Selon Gaël Giraud, la réforme n’est pas convaincante
Le ministre de l’économie et des finances, Pierre Moscovici, a présenté au Conseil des ministres du 19 décembre 2012 un projet de loi de séparation et de régulation des activités bancaires.
Le projet de loi tire les leçons de la crise financière en séparant les activités des banques pour limiter les risques pour les déposants. En effet la crise a montré les risques très élevés que présentent les opérations que les banques mènent sur les marchés financiers pour leur propre compte et pour leur seul profit, en mettant en risque les dépôts de leurs clients. Le projet de loi prévoit de cantonner ces activités dans une filiale séparée pour protéger la banque en cas de problème. A l’inverse, resteront dans la banque les activités utiles au financement de l’économie, et notamment des entreprises, qui peuvent légitimement s’appuyer sur les dépôts des clients. Le projet traduit ainsi dans les faits l’engagement du Président de la République d’une séparation des « activités des banques qui sont utiles à l’investissement et à l’emploi, de leurs opérations spéculatives ». Le projet de loi répond également au constat que les Etats ont été trop souvent contraints de voler au secours des banques pour sauver les dépôts de leurs clients et éviter la contagion et la matérialisation d’un risque systémique. Une banque prend des risques excessifs, lorsqu’elle se croit à l’abri de la faillite grâce à l’intervention de l’Etat (…).
Voir sur le portail du gouvernement Séparation et régulation des activités bancaires le projet de loi de séparation et de régulation des activités bancaires.
Il est prévu que ce projet de loi soit présenté en séance publique à l’Assemblée nationale les 12, 13 et 14 février 2013.
François Hollande, discours du Bourget il y a un an
Sur le site de L’Expansion, un an après le discours du Bourget du candidat François Hollande, le ton était au persiflage. Le 22 janvier 2012, lors du discours du Bourget, François Hollande déclarait la guerre à la finance, qu'il voulait résolument au service de l'économie. Mais après un an de lobbying acharné, les banques n'ont plus grand-chose à craindre du chef de l'Etat.
Voir Guerre à la finance: le bilan de Hollande, un an après Le Bourget
Un spécialiste de la régulation financière critique sévèrement le projet
Les critiques les plus fortes viennent de Gaël Giraud (CNRS, Ecole d’économie de Paris, REFI Régulation financière), dont l’étude est résumée ainsi : On montre qu'il est nécessaire de scinder les activités bancaires pour au moins 5 motifs distincts, répondant à 5 problèmes majeurs qui affectent aujourd'hui l'activité bancaire et pénalisent l'économie française. On rappelle les différentes manières de scinder déjà envisagées (Volcker, Vickers, Liikanen, Glas Steagall Act), et on les compare au projet de loi actuel. L'examen de celui-ci révèle que, dans son état actuel, il ne résout aucun des 5 problèmes mentionnés, et s'avère même cumuler toutes les faiblesses des projets antérieurs sans hériter d'aucune de leur qualité. La note se termine par l'examen des objections formulées par le secteur bancaire à une scission effective, et conclut qu'aucune de ces objections ne légitime un refus de scinder les activités bancaires.
Voir Réforme bancaire : le ton monte-t-il ? (Arrêt sur images, Anne-Sophie Jacques, 21 janvier 2013)
A quelques jours de la discussion du projet de loi de réforme bancaire devant l’Assemblée, les voix critiques se font plus fortes, et certaines finissent par inquiéter Bercy, assure ce matin, dans sa chronique, le journaliste de France Inter Philippe Lefébure.
Bercy et les banques sont-elles fébriles depuis la diffusion d’un rapport qui assassine la future réforme bancaire ? Philippe Lefébure racontait ce matin l'histoire d'un petit grain de sable appelé Gaël Giraud. Jésuite, économiste, chercheur au CNRS et à l’Ecole d’économie de Paris, il est l’auteur d’une trentaine de pages torpillant le projet de loi de séparation et de régulation des activités bancaires souhaité par le gouvernement. Selon Lefébure, ce rapport, qui circule à l’Assemblée nationale avec un certain succès, mettrait l’accent sur "cinq dangers, parmi les lesquels les conflits d'intérêt, la menace sur les dépôts ou encore l'extension de la garantie de l'Etat, qui font qu'au final, ce sont les contribuables qui assurent les risques pris par les banques". Puis Giraud étudie le projet de réforme et le compare aux modèles étrangers (Volcker, Vickers, Liikanen et Glass-Steagall Act, modèles épluchés par l’éconaute dans cet article).
Verdict : la réforme cumule "toutes les faiblesses des modèles étrangers sans hériter d’aucune de leurs qualités". En effet, pour mémoire, la réforme envisagée exige que les banques créent d’ici juillet 2015 des filiales regroupant les activités de spéculation pour leur propre compte, tout en considérant que pourront rester au sein des établissements des activités spéculatives considérées comme "utiles" à l’économie réelle. Lesquelles ? On n’en sait rien.
Comme nous le racontions ici, les voix ne manquent pas pour juger cette réforme "cosmétique", et celle de Giraud tente de donner le coup de grâce. Histoire de se faire entendre, l’économiste a donc organisé une rencontre ce lundi matin à la Sorbonne autour de la question "le projet de loi de séparation sépare-t-il vraiment ?" A ses côtés, il avait convié Thierry Philipponnat de l’ONG Finance watch (longuement interrogé par l'éconaute), Olivier Berruyer, auteur du site les-crises.fr, et Michel Rocard, grand supporteur d’une séparation claire et nette des banques. Si l’ancien premier ministre ne s’est finalement pas rendu à cette matinée, le ministre de l’économie, Pierre Moscovici a, lui, envoyé son conseiller Thomas Philippon pour soutenir le projet de réforme. De la même façon, la direction du Trésor, mise en cause également par Giraud, a dépêché un représentant, en l’occurrence Hervé de Villeroché. Dans son rapport en effet, Giraud s’étonnait que ladite direction "ait formulé une proposition qui reviendrait, dans beaucoup de cas, à exiger simplement la reconduction du statu quo". En gros : ministère et administration sont tous les deux coupables d’une réforme qui ne réformera rien (…).
Les banques françaises craignent que le Parlement ne veuille attaquer un symbole fort en leur interdisant de travailler avec les fonds alternatifs. La place de Paris est en émoi. Alors que le projet de loi visant à isoler les activités spéculatives des banques, dévoilé en décembre par le ministre des Finances Pierre Moscovici, avait été jugé équilibré par les grands établissements, les voilà de nouveau sur le pied de guerre. BNP Paribas, Société générale et autres Crédit agricole craignent, en effet, que le Parlement, sous l'impulsion de Karine Berger, la députée des Hautes-Alpes, rapporteuse du projet de loi, ne durcisse considérablement le texte.
Karine Berger est dans les starting-blocks. La députée (PS) des Hautes-Alpes a été officiellement nommée, mercredi 23 janvier, rapporteure du projet de loi de séparation et de régulation bancaire, dont l'examen débutera à l'Assemblée nationale le 12 février (Le Monde, 24 janvier 2013).
L’Europe commence à bouger
La BCE accepte de séparer les activités bancaires à risque (Les Echos, 28 janvier 2013)
La BCE « voit un intérêt » à séparer certaines activités de trading très risquées des banques de leurs activités principales mais elle ne va pas jusqu’à apporter son soutien à une scission entre les activités de dépôt et la banque d’investissement (…).
Cet article est le 114ème paru sur ce blog dans la catégorie Travail Economie