mais il serait économiquement absurde de consacrer beaucoup d'énergie à travers l'usage intensif d'engrais pour produire de l'énergie. En effet les engrais sont essentiellement constitués d'énergies. Les engrais azotés sont essentiellement issus du gaz naturel dont les prix vont augmenter; les phosphates sont des roches fossiles et leur mise à disposition dans les exploitations agricoles représente un coût important de transport.

 Daf :  Comment intensifier encore l'agriculture dans les pays du Nord pour ne pas avoir à défricher dans les pays du Sud, sans recourir pour cela à plus de pesticides, d'engrais chimiques, de fuel avec leur corollaire de pollution et de non-sens agronomique ?

 Michel Griffon : La réponse à cette question suppose un raisonnement complexe : il faut en effet faire fonctionner plus intensivement les écosystèmes en renonçant en partie au forçage que représente l'usage intensif d'engrais et de molécules chimiques. Une intensification écologique est possible. Par exemple les sols fonctionnent depuis plus de 2 milliards d'années en créant une fertilité naturelle et les possibilités d'améliorer le rendement des processus biologiques concernés n'ont pas encore fait l'objet de recherche fondamentale.

 Autre exemple ce que l'on appelle la lutte intégrée contre les maladies et ravageurs des plantes cultivées n'en est qu'à ses débuts, et on peut en attendre une réduction importante de l'usage des molécules chimiques. Au total il s'agit là d'une nouvelle révolution agricole baptisée de plusieurs noms : agroécologie, ou écoagriculture ou encore révolution doublement verte et dans certains cas agriculture de conservation.

 sancho :  Dans la perspective d'un changement climatique, les OGM pourraient-ils jouer un rôle utile. Si oui, seraient-ils absolument indispensables ?

 Michel Griffon : Les OGM de résistance à la sécheresse peuvent être bien sûr très utiles. On n'est cependant pas obligés de recourir à la voie OGM pour inventer des plantes résistantes à la sécheresse : les méthodes modernes de sélection peuvent être très rapides. Mais surtout la résistance à la sécheresse peut utiliser beaucoup d'autres méthodes que la simple adaptation des plantes. Il faut en particulier penser à réaménager assez complètement les paysages écologiques afin d'améliorer leur capacité de rétention en eau. En France cela pourrait devenir indispensable si les perspectives du GIEC prévoyant l'établissement d'un climat de type méditerranéen sur une grande partie de la France se réalisaient.

 Christophe : L'agriculture biologique peut-elle nourrir le monde entier ?

 Michel Griffon : Non ! C'est bien dommage. Mais la révolution doublement verte s'inspire largement de l'agriculture biologique au sens où elle entreprend d'intensifier les fonctionnements des écosystèmes. Mais elle ne s'interdit pas de recourir subsidiairement aux technologies actuelles pour pouvoir faire face à l'accroissement très important des besoins alimentaires de la planète.

 denis91 : Comment réformer la Politique agricole commune (PAC) en France pour rendre l'agriculture moins intensive et la préparer au réchauffement climatique ?

 Michel Griffon : L'agriculture française n'est pas prête mais elle a quand même du temps pour s'adapter. L'adaptation va demander beaucoup de travaux de recherche, on peut aujourd'hui penser qu'il y aura migration des espèces sur le territoire, accroissement des surfaces en espèces peu consommatrices d'eau, et comme je l'ai dit antérieurement réaménagement des paysages, notamment des bassins versants pour mieux gérer l'eau. La PAC devrait se révéler dans ce nouveau contexte d'une absolue nécessité ; non pas pour compenser les coûts élevés de production en Europe par rapport aux cours mondiaux - qui devraient d'ailleurs augmenter -, mais plutôt pour financer toutes les transitions qui seront nécessaires pour disposer d'une agriculture adaptée au climat mais restant très productive.

 Le "deuxième piller " de la PAC devrait donc devenir le fondement de la nouvelle politique. Il ne faut pas non plus oublier que le climat pourrait être plus erratique, donc la production plus risquée, ce qui rendra nécessaire l'établissement d'un nouveau système d 'assurance.

 CHEVERRY : Pensez-vous que l'aspiration à une alimentation plus riche en viande et plus diversifiée (légumes...) constitue, pour les populations des pays dont l'alimentation est aujourd'hui principalement constituée de sucres lents (riz, tubercules, maïs, haricots), un droit fondamental ? Ou bien faut-il habituer tous les citoyens du monde, riches ou pauvres, à une alimentation pauvre en viande ?

 Michel Griffon : On sait que quand les revenus augmentent, la consommation de viande s'accroît dans un premier temps, puis éventuellement se limite au profit d'une diversification vers les fruits et légumes. La richesse et la modernité sont donc attachées principalement à la viande. Si le monde entier devait suivre pour cette raison le régime alimentaire nord-américain, il est fort probable que la planète ne suffirait pas à produire une alimentation suffisante. Mais on sait aussi que l'abus de viande provoque des maladies cardiovasculaires, et que l'abus de sucres courts entraîne des diabètes du type 2. Il apparaît donc souhaitable dans chaque tradition alimentaire de limiter tout ce qui est générateur de maladies, donc de limiter la viande, les sucres courts et accroître les sucres lents, les légumes et les fruits dans les rations. Ce scénario à l'échelle de la planète rendrait plus accessible l'objectif d'autosuffisance alimentaire tout en diminuant les dépenses de santé.

 J'ose avec Bové :  Comment imaginer une révolution avec l'OMC, le FMI, la Banque mondiale et les multinationales de l'agroalimentaire ? Quelle démocratie au service d'une l'agriculture saine ? 

 Michel Griffon : Ces institutions existent et sont nécessaires mais il faut faire évoluer leurs politiques : l'OMC ne doit pas aller contre les objectifs de souveraineté alimentaire ; le FMI ne pas sacrifier l'agriculture aux politiques d'ajustement structurel, et la Banque mondiale lutter efficacement contre la pauvreté en réhabilitant la notion de politique agricole.

 C'est d'ailleurs ce qu'elle s'apprête à faire avec le nouveau rapport sur l'agriculture dont la rédaction est en phase finale et qui rompt de façon spectaculaire avec 10 années d'ajustement structurel. Il ne faut donc pas désespérer des institutions internationales. En revanche l'établissement de monopoles dans la grande distribution et la transformation alimentaire réduit fortement le pouvoir de négociation des agriculteurs et leurs revenus. La seule solution est l'organisation des producteurs de façon à rééquilibrer les pouvoirs sur les marchés. L'établissement de droits de propriété intellectuelle étendus dans le domaine de la génétique reste pour le moment sans solution satisfaisante.

michel veillard :  Comment est-ce que l'aval du secteur (Danone, Souflet...) pourrait contribuer à orienter les technologies agricoles et les producteurs vers la vertu (pas d'émissions de gaz à effet de serre) ?

 Michel Griffon : Les industries sont émettrices de gaz à effet de serre et l'agriculture aussi mais elle peut aussi contribuer fortement à une séquestration de carbone. On ne pourra pas se dispenser des efforts de l'agriculture pour réduire l'effet de serre, par exemple en réaccumulant du carbone dans les sols sous forme de matière organique. Cette "vertu" pourra s'acquérir soit par l'application des accords de Kyoto, soit par d'éventuelles certifications des produits issus de l'agriculture et de l'agroalimentaire du type "carbone light".

 Cependant on peut espérer d'autres transformations qui seraient liées à la nécessité d'améliorer la qualité générale des produits : qualité nutritionnelle, hygiénique, gustative, environnementale... pour cela il est indispensable que la qualité soit améliorée à chaque maillon de la filière: les producteurs, les transporteurs, les industriels de la transformation, la grande distribution. Il n'y aura donc de la qualité que si chacun est rémunéré en fonction de ses efforts. En un certain sens la qualité suppose donc une distribution plus équitable des revenus dans les filières. C'est donc le rôle des consommateurs que d'exiger que l'équité soit aussi une des qualités du produit.

 fosco :  Les besoins en énergie agricole de l'Occident et de pays comme la Chine et l'Inde risquent-ils de transformer toutes les terres non habitées de la planète en un vaste champ de maïs transgénique ?

 Michel Griffon : Il faudrait deux planètes pour remplir les estomacs, remplir les réservoirs et préserver l'avenir de la biodiversité. Le danger est donc d'une course à la terre pour produire des biocarburants. Pendant une quinzaine d'années ces biocarburants seront produits à partir de plantes alimentaires comme la canne à sucre, le maïs, le blé ou le colza.

 Cependant on peut espérer sans recourir à la voie OGM identifier des plantes permettant de produire des carburants de 2e génération ; on peut aussi espérer trouver des bactéries capables de mieux transformer la biomasse en énergie. Mais il faut incontestablement cesser de considérer que la biomasse est le nouveau mirage de la course aux énergies. Les plantes ne peuvent pas donner plus que ce que le soleil, le gaz carbonique, l'eau et les nutriments de la terre peuvent eux-mêmes donner et qui sont en quantités limitées.

 Raphaël_Madrid : Quelles ont été les priorités définies par l'Agence nationale de la recherche pour les années à venir en matière de recherche agronomique ?

 Michel Griffon : Les priorités essentielles sont l'agriculture durable fondée sur une intensification écologique et sur des biotechnologies s'inspirant du vivant, l'analyse du génome des plantes animaux et microbes de façon à améliorer leurs performances dans le même esprit, l'innovation dans les procédés des industries agricoles alimentaires de manière à améliorer la qualité et satisfaire les nouvelles exigences environnementales, et enfin la gestion des écosystèmes, en particulier ceux qui sont fortement transformés par les sociétés, afin de préserver et améliorer la biodiversité et de lutter contre leurs dégradations.

 fantasio :  Est-ce un sujet tabou que de se demander, avec les connaissances actuelles, combien la Terre peut nourrir d'êtres humains, tout en préservant l'environnement et en offrant une nourriture de qualité ?

 Michel Griffon : Non ce n'est pas une question taboue mais les réponses peuvent être dangereuses. La démographie mondiale est en voie de stabilisation, on pense que la population mondiale stagnera dès 2050 à 9 milliards. Les dés sont jetés, les politiques démographiques n'y feront plus grand-chose. Il faut donc se préparer à accueillir deux générations sur la planète dans les meilleures conditions qui soient. Mais cela va amener les gouvernements à avoir des politiques raisonnées de l'usage des écosystèmes et des ressources naturelles et la vraie question n'est plus celle du nombre de personnes mais des techniques et des politiques permettant d'y faire face. 

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12 avril 2007 4 12 /04 /avril /2007 14:29

 

L’influence de Jean-Pierre Chevènement

 Le Figaro, après Le Monde, est amené à constater l’évidence : Jean-Pierre Chevènement occupe une place particulièrement importante auprès de Ségolène Royal. Cette réalité ne me surprend pas. Elle est dans le prolongement logique de ce qui s’est passé le 10 décembre dernier (voir photo, placée en chapeau de ce blog).

 Si ce rapprochement a eu lieu, c’est parce qu’il était voulu par les deux anciens ministres du gouvernement de Lionel Jospin. Il faut se souvenir que Ségolène Royal avait été le seul membre du gouvernement à se placer au côté du ministre de l’Intérieur dans sa position à l’égard de la délinquance des jeunes (éducation et sanction).

 Elle a vivement plaidé en faveur d’un accord politique entre le MRC et le PS, parce qu’elle avait besoin de la capacité et de l’expérience de Jean-Pierre Chevènement (pendant la campagne et, ensuite, une fois élue). Elle savait pouvoir compter sur le bagage personnel de l’homme et, au-delà, sur la force de sa ligne politique de rassemblement de la gauche, qui avait été tant utile à François Mitterrand en 1971 et en 1979 aux moments décisifs de la vie du parti socialiste, qui avaient ouvert le pouvoir à la gauche.

 Ce choix stratégique, qui ne se traduit pas encore par de bons sondages (car il trouble une partie de l’électorat de centre-gauche) a permis un premier rassemblement, significatif, de la gauche autour du PS et, surtout, il aura des effets positifs entre les deux tours, car il facilitera le rassemblement populaire autour de la candidate de la gauche, permettant aux républicains sociaux de la rejoindre le 6 mai. Comme le 10 mai 1981 autour de François Mitterrand.

 Voici ce qu’on a pu lire hier sur www.lefigaro.fr sous la plume de Nicolas Barotte et ce commentaire préalable « L’ancien ministre joue un rôle clé dans la campagne »

 « Auprès de la candidate, Chevènement retrouve une nouvelle jeunesse »

 « RÉVÉLATION de la campagne socialiste 2007 ? Jean-Pierre Chevènement ! « Il a explosé, l'homme solide de la campagne, c'est lui », assure un proche de Ségolène Royal. Présent aux meetings (la semaine dernière dans le Var, il était aux côtés du premier secrétaire du PS François Hollande et du président du Parti radical de gauche Jean-Michel Baylet), sur les plateaux de télévision, aux conférences de presse de campagne ou dans les réunions au siège du PS, le président d'honneur du MRC est devenu l'un des hommes clés de la candidate socialiste. À tel point qu'hier, elle a fait appel à lui pour la remplacer au pied levé sur Europe 1. Vendredi, la candidate tiendra un meeting dans son fief de Belfort.

 Alors que tant de socialistes doutent, Jean-Pierre Chevènement est conquis. « Ségolène Royal donne le spectacle d'un calme absolument olympien, a-t-il déclaré hier. Je n'ai jamais vu une femme aussi résistante, aussi constante, manifestant une grande égalité d'hu­meur. Ségolène Royal montre des qualités qui sont des qualités de chef d'État. » Il dit n'avoir pas d'inquiétude sur sa présence au second tour.

 Belle revanche pour l'ancien candidat à la présidentielle, présenté par Lionel Jospin comme l'un des principaux responsables de sa défaite en 2002 (il avait obtenu 5,33 %). Cinq ans plus tard, il fait partie du premier cercle autour de Ségolène Royal. Si Jospin a obtenu que son rival ne figure pas dans « l'équipe du pacte présidentiel », Chevènement n'en a pas pris om­brage : cette équipe ne s'est jamais réunie. « Chevènement fait partie de ceux qui sont écoutés », observe le député européen Vincent Peillon, qui attribue cette qualité à « sa compétence » et « sa grande loyauté » vis-à-vis de Royal.

 Si l'alliance électorale s'est nouée au mois de décembre, les relations entre les deux sont plus anciennes. Au sein du gouvernement Jospin, Royal et Chevènement s'étaient trouvés sur la même longueur d'ondes. Elle avait notamment défendu le ministre de l'Intérieur sur sa ligne de fermeté vis-à-vis de la délinquance. Aujourd'hui, l'an­cien membre fondateur du parti d'Épinay « a beaucoup de tendresse pour elle », assure un proche de Royal qui lui trouve un air de « papy » politique et sympathique. « Ce n'est plus le même personnage ».

 « Le drapeau, c'est lui »

 Dans les discours de Royal qui exaltent « l'ordre », il y a du Chevènement : sur la République, la nation, la défense, aussi. « Le drapeau, c'est lui », commente-t-on au PS. Il a aussi su peser lors du débat sur la place du nucléaire et tempérer la ligne de Ségolène Royal. Mais c'est sur l'Europe et la « révision des statuts » de la Banque centrale européenne que l'influence de l'ancien partisan du non à la Constitution européenne est la plus perceptible. C'est ce qui inquiète certains socialistes proeuropéens : « Dans cette campagne, on voit davantage Chevènement que Delors. »

 « Je crains qu'il ne soit le véritable directeur de campagne », grince un partisan de Lionel Jospin. « Cela peut contribuer » à la fuite des voix du centre gauche vers François Bayrou, estime-t-il. Malgré ces réserves, Jean-Pierre Chevènement, qui est âgé de 67 ans, figure désormais dans la liste des premiers ministres possibles en cas de victoire, même si ce n'est pas l'hy­pothèse la plus probable. « C'est un cas de figure qu'on ne peut écarter », pense un proche de Royal, qui souligne « l'expérience » de l'ancien ministre. « La couleuvre serait difficile à avaler », rétorque un ancien partisan du oui à la Constitution européenne.

 Avant d'envisager un éventuel ministère, Jean-Pierre Chevènement doit d'abord songer à son élection comme député dans le Territoire de Belfort. En 2002, il avait été battu. Cette fois, de meil­leures conditions sont réunies pour qu'il retrouve son siège : dans le volet électoral de l'accord conclu avec Ségolène Royal, le PS a renoncé à présenter un candidat dans sa circonscription. Après cinq ans de purgatoire, Chevènement a bien négocié son retour ».

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